Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 193



Urteilskopf

134 III 193

35. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Schafflützel
et Zöllig contre Fédération suisse de courses de chevaux (FSC) (recours en
réforme)
5C.248/2006 du 23 août 2007

Regeste

Art. 75 und 28 ff. ZGB; Klage auf Anfechtung eines Vereinsbeschlusses; Schutz
der Persönlichkeit im Falle einer Vorschrift eines Pferdesportvereins, welche
den Gebrauch von Substanzen unabhängig von jeder Wirkung auf die
Leistungsfähigkeit verbietet und unter Strafe stellt. Das Vereinsreglement und
die gestützt darauf getroffenen Entscheidungen dürfen nicht zu einer
widerrechtlichen Verletzung der Persönlichkeit der Mitglieder führen (E. 4.3).
Prüfungsbefugnis des Gerichts in der Sache (E. 4.4). Feststellung einer
Verletzung des Persönlichkeitsrechts der Beschwerdeführer im vorliegenden Fall
(E. 4.5) und Rechtfertigung der Verletzung durch ein überwiegendes öffentliches
Interesse (E. 4.6).

Sachverhalt ab Seite 194

BGE 134 III 193 S. 194
A. La Fédération suisse de courses de chevaux (ci-après: FSC) est l'association
(art. 60 CC) sportive faîtière régissant de manière exclusive les courses
hippiques au niveau suisse. Par leur affiliation, ses membres s'engagent à en
accepter les statuts, les règlements, les décisions et les directives (art. 4.1
statuts FSC).
La Fédération suisse de galop (ci-après: FSG) est une association (art. 60 CC),
membre de la FSC (art. 3 statuts FSC). Les personnes qui y sont affiliées
s'obligent à en accepter et observer les statuts, les règlements, notamment le
règlement suisse des courses de galop, les directives et les décisions (art. 4
statuts FSG).
Paul Zöllig et Kurt Schafflützel sont tous deux affiliés à la FSG. Le premier
est le propriétaire du cheval de course "Old Cat". Le second en est
l'entraîneur; il exerce cette activité de façon professionnelle; à titre de
rémunération, il perçoit des commissions sur les "prize money" gagnés dans les
concours par les propriétaires des chevaux qu'il entraîne. En leurs qualités
respectives de propriétaire et d'entraîneur, les prénommés sont par ailleurs
soumis aux statuts de la FSC conformément à l'art. 4.2 des statuts de cette
dernière fédération.

B.

B.a Le 10 juin 2002, en fin d'après-midi, un vétérinaire a traité le cheval
"Old Cat" pour des coliques digestives graves - de cause indéterminée - qui
mettaient la vie de l'animal en danger. Dans le cadre de ce traitement, il lui
a notamment administré du Metamizol par injection. Une heure plus tard,
l'animal se portait à nouveau bien.
Le Metamizol, dont le nom commercial est "Vetalgin", est un analgésique
puissant contre les coliques. Il contient la substance active
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Dipyrone, couramment utilisée dans le cadre du traitement des coliques chez les
chevaux. Dans le processus de décomposition biologique, cette substance se
métabolise en 4-Methylaminoantipyrine (ci-après: 4-MAA).
Après discussion avec un collègue le lendemain du traitement et consultation
d'ouvrages spécialisés, le vétérinaire a assuré Paul Zöllig et Kurt
Schafflützel qu'ils pouvaient aligner sans danger "Old Cat" au Swiss Derby du
16 juin 2002, nonobstant le traitement, la littérature indiquant que le temps
d'élimination de la substance, respectivement sa durée de détection, étaient de
cinq jours.

B.b Aligné dans la course n° 7 du 22 ^e Swiss Derby qui s'est tenue le 16 juin
2002 à 16 heures 15 à Frauenfeld, "Old Cat" est arrivé premier.
A l'issue de la course, le cheval a subi un prélèvement d'urine. Tant l'analyse
de l'échantillon A que celle de l'échantillon B ont révélé la présence de
4-MAA.

