Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 IV 255



Urteilskopf

134 IV 255

27. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause L. contre
Ministère public du canton du Valais et consorts (recours en matière pénale)
6B_202/2007 du 13 mai 2008

Regeste

Fahrlässige Störung des öffentlichen Verkehrs (Art. 237 Ziff. 2 StGB); Begehung
durch Unterlassen aufgrund der Schaffung einer Gefahr (Art. 11 Abs. 2 lit. d
StGB); Fahrlässigkeit (Art. 12 Abs. 3 StGB); Begriff des öffentlichen Verkehrs;
Kausalität bei Unterlassungen. Tatbestandselemente der fahrlässigen Störung des
öffentlichen Verkehrs (E. 4.1). Auch wenn die Ausübung einer bestimmten
Tätigkeit durch gesetzliche oder von Verwaltungsbehörden oder Verbänden
erlassene Sicherheitsvorschriften geregelt ist, findet das allgemeine Prinzip
weiterhin Anwendung, wonach derjenige, der ein Risiko schafft, dessen
Verwirklichung zu verhindern hat. Daher hat der Beamte, der ein Risiko
geschaffen hat, die angesichts der Umstände notwendigen Vorkehren zu treffen.
Er hat vorhersehbare Schäden auch zu verhindern, wenn ihn die einschlägigen
Vorschriften nicht zum Handeln anhalten (E. 4.2.1 und 4.2.2). Wer nach der
Schaffung einer Gefahr im Sinne von Art. 11 Abs. 2 lit. d StGB passiv bleibt,
begeht dadurch eine Fahrlässigkeit im Sinne von Art. 12 Abs. 3 StGB, sofern
sein Nichthandeln, nicht aus einer Hinnahme der vorhersehbaren Konsequenzen der
vorangehenden Handlung, sondern aus einer Unaufmerksamkeit oder aus einem
vorwerfbaren Mangel an Anstrengung resultiert (E. 4.2.3). Die öffentlichen
Gewässer im Sinne des BSG sind öffentliche Verkehrswege im Sinne von Art. 237
StGB (E. 4.3.1). Kausalität zwischen einer Unterlassung und der Gefährdung von
Verkehrsteilnehmern (E. 4.4).

