Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 II 25



Urteilskopf

134 II 25

3. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre
Service de la population (recours en matière de droit public)
2C_223/2007 du 18 octobre 2007

Regeste

Anwendbarkeit des Freizügigkeitsabkommens; öffentliche Ordnung; Anspruch auf
Familiennachzug (Art. 8 EMRK); EU-Bürger, der in seiner Heimat wegen
Steuerdelikten gesucht wird. Im Ausland begangene Steuerdelikte können
Massnahmen aus Gründen der öffentlichen Ordnung im Sinne von Art. 5 Anhang I
FZA rechtfertigen, auch wenn die Schweiz selber für derartige Vergehen vorab
Geldstrafen vorsieht, denen - mehr als in anderen Staaten - administrativer
Charakter zukommt (E. 4.3.1). Frage offengelassen, ob im konkreten Fall eine
gegenwärtige Gefährdung der öffentlichen Ordnung vorliegt (E. 4.3.2).
Hinsichtlich der Einreise in den Gaststaat vermag sich nur auf die
Personenfreizügigkeit zu berufen, wer frei aus seinem Herkunftsstaat ausreisen
kann (vgl. Art. 1 Abs. 1 Anhang I FZA). Bei einer Person, die von ihrem
Heimatstaat mit internationalem Haftbefehl gesucht wird, ist diese
Voraussetzung nicht erfüllt; das Freizügigkeitsabkommen findet auf sie keine
Anwendung (E. 5). In einem solchen Fall ergibt sich auch aus Art. 8 EMRK kein
Anspruch auf Familiennachzug (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 26

BGE 134 II 25 S. 26
BGE 134 II 25 S. 27
Le 3 septembre 2005, X., ressortissant britannique né en 1953, a tenté d'entrer
en Suisse au moyen de faux papiers. Après enquête, il est apparu qu'il avait
été condamné par la justice de son pays à une peine de neuf ans
d'emprisonnement pour une affaire de fraude fiscale, qu'il s'était évadé de son
lieu de détention et qu'il était recherché par Interpol à la demande des
autorités britanniques. Par ordonnance pénale du 24 avril 2006, le Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a condamné X. à une amende de
1'200 fr. assortie d'un délai d'épreuve et de radiation d'un an "pour avoir
sciemment utilisé de faux papiers de légitimation dans le domaine de la police
des étrangers"; le juge a estimé que l'infraction était de peu de gravité et
qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des antécédents judiciaires de
l'intéressé en Grande-Bretagne, du moment que l'Office fédéral de la justice
n'avait pas donné suite à la demande d'extradition présentée par ce pays.
Entre-temps, X. s'est installé dans le canton de Vaud avec son épouse Y., née
en 1958, et leur fille Z., née en 1991, qui ont chacune obtenu une autorisation
de séjour CE/AELE, la première au titre de personne sans activité lucrative
(dès le 14 novembre 2005), la seconde au bénéfice d'un statut d'étudiante (dès
le 9 septembre 2005). Le 5 janvier 2006, X. a requis pour lui-même l'octroi
d'une autorisation de séjour CE/AELE pour personne sans activité lucrative
(rentier) ainsi qu'au titre du regroupement familial; il a précisé qu'il
disposait avec son épouse d'une fortune et de revenus confortables - cette
dernière avait acquis, le 22 décembre 2005, une maison d'une valeur de
4'200'000 fr. à Montreux - ainsi que d'une assurance-maladie couvrant tous les
risques.
Par décision du 19 juillet 2006, le Service cantonal de la population du canton
de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a refusé de délivrer à X.
l'autorisation de séjour sollicitée en considération de ses antécédents
judiciaires en Grande-Bretagne et en Suisse.
Saisi d'un recours de X. formé contre la décision précitée du Service cantonal,
le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
administratif) l'a rejeté, par arrêt du 12 avril 2007. En bref, les juges ont
retenu que, même si l'Office fédéral de la justice n'avait pas donné suite à la
demande d'extradition britannique, en raison semble-t-il de la nature fiscale
des infractions reprochées, celles-ci apparaissaient néanmoins particulièrement
graves et ne permettaient pas d'exclure "tout risque de récidive" de la part de
l'intéressé; aussi bien se justifiait-il, selon le Tribunal administratif, de
refuser l'autorisation de séjour sollicitée, en raison de l'existence d'un
motif d'ordre public au sens de l'art. 5 annexe I de l'Accord du 21 juin 1999
entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses
Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS
0.142.112.681 [ci-après: Accord sur la libre circulation des personnes ou
Accord]).
BGE 134 II 25 S. 28
X. forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité du
Tribunal administratif. Il conclut à l'annulation de ce prononcé et à l'octroi
d'une autorisation de séjour. Il se plaint notamment d'application erronée de
l'Accord sur la libre circulation des personnes et d'atteinte au droit au
respect de la vie familiale garanti à l'art. 8 CEDH.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4.