B.c Le 14 novembre 2002, le Comité de la FSC a décidé de disqualifier "Old Cat"
de la course n° 7 du 22 ^e Swiss Derby, d'établir un nouveau classement et de
condamner l'entraîneur à une amende de 2'000 fr. Cette décision a eu également
pour effet de priver le propriétaire du cheval du "prize money" du concours qui
s'élevait à 48'000 fr. Les sanctions ont été prononcées sur la base des
paragraphes 176 ch. 3.20 et 171 ch. 2.4 du règlement suisse des courses de
galop, dès lors qu'une substance interdite au sens du paragraphe 4 chiffre 10
de la directive relative au service vétérinaire, à savoir du 4-MAA, avait été
découverte chez l'animal.
Le Jury Sportif de la FSC a confirmé cette décision le 24 janvier 2003.
Ces prononcés ont fait l'objet de publications dans le Bulletin officiel des
courses.

C. Par demande du 25 février 2003, Paul Zöllig et Kurt Schafflützel ont ouvert
action contre la FSC. Ils ont conclu à ce que la décision du Comité de la FSC
du 29 (recte 14) novembre 2002 et le jugement du Jury Sportif du 24 janvier
2003 concernant les sanctions pour dopage en relation avec la course n° 7 du 22
^e Swiss Derby du 16 juin 2002 soient déclarés nuls et de nuls effets,
subsidiairement annulés, à ce que la FSC doive immédiatement à Paul Zöllig
48'000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 16 juin 2002, et à Kurt Schafflützel
ainsi qu'à
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Paul Zöllig, solidairement entre eux ou dans les proportions que justice dira,
18'368 fr. 40, avec intérêts à 5 % dès le 25 février 2003. Ils ont enfin
demandé qu'il soit donné ordre à la FSC de publier, à ses frais et en langue
allemande, dans le Bulletin officiel des courses l'intégralité du jugement,
dans un délai de trente jours dès le prononcé définitif et exécutoire. La FSC
s'est opposée à l'action.
Le 21 décembre 2005, admettant l'action des demandeurs (I), le Tribunal civil
de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a annulé la décision du
Comité de la FSC ainsi que le jugement du Jury Sportif; il a en conséquence
ordonné que Paul Zöllig soit rétabli dans son droit au paiement du "prize
money" de 48'000 fr., plus intérêts à 5 % dès le 16 juin 2002 (II); il a en
outre condamné la défenderesse à payer aux demandeurs, solidairement entre eux,
18'368 fr. 40, avec intérêts à 5 % dès le 25 février 2003 (III); il a par
ailleurs astreint la FSC à faire publier dans le Bulletin officiel des courses,
à ses frais et en langue allemande, le dispositif du jugement ainsi que les
considérants constatant l'atteinte à la personnalité dans un délai de trente
jours dès jugement définitif et exécutoire (IV).
Statuant le 10 mai 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a admis le recours interjeté par la FSC (I) et a notamment réformé les
chiffres I à IV du dispositif du jugement de première instance (II), en ce sens
qu'elle a rejeté l'action des demandeurs et supprimé les chiffres II, III et
IV.

D. Paul Zöllig et Kurt Schafflützel exercent un recours en réforme au Tribunal
fédéral, concluant, en particulier à la confirmation du jugement du Tribunal
civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois du 21 décembre 2005.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4.