Sachverhalt ab Seite 257

BGE 134 IV 255 S. 257
Ingénieur de formation, L. travaille au Département des transports, de
l'équipement et de l'environnement du canton du Valais en qualité de chef de
section des routes cantonales et cours d'eau du Bas-Valais. Dans l'exercice de
cette fonction, il a fait réaliser de 1996 à 1998 des travaux de renforcement
du Pont de Dorénaz, qui ont nécessité l'implantation dans le Rhône, entre la
berge et la pile droite de l'ouvrage, un peu en aval, d'une palplanche
métallique destinée à supporter provisoirement les appareils de mesures de
l'Usine électrique de Lavey. Cet obstacle artificiel n'a pas fait l'objet d'une
signalisation, ni de mesures de protection.
Au printemps 1999, des ouvriers spécialisés de l'Usine électrique de Lavey, qui
s'était engagée à enlever elle-même l'obstacle une fois les travaux achevés,
ont essayé de couper la palplanche à ras, au fond du fleuve. Ils ont dû y
renoncer à cause du courant. L. a alors jugé préférable de laisser les choses
en l'état jusqu'à ce qu'une solution propre et définitive soit trouvée. Au
printemps 2001, l'usine électrique a mandaté un plongeur professionnel et
proposé de sectionner la palplanche en utilisant une charge explosive. Ce mode
opératoire a été refusé, vu la trop grande proximité d'un gazoduc et des
fondations du pont. L. a fait extraire la palplanche au moyen d'un vibrofonceur
le 1^er février 2002.
Le 6 juillet 2001, une excursion en radeau du Pont de Branson au Pont de
Dorénaz était organisée pour des adolescents qui participaient à un camp de
vacances international à M. Vers 17h30, un groupe de jeunes gens et de jeunes
filles répartis sur deux radeaux, conduits par les responsables d'une société
organisatrice d'activités sportives, est parti du Pont de Branson alors que le
vent s'était mis à souffler en rafales avec des pointes à 90 km/h et que le
débit du Rhône avait forci, avec un courant de 6,3 km/h environ. Arrivé à
quelque 800 m du Pont de Dorénaz, le conducteur du premier radeau s'est aperçu
que son embarcation était trop à droite. Il a demandé aux adolescents de
pagayer pour la ramener au milieu du fleuve. Les intéressés n'y sont pas
parvenus. Le radeau s'est dirigé vers le pilier droit du pont, qui a pu être
évité de justesse par la droite. A cause des remous et des courants provoqués
par le pilier, le radeau a accéléré. Il a alors heurté violemment la
palplanche. Sous la poussée du courant, il s'est comme enroulé autour d'elle.
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Lors du choc, les occupants du radeau ont été projetés à l'eau. La plupart
d'entre eux a pu regagner la rive à la nage. Mais deux jeunes filles, I. et
A.A., ont été prises dans les cordes d'assemblage du radeau et sont restées
coincées sous l'eau. La première n'a pu être secourue qu'après quelques
minutes, inconsciente et dans un état très grave. Elle souffre encore
aujourd'hui de séquelles neurologiques. La seconde est décédée.
Statuant le 12 octobre 2005, le Juge des districts de Martigny et St-Maurice a
reconnu L. coupable d'homicide par négligence (art. 117 CP), de lésions
corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP) et d'entrave à la
circulation publique par négligence (art. 237 ch. 2 CP), pour n'avoir pas fait
enlever la palplanche une fois les travaux terminés et avoir ainsi
involontairement causé la mort de A.A., infligé des lésions corporelles graves
à I. et mis en danger la vie des autres occupants du radeau accidenté. Il l'a
condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, ainsi
qu'au paiement de dépens aux parties civiles.
Sur appel de L., qui demandait à être acquitté, la Cour pénale II du Tribunal
cantonal du Valais a, par jugement du 20 mars 2007, confirmé la déclaration de
culpabilité. La peine a été réduite à 45 jours-amende de 250 fr. chacun, avec
sursis pendant deux ans.
L. recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier jugement, pour fausse
application des art. 117, 125 al. 2 et 237 ch. 2 CP. Il conclut derechef à son
acquittement.
Il assortit son recours d'une requête d'effet suspensif.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4. Le recourant conteste s'être rendu coupable d'entrave à la circulation
publique par négligence, au sens de l'art. 237 ch. 2 CP.

4.1 Aux termes de l'art. 237 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, intentionnellement,
aura empêché, troublé ou mis en danger la circulation publique, notamment la
circulation sur la voie publique, par eau ou dans les airs, et aura par là
sciemment mis en danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes, sera
puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine
pécuniaire. L'art. 237 ch. 2 CP prévoit qu'encourt également cette peine celui
qui agit par négligence.
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Cette disposition tend à protéger la vie et l'intégrité corporelle des
personnes qui prennent part à la circulation publique (ATF 106 IV 370 consid.
2a p. 371). Par circulation publique, elle vise le déplacement de personnes ou
de biens par n'importe quel moyen, notamment sur n'importe quel type
d'embarcation (cf. MATTHIAS SCHWAIBOLD, Commentaire bâlois, vol. II, 2^e éd.,
Bâle 2007, n. 12 ad art. 237 CP p. 1475), en tout lieu (surface ou espace)
accessible pour cet usage à un cercle indéterminé de personnes, même si les
possibilités d'utilisation de ce lieu sont restreintes de par sa nature ou son
but (ATF 105 IV 41; ATF 102 IV 26 consid. a; ATF 101 IV 173). Le comportement
punissable consiste à empêcher, troubler ou mettre en danger la circulation
publique. Est ainsi visée toute action humaine qui met en danger la vie ou
l'intégrité corporelle des participants à la circulation publique, de sorte que
le comportement punissable est déterminé par ses effets, non par une manière
caractéristique de se comporter (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol.
II, Berne 2002, n. 13 ad art. 237 CP p. 119). D'après la jurisprudence, il
suffit que l'acte ait mis en danger la vie ou l'intégrité corporelle d'une
seule personne; il n'est pas nécessaire que la mise en danger ait un caractère
collectif (ATF 105 IV 41 consid. 3; ATF 100 IV 54 consid. 5; cf. CORBOZ, op.
cit., n. 17-18 ad art. 237 CP p. 119). En revanche, la mise en danger doit être
concrète, c'est-à-dire qu'une lésion doit avoir été sérieusement vraisemblable.
Ainsi, le délit d'entrave à la circulation publique par négligence est réalisé
lorsque trois éléments constitutifs sont réunis: une négligence commise par
l'auteur, la mise en danger concrète de la vie ou de l'intégrité corporelle
d'une personne qui participe à la circulation publique et un lien de causalité
naturelle et adéquate entre la négligence et la mise en danger.

