Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 260



Urteilskopf

134 III 260

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SpA
contre Y. (recours en matière civile)
4A_500/2007 du 6 mars 2008

Regeste

Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Rechtsmittelverzicht (Art. 192 IPRG).
Ein gültiger Rechtsmittelverzicht umfasst auch die Einrede der Unzuständigkeit
des Schiedsgerichts im Sinne von Art. 190 Abs. 2 lit. b IPRG; er kann der
Partei entgegengehalten werden, die geltend macht, der Rechtsstreit falle nicht
in den materiellen Anwendungsbereich der Schiedsvereinbarung (E. 3.2).

Sachverhalt ab Seite 260

BGE 134 III 260 S. 260
A.

A.a Y. est une société anonyme de droit français.
X. SpA (ci-après: X.) est une société financière de droit italien.
BGE 134 III 260 S. 261
Y. et X. étaient toutes deux actionnaires, avec d'autres investisseurs, de la
société B. SpA (ci-après: B.), une holding italienne qui détenait, en 2002, le
63 % du capital de la société italienne C. SpA (ci-après: C.).

A.b Dans le courant de l'année 2002, Y. a conclu une série de contrats de put &
call avec les autres actionnaires de B. afin d'acquérir l'intégralité des
participations détenues par ceux-ci dans ladite société. Le but de ces contrats
était, d'une part, de conférer à Y. le contrôle indirect sur C. et, d'autre
part, de permettre aux autres actionnaires de B. de sortir de cette société.
C'est ainsi que Y. et X. ont signé, le 16 septembre 2002, un contrat de put &
call qui contient une clause compromissoire comprenant notamment les passages
suivants (art. 13):
"(...) tutte le controversie relative all'interpretazione e/o all'esecuzione
del Contratto, o comunque derivanti dal Contratto o in relazione allo stesso,
saranno devolute alla competenza esclusiva di un collegio arbitrale nominato, e
che deciderà, in conformità al Regolamento d'arbitrato della Camera di
Commercio e dell'Industria di Ginevra (...)"
Le contrat de put & call a été exécuté le 26 juillet 2005 par le transfert à Y.
des actions B. de X. et le paiement du prix de ces titres, après que la société
italienne eut exercé l'option de vente prévue dans ledit contrat.

A.c En 2002 toujours, B. avait émis 399'984'000 warrants (options d'achat)
réservés à ses actionnaires. Chaque warrant donnait le droit de souscrire une
nouvelle action B. pendant la période d'exercice, soit du 1er octobre 2005 au
30 juin 2007, à un prix fixé par le règlement d'émission des warrants.
L'émission de ceux-ci avait pour but de fournir à B. les moyens nécessaires au
remboursement d'un prêt consenti par l'une de ses filiales et utilisé pour
financer C.
Le 7 octobre 2002, X., en sa qualité d'actionnaire, a souscrit 68'014'806
warrants, au prix unitaire de 0.30 euro, pour un montant total de 20'404'441.80
euros.
A la suite de l'émission des warrants B., Y. et X. ont discuté la possibilité
d'étendre à ces titres le contrat de put & call, qui ne portait que sur les
actions B. Les discussions ont porté, en particulier, sur les conditions dans
lesquelles Y. accepterait d'acquérir les warrants B. souscrits par X. Les
parties ont notamment échangé des lettres, le 5 décembre 2002, puis une série
de projets d'accord, par le truchement de leurs conseils, entre le 6 décembre
2002 et le 30 septembre 2003
BGE 134 III 260 S. 262
.
Invitée le 20 juillet 2005 par X. à procéder à l'achat des warrants, Y. lui a
répondu, deux jours plus tard, qu'elle n'avait contracté aucune obligation à
cet égard. Depuis lors, les parties sont divisées sur ce point: X. considère
qu'un accord au sujet des warrants a été conclu oralement, puis confirmé par
l'échange de lettres du 5 décembre 2002, tandis que Y. soutient que les
négociations n'ont pas abouti.