4.1 Selon les recourants, les sanctions prononcées à leur encontre portent une
atteinte illicite à leur personnalité et contreviennent à l'ordre juridique
suisse.
En résumé, ils critiquent la disqualification automatique, assortie du retrait
du "prize money", motif pris qu'une substance interdite a été décelée dans les
urines du cheval, ce alors même qu'il est établi que la concentration relevée
n'a pu avoir, en l'espèce, d'influence sur la
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performance de l'animal. Rappelant les limites auxquelles est soumise
l'autonomie organisationnelle de l'association, ils rejettent les motifs
avancés par l'autorité cantonale pour fonder sa décision (impératifs de
célérité et de sécurité juridique). Sous l'angle de la célérité de la
procédure, ils soutiennent que la sanction des règles antidopages n'est par
nature pas immédiate, du fait des analyses à entreprendre et des règles à
respecter pour l'ouverture de la procédure disciplinaire. Il serait par
ailleurs techniquement, et sans grands frais, possible pour les laboratoires de
déterminer les concentrations de la Dipyrone et de ses métabolites, tant dans
l'urine que dans le sang, sans que la procédure en soit rallongée pour autant;
partant, rien ne s'opposerait à la prise en considération des effets sur la
performance. La réglementation litigieuse engendrerait en outre une insécurité
juridique. D'une part, elle appellerait une appréciation au regard de la
définition des substances interdites qu'elle retient. D'autre part, elle ne
serait pas en adéquation avec l'évolution des techniques de détection et
d'analyse qui permettent de déceler des concentrations de produits toujours
plus faibles qui peuvent n'avoir aucun effet sur les performances. Ces
résultats rendant obsolètes les durées d'élimination mentionnées dans la
littérature spécialisée, les propriétaires et entraîneurs ne disposeraient
ainsi plus d'aucun moyen pour déterminer le moment à partir duquel un cheval
traité à des fins thérapeutiques pourrait concourir à nouveau, sans risque de
disqualification. Les recourants prétendent que ces incertitudes pourraient
être levées en fixant pour les différentes substances administrées à des buts
thérapeutiques des valeurs-seuils en dessous desquelles il serait admis que le
produit n'a eu aucune influence sur la performance. Ils contestent enfin la
conformité de la réglementation au droit suisse et à la jurisprudence du
Tribunal arbitral du sport et écartent les arguments invoqués par l'intimée
(égalité entre les concurrents, protection des chevaux, qualité de l'élevage)
pour justifier l'atteinte à leur personnalité. Ils invoquent les mêmes
arguments s'agissant de l'amende infligée à l'entraîneur.
Enfin, ils contestent avoir consenti à l'atteinte au sens de l'art. 28 al. 2
CC.

4.2 La Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a jugé qu'elle devait
se limiter, en l'espèce, à vérifier si la décision soumise à contrôle ne
portait pas gravement atteinte aux exigences de la bonne foi et ne dépassait
manifestement pas les bornes d'un exercice raisonnable du pouvoir en vertu
duquel elle avait été prise. Cela étant, elle a
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considéré d'une part que la réglementation litigieuse qui prévoit une
disqualification en cas de présence d'une substance interdite, quelle qu'en
soit la quantité et indépendamment d'une éventuelle influence sur les
performances du cheval, était admissible; elle s'est référée à l'intérêt des
organisateurs de courses à pouvoir se fonder sur un critère simple et clair,
permettant de régler rapidement et sûrement la question du dopage et de rendre
rapidement des décisions ne laissant pas la place à des appréciations qui
déboucheraient immanquablement sur des contestations. Elle a d'autre part
relevé que la réglementation ne paraissait pas arbitraire au regard du droit
suisse sur le dopage, lequel n'exige pas la preuve d'une amélioration de la
performance, le fait du dopage entraînant automatiquement l'annulation du
résultat sportif. Elle s'en est de plus rapportée à la jurisprudence des
autorités arbitrales privées du sport, selon laquelle la seule prise de
substances interdites justifie la disqualification, sans que l'intéressé puisse
établir l'absence d'influence de la substance sur les performances de l'animal.
L'autorité cantonale a en outre jugé que le propriétaire et l'entraîneur, en
participant à la course litigieuse et en se soumettant à la réglementation de
la fédération, qui leur était par ailleurs connue, l'avaient acceptée, à tout
le moins implicitement. Ce faisant, ils avaient consenti à l'éventuelle lésion
de leurs droits (art. 28 al. 2 CC). Enfin, ce consentement ne constituait pas
un engagement excessif au sens de l'art. 27 CC; le fait de se soumettre à une
règle ayant pour conséquence d'interdire à un cheval, qui vient d'être soigné
et qui présente encore des traces de médicaments, de prendre le départ d'une
course ne pouvait être qualifié comme tel; la disqualification - et la
restitution du prix qui en résultait - n'était que la réalisation du risque
pris en faisant participer un animal qui avait été soigné quelques jours
auparavant avec un produit prohibé, risque auquel les intéressés auraient pu
échapper en renonçant à participer à la compétition, renonciation qui ne
restreignait pas à l'excès leur liberté économique. La position monopolistique
de l'association sportive n'était à cet égard pas un argument pertinent, la
lutte contre le dopage constituant par ailleurs un intérêt prépondérant au sens
de l'art. 28 al. 2 CC.
L'autorité cantonale en a conclu que la réglementation et les décisions en
cause n'étaient pas illicites, de sorte que les prétentions de l'entraîneur et
du propriétaire en annulation de ces dernières, en restitution du prix, en
dommages-intérêts et en publication du jugement n'étaient pas fondées.
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4.3 Comme le relève à bon droit l'autorité cantonale, l'association dispose,
conformément à l'art. 63 al. 1 CC, d'une large autonomie dans l'établissement
et l'application des règles qui régissent sa vie sociale et ses relations avec
ses membres. Il n'en demeure pas moins que cette autonomie est limitée, en ce
sens que les statuts ne peuvent déroger aux règles dont l'application a lieu en
vertu d'une disposition impérative de la loi (art. 63 al. 2 CC; cf. ATF 97 II
108 consid. 2 p. 113). En particulier, la réglementation associative et les
décisions prises en application de celle-ci ne peuvent porter une atteinte
illicite à la personnalité des membres (art. 27 et 28 CC; Margareta Baddeley,
Le sportif, sujet ou objet [ci-après: Le sportif], in RDS 115/1996 p. 227-228,
et L'association sportive face au droit, thèse Genève 1994, p. 107 s. et 110;
Riemer, Commentaire bernois, n. 43 ss ad art. 63 CC; WOLFGANG PORTMANN, Das
Schweizerische Vereinsrecht, 3e éd., in Schweizerisches Privatrecht, vol. II/5,
n. 305, 316 ss).