4.1 Selon les constatations du Tribunal administratif, le recourant a été
condamné par la justice britannique à une peine de neuf ans de prison pour
s'être rendu coupable d'une soustraction fiscale en matière de taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) portant sur un montant d'environ 38 millions de livres
sterling (soit plus de 90 millions de francs suisses). Il ne s'agit pas, selon
les premiers juges, d'un simple cas d'évasion fiscale, mais d'une véritable
fraude fiscale: le forfait a été commis en bande (par association de
malfaiteurs) et l'intéressé a eu recours à des sociétés basées au Royaume-Uni,
en Irlande et en Espagne; en outre, il aurait reconnu deux actes tombant sous
le coup de la législation britannique en matière de lutte contre le blanchiment
d'argent. L'arrêt attaqué retient ensuite que le recourant s'est évadé de son
lieu de détention le 23 février 2005 et qu'il s'est réfugié en Espagne. C'est
apparemment pour échapper au mandat d'arrêt international délivré à son
encontre par la Grande-Bretagne qu'il a, selon les premiers juges, décidé de
fuir l'Espagne pour tenter d'entrer en Suisse le 3 septembre 2005 sous une
fausse identité, "commettant ainsi un délit pénal dès son entrée sur le
territoire suisse". Le Tribunal administratif déduit des faits ainsi constatés
que le recourant constitue une menace réelle et actuelle pour l'ordre public au
sens de l'art. 5 annexe I ALCP: les infractions qu'il a commises dans son pays
sont graves et ont du reste été lourdement sanctionnées; par ailleurs, le
risque qu'il "s'adonne à d'autres activités délictueuses n'est pas totalement
exclu" au vu notamment de son comportement depuis sa condamnation (évasion,
fuite en Espagne, acquisition et utilisation de faux papiers).

4.2
BGE 134 II 25 S. 29
(Le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés souverainement par
l'autorité cantonale.)

4.3

4.3.1 Sur le fond, le recourant estime que les actes pour lesquels il a été
condamné en Grande-Bretagne et en Suisse ne présentent pas un degré de gravité
suffisant pour justifier des mesures d'ordre public au sens de l'art. 5 annexe
I ALCP. Il en veut notamment pour preuve le fait que les autorités suisses
n'ont pas donné suite à la demande d'extradition le concernant présentée par
les autorités britanniques.
En l'espèce, on ignore le détail des infractions commises par le recourant en
Grande-Bretagne. Peu importe toutefois, car il suffit de constater que, selon
les faits retenus par le Tribunal administratif, l'intéressé a soustrait au
fisc de son pays de très importantes sommes dues au titre de la TVA. Or, même
si les peines prévues à cet effet sont principalement d'ordre pécuniaire et ont
un caractère administratif plus marqué que dans d'autres Etats (cf. art. 85 ss
de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée
[loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20]), les faits pour lesquels le recourant a été
condamné dans son pays font également l'objet de "mesures répressives" en
Suisse au sens de la jurisprudence rendue par la Cour de justice des
Communautés européennes (CJCE) à propos de la directive 64/221/CEE à laquelle
il est fait référence à l'art. 5 par. 2 annexe I ALCP (cf. arrêt de la CJCE du
18 mai 1982, Adoui et Cornuaille, C-115 et 116/81, Rec. 1982, p. II-1665, point
8). En conséquence, les antécédents pénaux de l'intéressé en Grande-Bretagne
sont susceptibles de justifier des mesures d'ordre public fondées sur l'art. 5
annexe I ALCP (cf. ATF 130 II 493 consid. 3.2 p. 489, ATF 130 II 176 consid.
3.4.1 p. 182 s. et les arrêts cités de la CJCE), sans préjudice des motifs -
qui tiennent apparemment à la nature fiscale des actes incriminés - pour
lesquels l'autorité suisse compétente a refusé de faire droit à la demande
d'extradition britannique.

