Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 661



Urteilskopf

134 III 661

101. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause dame X.
contre X. (recours en matière civile)
5A_220/2008 du 12 juin 2008

Regeste

Art. 27 Abs. 1, Art. 61, Art. 63 Abs. 2 und Art. 64 Abs. 2 IPRG; Klage auf
Ergänzung eines ausländischen Scheidungsurteils; Anerkennung eines
ausländischen Scheidungsurteils. Die Teilung der Austrittsleistung der
beruflichen Vorsorge untersteht grundsätzlich dem auf die Scheidung anwendbaren
Recht (E. 3.1). Wurde die nach französischem Recht an die Ehefrau zu leistende
Ausgleichszahlung namentlich unter Berücksichtigung der Austrittsleistung der
beruflichen Vorsorge des Ehemanns gemäss schweizerischem Recht festgesetzt, so
ist das Scheidungsurteil diesbezüglich nicht unvollständig und bedarf folglich
keiner Ergänzung (E. 3.3). Die Anerkennung eines ausländischen
Scheidungsurteils, das der Ehefrau eine Ausgleichszahlung zuspricht, die
weniger als die Hälfte der Austrittsleistung der beruflichen Vorsorge des
Ehemannes beträgt, ist mit dem schweizerischen materiellen Ordre public nicht
offensichtlich unvereinbar (E. 4.2).

Sachverhalt ab Seite 662

BGE 134 III 661 S. 662

A. X., né en 1943, et dame X., née en 1941, se sont mariés le 21 août 1965 en
France. L'épouse, d'origine française, a acquis la nationalité suisse par le
mariage; le mari, d'origine suisse, a obtenu la nationalité française en 1991.
En novembre 1972, les époux ont quitté Genève et se sont installés en France.
Le mari a toujours travaillé en Suisse. Il a atteint l'âge de la retraite le 30
avril 2008; le montant de sa prévoyance professionnelle s'élevait à 1'214'921
fr. au 31 décembre 2002. Son épouse a travaillé en Suisse pour le compte de A.,
puis, après une interruption de quinze ans pour s'occuper des enfants, a repris
une activité lucrative à temps partiel; en 1999, elle a ouvert un cabinet de
kinésiologie à Genève et travaille aujourd'hui pour son compte.

B.

B.a Par jugement du 24 mars 2003, le Tribunal de grande instance de
Thonon-les-Bains a prononcé le divorce des époux X. Concernant leur prévoyance
professionnelle, il a condamné (en application du droit suisse) le mari à
verser à l'épouse la moitié de la prestation de sortie acquise pendant la durée
du mariage. Sur appel du mari, la Chambre civile de la Cour d'appel de Chambéry
a réformé ce jugement le 1^er février 2005 et alloué à la femme une somme de
160'000 EUR au titre de prestation compensatoire. Par arrêt du 14 mars 2006, la
Cour de cassation française a rejeté le pourvoi formé par l'épouse contre cette
décision.

B.b Le 22 novembre 2006, l'épouse a ouvert action en complément du jugement de
divorce, concluant à ce qu'il soit dit que le jugement de divorce français ne
déploie aucun effet en tant qu'il concerne le
BGE 134 III 661 S. 663
partage des avoirs de prévoyance professionnelle et à ce que ce partage soit
ordonné conformément à l'art. 122 CC.
Statuant le 21 juin 2007, le Tribunal de première instance de Genève a débouté
la demanderesse. Par arrêt du 22 février 2008, la Cour de justice du canton de
Genève a confirmé le jugement entrepris.

C. L'épouse forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Sur le fond, elle conclut en substance à ce qu'il soit constaté que les
jugements prononcés en France ne déploient aucun effet en Suisse en tant qu'ils
concernent le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, à ce que le
partage des avoirs de prévoyance du mari soit ordonné conformément à l'art. 122
CC ou, s'il est ordonné en vertu de l'art. 124 CC, à ce que l'intéressé soit
condamné au paiement d'une indemnité correspondant à la moitié des avoirs de
prévoyance, calculée pour la durée du mariage, c'est-à-dire 607'460 fr. 50 avec
intérêts à 5 % dès le 24 mars 2003.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3.

