Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 366



Urteilskopf

134 III 366

62. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. Spa en
faillite et Y. Spa contre Z. SA (recours en matière civile)
4A_231/2007 du 6 mars 2008

Regeste

Internationales Privatrecht über den internationalen Konkurs (Art. 166 ff.
IPRG); Prozessführungsbefugnis einer ausländischen Konkursmasse. Die
Anerkennung eines ausländischen Konkursdekrets kann in der Schweiz nicht
vorfrageweise verlangt werden (E. 5.1). Eine ausländische Konkursmasse, die in
der Schweiz nicht vorgängig die Anerkennung des im Ausland ausgesprochenen
Konkursdekrets erwirkt hat, ist nicht befugt, in der Schweiz eine
materiellrechtliche Klage gegen einen angeblichen Schuldner des Konkursiten zu
erheben (E. 9).

Sachverhalt ab Seite 367

BGE 134 III 366 S. 367
A.

A.a X. Spa (ci-après: X.) était une société italienne ayant son siège à Naples
qui était active au niveau national et international dans le commerce en gros
des céréales.
Z. SA (ci-après: Z.) est une société de droit suisse, sise à Genève, dont le
but consiste dans l'organisation et l'administration de financements ayant
trait aux exportations et au commerce international.
Z. organisait en particulier le financement des exportations de X. Z.
intervenait ainsi auprès d'établissements bancaires pour que soient mises en
place des lignes de crédit en faveur d'Etats importateurs destinées à assurer
le paiement des denrées que ces derniers acquéraient auprès de X. Dans certains
cas, Z. agissait elle-même en qualité de bailleur de fonds au côté des banques.
Ladite société concluait avec une institution italienne de droit public, soit
A., des contrats d'assurance, qui couvraient le risque de non-remboursement des
prêts à concurrence de 90 à 95 % de leur quotité; le dommage non couvert par
cet organisme devait être assumé par X. Si le risque se réalisait, A., qui
était subrogée dans les droits des prêteurs, entreprenait toutes démarches en
vue de recouvrer les montants prêtés, notamment par la voie diplomatique. En
cas de remboursement ultérieur de leur dette par les Etats défaillants, A.
reversait à Z. le pourcentage excédant la quote-part assurée.
Le 28 septembre 1998, Z. et X. ont passé une convention destinée à régler un
certain nombre de litiges qui les opposaient, laquelle prévoyait le paiement
par Z. d'une somme totale de 2'000'000 US$ en trois versements. Si les deux
premières tranches ont été réglées, Z. a refusé de s'acquitter de la dernière,
qui portait sur 500'000 US$, en faisant valoir un certain nombre de créances en
compensation.
Par ailleurs, X. a réclamé en vain à Z. la restitution de divers montants -
correspondant aux parts non assurées des crédits - que celle-ci avait perçus de
A., laquelle, à la suite de négociations portant sur le rééchelonnement des
dettes contractées par la Fédération de Russie et l'Algérie entre 1995 et 1998,
avait pu obtenir le remboursement de prêts accordés à ces deux Etats.

A.b L'ouverture de la faillite de X. a été prononcée le 4 octobre 1999 par
l'autorité italienne compétente. Le 8 janvier 2002, le syndic de la
BGE 134 III 366 S. 368
faillite, B., a requis l'autorisation du Tribunal de Naples d'actionner Z. en
justice afin de recouvrer les prétentions évoquées ci-dessus. Le 2 mars 2002,
le Tribunal de Naples a fait droit à cette requête et a désigné Me F. pour agir
en ce sens.

A.c Le 29 septembre 2004, X. Spa en faillite a fait notifier à Z. un
commandement de payer la somme de 3'436'190 fr. 40 avec intérêts à 10 % dès le
20 janvier 1999, représentant la contre-valeur en capital de 591'000 US$ et de
1'732'196,40 euros. Z. a fait opposition à cette poursuite.

B.

