Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 V 421



Urteilskopf

133 V 421

  53. Arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause hoirs de L. contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents ainsi que Tribunal
des assurances du canton de Vaud (recours de droit administratif)
  U 249/06 du 16 juillet 2007

Regeste

  Art. 9 Abs. 1 UVG; Art. 14 UVV; Anhang 1 UVV: Merkmale der Berufskrankheit
eines Bronchialkarzinoms nach einer beruflichen Asbeststaubexposition.

  Eine Asbeststaubexposition kann als überwiegende Ursache für die
Entwicklung eines Bronchialkarzinoms nicht zum Vornherein und aus dem
alleinigen Grunde ausgeschlossen werden, dass der Versicherte infolge seines
starken Zigarettenkonsums ein überdurchschnittliches Risiko der Entwicklung
einer solchen Erkrankung zu gewärtigen hatte (E. 5).

  Die Asbeststaubexposition kann das relative Risiko eines
Bronchialkarzinoms auch bei Fehlen von Anzeichen einer begleitenden
Asbestose verdoppeln. In casu Frage des Minimalanteils einer Exposition zur
Qualifikation des Bronchialkarzinoms als Berufskrankheit bei fehlender
Asbestose offen gelassen (E. 7.1).

Sachverhalt

  A.- L., né en 1933, a travaillé pour le compte de l'entreprise E. SA, de
1968 à 1995. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels
et non professionnels, et contre les maladies professionnelles, par la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: CNA).

  Dans le cadre de son activité professionnelle, L. a été en contact avec
des fibres d'amiante (amiante-ciment). Du 1er novembre 1968 au 1er mars
1985, il était contremaître au dépôt de matières premières de l'usine. Il a
ensuite été muté au poste de magasinier, moins exposé aux fibres d'amiante.
Dès 1976, il a été soumis à des contrôles médicaux préventifs réguliers lors
desquels le diagnostic de syndrome pulmonaire restrictif et obstructif a été
posé.

  Le 16 juin 1991, le docteur T., médecin rattaché à la Division de médecine
du travail de la CNA, a examiné l'assuré et constaté un important syndrome
obstructif. Il a en revanche nié l'existence d'un syndrome restrictif ou
d'une atteinte radiologique typique permettant d'évoquer une asbestose.
L'atteinte respiratoire était, pour le docteur T., caractéristique d'une
bronchite chronique d'origine tabagique. Le 28 juin 1995, L. a consulté le
docteur S., spécialiste en médecine interne et pneumologie, en raison de ses
difficultés respiratoires. Ce médecin a confirmé le diagnostic de syndrome
obstructif sévère, avec probablement un emphysème, et a prescrit une
oxygénothérapie à domicile. Il a attesté une incapacité de travail totale.

  En août 2002, des radiographies du thorax ont conduit les médecins à
suspecter un cancer dans la zone supérieure du hile droit. L'assuré a été
hospitalisé dès le 14 juillet 2003 à l'Hôpital X. en raison d'une néoplasie
pulmonaire droite en progression (probable carcinome épidermoïde
kératinisant). Il est décédé le 3 décembre suivant.

  Les docteurs B., R. et O., médecins à l'Hôpital Y., ont pratiqué une
autopsie, le jour du décès. Ils ont constaté l'existence d'un carcinome

épidermoïde moyennement et peu différencié de la bronche souche droite, des
bronchiectasies surinfectées et foyers multiples de bronchopneumonie en
partie micro-abcédante intéressant les lobes moyen et inférieur droits,
ainsi qu'un emphysème diffus, en partie bulleux, du poumon gauche. Selon ces
médecins, le décès était secondaire à une insuffisance respiratoire dans un
contexte d'emphysème pulmonaire et atélectasie chez un patient porteur d'un
carcinome épidermoïde, à point de départ bronchique, avec extension massive
dans le parenchyme pulmonaire avoisinant et dans la région para-hilaire
droite. L'examen histologique des prélèvements effectués dans les poumons
n'avait pas mis en évidence de pathologie pouvant clairement être attribuée
à l'exposition à l'amiante, notamment pas de corps asbestosiques, pas de
foyer de fibrose du parenchyme pulmonaire ni d'épaississement pleural
(rapport du 24 décembre 2003). Par la suite, l'Hôpital Y. a envoyé des
prélèvements de tissu pulmonaire au docteur V., médecin à l'Institut de
pathologie de l'Hôpital Z. L'analyse a révélé des traces d'amphiloasbeste
(rapport du 17 juin 2004), qui ne permettaient toutefois pas de revoir le
diagnostic anatomo-pathologique posé précédemment, selon le docteur O.
(rapport complémentaire du 18 juin 2004).

