Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 I 172



Urteilskopf

134 I 172

19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Commune de
Montreux et consorts contre Weber et consorts (recours en matière de droit
public)
1C_261/2007 du 5 mars 2008

Regeste

Art. 34 BV; Art. 89 Abs. 3 BGG; Ungültigerklärung einer kommunalen
Volksinitiative. Die Gemeinde hat gestützt auf Art. 89 Abs. 3 BGG kein
Beschwerderecht (E. 1.3). Eine teilweise Ungültigerklärung ist nur möglich,
wenn der gültig verbleibende Teil der Initiative einen Sinn behält, der dem
Willen der Initianten und der Unterzeichner entspricht. Dies trifft im
vorliegenden Fall nicht zu (E. 2).

Sachverhalt ab Seite 173

BGE 134 I 172 S. 173
Le 25 avril 2005, la Commune de Montreux a vendu la propriété "Les Bosquets" au
lieu-dit Fontanivent. D'une surface de plus de 23'000 m^2, le domaine,
fortement arborisé, comprend notamment deux bâtiments d'habitation; il est
situé en zone de faible densité protégée. L'acheteur s'engageait à maintenir la
villa "Les Bosquets", à respecter un plan d'implantation et à protéger les
arbres majeurs répertoriés. Le 5 octobre 2005, sur préavis de la Municipalité,
le Conseil communal de Montreux a autorisé la vente; cette décision n'a pas
fait l'objet d'un référendum.
Le 17 mai 2006, une initiative populaire communale intitulée "Sauver les
Bosquets de Fontanivent" a été déposée. Elle demande que soit soumise aux
électeurs de la Commune de Montreux la question suivante: "acceptez-vous que le
domaine des 'Bosquets de Fontanivent' avec ses arbres et ses bâtiments
existants reste la propriété de la Commune de Montreux et soit ouvert à la
population-". La Municipalité a autorisé la récolte de signatures le 19 mai
suivant, tout en relevant que l'initiative devrait être déclarée sans objet en
raison de l'acte de vente du 25 avril 2005, devenu exécutoire. Le 1^er
septembre 2006, la Municipalité a constaté l'aboutissement de l'initiative,
munie de 2762 signatures valables.
Par décision du 31 janvier 2007, suivant l'avis de la commission chargée
d'examiner l'initiative, le Conseil communal de Montreux a constaté que
celle-ci remplissait les conditions formelles de validité (ch. 1), mais qu'elle
n'avait pas d'objet (ch. 2), qu'elle ne se conformait pas au droit supérieur,
notamment au principe de la bonne foi
BGE 134 I 172 S. 174
(ch. 3), et n'était pas susceptible d'exécution (ch. 4). Elle était donc
invalide (ch. 5), et son dépôt, faute d'effet suspensif, n'avait pas empêché
l'exécution du contrat de vente (ch. 6).
Par arrêt du 6 juillet 2007, la Cour constitutionnelle du canton de Vaud a
admis le recours formé par Franz Weber et huit consorts (soit les promoteurs de
l'initiative) ainsi que par le comité d'initiative. En tant qu'elle portait sur
le maintien du domaine en main de la Commune, l'initiative était inexécutable
car la propriété avait été transférée le 8 novembre 2006. Limitée à l'ouverture
au public et à la protection du site, l'initiative conservait toutefois un sens
correspondant à la volonté des initiants; il n'y avait pas d'obstacle
insurmontable à la réalisation de l'initiative, et il appartenait aux électeurs
de se prononcer sur ses implications financières. L'initiative devait donc être
soumise au peuple dans la formulation suivante "Acceptez-vous que le domaine
des 'Bosquets de Fontanivent' avec ses arbres et ses bâtiments existants soit
ouvert à la population?".
La Commune de Montreux, ainsi que quatre électeurs, forment un recours en
matière de droit public; ils concluent à l'annulation de l'arrêt de la Cour
constitutionnelle et au renvoi de la cause à cette cour afin qu'elle prononce
l'invalidité totale de l'initiative.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et confirmé la décision communale
d'invalidation.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

1.

1.2 La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à
toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al.
3 LTF), même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de
l'acte attaqué (ATF 130 I 290 consid. 1 p. 292; ATF 128 I 190 consid. 1 p. 192;
ATF 121 I 138 consid. 1 p. 139, ATF 121 I 357 consid. 2a p. 360; BELLANGER, Le
recours en matière de droit public, in Les recours au Tribunal fédéral, Genève
2007, p. 133 ss, 152). La qualité pour agir des électeurs de la Commune de
Montreux est donc indiscutable.

