Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 541



Urteilskopf

134 III 541

85. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre
Commission paritaire professionnelle du second oeuvre valaisan (recours en
matière civile)
4A_283/2008 du 12 septembre 2008

Regeste

Art. 357b OR; gemeinsame Durchführung eines Gesamtarbeitsvertrags. Ein
Gesamtarbeitsvertrag kann gültig vorsehen, dass die Vertragsparteien Verbände
gründen, denen die gemeinsame Durchführung übertragen wird, unter Einschluss
der Erhebung gerichtlicher Klagen (E. 3-5).

Sachverhalt ab Seite 541

BGE 134 III 541 S. 541
Depuis le 1^er novembre 2000, la convention collective de travail romande du
second oeuvre régit les conditions d'emploi dans divers secteurs de la
construction. Le 1^er mars 2002, deux syndicats actifs en Suisse romande et
deux organisations patronales valaisannes, tous parties à la convention, ont
fondé une association dénommée Commission paritaire professionnelle du second
oeuvre valaisan. Les statuts font référence à la convention collective et au
droit des parties contractantes d'exiger en commun que les employeurs et les
travailleurs concernés en observent les dispositions; l'association est vouée à
faire respecter ce droit dans le canton du Valais.
X. SA, établie dans le district de Monthey, exploite une entreprise de
plâtrerie et peinture. Le 22 février 2005, la Commission paritaire
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professionnelle du second oeuvre valaisan a ouvert action contre elle devant le
Tribunal du travail de son canton. La demanderesse alléguait qu'elle ne
respectait pas, sur divers points, les dispositions de la convention
collective. Après que la demanderesse eut modifié ses conclusions, le Tribunal
du travail était requis de constater, d'abord, l'assujettissement de la
défenderesse à la convention collective, et, ensuite, l'obligation de cette
même partie de "décompter aux caisses de prestations sociales" prévues dans cet
accord. La défenderesse devait être condamnée, en outre, à payer une amende
conventionnelle au montant de 1'100 francs.
La défenderesse a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et,
subsidiairement, à son rejet; elle contestait, en particulier, la qualité pour
agir de la demanderesse.
Le tribunal s'est prononcé par jugement du 11 juillet 2006. Il a constaté
l'assujettissement de la défenderesse aux dispositions étendues de la
convention collective; pour le surplus, considérant que la violation des
exigences minimales de cette convention n'était pas établie et que l'amende
conventionnelle était prématurée, il a rejeté la demande.
La défenderesse ayant appelé au Tribunal cantonal, la II^e Cour civile de ce
tribunal a statué le 8 mai 2008. Elle a rejeté l'appel et confirmé
l'assujettissement de la défenderesse aux dispositions étendues de la
convention collective.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse a requis le
Tribunal fédéral, principalement, d'annuler le jugement d'appel et de déclarer
la demande irrecevable; subsidiairement, elle a requis l'annulation du jugement
et le rejet de la demande.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3. L'art. 357b CO concerne l'exécution commune des conventions collectives de
travail; il a la teneur suivante:
Exécution commune
1 Lorsque la convention est conclue par des associations, celles-ci peuvent
stipuler qu'elles auront le droit, en commun, d'en exiger l'observation de la
part des employeurs et travailleurs liés par elle, en tant qu'il s'agit des
objets suivants:
a. conclusion, objet et fin des contrats individuels de travail, seule une
action en constatation étant admissible;
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b. paiement de cotisations à des caisses de compensation ou à d'autres
institutions concernant les rapports de travail, représentation des
travailleurs dans l'entreprise et maintien de la paix du travail;
c. contrôles, cautionnements et peines conventionnelles, en rapport avec les
dispositions visées aux let. a et b.
2 Les parties ne peuvent insérer dans la convention les stipulations prévues à
l'alinéa précédent sans y être autorisées expressément par leurs statuts ou
leur organe suprême.
3 Sauf clause contraire de la convention, les dispositions sur la société
simple s'appliquent par analogie aux rapports internes des parties.
La convention collective de travail romande du second oeuvre a été conclue,
dans sa version initiale, le 1^er novembre 2000. Par arrêtés du Conseil
fédéral, son champ d'application s'est trouvé étendu à toutes les entreprises
concernées dans les cantons de Fribourg, de Vaud et du Valais, du 1^er décembre
2002 au 31 décembre 2006 (FF 2002 p. 7054; 2003 p. 7222; 2005 p. 2883) et du 1^
er juin 2007 au 31 décembre de la même année (FF 2007 p. 3185). Dans sa version
actuelle, la convention a été conclue le 16 janvier 2007; son champ
d'application est étendu du 1^er avril 2008 au 31 décembre 2010 (FF 2008 p.
1743).
La convention de 2000 comportait des clauses ainsi libellées:
Art. 42 Exécution
1. Application de la convention (...)
a) (...)
b) Dans le but de veiller à l'application de la présente convention (...), les
parties instituent:
- une commission paritaire professionnelle romande (CPPR);
- des commissions paritaires professionnelles cantonales (CPPC).
c) les parties contractantes (...) constituent, dans les trois mois après
l'entrée en vigueur de la présente convention, les commissions professionnelles
paritaires (...) sous la forme juridique d'associations.
2. Les commissions professionnelles paritaires sont expressément habilitées à
faire appliquer la présente convention.
Art. 43 Exécution commune
1. Les parties contractantes ont face aux employeurs et travailleurs concernés
le droit d'exiger en commun le respect des dispositions de la présente
convention, conformément à l'art. 357b CO.
2. Les commissions professionnelles paritaires cantonales sont chargées (...)
d'effectuer des contrôles dans les entreprises et de veiller à
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l'application de la présente convention. Au besoin, elles sont autorisées à
exercer leurs compétences par la voie juridique.
3. et 4. (...)
Des clauses semblables se trouvent aux art. 46 et 47 de la convention de 2007;
on n'y prévoit plus la création de commissions professionnelles nouvelles et
l'art. 46 ch. 2 se lit comme suit:
Les commissions professionnelles paritaires constituées sous la forme juridique
d'associations sont expressément habilitées à faire appliquer la présente
convention.
Ces règles font partie des dispositions dont le champ d'application était ou
est étendu par arrêtés du Conseil fédéral.