B. Le 14 avril 2006, X. a assigné Y., entre autres défendeurs, devant le
Tribunal de Milan en vue d'obtenir, à titre principal, le paiement d'une somme
correspondant au prix d'achat des warrants souscrits par elle.
De son côté, Y. a introduit une procédure d'arbitrage contre X. par requête du
7 novembre 2006. Elle a conclu, en substance, d'une part, à ce qu'il soit
constaté qu'elle ne s'était pas engagée à acheter les warrants B. détenus par
X., n'étant ainsi redevable d'aucune somme de ce chef, et, d'autre part, à ce
que X. soit condamnée à lui payer 25 millions d'euros pour avoir violé la
convention d'arbitrage.
Dans sa réponse du 16 décembre 2006, X. a soulevé l'exception d'incompétence
ratione materiae du Tribunal arbitral. Au cas où celui-ci admettrait sa
compétence, elle lui a demandé de rejeter les prétentions de Y. et de condamner
cette dernière au paiement du prix des warrants, augmenté des intérêts, ainsi
qu'au versement d'une indemnité pour procédure abusive.
Un tribunal arbitral, composé de trois membres, a été constitué, sous les
auspices de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Genève. Le siège de
l'arbitrage a été fixé dans cette ville et l'italien choisi comme langue de la
procédure.
Le 31 octobre 2007, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale à la
majorité de ses membres. Après avoir admis sa compétence, il a constaté que Y.
n'est débitrice à aucun titre envers X. relativement aux warrants B., rejeté
toutes les conclusions pécuniaires des deux parties, mis les frais de la
procédure arbitrale à la charge de celles-ci, à raison d'une moitié chacune, et
dit que chaque partie supporte ses frais de représentation.

C. Le 29 novembre 2007, X. a formé un recours en matière civile. Elle conclut
principalement à ce que le Tribunal fédéral annule la sentence du 31 octobre
2007 et constate que le Tribunal arbitral n'était pas compétent pour statuer
sur le litige relatif à l'accord spécifique touchant les warrants B. A titre
subsidiaire, la recourante requiert la seule annulation de la sentence
attaquée.
BGE 134 III 260 S. 263
Dans sa réponse du 31 janvier 2008, Y. conclut principalement à
l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.
Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3. L'intimée soutient que la recourante a valablement renoncé à recourir contre
la sentence attaquée.

3.1 L'art. 192 al. 1 LDIP prévoit que, si les deux parties n'ont ni domicile,
ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une
déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit
ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral;
elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs
énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP.
Dans un arrêt de principe, la Cour de céans a examiné de manière approfondie la
question de la renonciation au recours en matière d'arbitrage international (
ATF 131 III 173). Il en ressort, en substance, que la pratique n'admet que de
manière restrictive les conventions d'exclusion et qu'elle juge insuffisante
une renonciation indirecte. S'agissant de la renonciation directe, le Tribunal
fédéral, dans le souci de clarifier sa jurisprudence antérieure, a précisé,
dans le même arrêt, qu'elle ne doit pas forcément comporter la mention de
l'art. 190 LDIP et/ou de l'art. 192 LDIP. Il suffit que la déclaration expresse
des parties fasse ressortir de manière claire et nette leur volonté commune de
renoncer à tout recours. Savoir si tel est bien le cas est affaire
d'interprétation.
Cette jurisprudence a été confirmée depuis lors et, dans un arrêt récent, le
Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas lieu de la soumettre à un
nouvel examen, en dépit des critiques que certains auteurs lui ont adressées (
ATF 133 III 235 consid. 4.3.1, dernier paragraphe, p. 241 et les arrêts cités).
Ledit arrêt, tenant compte de la spécificité de l'arbitrage international en
matière de sport, a toutefois exclu, en principe, qu'une renonciation au
recours puisse être opposée à un sportif, même si elle satisfait aux exigences
formelles de l'art. 192 al. 1 LDIP (consid. 4).

3.2

3.2.1 En l'espèce, la condition d'extranéité posée par l'art. 192 al. 1 LDIP
n'est pas litigieuse. Il n'est, en effet, nullement établi, ni même allégué,
que l'une ou l'autre des parties ait eu son domicile, i.e. son siège (art. 21
al. 1 LDIP), ou un établissement, i.e. une succursale
BGE 134 III 260 S. 264
(art. 21 al. 3 LDIP), en Suisse à l'époque où la convention de renonciation
avait été conclue.