4.4 On ne saurait en revanche suivre les juges cantonaux, lorsque, se référant
à un courant doctrinal (Jérôme Jaquier, La qualification juridique des règles
autonomes des organisations sportives, thèse Lausanne 2004, p. 166 ss), ils
prônent - dans ce contexte - un examen de la réglementation associative limité
à l'"arbitraire". En l'espèce, il ne s'agit pas d'examiner si celle-là a été
correctement appliquée ou interprétée, mais si les recourants ont été atteints
de façon illicite dans leur personnalité par son application, en l'occurrence
par le prononcé des sanctions litigieuses. Dans ce cadre, l'autorité judiciaire
dispose d'un pouvoir d'examen libre (cf. Anton Heini, Die gerichtliche
Überprüfung von Vereinsstrafen, in Festschrift Meier-Hayoz, Berne 1982, p. 230
s.; MARGARETA BADDELEY, L'autonomie de l'association sportive en droit suisse,
in Chapitres choisis du droit du sport, Etudes et Recherches du GISS, Genève
1993, p. 41). Cela n'empêche pas une certaine retenue lorsque se posent des
questions techniques ou d'appréciation (ATF 125 II 643 consid. 4a p. 652, ATF
125 II 86 consid. 6 p. 98 et les arrêts cités; ATF 119 Ia 378 consid. 6a p.
383; ATF 112 Ib 26 consid. 3 p. 30; pour les instances inférieures: ATF 133 II
35 consid. 3 p. 39).