4.2 La cour cantonale a considéré que le recourant a commis l'infraction, non
pas en faisant installer la palplanche, mais en omettant de faire enlever cet
obstacle, au mépris d'une obligation juridique de le supprimer, une fois
terminés les travaux de renforcement du Pont de Dorénaz.

4.2.1 Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi
être commise par omission si l'auteur est resté passif au mépris d'une
obligation juridique qui lui commandait impérieusement d'agir pour éviter le
résultat (cf. art. 11 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas.
Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur
se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien
déterminé contre des
BGE 134 IV 255 S. 260
dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de
risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de
surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le
résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 117 IV 130
consid. 2a p. 132 s.; ATF 113 IV 68 consid. 5b p. 73; GRAVEN/STRÄULI,
L'infraction pénale punissable, Berne 1995, p. 79 s.).
Le recourant conteste avoir occupé une position de garant. Il se réfère en
particulier à l'art. 4 al. 1 let. e de la loi valaisanne du 2 juillet 1982
d'application de la loi fédérale sur la navigation intérieure et de l'accord
franco-suisse concernant la navigation sur le Léman (RS/VS 747.2), qui prescrit
aux services intéressés du Département des travaux publics de faire enlever les
entraves à la navigation sur requête du Département de la police. Il taxe la
cour cantonale d'arbitraire pour avoir considéré que cette disposition légale
l'obligeait à faire enlever la palplanche, alors qu'il n'en avait jamais été
requis par le Département de la police.