1.3 La Commune de Montreux relève qu'elle a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF) et qu'elle aurait un intérêt
digne de protection en sa qualité de venderesse du domaine de Fontanivent,
exposée aux prétentions de l'acheteur qui ne pourrait utiliser le bien-fonds
conformément à ce qui a été prévu.
BGE 134 I 172 S. 175

1.3.1 En matière de droits politiques, la qualité pour agir n'est reconnue aux
collectivités, de droit privé ou de droit public, que dans des cas
particuliers: les personnes morales n'ont en principe pas la qualité pour
recourir, faute d'être titulaires des droits politiques (cf. arrêts 1P.451/2006
du 28 février 2007, consid. 1.4, publié in PJA 2007 p. 902; 1P.89/1988 du 18
décembre 1988, consid. 1 publié in ZBl 90/1989 p. 491; KÄLIN, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2^e éd., Berne 1994, p. 280; AUBERT, Traité de
droit constitutionnel suisse, vol. II, Neuchâtel 1967, p. 600; GRISEL,
Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en
droit suisse, Berne 2004, p. 154-155). La qualité pour recourir est néanmoins
reconnue aux partis politiques et aux organisations à caractère politique
formées en vue d'une action précise - telle que le lancement d'un référendum ou
d'une initiative - pour autant qu'ils soient constitués en personne morale,
qu'ils exercent leur activité dans la collectivité publique concernée par la
votation en cause et qu'ils recrutent principalement leurs membres en fonction
de leur qualité d'électeurs (arrêt 1P.451/2006 précité; ATF 130 I 290 consid.
1.3 p. 292; ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337; ATF 115 Ia 148 consid. 1b p. 153;
ATF 114 Ia 267 consid. 2b p. 270; ATF 111 Ia 115 consid. 1a p. 116 s. et les
arrêts cités).
Les collectivités de droit public ne sont pas non plus titulaires des droits
politiques et n'ont pas qualité pour recourir dans ce domaine (ATF 117 Ia 233
consid. 4a p. 244; ATF 76 I 50; KÄLIN, op. cit., p. 281; KIENER, Die Beschwerde
in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten, in Neue Bundesrechtspflege, Berne
2007, p. 219 ss, 269-270; GRISEL, op. cit., p. 155, qui réserve les cas où le
droit cantonal reconnaît aux communes une large autonomie dans les votations,
ou leur accorde le droit d'initiative ou de référendum).

1.3.2 Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'adoption de la LTF
n'a rien changé à la pratique développée sous l'empire de l'OJ. Selon le
message relatif à la LTF, l'art. 89 al. 3 LTF (soit l'art. 83 al. 2 du projet)
ne fait que reprendre la pratique antérieure en reconnaissant la qualité pour
recourir aux électeurs de la collectivité concernée (FF 2001 p. 4127). Le
message ajoute certes que cette règle serait complémentaire à l'al. 1 de la
même disposition (ce qui expliquerait les expressions "ausserdem" et "inoltre"
dans les versions allemande et italienne), et n'empêcherait donc pas une
personne dépourvue du droit de vote de recourir si elle a un intérêt digne de
protection à l'annulation de la décision. Toutefois, il ressort clairement
BGE 134 I 172 S. 176
de la suite du message que cette précision vise exclusivement l'exemple du
candidat à une élection "lorsque la capacité électorale passive ne dépend pas
du droit de vote". Sur ce point également, la LTF ne déroge pas à la pratique
antérieure puisque le recours prévu à l'art. 85 let. a OJ était également
ouvert pour protéger la capacité civique passive, soit le droit d'éligibilité (
ATF 128 I 34 consid. 1e p. 38; ATF 119 Ia 167 consid. 1d p. 169).

1.3.3 Il en résulte que la qualité pour recourir en matière de droits
politiques est définie de manière spécifique et exhaustive à l'art. 89 al. 3
LTF. Comme auparavant, elle dépend exclusivement de la titularité des droits
politiques (GEROLD STEINMANN, Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, Bâle
2008, n. 71-72 ad art. 89 LTF). Etendre cette qualité à toute personne
disposant d'un intérêt juridique, au sens de l'art. 89 al. 1 LTF (cf. SEILER/
VON WERDT/GÜNGERICH, Bundesgerichtsgesetz, Berne 2007, p. 372; SPÜHLER/DOLGE/
VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz, Zurich 2006, p. 168), reviendrait
à dénaturer la voie de droit particulière prévue à l'art. 82 let. c LTF, dont
l'objet est strictement limité à la sauvegarde des droits politiques (cf.
STEINMANN, op. cit., n. 75 ad art. 82 LTF; KIENER, op. cit., p. 269-270, qui
rappelle la volonté du législateur de maintenir sur ce point la pratique
antérieure; BESSON, Die Beschwerde in Stimmrechtssachen, in Ehrenzeller/
Schweizer [éd.], Die Reorganisation der Bundesrechtspflege - Neuerungen und
Auswirkungen in der Praxis, St-Gall 2006, p. 403 ss, 413-414). Faute d'être
titulaire des droits politiques, la Commune de Montreux n'a pas qualité pour
agir.