4.3.2 Le recourant soutient que ses antécédents ne permettent cependant pas de
conclure à l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public suisse. Il
souligne qu'à l'exception de sa condamnation à une amende de 1'200 fr. pour une
infraction mineure à la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), son comportement est exempt de
toute critique depuis qu'il vit en Suisse.
En l'espèce, certains éléments ressortant de l'arrêt attaqué suggèrent que les
délits fiscaux commis par le recourant en Grande-Bretagne
BGE 134 II 25 S. 30
sont particulièrement graves (importance des montants soustraits au fisc;
commission des infractions en bande; apparente utilisation de sociétés écrans à
l'étranger; évocation d'actes de blanchiment; etc.). Par ailleurs, quoi qu'en
dise le recourant, on ne saurait non plus sous-estimer la gravité des faits qui
lui sont reprochés en Suisse. L'utilisation de faux papiers atteste en effet
que l'intéressé reste prêt, comme dans le passé, à tromper la confiance des
autorités, cas échéant pour commettre des infractions. Au vu de ses
antécédents, on peut notamment redouter qu'il ne cherche à tirer profit de sa
présence en Suisse pour se livrer à des activités criminelles en matières
économique et financière, par exemple pour blanchir de l'argent.
Pour autant, il ne s'agit là que de suppositions que les faits constatés dans
l'arrêt attaqué ne permettent pas d'étayer à suffisance de droit. L'existence
d'une menace actuelle pour l'ordre public ne se laisse en effet pas déduire,
contrairement à l'opinion des premiers juges, du simple constat que tout risque
de récidive (entendu dans le sens large de commission d'une infraction) ne peut
pas être écarté dans un cas particulier. Ce serait aller trop loin que de poser
une telle exigence. En réalité, c'est en fonction de l'ensemble des
circonstances du cas que doit s'apprécier un risque de récidive, à commencer
par la nature et l'importance du bien juridique menacé ainsi que par la gravité
de l'atteinte potentielle qui pourrait y être portée (cf. ATF 130 II 493
consid. 3.3 p. 499 s., ATF 130 II 176 consid. 4.3.1 p. 185/186 et les
références citées, en particulier à l'arrêt de la CJCE du 27 octobre 1977,
Bouchereau, C-30/77, Rec. 1977, p. II-1999, points 27 ss). Or, l'arrêt attaqué
ne contient aucune constatation à cet égard. La question peut néanmoins rester
indécise, car le recours est de toute façon mal fondé pour un autre motif.