B.a Par demande introduite devant le Tribunal de première instance de Genève le
21 juillet 2005, X. Spa en faillite a ouvert action contre Z. La demanderesse a
conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la
poursuite susrappelée et à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser
les sommes suivantes:
- 500'000 US$ plus intérêts à 5 % dès le 30 juin 1999 en exécution de la
convention du 28 septembre 1998;
- 108'448 fr. 35 plus intérêts à 5 % dès le 27 mai 2005 représentant une perte
de change;
- 1'732'196,40 euros avec intérêts à 5 % dès le 20 janvier 1999 correspondant
au montant remboursé par A. à Z. en relation avec des crédits à l'exportation
accordés à la Fédération de Russie;
- 91'000 US$ avec intérêts à 5 % dès le 20 janvier 1999 représentant un montant
remboursé par A. à la défenderesse en relation avec des crédits à l'exportation
accordés à l'Algérie;
- 4'045 fr. 35 avec intérêts à 5 % dès le 27 mai 2005 à titre de perte de
change.
Z., excipant de la compensation avec des prétentions qu'elle prétendait détenir
contre la faillie, a conclu au déboutement de la demanderesse.
Par jugement du 24 mai 2006, le Tribunal de première instance a condamné la
défenderesse à payer à X. Spa en faillite les sommes de 500'000 US$ plus
intérêts à 5 % dès le 1^er juillet 1999, de 1'671'895,65 euros avec intérêts à
5 % dès le 20 janvier 1999 et de 78'666,10 US$ plus intérêts à 5 % dès le 20
janvier 1999, l'opposition de la poursuivie étant déclarée non fondée à due
concurrence. Cette autorité a en particulier considéré que l'administration de
la masse en faillite de X. Spa en faillite avait la qualité pour agir en Suisse
BGE 134 III 366 S. 369
.

B.b Le 30 juin 2006, Z. a appelé de ce jugement devant la Cour de justice du
canton de Genève.
Les mandataires de X. Spa en faillite ont déposé un "Mémoire Réponse
(subsidiairement de réponse et d'intervention)" daté du 16 octobre 2006 au nom
et pour le compte de la société de droit italien Y. Spa (ci-après: Y.), sise à
Milan, cela "par substitution de partie de (subsidiairement pour et à l'appui
de)" X. Spa en faillite. Lesdits mandataires exposaient que, par jugement du 18
janvier 2006, le Tribunal de Naples avait homologué un concordat par abandon
d'actif prévoyant notamment la cession à Y. des créances invoquées devant la
justice suisse par X. Spa en faillite contre Z.
Dans ce mémoire, à titre de conclusions principales, Y. sollicitait
préalablement la reconnaissance du jugement du Tribunal de Naples homologuant
le concordat de faillite en cause et qu'il fût dit que Y. s'était substituée à
X. Spa en faillite dans le cadre du présent procès. Au fond, Y. requérait la
confirmation du jugement déféré sous réserve des dépens alloués et de la
substitution de X. Spa en faillite par Y.
Au sein du même mémoire étaient formulées des conclusions subsidiaires pour le
compte de X. Spa en faillite, qui tendaient à la confirmation du jugement
déféré sous réserve des dépens alloués et "de la substitution de X. Spa, en
faillite par Y."
Z. s'est opposée à la substitution des parties.

B.c Par arrêt du 11 mai 2007, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise
a annulé le jugement du 24 mai 2006, déclaré irrecevable la demande en justice
formée par X. Spa en faillite et condamné celle-ci aux dépens de première
instance et d'appel.

C.

C.a X. Spa en faillite forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 11 mai 2007.
Elle conclut principalement à la nullité de l'arrêt cantonal, subsidiairement à
son annulation (2); à ce qu'il soit dit et constaté que Y. s'est substituée à
X. Spa en faillite dans le procès qui opposait initialement ladite société à
Z., cela après reconnaissance, à titre préalable et en tant que de besoin, du
jugement rendu le 18 janvier 2006 par le Tribunal de Naples "dans les
procédures civiles réunies sous les numéros 111-222-333 entre X. Spa en
faillite et Y. Spa notamment" (3); à ce qu'il soit dit et constaté que X. Spa
en faillite n'est plus partie à la procédure (4).
BGE 134 III 366 S. 370
Subsidiairement, X. Spa en faillite requiert, d'une part, la constatation de la
nullité de l'arrêt attaqué, voire son annulation (2), et, d'autre part, que la
demande qu'elle a formée contre Z. soit déclarée recevable (3), la cause étant
retournée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants (4).