3.2.2 La clause arbitrale, incluse dans le contrat de put & call signé le 16
septembre 2002 par Y. et X. (art. 13), contient notamment la phrase suivante:
"Le Parti rinunciano fin d'ora ad ogni ricorso ordinario e straordinario contro
la decisione che sarà resa."
Que la renonciation au recours, exprimée en ces termes, satisfasse aux
conditions de forme fixées par l'art. 192 al. 1 LDIP et la jurisprudence
susmentionnée n'est pas douteux. La clause citée manifeste de manière on ne
peut plus claire la volonté commune des parties de renoncer à entreprendre
toute sentence à venir par un moyen de droit ordinaire ou extraordinaire, étant
précisé que le terme de "decisione", même s'il est plus générique que celui de
"lodo", ne peut viser en l'occurrence que la sentence à rendre par les
arbitres, eu égard à son contexte. Cette clause correspond, d'ailleurs, peu ou
prou à la phrase citée dans une récente décision comme exemple d'une
renonciation formellement valable (arrêt 4P.114/2006 du 7 septembre 2006,
consid. 5.3 in fine). Au demeurant, la recourante, qui a soulevé elle-même la
question de la renonciation au recours dans son mémoire, n'y remet pas en cause
la validité formelle de la renonciation litigieuse.

3.2.3 Sous n. 39 de son mémoire, la recourante soutient que la validité de
cette renonciation à recourir "est douteuse au vu de la jurisprudence récente
du Tribunal fédéral (arrêt 4P.172/2006, consid. 4.3.2.2., in fine au sujet des
doutes concernant la compatibilité de l'art. 192 LDIP au regard de l'art. 6
CEDH)".
Tel qu'il est formulé, cet argument n'est pas recevable faute d'une motivation
suffisante. De fait, la recourante n'indique pas en quoi il y aurait une
incompatibilité entre l'art. 192 LDIP et l'art. 6 CEDH, que ce soit d'une
manière générale ou seulement dans le cas concret. L'arrêt qu'elle cite - il
s'agit de l' ATF 133 III 235 susmentionné - ne lui est, du reste, d'aucun
secours dans la mesure où il ne concerne pas un arbitrage commercial, comme
celui qui est soumis à l'examen du Tribunal fédéral, mais un différend opposant
un joueur de tennis professionnel à une organisation sportive ayant prononcé
une mesure disciplinaire à son encontre.