4.5 L'art. 28 al. 1 CC confère à celui qui subit une atteinte illicite à sa
personnalité le droit d'agir en justice pour sa protection contre toute
personne qui y participe. La garantie de l'art. 28 CC s'étend à l'ensemble des
valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence
et peuvent faire l'objet d'une atteinte (
BGE 134 III 193 S. 200
Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4 ^e éd. 1999, p.
108, n. 457; Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 4e éd. 2001,
n. 515). En matière de sport de haut niveau, elle englobe plus particulièrement
le droit à la santé, à l'intégrité corporelle, à l'honneur, à la considération
professionnelle, à l'activité sportive et, s'agissant de sport professionnel,
le droit au développement et à l'épanouissement économique (Heinz Hausheer/
ReginaAebi-Müller,Sanktionen gegen Sportler - Voraussetzungen und
Rahmenbedingungen, in RJB 137/2001 p. 346 ss;Jörg Schmid, Persönlichkeitsrecht
und Sport, in Festschrift Heinz Hausheer, Berne 2002, p. 128 ss; MARGARETA
BADDELEY, Le sportif, p. 171 ss).
En l'occurrence, il est patent que le retrait du prix en espèces d'une valeur
de 48'000 fr. lié à la disqualification du cheval ainsi que le prononcé de
l'amende de 2'000 fr. lèsent les droits patrimoniaux des recourants. Cette
atteinte est d'autant plus conséquente pour l'entraîneur qu'il exerce cette
activité à titre professionnel et tire ses revenus de la participation aux
"prize money" gagnés par les chevaux qu'il entraîne (cf. Margareta Baddeley, Le
sportif, p. 186). Les sanctions litigieuses atteignent par ailleurs les
recourants dans leur honneur et leur considération professionnelle et sociale (
ATF 127 III 481 consid. 2b/aa p. 487; ATF 111 II 209 consid. 2 p. 210; ATF 106
II 92 consid. 2a p. 96; MARGARETA BADDELEY, Le sportif, p. 183 ss; Heinz
Hausheer/ Regina Aebi-Müller, op. cit., p. 347). En effet, d'un point de vue
objectif et aux yeux d'un citoyen moyen (cf. ATF 132 III 641 consid. 3.1 p. 644
et les arrêts cités; ATF 111 II 209 consid. 2 p. 211 et la référence), le
prononcé de mesures disciplinaires en raison d'une prétendue violation des
règles interdisant et sanctionnant l'usage de substances interdites fait naître
l'idée que les résultats ont été obtenus par un comportement déloyal ou par des
méthodes interdites. Il porte de ce fait atteinte non seulement au sentiment
qu'a une personne de sa propre dignité, mais aussi à sa réputation d'honnête
homme ainsi qu'à son estime professionnelle et sociale (Deschenaux/Steinauer,
op. cit., n. 558; MARGARETA BADDELEY, Le sportif, p. 184 s.), notamment
lorsqu'il a été suivi, comme en l'espèce, d'une publication dans une revue
officielle (Margareta Baddeley, Le sportif, p. 185). Preuve en est, dans le cas
particulier, la lettre anonyme accusant le propriétaire d'avoir "abus[é]"
honteusement d'un cheval pour "satisfaire sa frustration et sa fausse
ambition".

4.6 Selon l'art. 28 al. 2 CC, une atteinte à la personnalité est illicite, à
moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime,
BGE 134 III 193 S. 201
par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi. Il résulte de cette
disposition que l'atteinte est en principe illicite, ce qui découle du
caractère absolu des droits de la personnalité. L'illicéité est une notion
objective de sorte qu'il n'est pas décisif que l'auteur soit de bonne foi ou
ignore qu'il participe à une atteinte à la personnalité.

4.6.1 L'intimée se prévaut d'un intérêt public prépondérant. Elle fait valoir
en substance que sa réglementation visant à interdire et sanctionner
l'utilisation de certaines substances indépendamment de la quantité décelée et
de toute influence sur la performance poursuit des buts légitimes, à savoir
garantir la sincérité des courses et l'égalité entre les concurrents, assurer
la protection des chevaux et préserver la qualité de l'élevage. Elle soutient
en outre qu'elle est conforme à celle prévue par l'Accord international sur
l'élevage et les courses ainsi qu'à l'ordre juridique sportif international et
au droit suisse.

4.6.2 S'agissant de l'intérêt public prépondérant qui justifierait l'atteinte,
l'examen nécessite une pondération des intérêts en présence, à savoir, d'un
côté, l'intérêt de la victime à ne pas subir une atteinte à sa personnalité et,
de l'autre, celui de l'auteur de l'atteinte à réaliser un objectif.