C.b Par mémoire séparé, Y. exerce un second recours en matière civile contre le
même arrêt.
Elle conclut principalement à la nullité de l'arrêt cantonal, subsidiairement à
son annulation (2); à ce qu'il soit dit et constaté que Y. s'est substituée à
X. Spa en faillite dans le procès qui opposait initialement ladite société à
Z., cela après reconnaissance, à titre préalable et en tant que de besoin, du
jugement rendu le 18 janvier 2006 par le Tribunal de Naples "dans les
procédures civiles réunies sous les numéros 111-222-333 entre X. Spa en
faillite et Y. Spa notamment" (3); à ce que soit déclarée recevable la demande
en justice de Y., par substitution de partie de X. Spa en faillite (4).

C.c Le Tribunal fédéral a rejeté tant le recours de X. Spa en faillite que
celui de Y. Spa.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:
Recours de Y.

5.

5.1 La recourante Y. reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas admis
qu'elle s'est substituée en qualité de partie à X. Spa en faillite dans le
présent procès. Elle fait valoir que le droit fédéral impose notamment la
substitution des parties en cas de faillite, en faveur de la masse et du
repreneur d'une créance litigieuse. A l'en croire, la solution doit être
identique dans le cadre d'un concordat par abandon d'actif, de telle sorte que
la solution préconisée par l'art. 260 al. 3 LP en l'absence de cession à un
créancier individuel devrait également prévaloir en l'espèce en raison du
renvoi à cette norme opéré par l'art. 325 LP. Il n'y aurait d'ailleurs aucune
raison pour que le droit des poursuites et faillites prévoie des effets
différents quant à la réalisation d'une créance litigieuse en cas de faillite
et en cas de concordat par abandon d'actif. Rappelant que la reconnaissance en
Suisse d'un concordat prononcé à l'étranger est soumise aux règles applicables
à la faillite (art. 175 LDIP), Y. allègue que le repreneur, lequel a un intérêt
digne de protection à l'instar de l'administration de la faillite et d'un
créancier, peut parfaitement la requérir à titre préalable,
BGE 134 III 366 S. 371
par application de l'art. 29 al. 3 LDIP auquel renvoie l'art. 167 al. 1 LDIP.
Comme la décision d'homologation du concordat en cours de faillite prise le 18
janvier 2006 serait exécutoire en Italie, Etat qui accorderait la réciprocité
aux décisions en matière de faillite émanant des autorités suisses, et comme il
n'existerait aucun motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP, la reprise des
créances litigieuses par Y. devait être prise en compte par la Cour de justice.
D'après la recourante, l'arrêt déféré aurait ainsi été rendu à l'encontre d'une
personne qui n'est plus partie à la procédure (i.e. X. Spa en faillite), au
mépris des règles fédérales précitées.
Y. poursuit sur sa lancée en ajoutant que tant le refus de rendre une décision
où Y. apparaîtrait en tant que partie que l'ignorance du concordat homologué
dont il vient d'être question seraient constitutifs de la part de l'autorité
cantonale d'un déni de justice formel couplé avec une violation du droit d'être
entendu.

5.1.1 Il y a substitution des parties lorsque, en cours de procédure, l'une des
parties est remplacée par un tiers. L'admissibilité de la substitution des
parties est en principe régie par le droit cantonal de procédure, sous réserve
de règles fédérales particulières qui imposent le changement de parties,
notamment dans le cas de l'ouverture de la faillite du débiteur (ATF 131 I 57
consid. 2.1; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, n. 666 p. 130).
Y. ne se prévaut de la violation d'aucune norme de droit cantonal genevois
prescrivant la substitution de parties lorsqu'un plaideur conclut en cours
d'instance un concordat par abandon d'actif. Il n'y a donc pas lieu d'examiner
le problème sous cet angle (art. 106 al. 2 LTF).
Selon l'état de fait définitif, l'intimée n'a pas consenti à ce que Y. se
substitue à X. Spa en faillite dans le cadre du présent procès (cf. art. 71 LTF
et 17 al. 1 PCF). Il reste à vérifier si une substitution de parties devait
néanmoins résulter des règles du droit fédéral relatives à la faillite
internationale.