4. La défenderesse conteste que l'association demanderesse ait qualité pour
agir sur la base de ces dispositions légales et conventionnelles, et elle
conteste aussi, de plus, qu'elle ait été valablement constituée. Elle soutient
que l'art. 357b al. 1 CO ne confère un droit d'agir en justice qu'aux parties à
la convention collective, celles-ci étant, dans le procès, consorts
nécessaires, et que ces parties ne sont pas autorisées à déléguer leur droit à
une association tierce telle que la demanderesse.

4.1 L'art. 357b CO a son origine dans le Message du Conseil fédéral à
l'Assemblée fédérale du 29 janvier 1954, à l'appui d'un projet de loi sur la
convention collective de travail et l'extension de son champ d'application (FF
1954 I 125). Les débats de l'Assemblée fédérale ont abouti, le 28 septembre
1956, à l'adoption des art. 322 à 323^quater aCO, devenus le 1^er janvier 1972
les art. 356 à 358 CO, et à la loi fédérale permettant d'étendre le champ
d'application de la convention collective de travail (LECCT; RS 221.215.311).
Les art. 6 et 7 du projet (FF 1954 I 183) prévoyaient que la convention
collective de travail pourrait, d'une part, "ériger les parties en une
communauté conventionnelle capable d'acquérir des droits, de contracter des
obligations et d'ester en justice" (art. 6 al. 1), et, d'autre part, "imposer
aux employeurs et travailleurs [assujettis] des obligations directes envers
[cette communauté]" sur des points et selon des modalités qui étaient spécifiés
(art. 7 al. 1). Le législateur n'a pas adopté la "communauté conventionnelle"
proposée par le Conseil fédéral; il lui a substitué l'action "en commun" des
parties elles-mêmes, aux termes de l'art. 323^ter aCO. Cette disposition
correspond, en substance, à l'art. 7 du projet; elle est devenue, en 1972,
l'art. 357b CO.

4.2 En pratique, dans les conventions collectives prévoyant l'exécution commune
de l'art. 357b CO, on institue à cette fin un ou
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plusieurs organes communs à toutes les parties contractantes, couramment
dénommés commissions paritaires professionnelles, et habilités à exercer les
attributions communes. Ces organes sont en principe dépourvus de la
personnalité juridique mais les tribunaux de plusieurs cantons leur
reconnaissent néanmoins la capacité d'ester en justice. Dans leur majorité, les
commentateurs considèrent que cette solution procédurale s'impose au regard du
droit fédéral, parce que sinon, l'action judiciaire conjointe de toutes les
parties à la convention collective, éventuellement nombreuses, selon le
principe de la consorité nécessaire, présenterait des difficultés et des
risques de blocage propres à paralyser l'exécution commune et, partant, à
priver l'art. 357b CO de toute portée effective (ULLIN STREIFF/ADRIAN VON
KAENEL, Arbeitsvertrag, 6^e éd., Zurich 2006, p. 1072, n. 5 ad art. 357b CO;
FRANK VISCHER, Commentaire zurichois, 4^e éd. 2006, n. 17 à 19 ad art. 357a CO,
n. 13 ad art. 357b CO; JEAN-FRITZ STÖCKLI, Commentaire bernois, 1999, n. 4 et 5
ad art. 357a CO, n. 14 ad art. 357b CO; opinion contraire: GABRIEL AUBERT,
Commentaire romand, n. 9 ad art. 357b CO).
Il est parfois prévu que l'organe ou les organes communs seront créés sous
forme d'associations des parties contractantes (STREIFF/VON KAENEL, ibidem);
c'est la solution retenue - sans aucune équivoque, contrairement à l'opinion de
la défenderesse - dans les conventions de 2000 et de 2007 pour le second oeuvre
en Suisse romande. Toute association acquiert la personnalité juridique selon
l'art. 60 al. 1 CC, pourvu que son but ne soit pas illicite ni contraire aux
moeurs; ce système résout donc le problème de la capacité d'ester en justice.
Il équivaut cependant à instituer, par le biais de la création d'associations,
la communauté conventionnelle que prévoyait l'art. 6 du projet de 1954 et dont
le législateur n'a pas voulu.

