Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 I 263



Urteilskopf

134 I 263

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A., B et
consorts contre Commune de Meyrin (recours en matière de droit public)
1C_33/2008 du 20 mai 2008

Regeste

Art. 9 BV; Art. 4 des Genfer Gesetzes über das Wohnungswesen und den
Mieterschutz (LGL); Vorkaufsrecht der Gemeinde; Versprechen der Abtretung eines
Erbanteils. Die Bedingungen der Abtretung sind nicht genügend bestimmt, um die
Ausübung des Vorkaufsrechts der Gemeinde zu gestatten (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 264

BGE 134 I 263 S. 264
Par acte authentique du 22 mars 2007, A. a promis-vendu à B. et consorts sa
part d'indivision (1/5^e ) dans une parcelle située en 3^e zone de
développement, à Meyrin. Les parties s'engageaient à signer l'acte de vente
entre le 1^er août et le 31 décembre 2008 (délai prolongeable), dès l'entrée en
force d'un plan localisé, et dès confirmation, dans ce plan, du prix de vente
de 542 fr. le m^2 pour un coefficient d'utilisation du sol de 1. La promesse de
vente précise que l'Etat de Genève et la Commune de Meyrin disposent d'un droit
de préemption en vertu de la loi générale du 4 décembre 1977 sur le logement et
la protection des locataires (LGL; RSG I 4 05).
Le 24 avril 2007, le Registre foncier du canton de Genève a refusé
l'inscription d'un droit d'emption sur la part indivise de A., au motif que
celle-ci ne constituait pas un immeuble et que le transfert de propriété
n'était pas immédiatement exigible.
Le 22 mai 2007, le Conseil d'Etat a fait savoir qu'il renonçait à exercer son
droit de préemption. En revanche, le 6 juin 2007, le Conseil municipal de la
commune de Meyrin a décidé d'exercer ce droit, au prix de 100 fr. le m^2. Déjà
propriétaire de plusieurs terrains dans le périmètre, la commune souhaitait
réaliser des logements d'utilité publique au sens de la LGL; le prix convenu
entre privés ne permettrait pas de construire de tels logements tout en
respectant la volonté de créer un quartier exemplaire au niveau du
développement durable.
Les promettants-vendeur et acquéreurs ont recouru au Tribunal administratif
genevois, en relevant que l'acte du 22 mars 2007 n'était pas assimilable à une
vente ou une promesse de vente. L'exercice du droit de préemption apparaissait
également disproportionné, car le projet d'acquisition était destiné à la
réalisation de logements répondant aux besoins de la population; le prix de
vente permettait une telle réalisation, et correspondait au prix annoncé par le
Conseil d'Etat pour la zone de développement 3.
Par arrêt du 27 novembre 2007, le Tribunal administratif a rejeté le recours.
Même si le contrat du 22 mars 2007 n'emportait pas transfert de propriété, le
but recherché était l'acquisition d'une partie du bien-fonds. L'exercice du
droit de préemption communal reposait sur une base légale; il poursuivait un
intérêt public à la réalisation de
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logements d'utilité publique tels que projetés par le Conseil d'Etat dans ce
secteur. L'existence d'un projet privé ne l'emportait pas sur la volonté de la
commune de mieux planifier les constructions à venir. La question du prix
proposé par la commune devrait être traitée ultérieurement, lors de la
procédure d'expropriation.
A., B. et consorts forment un recours en matière de droit public et un recours
constitutionnel subsidiaire. Ils demandent l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif et de la décision du 6 juin 2007 de la commune de Meyrin,
subsidiairement le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision.
Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours constitutionnel; il a
admis le recours en matière de droit public et annulé l'arrêt cantonal et la
délibération municipale.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3. Sur le fond, les recourants se plaignent d'une application arbitraire de
l'art. 4 LGL. Selon eux, la promesse de vendre la part d'indivision de A. ne
pouvait être assimilée à une promesse de vente portant sur l'immeuble
proprement dit. Même si, comme le soutient la commune de Meyrin, le but des
parties était d'éluder le droit de préemption communal, il n'existait aucun
contrat dissimulé valable portant sur l'aliénation d'une part déterminée du
bien-fonds. A défaut d'acte d'aliénation, la commune ne pouvait pas exercer son
droit de préemption. Par ailleurs, la confirmation de l'arrêt cantonal
impliquerait le maintien de la délibération communale du 7 juin 2007, laquelle
constate par erreur l'existence d'un droit de propriété de A. sur la parcelle.
Enfin, l'exercice du droit d'expropriation selon l'art. 6 LGL serait
impossible, faute de porter sur un objet déterminé.
La commune de Meyrin relève que la "promesse de vente" constituerait une
promesse de cession de droits successifs au sens de l'art. 635 al. 2 CC,
soumise à la forme écrite et conférant au cessionnaire une créance au transfert
des choses et droits reçus dans le partage. Le cessionnaire pourrait ainsi
directement exiger le transfert de propriété après le partage (art. 665 al. 1
CC), en requérant au besoin celui-ci sur la base de l'art. 604 CC. L'Etat ne
pourrait plus intervenir par la suite pour exercer son droit de préemption. La
construction juridique des intimés aurait donc pour but d'éluder ce droit.