5.1.2 Il a été retenu que le Tribunal de Naples, alors que l'instance était
pendante devant le Tribunal de première instance, a homologué, par jugement du
18 janvier 2006, un concordat par abandon d'actif d'après lequel les créances
invoquées devant la justice suisse par X. Spa en faillite contre l'intimée
étaient cédées à Y. (art. 105 al. 1 LTF).
Dans le mémoire qu'elle a présenté devant la Cour de justice en réponse à
l'appel interjeté par Z., Y. a sollicité, à titre incident, la
BGE 134 III 366 S. 372
reconnaissance du jugement d'homologation concordataire rendu par le Tribunal
de Naples.
Il sied de contrôler si ce procédé est admissible.
La reconnaissance en Suisse des mesures d'assainissement et de réorganisation
étrangères (cf. sur cette notion GABRIELLE KAUFMANN-KOHLER/MICHAEL SCHÖLL,
Commentaire romand, n. 7 ss ad art. 175 LDIP) - au nombre desquelles figure
sans conteste le concordat par abandon d'actif du droit italien puisque c'est
une forme de l'exécution forcée qui est connue en droit suisse (art. 317 ss LP)
- est régie par l'art. 175 LDIP, disposition qui déclare applicables par
analogie les art. 166 à 170 LDIP. A teneur de l'art. 167 al. 1 LDIP, la requête
en reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger est portée
devant le tribunal du lieu de situation des biens en Suisse, l'art. 29 LDIP
étant lui aussi applicable par analogie. L'art. 29 al. 3 LDIP prescrit que
lorsqu'une décision étrangère est invoquée à titre préalable, l'autorité saisie
peut statuer elle-même sur la reconnaissance.
Le Tribunal fédéral ne s'est jamais prononcé sur le point de savoir si la
reconnaissance d'une décision de faillite étrangère peut être demandée en
Suisse à titre préjudiciel.
La doctrine moderne majoritaire a répondu à cette question par la négative.
Elle a relevé que la reconnaissance en Suisse d'un jugement de faillite rendu à
l'étranger provoque de plein droit, pour le patrimoine du débiteur du failli
situé en Suisse, l'ouverture d'une faillite ancillaire dans cet Etat, laquelle
est prévue par l'art. 170 LDIP. Ces auteurs en ont conclu que la procédure
ancillaire en cause pourrait être contournée s'il était permis à
l'administration de la masse en faillite étrangère de se prévaloir à titre
préalable d'un jugement déclaratif de faillite pour poursuivre en Suisse le
recouvrement des créances du failli (cf.Stephen V. Berti, Commentaire bâlois, 2
^e éd., n. 10 ad art. 167 LDIP, qui déclare ne plus pouvoir maintenir l'opinion
contraire professée dans l'édition précédente du commentaire;Stephen V. Berti/
Dominik Infanger, Praktische Gedanken zur Frage der Kontrolle der Übernahme von
Rechtswirkungen ausländischer Konkursdekrete in der Schweiz, in Festschrift für
Karl Spühler, Zurich 2005, p. 42/43;Daniel Staehelin, Konkurs im Ausland -
Drittschuldner in der Schweiz, in Festschrift für Karl Spühler, Zurich 2005, p.
410 s.; FRIDOLIN WALTHER, Allgemeiner Überblick: Grundlagen und Probleme des
internationalen Konkursrechts, in Spühle
BGE 134 III 366 S. 373
r
[Hrsg.], Aktuelle Probleme des internationalen Insolvenzrechtes,
Europa-Institut Zürich 42, Zurich 2003, p. 12, note 27).
L'avis de ces auteurs emporte la conviction. La reconnaissance d'une décision
étrangère au sens des art. 25 ss LDIP a pour effet d'étendre au territoire
suisse l'entrée en force et l'effet formateur de ladite décision, pour autant
toutefois qu'elle ne sorte pas des effets plus étendus que n'en déploierait un
jugement suisse correspondant (cf. à ce propos ATF 130 III 336 consid. 2.5 p.
342, qui parle de kontrollierte Wirkungsübernahme ou effet exécutoire
contrôlé).
En revanche, la reconnaissance d'une faillite déclarée à l'étranger, que l'art.
166 al. 1 let. c LDIP soumet à la condition de la réciprocité contrairement à
l'art. 25 LDIP, provoque l'ouverture d'une procédure interne de faillite
ancillaire en Suisse (mini-faillite), certes limitée au patrimoine du débiteur
sis en Suisse (art. 170 al. 1 in initio LDIP), mais qui a les effets de la
faillite tels que les prévoit le droit suisse (art. 170 al. 1 in fine LDIP).
Par le mécanisme particulier de la mini-faillite, le droit international suisse
de l'exécution forcée tend à assurer la protection des créanciers gagistes dont
le gage est situé en Suisse et celle des créanciers privilégiés domiciliés en
Suisse (art. 172 al. 1 LDIP;Gabrielle Kaufmann-Kohler/Antonio Rigozzi,
Commentaire romand, n. 9 ad art. 170 LDIP et n. 2 à 7 ad art. 172 LDIP; STEPHEN
V. BERTI/URS BÜRGI, Commentaire bâlois, n. 1 ss ad art. 172 LDIP). Or les
droits des créanciers précités ne seraient plus sauvegardés s'il était possible
de faire reconnaître, à titre préalable dans un procès civil, un jugement de
faillite ou un jugement homologuant un concordat par abandon d'actif rendu à
l'étranger. Il appartient en conséquence à celui qui veut se prévaloir en
Suisse en particulier d'un concordat homologué à l'étranger de requérir sa
reconnaissance à titre principal, cela selon la procédure instaurée par les
art. 167 à 169 LDIP, ce qui a en principe pour effet d'ouvrir une faillite
ancillaire en Suisse, avec les conséquences évoquées ci-dessus.
En fin de compte, on doit admettre que Y. ne s'est pas substituée à X. Spa en
faillite dans la présente instance, laquelle divise toujours ce plaideur de la
défenderesse Z.
Et, dans ce contexte, il n'y avait ni déni de justice ni violation du droit
d'être entendu à considérer que Y. ne figurait pas comme partie audit procès.
(...)
(...)