3.2.4 La recourante fait encore valoir que la question de l'extension de la
convention d'arbitrage contenue dans le contrat de put & call à
BGE 134 III 260 S. 265
l'accord spécifique sur les warrants B. détermine tant la recevabilité que le
bien-fondé du présent recours. Dès lors, le Tribunal fédéral ne pourrait
déclarer ce recours irrecevable que s'il parvenait à la conclusion que la
clause arbitrale contenue dans le contrat de put & call s'étend effectivement
audit accord, ce qui suppose qu'il commence par examiner le grief
d'incompétence soulevé par la recourante.
Pareil raisonnement ne saurait être suivi. Il aboutit, en effet, à rendre
inopérante la renonciation au recours lorsque le grief soulevé a trait à la
compétence du tribunal arbitral (art. 190 al. 2 let. b LDIP). Il est pourtant
indéniable que l'exclusion de tout recours, au sens de l'art. 192 al. 1 LDIP,
inclut également un tel grief (cf. ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1 p. 178 in
fine/179). La faculté a d'ailleurs été reconnue aux parties de n'exclure le
recours qu'en ce qui concerne la compétence des arbitres (arrêt 4P.98/2005 du
10 novembre 2005, consid. 4.2). C'est le lieu de rappeler que le recours pour
le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP est ouvert lorsque le tribunal
arbitral a statué sur des prétentions qu'il n'avait pas la compétence
d'examiner, soit qu'il n'existât point de convention d'arbitrage, soit que
celle-ci fût restreinte à certaines questions ne comprenant pas les prétentions
en cause (extra potestatem; ATF 116 II 639 consid. 3 in fine p. 642). Un
tribunal arbitral n'est en effet compétent, entre autres conditions, que si le
litige entre dans les prévisions de la convention d'arbitrage et que lui-même
n'excède pas les limites que lui assignent la requête d'arbitrage et, le cas
échéant, l'acte de mission. Ainsi, lorsqu'une partie fait valoir que le
tribunal arbitral s'est arrogé un pouvoir qu'il n'avait pas, en statuant sur
une question au sujet de laquelle les parties n'avaient pas compromis, elle
soulève un problème de compétence (arrêt 4P.114/2001 du 19 décembre 2001,
consid. 2b et les références).
Dans la présente espèce, c'est bien de cela qu'il s'agit. Contestant la
compétence ratione materiae du Tribunal arbitral, la recourante soutient que
celui-ci ne pouvait pas déduire de la clause arbitrale contenue dans le contrat
de put & call sa compétence pour examiner si les parties étaient liées par un
accord spécifique sur les warrants B. En d'autres termes, la recourante
considère que le Tribunal arbitral a méconnu la portée objective de la clause
compromissoire en y incluant un problème - l'existence ou non de l'accord
litigieux - qui, selon elle, était exorbitant de cette clause. Bref, elle fait
valoir que le Tribunal arbitral a statué sur une question que les parties ne
lui avaient pas soumise, excédant par là même ses pouvoirs. Or, en
BGE 134 III 260 S. 266
insérant dans le contrat de put & call la clause de renonciation litigieuse,
les parties se sont privées une fois pour toutes de la possibilité de contester
la décision prise par le Tribunal arbitral au sujet de sa propre compétence,
quels qu'en seraient les motifs. Elles ont ainsi assumé le risque de voir les
arbitres s'arroger une compétence qu'ils n'avaient pas et statuer sur un objet
n'entrant pas dans les prévisions de la clause arbitrale. Il est donc exclu de
venir soutenir, a posteriori, comme le fait la recourante, que la renonciation
litigieuse serait valable uniquement si le Tribunal arbitral avait admis à bon
droit sa compétence ratione materiae. Argumenter ainsi revient à restreindre
indûment la portée de la clause de renonciation en soustrayant de son champ
d'application l'hypothèse dans laquelle le tribunal arbitral a étendu à tort
son pouvoir décisionnel à des relations juridiques nouées certes par les mêmes
parties, mais à un autre titre non couvert par la convention d'arbitrage. On ne
voit pas pourquoi il se justifierait de soumettre la validité d'une
renonciation totale à recourir à la reconnaissance préalable du bien-fondé de
l'un des griefs qui auraient pu être soulevés sans cette renonciation.
S'agissant plus particulièrement du moyen pris de l'incompétence du tribunal
arbitral, il n'apparaît pas qu'il faille distinguer, sous l'angle de la
renonciation au recours, le cas où les arbitres ont étendu leur compétence à
une (prétendue) relation juridique n'ayant aucun rapport avec celle pour
laquelle les parties ont compromis de celui, par exemple, où ils ont statué sur
une contestation inarbitrable.
La recourante se réfère certes aux critiques émises par une partie de la
doctrine relativement à l'arrêt publié aux ATF 131 III 173 (François Perret,
Commentaire dudit arrêt, in Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage
[ASA] 2005 p. 520 ss; Sébastien Besson, Etendue du contrôle par le juge d'une
exception d'arbitrage; renonciation aux recours contre la sentence arbitrale:
deux questions choisies de droit suisse de l'arbitrage international, in Revue
de l'arbitrage 2005 p. 1076 ss; Jean-François Poudret/Sébastien Besson,
Comparative law of international arbitration, 2^e éd., n. 839, p. 782 in fine;
Paolo Michele Patocchi/Cesare Jermini, Commentaire bâlois, Internationales
Privatrecht, 2^e éd., n. 19 ad art. 192 LDIP; BERNHARD BERGER/ Franz
Kellerhals, Internationale und interne Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz,
n. 1688 ss et note de pied 263). Ce faisant, elle perd de vue que cet arrêt
concerne la portée ratione personae de la convention d'arbitrage et, partant,
de la clause d'exclusion qui y figure. Et c'est également sur ce point que
portent les critiques, qu'il n'y a pas
BGE 134 III 260 S. 267
lieu d'examiner ici, formulées par les auteurs cités à l'encontre de cette
jurisprudence. La portée subjective d'une convention d'arbitrage incluant une
renonciation au recours soulève effectivement un problème spécifique, pour ce
qui est de la forme de la renonciation, étant donné que l'art. 192 al. 1 LDIP
subordonne la validité de l'exclusion de tout recours à une déclaration
expresse des parties à la convention d'arbitrage. Il n'en va pas de même dans
l'hypothèse, propre à la cause en litige, où les deux parties à la convention
d'arbitrage ont fait la déclaration expresse exigée par l'art. 192 LDIP et où
seul est controversé le champ d'application matériel de ladite convention.

3.3 Cela étant, force est d'admettre que les parties ont valablement renoncé à
recourir contre la sentence présentement attaquée. Il s'ensuit l'irrecevabilité
du recours dirigé contre cette sentence.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF) et indemniser l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).