1.3.4 Pour le surplus, la Commune renonce expressément à se prévaloir de son
autonomie, en relevant que les communes vaudoises sont autonomes en matière
d'aménagement du territoire et de gestion du patrimoine communal, mais non en
matière d'exercice des droits politiques. Le recours ne contient d'ailleurs pas
de motivation en rapport avec l'autonomie communale (art. 106 al. 2 LTF).
Le recours est par conséquent irrecevable en tant qu'il est formé par la
Commune de Montreux.

2. Les recourants estiment que la Cour constitutionnelle ne pouvait scinder
l'initiative en deux parties, pour ne laisser subsister que celle qui concerne
l'accès du public au domaine. L'objectif principal poursuivi par les initiants
était le maintien de la propriété communale sur le domaine de Fontanivent;
l'accès au public n'en était qu'une conséquence accessoire, et la protection du
site n'est même pas évoquée
BGE 134 I 172 S. 177
dans l'initiative. L'aliénation par la Commune rendait donc l'initiative
invalide dans son ensemble.

2.1 Les recourants ne contestent pas qu'une initiative populaire puisse être
partiellement invalidée. Même si la loi ne la prévoit pas expressément, cette
possibilité découle du principe selon lequel une initiative doit être
interprétée dans le sens le plus favorable aux initiants, selon l'adage "in
dubio pro populo" (arrêt 1P.451/2006 du 28 février 2007, consid. 2.2). Elle
apparaît également comme une concrétisation, en matière de droits populaires,
du principe général de la proportionnalité (rappelé à l'art. 36 al. 3 Cst. en
ce qui concerne les atteintes aux droits fondamentaux) qui veut que
l'intervention étatique porte l'atteinte la plus restreinte possible aux droits
des citoyens, et que les décisions d'invalidation soient autant que possible
limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 132 I
282 consid. 3.1 p. 286 et les arrêts cités; ATF 129 I 381 consid. 4a p. 388).
Ainsi, lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la
partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout
cohérent, qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants et
qu'elle respecte en soi le droit supérieur (ATF 130 I 185 consid. 5 p. 202; ATF
125 I 227 consid. 4a et b p. 231 et la jurisprudence citée). L'invalidité d'une
partie de l'initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut
être amputé sans être dénaturé (ATF 128 I 190 consid. 6 p. 203; ATF 125 I 227
consid. 4 p. 231; ATF 124 I 107 consid. 5b p. 117; ATF 121 I 334 consid. 2a p.
338 et la jurisprudence citée).

2.2 En l'espèce, l'initiative est intitulée "Sauver les bosquets de
Fontanivent". Il est demandé que le domaine "reste la propriété de la Commune
de Montreux et soit ouvert à la population". Il en ressort clairement que la
protection du site et son accessibilité au public étaient présentées comme les
conséquences directes du maintien de la propriété de la Commune, de sorte que
le projet des initiants doit être interprété comme un tout. Dès le moment où le
domaine est passé en mains privées, la protection du site et son accessibilité
au public supposent non plus le maintien d'un statu quo, mais l'adoption de
toute une série de mesures supplémentaires. Il ne saurait certes s'agir, comme
l'estiment les intimés, d'une annulation de la vente, puisque la partie de
l'initiative relative au maintien de la propriété du domaine a été annulée. En
revanche, comme le relève la Cour constitutionnelle, cela imposerait à la
Commune d'assurer la protection du site par le biais de mesures d'aménagement
du territoire, et de garantir au public l'accessibilité du domaine, y compris
ses bâtiments, au moyen de mesures d'expropriation matérielle ou formelle.
BGE 134 I 172 S. 178
Dans tous les cas, il s'agit de mesures qui n'étaient pas visées à l'origine,
et dont les signataires de l'initiative ne pouvaient présumer la nécessité.
L'annulation partielle qui résulte de l'arrêt cantonal n'a ainsi pas pour
conséquence une simple réduction de l'objet de l'initiative (cf. ATF 130 I 185
consid. 5.2 p. 203; cf également l'arrêt 1P.454/ 2006 du 22 mai 2007 concernant
l'initiative populaire genevoise "Pour un financement juste et durable de la
politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse"), mais
une modification notable de celui-ci; elle a pour effet de dénaturer la
démarche d'origine. En dépit des assurances des auteurs de l'initiative, on ne
saurait donc retenir que les personnes qui l'ont signée dans le simple but de
maintenir une situation de fait et de droit déterminée, l'auraient fait
également en sachant que cela impliquait une série de mesures portant atteinte
au droit de propriété du nouvel acquéreur, avec les conséquences financières
qui pourront en résulter pour la collectivité.

2.3 Pour ce motif déjà, l'arrêt cantonal doit être annulé, sans qu'il y ait
lieu de s'interroger sur le respect des compétences communales et du droit
supérieur. L'arrêt attaqué est annulé et la décision du Conseil communal
invalidant l'initiative doit être confirmée. (...)