  Entre-temps, la CNA a nié que le décès de L. fût la conséquence d'une
maladie professionnelle et a refusé d'allouer des prestations d'assurance,
par décision du 7 mai 2004. Elle se fondait notamment sur un rapport du 4
mai 2004 du docteur T., d'après lequel l'exposition professionnelle de
l'assuré à l'amiante ne constituait pas la cause exclusive ni prépondérante
de son décès. Le docteur T. relevait que l'assuré avait fumé 25 cigarettes
par jour en moyenne entre 1953 et 1995, de sorte que le tabagisme
constituait une cause plus vraisemblable du développement d'un cancer.

  La veuve et les enfants de l'assuré, F., D. et C., ont formé opposition
contre la décision du 7 mai 2004. Ils ont produit un rapport établi le 1er
juillet 2004 par le docteur P., toxicologue, d'après lequel le décès de L.
était imputable à une exposition professionnelle à l'amiante. Le docteur T.
a pris position sur ce document (rapport du 7 décembre 2004).

  Par décision sur opposition du 1er février 2005, la CNA a maintenu son
refus de prester.

  B.- F., C. et D. ont déféré la cause au Tribunal des assurances du canton
de Vaud, en produisant un rapport complémentaire établi

par le docteur P. le 26 avril 2005. La CNA a pour sa part produit une
nouvelle détermination du docteur T. (rapport du 15 juin 2005).

  La juridiction cantonale a rejeté le recours, par jugement du 1er février
2006.

  C.- F., C. et D. interjettent un recours contre ce jugement, dont ils
demandent l'annulation. Ils concluent, sous suite de dépens, à ce que soit
reconnu le caractère professionnel de la maladie ayant causé le décès de L.
et au renvoi de la cause à l'intimée pour nouvelle décision sur le droit aux
prestations. A titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement.

  L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral de la
santé publique a renoncé à se déterminer.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Considérant en droit:

Erwägung 1

  1.  La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1205, 1242). L'acte
attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ
(art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

Erwägung 2

  2.  Le litige porte sur le droit à des prestations d'assurance. Le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral n'est donc pas limité à la violation du droit
fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais
s'étend à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié
par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut s'écarter
des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art.
132 OJ).

Erwägung 3

  3.  Reprenant pour l'essentiel l'argumentation développée par le docteur
T., les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi que
l'exposition aux fibres d'amiante subie par L. pendant sa carrière
professionnelle fût la cause prépondérante du cancer broncho- pulmonaire qui
avait entraîné son décès. Les recourants contestent ce point de vue. Ils
soutiennent notamment que selon la législation française, l'origine
professionnelle d'un cancer broncho-pulmonaire ne fait aucun doute lorsque
cette maladie se développe après une exposition à des poussières d'amiante
pendant 10 ans au moins, lors de travaux directement associés à la
production des matériaux contenant de l'amiante. Il conviendrait
nécessairement d'en conclure que le cancer développé par L., qui a exercé
une profession directement

associée à la production de matériaux contenant de l'amiante, pendant près
de 22 ans, est une maladie professionnelle. Les recourants s'appuient par
ailleurs sur les rapports établis par le docteur P.

Erwägung 4

  4.

  4.1  Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont en
principe allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non
professionnel et de maladie professionnelle. Sont réputées maladies
professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière
prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des
substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la
liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections
qu'ils provoquent (art. 9 al. 1 LAA). Se fondant sur cette délégation de
compétence, ainsi que sur l'art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à
l'annexe 1 de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une part, et la
liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent,
d'autre part. Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation
prépondérante est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50 % à
l'action d'une substance nocive mentionnée à l'annexe 1 de l'OLAA (ATF 119 V
200 consid. 2a et la référence; RAMA 2006 no U 578 p. 174 consid. 3.2, U
245/05). Les poussières d'amiante font l'objet d'une telle mention.

