Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 I 27



Urteilskopf

133 I 27

  4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A.
contre Ministère public de la Confédération et Office des juges
d'instruction fédéraux ainsi que Tribunal pénal fédéral (Recours)
  1S.31/2006 du 3 janvier 2007

Regeste

  Art. 5 Ziff. 3 EMRK, Art. 10 Abs. 2 und Art. 36 BV; persönliche Freiheit,
Ersatzmassnahmen für Untersuchungshaft, gesetzliche Grundlage,
Verhältnismässigkeit.

  Der nur wegen Fluchtgefahr inhaftierte Angeschuldigte ist freizulassen,
wenn er hinreichende Garantien für seine Anwesenheit am Prozess leistet.
Diese Garantien sind nicht auf die Hinterlegung einer Kaution beschränkt;
sie können ebenfalls aus gerichtlichen Kontrollmassnahmen wie Pass- oder
Schriftensperre bestehen. Da solche Massnahmen die persönliche Freiheit
weniger stark beschränken als die Untersuchungshaft, sind sie auch zu
ergreifen, wenn keine ausdrückliche gesetzliche Grundlage dies vorsieht (E.
3.2). Die Ersatzmassnahmen für Untersuchungshaft sind nur zulässig, soweit
ein Haftgrund weiterbesteht (E. 3.3) und die Massnahmen verhältnismässig
sind (E. 3.4). Sie sind kumulierbar (E. 3.5).

Sachverhalt

  A., ressortissant russe né le 26 décembre 1960, a été arrêté le 8 juin
2005 et placé en détention préventive dans le cadre d'une enquête de police
judiciaire ouverte contre lui et son frère par le Ministère public de la
Confédération pour blanchiment d'argent.

  A. a été libéré le 24 juillet 2006 après avoir versé une caution de
300'000 fr., déposé ses pièces d'identité et signé une élection de domicile
en l'étude de son conseil.

  Le 21 septembre 2006, il a sollicité la restitution de son passeport pour
une durée de 30 jours afin de se rendre en Europe et en Russie pour des
raisons professionnelles et administratives.

  Le Juge d'instruction fédéral a écarté cette demande le 26 septembre 2006.
La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des
plaintes) a confirmé cette décision sur plainte de A. par arrêt du 25
octobre 2006.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A. contre cet arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  Le recourant conteste en premier lieu la légalité de la saisie de son
passeport. La question de savoir s'il n'est pas déchu du droit de faire
valoir ce grief, comme l'affirme le Ministère public de la Confédération,
peut demeurer indécise, car le recours est de toute manière infondé sur ce
point.

  3.1  La confiscation de papiers d'identité représente une restriction à la
liberté personnelle garantie à l'art. 10 al. 2 Cst. en tant qu'elle a pour
effet de circonscrire le droit de leur détenteur de circuler librement aux
limites du territoire helvétique (ATF 130 I 234 consid. 2.2 p. 236). Elle
n'est admissible qu'à la triple condition de reposer sur une base légale, de
répondre à un intérêt public et de respecter le principe de la
proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; art. 12 al. 3 Pacte ONU II; cf.
ATF 130 I 65 consid. 3.1 p. 67 et les arrêts cités). Par ailleurs, la
liberté personnelle, en tant qu'institution fondamentale de

l'ordre juridique, ne saurait être complètement supprimée ou vidée de son
contenu par les restrictions légales qui peuvent lui être apportées dans
l'intérêt public (art. 36 al. 4 Cst.). La saisie du passeport peut, dans
certaines circonstances, également représenter une ingérence dans l'exercice
du droit au respect de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH, dont
l'admissibilité est soumise aux mêmes conditions que celles posées à l'art.
36 Cst. (arrêts de la CourEDH dans les causes Iletmis contre Turquie du 6
décembre 2005, par. 42-43, et Smirnova contre Fédération de Russie du 24
juillet 2003, Recueil CourEDH 2003-IX p. 253, par. 97; décision de la
Commission européenne des droits de l'homme du 6 mars 1984 dans la cause M.
contre Allemagne, DR 37 p. 113).