4.6.3 En l'espèce, le règlement suisse des courses de galop, auquel sont soumis
les recourants, dispose que doit être disqualifié notamment tout cheval chez
lequel on a découvert une substance interdite (§ 176 ch. 3.20); la
disqualification est assortie du retrait du "prize money" revenant au
propriétaire. Quant à l'entraîneur, il se voit infliger, s'il ne s'agit pas
d'un cas de négligence légère (§ 171 ch. 1) - pour lequel est prévue la
réprimande (§ 170) -, une amende pouvant aller de 2'000 fr. à 30'000 fr.
lorsque des substances interdites sont découvertes chez l'un ou plusieurs
chevaux figurant sur sa liste d'entraînement (§ 171 ch. 2.4).
Selon le paragraphe 4 chiffre 10 de la directive relative au service
vétérinaire, constituent des substances interdites celles qui peuvent avoir en
tout temps des effets sur un ou plusieurs des systèmes corporels d'un
mammifère, notamment le système nerveux, la circulation, les voies
respiratoires, l'appareil digestif, le système urinaire, les organes
reproducteurs, le système moteur, le système hémotolymphatique et la
circulation sanguine, le système immunitaire, à l'exception des substances qui
sont contenues dans les vaccins, et le système endocrinien (let. a); sont
également visées les sécrétions endocrines et leurs homologues synthétiques
(let. b) ainsi que les substances
BGE 134 III 193 S. 202
masquantes (let. c). La disposition précitée dispose par ailleurs qu'il faut
entendre par identification d'une substance interdite la présence de la
substance elle-même, d'un métabolite de cette substance, d'un isomère de la
substance ou d'un isomère de son métabolite (produits du métabolisme) et qu'il
y a lieu d'assimiler à l'identification d'une substance interdite
l'identification d'un indicateur scientifique prouvant que l'administration
d'une substance interdite a eu lieu.

4.6.3.1 Les recourants ne contestent pas que le 4-MAA décelé dans l'urine du
cheval, métabolite primaire du Metamizol et l'un des métabolites de la
Dipyrone, soit une substance interdite au sens du paragraphe 4 chiffre 10 de la
directive susmentionnée. Dans ces conditions, et d'autant qu'il s'agit en
l'espèce d'examiner l'illicéité d'une atteinte à la personnalité, il est
difficile de saisir la pertinence de leur grief selon lequel, à défaut de
définir précisément les produits interdits selon leur classe chimique, la norme
susmentionnée ne constituerait pas une base légale suffisante et, partant,
engendrerait une insécurité juridique.

4.6.3.2 Les recourants soutiennent que la disqualification automatique,
assortie du retrait du "prize money", ainsi que le prononcé de l'amende portent
une atteinte injustifiée à leur personnalité, dès lors que ces sanctions sont
fondées par le seul fait de la présence dans les urines d'une substance
interdite, alors même qu'il est établi que la concentration relevée n'a pu
avoir, en l'espèce, d'influence sur la performance de l'animal. En bref, ils
considèrent comme injustifiée la réglementation litigieuse qui dispose que
l'infraction de dopage est consommée dès le moment où la substance prohibée est
décelée, et qui sanctionne le cas de dopage sans qu'il importe de savoir si son
administration a eu des effets sur la performance ou si sa présence découle
d'une volonté de "tricher" (cf. supra, consid. 4.1).

4.6.3.2.1 Le système adopté par l'intimée prévoit que la seule présence d'un
produit interdit présume le dopage, c'est-à-dire l'augmentation artificielle
des performances (présomption de dopage: cf. arrêts du Tribunal fédéral 4P.217/
1992 du 15 mars 1993, consid. 8, publié in Bull. ASA 1993 p. 409; 5P.83/1999 du
31 mars 1999, consid. 3d). S'agissant de la disqualification et du retrait du
"prize money", il repose par ailleurs sur le principe d'une responsabilité dite
objective, à savoir abstraction faite de tout critère de culpabilité ("strict
liability"; sur cette notion: cf. arrêts du Tribunal fédéral 4P.105/2006 du 4
août 2006, consid. 8.2 et 4P.148/2006 du 10 janvier 2007, let. A
BGE 134 III 193 S. 203
sous les faits). En d'autres termes, le cas de dopage est réalisé et sanctionné
dès la découverte d'un produit prohibé, indépendamment des effets réels de
celui-ci sur la performance et, dans le cas de la disqualification et du
retrait du prix, de toute faute.