  4.2  La législation française prévoit que l'origine professionnelle d'un
cancer broncho-pulmonaire est présumée lorsque celui-ci se développe après
une exposition à des poussières d'amiante pendant 10 ans au moins, lors de
travaux directement associés à la production des matériaux contenant de
l'amiante (Tableau 30 bis des maladies professionnelles liées à l'amiante,
établi par le Décret n° 96- 445 du 22 mai 1996, en relation avec l'art. L.
461-1 du Code de la sécurité sociale). Cette présomption repose sur un choix
de politique sociale et législative, étroitement lié au système
d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles en France. En
Suisse, ce système est fondé, en ce qui concerne les personnes qui ont été
exposées à des poussières d'amiante, sur les art. 9 al. 1 LAA, 14 OLAA ainsi
que sur l'annexe 1 de cette ordonnance. Il implique, pour l'ouverture du
droit aux prestations, d'établir que la maladie est due pour plus de 50 % à
l'action de l'amiante. En l'absence de base légale idoine, on ne saurait le
présumer au motif que les conditions posées, en France, par le Tableau 30
bis des maladies professionnelles liées à l'amiante sont réunies.

Erwägung 5

  5.

  5.1  Les principaux risques pour la santé associés à l'exposition à
l'amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales)
et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le
risque de développement d'une maladie en raison d'une exposition à l'amiante
dépend en particulier de l'intensité et de la durée d'exposition. Le temps
de latence avant l'apparition de la maladie est important (jusqu'à 40 ans,
voire plus, pour les cancers; SCHÖNBERGER/MEHRTENS/VALENTIN, Arbeitsunfall
und Berufskrankheit, Rechtliche und medizinische Grundlagen für Gutachter,
Sozialverwaltung, Berater und Gerichte, 7e éd., Berlin 2003, p. 1167;
TRIEBIG/KENTNER/SCHIELE, Arbeitsmedizin, Handbuch für Theorie und Praxis,
Stuttgart 2003, p. 397 s.).

  Le carcinome bronchique est une atteinte répandue même dans une population
qui n'a pas été exposée à des poussières d'amiante. L'étiologie est
multifactorielle et il n'existe pas de critère clinique ou
anatomo-pathologique permettant d'isoler de façon certaine les cas de cancer
du poumon dus aux expositions professionnelles à l'amiante (Expertise
collective "Effets sur la santé des principaux types d'exposition à
l'amiante", réalisée en 1996 sous l'autorité de l'Institut national français
de la santé et de la recherche médicale [ci-après: Expertise collective
Inserm], p. 250 ss, 411; Consensus report Asbestos, asbestosis and cancer:
the Helsinki criteria for diagnosis and attribution, Scandinavian Journal of
Work, Environment & Health, 23/1997 [4] p. 311 ss [ci-après: Consensus
report Asbestos, asbestosis and cancer]). Dans de tels cas de figure, la
jurisprudence admet néanmoins de reconnaître l'origine essentiellement
professionnelle d'une maladie lorsque l'on peut considérer, sur la base de
données épidémiologiques, que l'exposition professionnelle à la substance
nocive entraîne pour les personnes concernées un risque deux fois plus
important de contracter la maladie (SVR 2000 UV no 22 p. 75, U 293/99
consid. 4b; cf. également ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 1997 no U
273 p. 176 consid. 3a, U 104/96).

  5.2
  5.2.1  Dans le rapport médical du 4 mai 2004, le docteur T. a exposé que
le risque de carcinome bronchique est multiplié par plus de 20 pour une
consommation de tabac même inférieure à celle de l'assuré. Pour l'amiante,
un doublement de la fréquence du carcinome bronchique n'est observé qu'à des
niveaux d'exposition relativement

élevés qui s'accompagnent de modifications anatomo- pathologiques typiques
se traduisant par la présence de corps asbestosiques, de foyers de fibrose
pulmonaire ou de plaques pleurales. De telles modifications n'ont pas été
mises en évidence chez l'assuré, dont le docteur T. attribue le décès
essentiellement au tabagisme.

  5.2.2  La consommation de tabac et l'exposition à l'amiante contribuent
l'une et l'autre à l'augmentation du risque de carcinome bronchique.
Lorsqu'elles sont cumulées, le risque relatif d'être atteint de cette
maladie augmente d'un facteur supérieur à la simple addition des risques
découlant du tabagisme ou de l'exposition à l'amiante seuls (MARTIN RÜEGGER,
Pratique actuelle en matière de reconnaissance des maladies professionnelles
causées par l'amiante, in Informations médicales de la CNA no 76/2005 p.
91). Cela étant, dans une population de fumeurs et dans une population de
non-fumeurs, l'augmentation du risque relatif de développer un cancer
broncho-pulmonaire ensuite d'une exposition à des poussières d'amiante est
proportionnellement identique, comme l'illustre le tableau suivant:

                                                  Amiante
                                            non exposé  exposé
Tabac          non exposé                    1           5,17
               exposé                       10,85       53,24

  Autrement dit, si dans une population de fumeurs, les personnes ayant été
fortement exposées à des poussières d'amiante encourent un risque cinq fois
plus élevé que les autres de développer un carcinome bronchique, cette
augmentation du risque relatif est la même dans une population de
non-fumeurs (SCHÖNBERGER/MEHRTENS/VALENTIN, op. cit., p. 1174 s.; MEYER/LE
BÂCLE, Affections professionnelles liées à l'amiante, Situation en France,
in Institut national français de recherche scientifique, Documents pour le
médecin du travail no 78/1999 p. 116; cf. également Expertise collective
Inserm, p. 251 s., 411 s.).