9.

9.1 La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir appliqué à tort les art.
166 ss LDIP. Ces magistrats n'auraient pas saisi que la LDIP ne règle pas les
effets des faillites ouvertes à l'étranger dont la reconnaissance n'a pas été
demandée en Suisse et que le silence de cette loi en la matière constitue une
lacune propre, qu'il leur appartenait de combler en vertu de l'art. 1 al. 2 CC.
La demanderesse soutient que l'administration de la masse en faillite étrangère
a qualité pour agir directement contre un débiteur du failli domicilié en
Suisse, avant ou sans reconnaissance de la faillite en Suisse. Elle allègue que
le Tribunal fédéral n'a jamais eu à trancher cette question depuis l'entrée en
vigueur de la LDIP, ce qui ressortirait d'un arrêt 7B.109/2004 du 17 août 2004,
où la question avait été laissée explicitement ouverte. Et de se référer encore
à l'arrêt 4P.270/2003 du 21 avril 2004. L' ATF 129 III 683 consid. 5.3, qui est
fondé sur un état de fait différent, serait pour sa part totalement erroné.
Avec l'entrée en vigueur de la LDIP, le législateur aurait voulu assouplir le
principe de territorialité, en améliorant la situation de l'administrateur de
faillite étrangère. D'ailleurs, ce principe empêcherait seulement
l'administrateur de la masse en faillite étrangère d'exercer en Suisse les
pouvoirs de contrainte dont il dispose dans son pays, mais nullement de
solliciter l'intervention des autorités de poursuite suisses pour obtenir le
recouvrement forcé de créances découlant de rapports de droit privé antérieurs
au prononcé de faillite, comme le ferait un citoyen quelconque. Contraindre
dans un tel cas la société faillie à l'étranger de provoquer une faillite
ancillaire en Suisse engendrerait des coûts disproportionnés et ne reposerait
sur aucun intérêt public; les créanciers privilégiés en Suisse seraient déjà
suffisamment protégés par la faculté de requérir en tout temps une procédure
ancillaire.
La recourante fait encore valoir que dès l'instant où elle dispose de la
jouissance et de l'exercice des droits civils selon le droit italien applicable
(art. 154 al. 1 LDIP), elle a la capacité pour agir en Suisse en matière de
poursuites, notamment en procédure de mainlevée.
Enfin la recourante affirme que, même sans reconnaissance de la faillite
étrangère, il faut considérer qu'il y a eu transfert au syndic de la faillite
B. du pouvoir d'agir au nom de la demanderesse, car il s'agirait d'un effet
atypique de la faillite.
BGE 134 III 366 S. 375