4.3 Cet élément du projet était issu de propositions doctrinales; il s'est
heurté, lors des débats parlementaires, à une incompréhension diffuse et,
aussi, à la méfiance de la classe patronale (EDWIN SCHWEINGRUBER, Kommentar zum
Gesamtarbeitsvertrag, 3^e éd., Berne 1985, p. 17 et 86). Il n'est cependant pas
apparu que le système envisagé par le Conseil fédéral eût porté atteinte à des
intérêts publics ou à des intérêts légitimes des parties contractantes ou des
employeurs ou travailleurs assujettis. En l'espèce, la défenderesse n'explique
pas en quoi elle pourrait se trouver lésée par la délégation de l'exécution
commune à l'association demanderesse; à lui seul, l'espoir
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d'échapper, si possible, aux obligations imposées par la convention collective
ne répond évidemment pas à un intérêt légitime.
Selon certains commentaires, il n'appartenait pas au législateur d'organiser
les progrès et le développement des conventions collectives de travail, et le
soin d'innover a été laissé aux partenaires sociaux qui négocient ces
conventions; ceux-ci sont donc autorisés à adopter des instruments inédits,
s'ils parviennent à s'entendre et respectent les principes fondamentaux du
droit (SCHWEINGRUBER, op. cit., p. 18 et 19; YVES DE ROUGEMONT, L'application
des conventions collectives de travail, in Journée 1991 de droit du travail et
de la sécurité sociale, Zurich 1991, p. 55). En particulier, nonobstant
l'abandon partiel du projet de 1954, il est permis aux parties contractantes de
se réunir en une collectivité analogue à la communauté conventionnelle
(VISCHER, op. cit., n. 13 ad art. 357b CO). Cette conception libérale peut être
approuvée au regard de l'art. 356 al. 3 CO, qui habilite expressément les
parties contractantes, sans aucunement restreindre leur liberté, à régler dans
la convention le contrôle et l'exécution des clauses concernant les rapports
entre employeurs et travailleurs. Il convient ainsi de retenir qu'une
convention collective de travail peut valablement prévoir la création
d'associations pour l'exécution commune de l'art. 357b CO, et leur déléguer
cette exécution.

5. La défenderesse fait valoir que l'association demanderesse ne réunit que
quatre des parties à la convention collective de travail, de sorte que,
prétendument, elle ne peut pas poursuivre l'exécution de la convention pour le
compte de toutes les parties selon l'art. 357b CO.
Les conventions de 2000 et de 2007 règlent en détail les attributions
respectives de la commission professionnelle paritaire romande et des
commissions professionnelles paritaires cantonales. Celles-ci doivent procéder
aux contrôles dans les entreprises et agir contre les employeurs qui ne
défèrent pas à leurs obligations; elles bénéficient de l'appui de la commission
romande. Les parties contractantes ont ainsi prévu une organisation à deux
niveaux, décentralisée mais néanmoins destinée à assurer une application
uniforme et systématique de la convention collective dans toute la Suisse
romande. Au regard de ce système, il ne se justifie pas d'interpréter l'art. 42
ch. 1 let. c de la convention de 2000 en ce sens que toutes les parties
contractantes devaient participer à la fondation de chacune des associations
cantonales; au contraire, conformément à l'esprit du système conventionnel,
cette opération pouvait être déléguée aux parties actives dans chacun des
cantons.
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La défenderesse soutient aussi que le but de la demanderesse n'est pas
suffisamment défini dans ses statuts et que ceux-ci sont donc nuls. Ce moyen
est inconsistant. Il est vrai qu'aucune disposition statutaire n'énonce
spécialement un but social; en revanche, le texte se relie précisément à la
convention collective de travail et l'association y revendique sans ambiguïté,
pour le Valais, la mission qui est celle d'une commission professionnelle
paritaire cantonale. Cette mission inclut d'éventuelles actions judiciaires et
il n'est pas nécessaire que celles-ci soient spécialement prévues dans les
statuts.