4.2.2 Conformément à un principe général de l'ordre juridique, celui qui a
créé, entretenu ou accru un état de choses susceptible de mettre autrui en
danger est tenu de prendre toutes les mesures commandées par les circonstances
pour éviter la survenance d'un dommage ou, le cas échéant, l'aggravation de
l'atteinte déjà causée (ATF 101 IV 28 consid. 2b p. 30/31 et les références;
cf. parmi d'autres: STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil
I, 3e éd., § 14 n. 18 p. 427 s.; MOREILLON, L'infraction par omission, Genève
1993, n. 461 p. 252; GRAVEN/STRÄULI, L'infraction pénale punissable, Berne
1995, p. 83). Sont exigées les mesures propres à prévenir les conséquences
prévisibles de l'abstention, soit les effets que l'on peut attribuer à l'acte
préalable en appliquant la théorie de la causalité adéquate (GRAVEN/STRÄULI,
op. cit., p. 83; STRATENWERTH, op. cit., Allgemeiner Teil I, § 14 n. 19 p.
428). Lorsque la pratique d'une certaine activité est régie par des
prescriptions de sécurité légales ou administratives, ou que des associations
spécialisées ont édicté des règles de sécurité dont la pertinence est
généralement reconnue par les praticiens, le principe général n'en continue pas
moins de s'appliquer. Dès lors, même celui qui a créé le risque en
accomplissant un acte en soi licite et qui s'est conformé, pour ce faire, aux
prescriptions de sécurité légales, administratives ou associatives édictées en
la matière doit prendre les mesures nécessaires au regard des circonstances
pour prévenir les dommages prévisibles que son acte pourrait causer; il ne
saurait exciper des lacunes des prescriptions de sécurité légales,
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administratives ou associatives applicables (MOREILLON, op. cit., n. 471 p.
257; ATF 106 IV 80 consid. 4a et b p. 81 s.).
N'ont pas l'obligation de prendre les précautions visées par le principe ceux
dont l'acte préalable n'a pas créé ou accru de risque, ceux dont l'acte n'a pas
dépassé la limite du risque admissible, ainsi que ceux qui bénéficient d'un
fait justificatif couvrant la lésion potentielle elle-même - par exemple celui
qui blesse et met en danger de mort un agresseur qui en veut à sa vie (cf.
STRATENWERTH, op. cit., Allgemeiner Teil I, § 14 n. 19-22 p. 428 ss; pour une
présentation détaillée de la question en relation avec le droit allemand:
ROXIN, Ingerenz und objektive Zurechnung, in Festschrift für Stefan Trechsel,
Zurich 2002, p. 551-567).
En revanche, l'état de nécessité ne justifiant la mise en danger ou la lésion
d'un bien juridique que dans la mesure où il est impossible de sauvegarder
autrement un bien supérieur, celui qui a créé le risque en accomplissant un
acte justifié par sa nécessité est tenu de prendre toutes les précautions
auxquelles il n'est pas nécessaire de renoncer pour sauver le bien supérieur.
S'il a été momentanément nécessaire de renoncer à certaines mesures de
sécurité, celles-ci doivent être prises dès que possible (cf., en droit
allemand, ROXIN, op. cit., n. 6 et 7 p. 565 ss). Celui qui n'agit pas dans une
telle situation encourt le même reproche que s'il lésait ou mettait en danger
par action le bien qu'il a le devoir de protéger.
Dans le cas présent, la cour cantonale a constaté que la navigation à droite du
pilier droit du Pont de Dorénaz est, de fait, possible en période de hautes
eaux. Selon l'expérience générale de la vie et le cours ordinaire des choses,
l'implantation d'une palplanche dans les eaux accessibles d'un fleuve est de
nature à provoquer une collision avec une embarcation que le courant pourrait
entraîner vers cet obstacle. Partant, le recourant a, en faisant installer la
palplanche, créé un danger reconnaissable pour la vie et l'intégrité corporelle
des personnes naviguant sur le Rhône. Même si l'installation de cet objet était
nécessaire à la réalisation des travaux - et, par là-même, justifiée - le
recourant devait prendre des mesures positives pour que le risque d'accident
qu'il avait ainsi créé ne se réalise pas - soit, en particulier, faire retirer
l'objet dangereux une fois les travaux terminés. Il s'ensuit que, même en
l'absence d'une requête du Département de la police, le recourant était tenu
depuis la fin des travaux en 1998, en qualité de garant, de faire enlever la
palplanche. Il répond de sa passivité comme s'il avait fait poser cet obstacle
dans le Rhône sans justification.
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4.2.3 La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se
rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions
commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3
CP). Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence.
En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence,
c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui
interdit tout comportement quelconque mettant en danger les biens d'autrui
pénalement protégés contre les atteintes involontaires (cf. STRATENWERTH, op.
cit., Allgemeiner Teil I, § 16 n. 16 p. 456). Un comportement dépassant les
limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au
moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de
ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 121 IV 10
consid. 3 p. 14). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut
donc se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les
mêmes aptitudes que l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le
déroulement des événements - question qui s'examine suivant la théorie de la
causalité adéquate si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre
plus - et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la
survenance du résultat dommageable (ATF 127 IV 34 consid. 2a p. 39; ATF 126 IV
13 consid. 7a/bb p. 17). Lorsque des prescriptions légales ou administratives
ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles
analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur
violation fait présumer la violation du devoir général de prudence (GRAVEN/
STRÄULI, op. cit., p. 222 s.). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il
faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on
puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une
inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19/20,
ATF 122 IV 145 consid. 2b/aa p. 148).
Le principe général de l'ordre juridique qui prescrit à l'auteur d'un acte
dangereux (créateur d'un risque) de prévenir activement la survenance du
dommage prévisible est l'une des implications du devoir général de diligence
qui commande de se comporter de manière à ne pas mettre en danger les biens
d'autrui, devoir qui se trouve à la base des règles de la prudence. Dès lors,
celui qui reste passif après avoir créé un risque au sens de l'art. 11 al. 2
let. d CP viole par là même les devoirs de la prudence. Il commet par
conséquent une négligence, au sens de l'art. 12 al. 3 CP, si son inaction
résulte, non d'une
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acceptation des conséquences prévisibles de l'acte préalable, mais d'une
inattention ou d'un manque d'effort blâmable.
En l'espèce, la cour cantonale n'a pas constaté - et le recourant ne prétend du
reste pas - que l'utilisation d'un vibrofonceur aurait posé des difficultés
techniques telles qu'elle n'aurait pas pu être raisonnablement exigée avant le
6 juillet 2001, ni que le coût de l'opération (6'000 fr.) aurait dépassé les
compétences budgétaires du recourant. Par ailleurs, le recourant pouvait se
rendre compte qu'un jour, des embarcations pourraient naviguer à proximité de
la palplanche et être mises en danger par celle-ci. Il suit de là que
l'inaction du recourant avant le 6 juillet 2001 est non seulement contraire à
un devoir d'agir pour prévenir la réalisation de risques, mais encore qu'elle
est fautive. Partant, elle constitue une négligence au sens de l'art. 12 al. 3
CP.
Le premier élément du délit d'entrave à la circulation publique par négligence
est donc réalisé.