3.1 Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision attaquée
viole gravement une règle ou un principe juridique clair et
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indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la
justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue
par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle est insoutenable ou
en contradiction évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans
motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit
pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il
que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61 et
la jurisprudence citée), ce qu'il appartient aux recourants de démontrer en
vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et la
jurisprudence citée).

3.2 La LGL a pour but de permettre à l'Etat d'encourager la construction de
logements d'utilité publique et d'améliorer la qualité de l'habitat, par le
biais d'acquisitions de terrains, de financements de projets de constructions
et de contrôle des loyers (art. 1 LGL). La loi instaure à cet effet un droit de
préemption et d'expropriation en faveur de l'Etat et des communes (art. 2 LGL).
Ce droit s'applique notamment aux biens-fonds situés en zone de développement
(art. 3 LGL). Selon l'art. 4 LGL, le propriétaire qui aliène ou promet
d'aliéner avec droit d'emption un bien-fonds soumis au droit de préemption de
l'Etat doit en aviser immédiatement le Conseil d'Etat et la commune lors de la
passation de l'acte notarié; le propriétaire et l'acquéreur sont entendus.
Conformément à l'art. 5 LGL, le Conseil d'Etat décide, dans les 60 jours, s'il
renonce à exercer son droit, s'il entend acquérir le bien-fonds aux prix et
conditions fixés dans l'acte, ou s'il offre de l'acquérir aux prix et
conditions fixés par lui; dans ce dernier cas, si l'offre n'est pas acceptée,
il peut recourir à la procédure d'expropriation conformément à l'art. 6 LGL. Si
le Conseil d'Etat renonce à exercer son droit de préemption, la commune dispose
ensuite d'un nouveau délai de 30 jours pour faire valoir les mêmes
prérogatives.

3.3 L'art. 4 LGL ne contient pas de définition précise des actes d'aliénation
soumis au droit de préemption. Selon la jurisprudence du Tribunal
administratif, confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt 1P.767/1991 du 22 avril
1993), le terme d'aliénation recouvre tout transfert volontaire de la propriété
ou d'un droit, opéré intégralement ou partiellement à titre onéreux. Au regard
des buts poursuivis par la loi, le droit de préemption de l'Etat ne doit en
effet pas se limiter aux seuls actes de vente; il s'étend à tous les actes de
réalisation assimilables à la vente (y compris en cas de réalisation forcée -
cf. SJ 2005 I 545), à l'exclusion des aliénations sans contre-prestation
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pécuniaire, telles les donations mixtes (ATF 126 III 187 consid. 2b; arrêt
1P.767/1991 du 22 avril 1993, consid. 2b). Tel est également le sens de l'art.
216c al. 1 CO, selon lequel le droit de préemption légal peut être exercé en
cas de vente ainsi qu'à l'occasion de "tout autre acte juridique équivalant
économiquement à une vente" (ATF 126 III 187 consid. 2b). L'élément déterminant
est la conclusion d'une convention visant au transfert de la propriété de
l'immeuble contre une prestation pécuniaire. Constituent notamment des cas de
préemption, en droit privé, la dation en paiement, les enchères volontaires,
les ventes conditionnelles dont le préempteur accepte les conditions et
l'exercice d'un droit d'emption (STEINAUER, Les droits réels, Berne 2002, tome
2, p. 146 et les exemples cités).