9.2 Les données de l'espèce voient une administration de faillite italienne
tenter en Suisse d'obtenir paiement d'une créance de la faillie contre un
débiteur qui y est domicilié, cela sans avoir demandé la reconnaissance du
jugement de faillite étranger en Suisse. Il faut donc déterminer si la société
faillie est légitimée à introduire en Suisse une action de pur droit matériel
contre le prétendu débiteur de la faillie, sans préalablement faire reconnaître
en Suisse la faillite prononcée à l'étranger.
A nouveau, on se trouve en présence d'un problème qui n'a pas encore été
résolu.
Au point de vue méthodologique, il convient tout d'abord d'examiner les
précédents cités par la recourante à l'appui de son moyen, puis de relater les
divers avis doctrinaux qu'ils ont suscités. Cette analyse permettra de dégager
des lignes de force permettant de trancher la question.

9.2.1 Dans l' ATF 129 III 683 consid. 5.3, le Tribunal fédéral a jugé que
l'administration de la masse en faillite étrangère a uniquement qualité pour
demander la reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger (art.
166 al. 1 LDIP), requérir des mesures conservatoires (art. 168 LDIP), et
intenter l'action révocatoire des art. 285 ss LP (art. 171 LDIP); elle n'est
pas autorisée à accomplir d'autres actes juridiques ("andere Rechtshandlungen")
en Suisse, notamment à y recouvrer ses créances par la voie de la poursuite.
Ledit précédent se référait notamment à l'arrêt 1P.161/1991 du 24 juillet 1991,
consid. 2b, publié à la SJ 1991 p. 592 et au JdT 1993 II p. 125.
Cet arrêt a été confirmé à l' ATF 130 III 620 consid. 3.4.2. Dans cette
décision rendue le 7 mai 2004, le Tribunal fédéral a précisé que
l'administrateur de la masse en faillite étrangère, s'il présume que des biens
du failli se trouvent en Suisse, doit recourir à la procédure d'entraide
internationale mise sur pied par les art. 166 ss LDIP et demander la
reconnaissance en Suisse de la décision étrangère de faillite, laquelle
reconnaissance permet l'ouverture en Suisse d'une procédure ancillaire (art.
170 LDIP) par rapport à la faillite principale étrangère.
En rendant l'arrêt 7B.109/2004 du 17 août 2004, consid. 3.2, la juridiction
fédérale s'est expressément abstenue de décider si une masse en faillite
étrangère a qualité pour agir en Suisse à l'instar d'une personne privée,
lorsque la reconnaissance du jugement de faillite étranger n'y a pas encore été
requise.
BGE 134 III 366 S. 376
Quant à l'arrêt 4P.270/2003 du 21 avril 2004, consid. 2.1, il a trait à la
qualité d'une société faillie pour exercer un recours de droit public, au sens
de l'art. 85 let. c OJ, auprès du Tribunal fédéral contre une sentence
arbitrale. Le problème évoqué concernait donc l'application de l'art. 88 OJ
(qualité pour former un recours de droit public), ce qui n'a rien à voir avec
la question à résoudre.