4.3 Le recourant conteste que le maintien de la palplanche dans le Rhône après
la fin des travaux ait mis en danger la circulation publique au sens de l'art.
237 CP.

4.3.1 En premier lieu, il fait valoir que, tant au moment où la palplanche a
été installée qu'à celui de l'accident, le Rhône n'était pas assez fréquenté à
la hauteur du Pont de Dorénaz pour constituer une voie de circulation publique.
Cet argument tombe à faux. Est une voie ou un lieu de circulation publique au
sens de l'art. 237 CP toute surface ou espace que son ayant droit ou la loi
ouvre pour cet usage à un cercle indéterminé de personnes (cf. supra consid.
4.1; ATF 105 IV 41; ATF 102 IV 26 consid. a; ATF 101 IV 173). Elément du
domaine public naturel (art. 664 al. 2 et 3 CC et art. 163 al. 1 de la loi
valaisanne du 24 mars 1998 d'application du code civil suisse [LACCS; RS/VS
211.1]), le Rhône constitue - comme toute voie d'eau affectée à l'usage commun
(cf. ANDREAS FLÜCKIGER, Gemeingebrauch an oberirdischen öffentlichen Gewässern,
insbesondere die Schifffahrt auf Schweizer Gewässern, thèse Bâle 1986, p. 48) -
une voie d'eau publique au sens de la loi fédérale du 3 octobre 1975 sur la
navigation intérieure (LNI; RS 747.201). En vertu des art. 2 al. 1 et 3 al. 2
LNI, la navigation sur les voies d'eau publiques est libre, sous réserve des
interdictions et restrictions que les cantons peuvent édicter dans l'intérêt
public ou pour la protection de droits importants. La cour cantonale a constaté
que la législation valaisanne n'interdisait pas la navigation non motorisée sur
le Rhône entre le Pont de Branson et celui de Dorénaz. Cette portion du fleuve
BGE 134 IV 255 S. 264
est dès lors ouverte à tout un chacun pour la navigation non motorisée. Aussi
constitue-t-elle, pour ce mode de déplacement, une voie de circulation publique
au sens de l'art. 237 CP, indépendamment de sa fréquentation (cf. ATF 88 IV 1,
implicitement).

4.3.2 Ensuite, le recourant soutient que, si elle a bien mis en danger
l'intégrité corporelle et la vie des occupants du radeau accidenté le 6 juillet
2001, la palplanche n'aurait en revanche jamais créé de danger général pour la
circulation. Se fondant sur l'avis de DIETER VON RECHENBERG (Die allgemeine
Gefährlichkeit als Vorraussetzung für die Anwendung von Art. 237 Ziff. 2 StGB,
in RSJ 47/1951 p. 108 ss), il en conclut que l'art. 237 CP ne pourrait lui être
appliqué.
Outre que la jurisprudence n'exige pas, pour retenir le délit d'entrave à la
circulation publique au sens de l'art. 237 CP, que l'acte reproché à l'auteur
ait mis en danger un nombre indéterminé de personnes - la mise en danger
concrète de la vie ou de l'intégrité corporelle d'une seule personne étant
suffisante (cf. supra, consid. 4.1; ATF 105 IV 41 consid. 3; ATF 100 IV 54
consid. 5; cf. CORBOZ, op. cit., n. 17-18 ad art. 237 CP p. 119; STRATENWERTH,
op. cit., Besonderer Teil II, § 32 n. 9 p. 76 s.) - l'opinion contraire de VON
RECHENBERG - selon laquelle l'entrave doit non seulement avoir mis en danger
concrètement une personne mais encore avoir créé la possibilité d'un danger
(mise en danger abstraite) pour un nombre indéterminé de personnes participant
à la circulation(op. cit., p. 109 i.f.) - n'est d'aucune utilité au recourant.
En effet, l'implantation puis le maintien durable de la palplanche dans une
zone accessible en période de hautes eaux étaient propres à mettre en
difficulté toute embarcation que le courant pourrait entraîner vers cet
obstacle et, partant, à mettre en danger toute personne naviguant sur le Rhône.
La palplanche n'a dès lors pas seulement mis concrètement en danger la vie de
tous les occupants du radeau accidenté le 6 juillet 2001; elle a encore créé un
risque pour l'intégrité corporelle et la vie d'un nombre indéterminé de
personnes participant à la circulation publique. C'est du reste pour cette
raison que le recourant avait l'obligation de la faire enlever. Même au regard
de l'interprétation du texte légal défendue par VON RECHENBERG, le danger
constitué par la palplanche entre dès lors bien dans les prévisions de l'art.
237 CP.
Le deuxième élément du délit d'entrave à la circulation publique par négligence
est ainsi également réalisé.