  On ne saurait donc exclure d'emblée que l'exposition à des poussières
d'amiante puisse constituer la cause prépondérante du développement d'un
carcinome bronchique chez l'assuré, pour le seul motif qu'il encourait déjà
un risque supérieur à la moyenne de développer cette maladie en raison de sa
forte consommation de cigarettes jusqu'en 1995.

Erwägung 6

  6.  Le docteur P. accorde une importance déterminante au fait que le
docteur A., pneumologue, avait posé le diagnostic de syndrome restrictif en
1977 déjà, puis de syndrome restrictif et obstructif dès 1979, dans le
contexte des contrôles préventifs périodiques ordonnés par la CNA. Il expose
que l'asbestose et la fibrose pleurale entraînent un syndrome restrictif,
alors que la fibrose des bronches entraîne plutôt, en se combinant aux
effets du tabagisme, un syndrome obstructif. Toujours d'après le docteur P.,
le syndrome restrictif ne peut être attribué qu'à une fibrose due à
l'amiante, le syndrome obstructif laissant par ailleurs lui aussi suspecter
fortement une telle fibrose. Il relève encore divers indices d'une asbestose
dans les différents rapports médicaux établis en 2002. Le docteur T. objecte
pour sa part qu'il a nié, dès 1991, l'existence d'un syndrome restrictif et
que le syndrome obstructif doit être attribué aux effets du tabagisme plutôt
qu'à une asbestose. Il se réfère sur cette question aux examens
histologiques effectués à l'Hôpital Y. et à l'Institut de pathologie de
l'Hôpital Z., dont il déduit que le développement d'une fibrose due à
l'amiante est exclu.

  Face à des avis médicaux aussi contradictoires, une expertise médicale est
nécessaire en vue de se prononcer sur le caractère professionnel du
carcinome bronchique dont l'assuré est décédé. Il appartiendra notamment à
l'expert de déterminer si les analyses histologiques et les constatations
médicales effectuées lors des examens de contrôle permettent effectivement
d'établir l'existence d'une fibrose dont on pourrait déduire, conformément à
la pratique de la CNA (RÜEGGER, loc. cit.), que l'exposition à l'amiante
subie par l'assuré a entraîné pour lui un doublement du risque de développer
un cancer pulmonaire. La cause sera donc renvoyée à l'intimée pour
instruction complémentaire et nouvelle décision.

Erwägung 7

  7.

  7.1  Plusieurs études épidémiologiques ont démontré qu'après une
exposition importante à des poussières d'amiante, le risque relatif d'être
atteint d'un carcinome bronchique peut être doublé sans qu'existe
nécessairement une asbestose concomitante. L'intimée admet que le risque
relatif est doublé à partir d'une exposition cumulative de 25
"fibres/années", l'exposition cumulative en "fibres années" correspondant à
la concentration moyenne de fibres d'amiante respirable par cm3 d'air,
multipliée par le nombre d'années de travail (48 semaines par an, cinq jours
par semaine et 8 heures par jour; RÜEGGER, loc. cit., qui se réfère à
Consensus report Asbestos,

asbestosis and cancer; cf. également HANS-JOACHIM WOITOWITZ, Aspects
relatifs à la médecine du travail et situation des maladies
professionnelles, www.asbestkonferenz2003.de, sous Actes de conférence, p.
13 ss).

  Les recourants contestent ce seuil d'exposition de 25 "fibres/années". On
relèvera cependant que l'expertise collective réalisée sous l'autorité de
l'Inserm, et à laquelle le docteur P. a participé, ne permet pas de retenir
un seuil moins élevé. Cette étude fait en effet état d'un coefficient
d'accroissement du risque relatif de mortalité par cancer du poumon égal à 1
% pour une exposition à 1 "fibre/année" supplémentaire (Expertise collective
Inserm, p. 410); sur ce point, l'étude à laquelle se réfère l'intimée lui
est statistiquement moins favorable, puisqu'elle se fonde sur un coefficient
d'accroissement supérieur à 1 % (Consensus report Asbestos, asbestosis and
cancer). Quoi qu'il en soit, il est prématuré, en l'état du dossier, de
trancher définitivement la question du seuil d'exposition à partir duquel il
faut considérer, même en l'absence de modifications anatomo-pathologiques
typiques telles que l'asbestose, que le risque relatif de cancer
broncho-pulmonaire a été multiplié par deux. Il appartiendra à l'intimée
d'inviter l'expert qu'elle mandatera à préciser si les développements
scientifiques récents mettent en cause le seuil de 25 "fibres/années" ou, au
contraire, tendent à le confirmer.