3.4 La promesse de vente du 22 mars 2007 porte non pas sur un immeuble
proprement dit, mais sur les droits indivis de A., pour 1/5^e, sur la parcelle
qu'il détient actuellement en main commune avec les autres membres de l'hoirie
(art. 602 al. 2 CC). La promesse a été passée en forme authentique et avec
l'accord des co-héritiers, mais ces deux formalités n'étaient pas nécessaires
puisqu'il ne s'agissait que d'une cession de droit au sens de l'art. 635 CC -
et non d'une vente immobilière -, qui n'obligeait que le cédant (art. 635 al. 2
CC), raison pour laquelle l'inscription d'un droit d'emption a été refusée par
le Registre foncier. L'acte du 22 mars 2007 n'a donc pas pour but de transférer
immédiatement aux acheteurs la propriété d'une part de l'immeuble. Selon l'art.
4 LGL, le droit de préemption de l'Etat peut aussi s'exercer en cas de promesse
d'aliénation, contrairement à la solution qui prévaut en droit privé (ATF 85 II
572 consid. 4 p. 578); il faut toutefois pour cela qu'un droit d'emption ait
été convenu. Si une clause de ce type existe bien dans la promesse de cession,
l'inscription d'un tel droit a été refusée par le registre foncier, faute de
porter sur un immeuble. Les conditions posées par la loi (aliénation ou
promesse d'aliénation avec octroi d'un droit d'emption) ne sont donc pas
réalisées.

3.5 Pour qu'une promesse de cession puisse, au regard du texte et du but de la
loi, être assimilée sans arbitraire à une aliénation onéreuse, il faudrait à
tout le moins que l'objet, les conditions et le prix de vente ultérieurs en
soient déjà précisés. Tel n'est pas non plus le cas en l'espèce.
La cession de droit successif à un tiers (art. 635 al. 2 CC) confère à ce
dernier un droit personnel à la délivrance des biens reçus par le
BGE 134 I 263 S. 268
cédant dans le partage. Le cessionnaire n'acquiert pas la qualité d'héritier,
et il ne peut pas intervenir directement dans le partage. Le droit d'exiger le
transfert de propriété ne peut donc pas être exercé tant que le partage n'a pas
eu lieu. Dans l'ignorance des expectatives dont dispose le cédant, il n'est pas
possible d'affirmer avec certitude que celui-ci pourrait se voir attribuer, à
l'issue du partage, une partie au moins de l'immeuble concerné par la cession.
La commune de Meyrin relève que le cessionnaire pourrait obtenir l'inscription
au registre foncier par voie judiciaire (art. 665 al. 1 CC); si cela est vrai
pour une cession de droit successif, il n'en va pas de même pour une promesse
de cession, soumise à certaines conditions. Selon les art. 4 et 5 de la
promesse de cession, la signature de "l'acte de vente" est soumise à la
condition que, entre le 1^er août et le 31 décembre 2008 (délai prolongeable),
le plan localisé de quartier soit entré en force et que le prix de 542 fr. le m
^2 soit atteint pour un coefficient d'utilisation de 1. Rien ne permet
d'affirmer à l'heure actuelle que ces conditions - dont la réalisation ne
dépend pas des parties au contrat - seront effectivement remplies dans le délai
prévu. Par ailleurs, il n'est pas non plus exclu que la cession se fasse à un
prix de vente inférieur, puisque le contrat prévoit en son article 10 que le
prix pourra être adapté proportionnellement en cas de densité plus faible fixée
dans le plan localisé de quartier. Ces différents points ne seront réglés que
lors de la signature de l'acte de vente prévu à l'art. 4 de la convention.

3.6 Si les termes de la convention font clairement ressortir la volonté des
cessionnaires d'obtenir à terme une partie des droits de propriété sur la
parcelle en question, les conditions de la cession ne paraissent manifestement
pas suffisamment arrêtées pour permettre l'exercice du droit de préemption de
l'Etat. Dans ces circonstances, il n'est pas soutenable d'assimiler une
promesse de cession à une aliénation au sens de l'art. 4 LGL. Le recours en
matière de droit public doit par conséquent être admis, sans qu'il y ait lieu
d'examiner les griefs relatifs aux art. 26 et 27 Cst. ainsi qu'au principe de
la proportionnalité.