3.1 Conformément à l'art. 64 al. 2 LDIP, l'action en complément ou en
modification du divorce ou de la séparation de corps est en principe régie par
le droit applicable au divorce ou à la séparation de corps. En vertu de l'art.
61 LDIP, le divorce et la séparation de corps sont régis par le droit suisse
(al. 1^er); cependant, si les époux ont une nationalité étrangère commune et
qu'un seul est domicilié en Suisse, leur droit national commun s'applique (al.
2). Les effets accessoires du divorce sont régis par le droit applicable au
divorce, sous réserve, notamment, des dispositions de la loi relatives à
l'obligation d'entretien entre époux et au régime matrimonial (art. 63 al. 2
LDIP). Selon la jurisprudence, le partage de la prestation de sortie de la
prévoyance professionnelle ne tombe pas sous la réserve en faveur des règles
touchant à l'obligation d'entretien ou au régime matrimonial; c'est donc le
droit applicable au divorce qui trouve en principe application (ATF 131 III 289
consid. 2.4 p. 291; arrêts 5A_83/2008 du 28 avril 2008, consid. 3.2; 5C.297/
2006 du 8 mars 2007, consid. 3.1, publié in FamPra.ch 2007 p. 667 ss).
Toutefois, la clause d'exception prévue par l'art. 15 LDIP habilite le juge à
ne pas appliquer le droit auquel renvoie la règle de conflit de lois lorsque,
au regard de l'ensemble des circonstances, il est manifeste que la cause n'a
qu'un lien très lâche
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avec cette législation et qu'elle se trouve dans une relation beaucoup plus
étroite avec un autre droit (al. 1^er). Cette clause n'intervient que de façon
restrictive (ATF 121 III 246 consid. 3c p. 247 et la jurisprudence mentionnée);
elle ne tend pas, en particulier, à obvier aux conséquences indésirables du
droit matériel (ATF 131 III 289 consid. 2.5 p. 292).

3.2 Avant de s'interroger sur le droit applicable, il convient d'examiner si le
jugement de divorce français doit être complété (ATF 131 III 289 consid. 2.8 p.
294; MAYA STUTZER, Vorsorgeausgleich bei Scheidungen mit internationalem
Konnex, in: FamPra.ch 2006 p. 243 ss, spéc. 256); si ladite décision ne
nécessite aucun complément, parce qu'elle a déjà réglé le sort des avoirs de
prévoyance, la question du droit applicable devient sans objet.
Dans l'arrêt publié aux ATF 131 III 289 (consid. 2.8 et 2.9), le Tribunal
fédéral a constaté que le jugement de divorce prononcé en France ne contenait
aucune clause explicite quant aux avoirs accumulés auprès de l'institution
suisse de prévoyance et que le juge français avait rejeté la prétention de
l'épouse en paiement d'une prestation compensatoire (art. 270 ss CC/F) sans
qu'on puisse discerner le motif de ce refus.