4.4

4.4.1 Dans le cas d'un délit d'omission improprement dit, la question de la
causalité ne se présente pas de la même manière que si
BGE 134 IV 255 S. 265
l'infraction de résultat était réalisée par commission; il faut procéder par
hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du
résultat qui s'est produit; pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé,
il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la
causalité adéquate (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133).
En l'espèce, si le recourant avait fait enlever la palplanche avant le 6
juillet 2001, rien n'aurait empêché le conducteur du radeau, après avoir passé
le pilier droit du Pont de Dorénaz, de regagner le milieu du fleuve ou, alors,
de s'arrêter sur la berge droite - avec des risques de dommages corporels aux
jambes moins graves que ceux que les occupants ont effectivement courus en
étant précipités à l'eau par le choc - ou encore, en dernier recours, de
demander aux occupants de sauter à l'eau - ce qui aurait permis un minimum de
préparation avant cette manoeuvre et, partant, d'en réduire quelque peu les
risques. En s'abstenant de faire enlever la palplanche avant cette date, le
recourant a donc aggravé sensiblement la mise en danger de la vie et de
l'intégrité corporelle des occupants du radeau accidenté le 6 juillet 2001. Sa
négligence doit ainsi être tenue pour l'une des causes naturelles des dangers
courus par ceux-ci.

4.4.2 Le recourant soutient que, si on lui imputait à faute d'avoir tardé à
faire enlever la palplanche, le lien de causalité adéquate existant entre son
comportement et la mise en danger des occupants du radeau accidenté serait
alors interrompu par les fautes prépondérantes commises par les organisateurs
de l'excursion.
Un acte qui est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable en est
aussi une cause adéquate s'il était propre, d'après le cours ordinaire des
choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de
celui qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit que la cour de
céans revoit librement (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23; ATF 121 IV 207
consid. 2a p. 212 s.). Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate,
l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause
concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement de la victime
ou celui d'un tiers - propre au cas d'espèce constitue une circonstance tout à
fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y
attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas
en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte
ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus
BGE 134 IV 255 S. 266
probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à
l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci,
notamment le comportement de l'auteur (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; ATF
131 IV 145 consid. 5.2 p. 148 et les arrêts cités).
Le maintien d'une palplanche dans des eaux navigables est de nature à provoquer
un accident. La négligence du recourant est dès lors bien l'une des causes
adéquates de la mise en danger de la vie et de l'intégrité corporelle des
occupants du radeau accidenté le 6 juillet 2001. En outre, il n'est pas rare
que les usagers du domaine public naturel, sur les eaux navigables comme en
montagne, évaluent mal les risques liés à la météo. Il n'est pas rare non plus
que ceux qui conduisent des embarcations en eaux vives en perdent la maîtrise.
Dès lors, quelle qu'en soit la gravité, les négligences commises par les deux
organisateurs, en n'annulant pas l'excursion, et par le conducteur du radeau
accidenté, en n'anticipant pas assez son déplacement vers le milieu du fleuve,
n'étaient de toute façon pas extraordinaires au point de sortir du cadre des
événements auxquels le recourant devait s'attendre. La première condition
cumulative de l'interruption du lien de causalité adéquate n'est ainsi pas
remplie. Aussi les éléments constitutifs du délit d'entrave à la circulation
publique par négligence (art. 237 ch. 2 CP) sont-ils tous réunis.