  7.2
  7.2.1  En réponse à une demande de renseignements du docteur T., l'ancien
employeur de l'assuré a exposé que ce dernier avait travaillé du 1er
novembre 1968 au 1er mars 1985 en tant que responsable des matières
premières, et qu'il avait passé environ un tiers de son temps de travail en
dehors de la halle d'entreposage des matières premières, et deux tiers de
son temps "dans la halle principale et dans les locaux de préparation". Cela
correspond à environ 1'300 heures par an à des postes de travail (nos 2, 3,
4 et 5) auxquels la firme Amiantus a mesuré entre 0,25 et 0,80 fibres
d'amiante par cm3 d'air (lettre du 3 décembre 2004 de l'entreprise E. SA au
docteur T. et rapport du 8 décembre 1976 de l'entreprise Amiantus, annexé à
cette lettre). Dans son rapport du 7 décembre 2004, le docteur T. déduit de
ces renseignements que l'assuré avait été soumis à une exposition moyenne de
0,55 fibre/cm3 pendant quinze ans et quatre mois, à raison de 2/3 de son
temps de travail, ce qui représente une exposition cumulée de 5,62
"fibres/années". Il précise que de mars 1985 jusqu'à la fin de son activité
pour E. SA, l'assuré avait

oeuvré comme magasinier dans le secteur des produits finis; l'exposition à
l'amiante y était très réduite et n'était pas de nature à entraîner une
modification notable du chiffre de 5,62 "fibres/années".

  7.2.2  Les conclusions du docteur T. reposent sur des renseignements
insuffisamment précis fournis par l'ancien employeur de l'assuré. Le rapport
de la firme Amiantus indique par exemple que pour les postes de travail nos
2 et 3, les valeurs mesurées doivent être doublées pour un employé occupé
aux deux postes simultanément (ce qui porte la concentration mesurée à 1,6
fibre/cm3 au lieu de 0,80). Il y a donc une grande différence selon que
l'assuré a travaillé à ces deux postes de travail simultanément ou
alternativement, et selon qu'il a été affecté essentiellement à ces postes
de travail ou à d'autres moins exposés. A cela s'ajoute qu'Amiantus a
précisé avoir réalisé des mesures ponctuelles en octobre 1976, devant être
répétées pour acquérir une véritable valeur statistique. Or, on ignore si
d'autres mesures ont été réalisées dans les locaux d'E. SA, voire dans
d'autres entreprises semblables. Enfin, le rapport du 8 décembre 1976
indique que les postes de travail nos 2 et 3 étaient équipés d'un système
d'aspiration des poussières très efficace. Il va de soi que si ce système de
ventilation n'a été installé que peu avant les mesures effectuées par
Amiantus - ce qui n'a pas été vérifié par l'intimée -, une référence à ces
mesures conduirait à sous-estimer notablement l'exposition à laquelle a été
soumis l'assuré depuis 1968.

  Dans ces conditions, il appartiendra au besoin à la CNA, selon les
résultats de l'expertise médicale à mettre en oeuvre (cf. consid. 6 supra),
de compléter les renseignements figurant au dossier concernant l'exposition
à l'amiante à laquelle l'assuré a vraisemblablement été exposé. Il
conviendra en particulier de rechercher autant que possible la manière dont
les postes de travail étaient pourvus, quelle était l'occupation principale
de l'assuré dans le cadre de la réception des matières premières et quelles
étaient les concentrations de fibres d'amiante dans l'air aux différents
postes de travail. Le cas échéant, en l'absence de mesures fiables à l'usine
E. SA, l'intimée devra se référer à des valeurs relevées dans d'autres
entreprises pour des postes comparables à ceux occupés par l'assuré.

Erwägung 8

  8.  Le recourant obtient le renvoi de la cause à l'intimée pour
instruction complémentaire et nouvelle décision. Il peut donc prétendre des
dépens à la charge de l'intimée (art. 159 OJ), la procédure étant par
ailleurs gratuite (art. 134 OJ).