9.2.2 La jurisprudence découlant du consid. 5.3 de l' ATF 129 III 683 et du
consid. 3.4.2 de l' ATF 130 III 620 était en harmonie avec l'opinion qu'avaient
exprimée divers auteurs (Paolo Michele Patocchi/ Elliott Geisinger, Code de
droit international privé suisse annoté, p. 410/411 ch. 4; Saverio Lembo/Yvan
Jeanneret, La reconnaissance d'une faillite étrangère, in SJ 2002 II p. 266/
267; FRANÇOIS VOUILLOZ, La liquidation sommaire de la faillite, in
L'expert-comptable suisse 8/2001 p. 698).
Elle a depuis lors été approuvée par la doctrine majoritaire(Staehelin, Konkurs
im Ausland, op. cit., p. 409 et 412;FrançoisKnoepfler/Philippe Schweizer/Simon
Othenin-Girard, Droit international privé suisse, 3^e éd., ch. 749a p. 432;
Charles Jaques, La reconnaissance et les effets en Suisse d'une faillite
ouverte à l'étranger, Lugano 2006, p. 27; ANDREA BRACONI, La collocation des
créances en droit international suisse de la faillite, thèse Zurich 2005, p. 38
et la note de bas de page 33).
Certes, Kaufmann-Kohler/Rigozzi (Commentaire romand, n. 1 ad art. 166 LDIP)
émettent un avis divergent. Mais, d'une part, ces derniers font en particulier
référence à Daniel Staehelin (Die Anerkennung ausländischer Konkurse und
Nachlassverträge in der Schweiz [Art. 166 ff. IPRG], Bâle/Francfort-sur-le-Main
1989, p. 20 s.), lequel a totalement changé d'opinion pour se rallier sans
détour à la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. STAEHELIN, Konkurs im
Ausland, op. cit., p. 412 in medio). D'autre part, ils paraissent faire fi des
ATF 129 III 683 et ATF 130 III 620 en écrivant péremptoirement que la
jurisprudence fédérale antérieure à l'adoption des art. 166 ss LDIP est
toujours d'actualité.

9.2.3 Il y a lieu d'observer d'entrée de jeu que le présent procès ne concerne
nullement une action d'une société en faillite agissant par ses organes dans le
cadre de son activité statutaire, comme le soutient la recourante.
Il s'agit au contraire d'une action qui est ouverte à la suite d'une procédure
de faillite italienne afin de faire entrer des actifs dans les biens
BGE 134 III 366 S. 377
saisissables de la société faillie, lesquels seront affectés au paiement de
l'ensemble des créanciers. Or selon les principes généraux applicables à
l'exécution générale, après l'ouverture de la faillite, le failli perd le droit
de disposer de ses biens. Ce droit est alors transféré à l'administration de la
faillite, qui est un organe de la communauté des créanciers. En d'autres
termes, le dessaisissement du failli et la création d'une communauté des
créanciers avec des organes habilités à la représenter sont des conséquences
immédiates du prononcé d'un jugement de faillite.
Lorsqu'une faillite est ouverte à l'étranger, l'admission de la qualité pour
conduire le procès (Prozessführungsbefugnis) de l'administration de la masse en
faillite doit alors dépendre de la reconnaissance préalable en Suisse du
jugement de faillite étranger au sens de l'art. 166 LDIP, puisque la validité
de celui-ci conditionne l'intervention de l'administration de la faillite
étrangère et les pouvoirs qui sont dévolus à cet organe. Seul cet examen permet
d'assurer la sécurité du droit, du moment que le juge suisse doit notamment
vérifier l'absence de motifs de refus à la reconnaissance (art. 166 al. 1 let.
b LDIP qui renvoie à l'art. 27 LDIP).
Une telle requête en reconnaissance de la décision de faillite rendue à
l'étranger doit être formée non seulement lorsque l'administration de la
faillite étrangère entend recouvrer des créances du failli à l'encontre d'un
débiteur domicilié en Suisse par la voie de la poursuite pour dettes, ainsi que
le Tribunal fédéral l'a jugé dans l' ATF 129 III 683 consid. 5.3, mais encore
lorsqu'elle agit, comme dans le cas présent, pour faire reconnaître le
bien-fondé matériel d'une créance contestée (cf. Fridolin Walther, op. cit., p.
12 et la note 27; Maria FABIANA THEUS SIMONI, Englische, walisische und
französische Konkursverwalter in der Schweiz, thèse Zurich 1997, p. 264).