5. Comme l'a constaté le Tribunal administratif, le but du séjour en Suisse du
recourant vise essentiellement - sinon exclusivement - à lui permettre
d'échapper à la longue peine privative de liberté à laquelle il a été condamné
en Grande-Bretagne (neuf années de prison et quatre années supplémentaires s'il
ne respecte pas une convention de remboursement passée avec l'Etat
britannique). C'est d'ailleurs, selon toute vraisemblance et comme l'ont retenu
les premiers juges, par crainte d'être extradé vers son pays après la diffusion
du mandat d'arrêt international délivré par Interpol que l'intéressé n'est pas
resté en Espagne mais a préféré gagner la Suisse. Par rapport à d'autres
destinations où la libre circulation s'exerce également, il a donc choisi notre
pays à seule fin de faire échec à son extradition.
BGE 134 II 25 S. 31
Autrement dit, le recourant n'est pas venu en Suisse, à proprement parler, pour
exercer son droit à la libre circulation, mais pour échapper à la justice
britannique. Or, pareille hypothèse n'est pas visée et protégée par l'Accord
sur la libre circulation des personnes: la liberté de circuler présuppose en
effet que celui qui s'en prévaut ne soit pas seulement autorisé à entrer
librement dans le pays d'accueil, mais aussi qu'il puisse librement quitter le
pays d'origine. Du reste, l'exercice du plus simple et du plus élémentaire des
droits liés à la libre circulation, soit celui d'entrer sur le territoire d'une
partie contractante ou d'en sortir, exige "la présentation d'une carte
d'identité ou d'un passeport en cours de validité" (cf. art. 1 par. 1 annexe I
ALCP), soit d'un document qui ne peut être établi que par l'Etat d'origine. Par
ailleurs, comme il l'exprime dans son préambule, l'Accord repose sur
l'affirmation que "la liberté des personnes de circuler sur les territoires des
parties contractantes constitue un élément important pour le développement
harmonieux de leurs relations". Or, un tel esprit de concorde et de coopération
serait mis à mal si une partie contractante était amenée à délivrer une
autorisation de séjour au ressortissant d'une autre partie contractante
recherché par la justice de cet Etat.
Dans ces conditions, le recourant ne peut pas se prévaloir des droits garantis
par l'Accord sur la libre circulation. Il est du reste plus que douteux qu'il
puisse obtenir, le moment venu, le renouvellement de son passeport britannique
qui viendra à échéance le 29 décembre 2008, du moins s'il expose alors
correctement sa situation aux autorités consulaires britanniques. Cette
interprétation de l'Accord n'entre pas en contradiction avec la politique
suivie par la Suisse en matière d'extradition: il y a en effet une différence
notable entre le fait d'arrêter et de livrer une personne à son pays d'origine
et le fait de lui refuser une autorisation de séjour et de l'inviter à quitter
la Suisse. Dans le cas particulier, le refus de permis de séjour opposé au
recourant sera assorti d'un nouveau délai de départ et l'intéressé aura tout
loisir de quitter volontairement la Suisse pour une destination de son choix.

6. Enfin, le recourant ne peut tirer avantage du droit au respect de la vie
familiale garanti à l'art. 8 CEDH. En effet, selon une jurisprudence constante
de la Cour européenne des droits de l'homme, ce n'est que dans des
circonstances exceptionnelles que cette disposition conventionnelle peut
conduire à la reconnaissance d'une véritable obligation (positive) de l'Etat
requis d'accorder une autorisation
BGE 134 II 25 S. 32
de séjour au titre du regroupement familial, soit lorsqu'il apparaît, au terme
d'une pesée de tous les intérêts (privés et publics) en présence, que l'on ne
saurait raisonnablement exiger des personnes concernées qu'elles aillent vivre
leurs relations familiales dans un autre pays (cf. JEAN-FRANÇOIS AKANDJI-KOMBE,
Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des Droits de
l'Homme, in Série "Précis sur les droits de l'homme", n° 7, Conseil de l'Europe
[éd.], Strasbourg 2006, p. 45 et les références citées). Or, en l'espèce, le
recourant et sa famille, arrivés depuis peu de temps en Suisse, n'y ont
apparemment pas d'attaches d'une intensité particulière. Par ailleurs, l'épouse
et la fille du recourant savaient que ce dernier n'avait pas d'autorisation de
séjour et qu'il courait le risque de n'en pas obtenir sous sa véritable
identité; elles devaient dès lors compter avec la perspective de vivre séparées
de l'intéressé ou de quitter la Suisse si elles voulaient le suivre. Du reste,
rien n'empêche la famille de s'installer dans un autre pays, sinon les déboires
du recourant avec la justice britannique - motif qui ne saurait toutefois
entrer en ligne de compte dans le cas particulier sous l'angle de l'art. 8
CEDH.
Le grief tiré de la violation de l'art. 8 CEDH et du principe de la
proportionnalité est dès lors mal fondé.