4.6.3.2.2 On ne saurait considérer qu'une telle réglementation ne soit pas
justifiée par un intérêt public prépondérant. En effet, la lutte contre le
dopage vise à sauvegarder l'égalité entre les concurrents et la loyauté des
compétitions, à protéger la santé des animaux, à maintenir la qualité de
l'élevage, à combattre l'utilisation de substances dangereuses, à préserver la
propreté du sport et à assurer la fonction formatrice de celui-ci pour les
jeunes. Ces objectifs sont unanimement reconnus par les organisations sportives
et les institutions étatiques (Jörg Schmid, op. cit., p. 137 ss; Peter Philipp,
Rechtliche Schranken der Vereinsautonomie und der Vertragsfreiheit im
Einzelsport, p. 53-54; MARGARETA BADDELEY, Le sportif, p. 224).
Il en va de l'efficacité du combat antidopage que les associations disposent
d'une base indiscutable. L'examen dans chaque cas particulier des éventuels
effets de la substance décelée sur la performance ne manquerait pas d'ouvrir la
porte à des appréciations et à des discussions sans fin et de créer des
disparités de traitement selon les situations (particularités des phases de
résorption, tolérances individuelles). Il s'agit d'éviter de longs débats sur
l'effet que la substance a pu ou n'a pas pu avoir, dans un cas particulier, sur
les performances sportives, un tel effet étant au demeurant impossible à
quantifier. Le recours, en l'espèce, à moults expertises et avis de
spécialistes sur le sujet en est la parfaite illustration. Ce souci
d'efficacité l'emporte sur l'intérêt des recourants au prononcé d'une sanction
tenant compte de l'influence du produit prohibé sur la performance.
Certes, les techniques actuelles d'analyses permettent de détecter des
quantités de substance toujours plus faibles qui peuvent n'avoir eu aucune
influence sur les performances et rendre ainsi obsolètes les temps
d'élimination préconisés par la littérature spécialisée. Dans ce contexte, les
recourants prétendent que la fixation d'une valeur-seuil en dessous de laquelle
il serait admis qu'il n'y a eu aucun effet sur la performance, préserverait de
façon plus adéquate leurs droits de la personnalité, notamment lorsque la
substance a été administrée, comme en l'espèce, à des fins thérapeutiques.
Outre qu'une telle argumentation revient à critiquer le système autant qu'il se
fonde sur une présomption de dopage, elle ne porte pas. Il n'appartient pas à
BGE 134 III 193 S. 204
l'autorité judiciaire de déterminer pour quelles substances des valeurs-seuils
devraient être introduites, ni de fixer ces dernières. Il s'agit là d'une
problématique qui suppose des connaissances particulières et pointues et qu'il
incombe aux fédérations équestres de trancher - dans le cadre de leur autonomie
(art. 63 al. 1 CC) - sur la base de consultations des parties concernées et
d'études scientifiques sérieuses. Aux dires des divers témoins entendus, une
"task force" a d'ailleurs été formée pour traiter de la question au sein de la
Fédération équestre tant internationale que suisse. Il ne saurait être question
de remettre en cause, au nom de la protection de la personnalité, une
réglementation qui, se conformant en cela à un engagement international, limite
les valeurs-seuils à certaines substances avec lesquelles l'animal peut
naturellement être en contact. En effet, reprenant les termes de l'Accord
international sur l'élevage et les courses (édition de janvier 2002; art. 6 ch.
14 à 17) - auquel la Suisse est partie -, les dispositions adoptées par
l'intimée prévoient de tels taux. Elles les fixent cependant pour neuf
substances qui sont endogènes au cheval, naturellement présentes dans les
plantes couramment broutées ou récoltées comme fourrage, ou encore dont la
présence dans l'alimentation résulte d'une contamination durant la culture, le
traitement ou la transformation, le stockage ou le transport (par. 4 ch. 11 de
la directive relative au service vétérinaire).
Il résulte de ce qui précède que, justifiée par un intérêt public prépondérant,
l'atteinte aux droits de la personnalité des recourants n'est pas illicite au
sens de l'art. 28 al. 2 CC. Partant, elle ne saurait fonder une annulation de
la décision du Jury Sportif de la FSC ni une prétention en dommages-intérêts.
Cela étant, nul n'est besoin d'examiner encore si les recourants ont consenti à
l'atteinte, comme le soutient aussi l'intimée.