9.2.4 La solution exposée ci-dessus doit être retenue pour un autre motif,
tenant à la cohérence du droit international privé suisse de la faillite
internationale.
L'entraide judiciaire internationale dans le domaine de la faillite est régie
par le chapitre 11 de la LDIP, normes qui prévoient, eu égard au principe de
territorialité, que l'étendue et les modalités de la coopération entre Etats
demeurent sous le contrôle du juge suisse de la faillite (ATF 130 III 620
consid. 3.5.1; Paul Volken, Commentaire zurichois, 2^e éd., n. 26 ad art. 166
LDIP). Le chapitre 11 de la LDIP s'applique lorsque le failli a son domicile ou
son siège à
BGE 134 III 366 S. 378
l'étranger et qu'il possède des biens en Suisse (VOLKEN, op. cit., n. 20 ad Vor
Art. 166-175 LDIP). Au nombre des biens du failli situés en Suisse
appartiennent les créances de celui-ci, lesquelles sont réputées sises au
domicile du débiteur du failli (art. 167 al. 3 LDIP). La mise sous main de
justice des avoirs du failli se trouvant en Suisse requiert, selon l'art. 166
LDIP, la reconnaissance en Suisse du jugement de faillite étranger. La décision
de reconnaissance dudit jugement de faillite déclenche l'ouverture en Suisse
d'une procédure de faillite ancillaire, qui est soumise aux règles du droit
suisse (art. 170 LDIP).
Dans cette faillite ancillaire, les actifs servent en premier lieu à payer les
créanciers gagistes désignés à l'art. 219 LP et les créanciers non gagistes
privilégiés (à savoir ceux des deux premières classes de l'art. 219 LP) qui ont
leur domicile en Suisse (art. 172 al. 1 LDIP). Le solde éventuel est remis à la
masse en faillite étrangère ou à ceux des créanciers qui y ont droit (art. 173
al. 1 LDIP). Ce solde ne peut être remis qu'après reconnaissance de l'état de
collocation étranger (art. 173 al. 2 LDIP). Lorsque cet état ne peut pas être
reconnu, le solde n'est pas remis à la masse en faillite étrangère ou aux
créanciers de la faillite principale, mais il est réparti entre les créanciers
non privilégiés de la faillite ancillaire suisse (art. 174 al. 1 LDIP).
Dans ce contexte légal particulier, si l'on accordait à l'administration de la
masse en faillite étrangère les mêmes pouvoirs qui compètent à l'administration
d'une masse en faillite suisse, et en particulier celui d'ouvrir action
directement contre le prétendu débiteur suisse du failli, l'admission
(éventuelle) de l'action en paiement aurait pour effet de soustraire des actifs
aux créanciers admis à l'état de collocation de la mini-faillite d'après l'art.
172 LDIP, ce qui serait clairement contraire au sens et au but du système
instauré par les art. 166 ss LDIP.

9.2.5 Il suit de là qu'il convient d'admettre que la masse en faillite
étrangère recourante, à défaut d'avoir fait reconnaître au préalable en Suisse
le jugement de faillite prononcé à l'étranger, n'a pas qualité pour poursuivre
directement en Suisse le recouvrement des créances du failli contre un prétendu
débiteur.
Le recours de X. Spa en faillite doit donc être rejeté.