3.3 Il n'en va pas de même en l'espèce. Tant l'arrêt de la Cour d'appel de
Chambéry que celui de la Cour de cassation se sont expressément penchés sur la
problématique du partage des avoirs de la pré voyance professionnelle des
parties. La Cour d'appel a estimé que les normes du Code civil suisse relatives
au partage du deuxième pilier en cas de divorce (art. 124 et 142 CC) ne
revêtent pas de caractère automatique et que l'épouse ne tient pas de la loi
suisse un droit acquis à la moitié des avoirs de la prévoyance professionnelle
constituée par son époux pendant la durée du mariage; se référant ainsi à la
loi française, seule applicable au litige, pour fixer la quotité de la
prestation compensatoire due à l'épouse et tenant compte des situations
respectives des parties quant à leurs revenus et à leurs prétentions dans la
liquidation du régime matrimonial, ainsi que de la prestation de libre passage
à laquelle le mari pouvait prétendre, les magistrats d'appel ont alloué à
l'épouse une somme de 160'000 EUR. La Cour de cassation a confirmé cette
décision en déclarant: "(...) c'est en considération du versement de la
prestation de libre passage à M. X. selon le droit suisse, dont l'arrêt n'a pas
dénaturé la teneur, et par une juste application de l'article 1401 du Code
civil, que la Cour d'appel
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a, par une appréciation souveraine, fixé le montant de la prestation
compensatoire due à Mme X.".
Il faut concéder à la recourante qu'il existe une différence de nature entre la
prestation compensatoire du droit civil français et le partage des avoirs de
prévoyance prévu par les art. 122 ss CC, institution que la législation
française ne connaît pas comme telle (ATF 131 III 289 consid. 2.8 p. 295). Il
n'en demeure pas moins, comme le relève avec raison l'autorité cantonale, que
la prestation compensatoire a été fixée en tenant compte, parmi plusieurs
éléments, de la prestation de libre passage du mari. Il n'y a donc plus de
place pour un complément par le juge suisse.

4. A titre subsidiaire, la recourante affirme que, même s'il fallait admettre
que le jugement de divorce français bénéficie de l'autorité de la chose jugée,
il ne pourrait pas être reconnu, car il contrevient à l'ordre public suisse:
d'une part, il attribue une prestation compensatoire sans fixer aucune clef de
répartition conformément à l'art. 142 CC; d'autre part, il ne lui alloue qu'un
peu plus d'un cinquième des avoirs de prévoyance, la privant de l'essentiel de
ses droits découlant de l'art. 122 CC.

4.1 En vertu de l'art. 27 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'une décision
étrangère doit être refusée en Suisse si elle apparaît manifestement
incompatible avec l'ordre public suisse. La réserve de l'ordre public doit
permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des
situations qui heurtent de façon choquante les principes les plus essentiels de
l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse. En tant que clause
d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive;
il en va spécialement ainsi en matière de reconnaissance et d'exécution des
jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application
directe du droit étranger; la reconnaissance constitue la règle, dont il ne
faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 126 III 327 consid. 2b p. 330;
ATF 116 II 625 consid. 4a p 630).
Le Tribunal fédéral a jugé que l'ordre public matériel serait violé si un
jugement étranger contrevenait à des règles impératives qualifiées du droit
suisse; on ne saurait notamment reconnaître, en raison de son incompatibilité
avec le droit suisse du divorce et de la prévoyance, une réglementation
renvoyant le partage à un moment postérieur au divorce ou consacrant un
"splitting" du rapport de prévoyance entre les époux (ATF 130 III 336 consid.
2.4 p. 340).
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4.2 Une telle situation n'est pas réalisée ici. Le juge français, statuant
après avoir dûment analysé la situation des époux, au regard du droit français
applicable au litige, et admettant partiellement les conclusions de l'épouse, a
fixé à 160'000 EUR la prestation compensatoire due par le mari et invité
l'institution de prévoyance de celui-ci à verser à l'épouse la contre-valeur de
ce montant en francs suisses.
Dans ces circonstances, on ne peut admettre que les arrêts de la Cour d'appel,
puis de la Cour de cassation, sont contraires à l'ordre public matériel suisse.
En particulier, le fait que l'épouse perçoit moins de la moitié de la
prestation de sortie du mari n'autorise pas cette conclusion, d'autant que les
tribunaux français ont pris en compte l'ensemble des éléments consécutifs au
divorce des époux. Rien ne s'oppose dès lors à ce que lesdits jugements soient
reconnus et exécutés en Suisse.