  3.2  La loi fédérale sur la procédure pénale permet d'assortir la mise en
liberté d'un inculpé détenu préventivement à la fourniture de sûretés (art.
53 PPF) et à l'engagement écrit d'obtempérer à tout mandat de comparution
qui lui serait notifié au domicile élu (art. 50 PPF). Elle n'envisage en
revanche pas expressément la saisie du passeport ou des papiers d'identité
comme alternative à la détention préventive. Cela ne signifie pas encore
qu'une telle mesure serait illégale. Lorsqu'une détention se prolonge
uniquement en raison de la crainte de voir l'accusé se soustraire par la
fuite à sa comparution ultérieure devant ses juges, il échet d'élargir
l'intéressé s'il peut fournir des garanties adéquates de représentation
(art. 5 par. 3 CEDH; art. 9 al. 3 Pacte ONU II; arrêts de la CourEDH dans
les causes Wemhoff contre Allemagne du 27 juin 1968, Série A, vol. 7, par.
15, et Letellier contre France du 26 juin 1991, Série A, vol. 207, par. 46).
Ces garanties ne se limitent pas au versement d'une caution financière;
elles peuvent également consister en des mesures de contrôle judiciaire,
telles que l'obligation de se présenter à une autorité déterminée ou le
dépôt du passeport ou des papiers d'identité, lorsque ces mesures sont
propres à assurer la présence du prévenu aux actes d'instruction et aux
débats (arrêt 1P.797/1999 du 7 janvier 2000, consid. 4a; décision de la
Commission européenne des droits de l'homme du 9 juillet 1985 dans la cause
Schmid contre Autriche, DR 44 p. 195; SYLVA FISNAR, Ersatzanordnungen für
Untersuchungshaft und Sicherheitshaft im zürcherischen Strafprozess, thèse
Zurich 1997, p. 56; WALTER GOLLWITZER, Menschenrechte im Strafverfahren, MRK
und IPBPR, Kommentar, Berlin 2005, n. 118, p. 255/256; JENS MEYER-LADEWIG,
Europäische Menschenrechtskonvention, Handkommentar, 2e éd., Baden-Baden
2006, n. 36b ad art. 5 CEDH, p. 95).

  En tant qu'elles emportent une atteinte moins grave à la liberté
personnelle que la détention préventive, de telles mesures s'imposent même
en l'absence d'une base légale expresse, que ce soit directement en vertu du
droit du prévenu à être libéré moyennant des garanties, tel qu'il est
garanti à l'art. 5 par. 3 CEDH (arrêt P.703/1987 du 17 juin 1987, consid.
2c, qui cite STEFAN TRECHSEL, Die europäische Menschenrechtskonvention, ihr
Schutz der persönlichen Freiheit und die schweizerischen Strafprozessrechte,
Berne 1974, p. 263 et 370), du principe "in maiore minus" (ROBERT
HAUSER/ERHARD SCHWERI/KARL HARTMANN, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e
éd., Bâle 2005, § 68, n. 45, p. 339; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des
Strafprozessrechts, 2e éd., Berne 2005, ch. 21.7.1, n. 1120, p. 491 et les
auteurs cités par FRANZ RIKLIN, Postulate zur Reform des Untersuchungshaft,
RPS 104/1987 p. 73), du principe de la subsidiarité de la détention
préventive (NIKLAUS SCHMID, Strafprozessrecht, 4e éd., Zurich 2004, § 44,
ch. 3.1, n. 717, p. 260), du principe de la proportionnalité (BRUNO FÄSSLER,
Die Anordnung der Untersuchungshaft im Kanton Zurich, thèse Zurich 1992, p.
54; FRANZ RIKLIN, op. cit., p. 67 et 72; MARTIN SCHUBARTH, Die Rechte des
Beschuldigten im Untersuchungsverfahren, besonders bei Untersuchungshaft,
Berne 1973, p. 133; ANDRÉ HÄNNI, Ersatzmassnahmen für Untersuchungshaft,
thèse Zurich 1980, p. 36; JOSI BATTAGLIA, Die Zwangsmittel im bündnerischen
Untersuchungsverfahren, thèse Zurich 1976, p. 75) ou encore de l'obligation
pour les organes étatiques de garantir le respect des libertés individuelles
(MARKUS MEYER, Der Schutz der persönlichen Freiheit im rechtsstaatlichen
Strafprozess, thèse Zurich 1962, p. 172; contra: SYLVA FISNAR, op. cit., p.
89, pour qui toute atteinte portée à la liberté personnelle doit reposer sur
une base légale). Cette solution est dans l'intérêt du prévenu, car si
l'autorité devait ne pas estimer suffisant le versement d'une caution pour
pallier à tout risque de fuite, l'alternative ne consisterait pas
nécessairement dans la libération immédiate de l'intéressé, mais dans le
maintien de la détention préventive. L'autorité est tenue d'examiner
d'office si la mise en liberté provisoire peut intervenir moyennant des
mesures de substitution (GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse,
2e éd., Zurich 2006, § 112, n° 870, p. 565).

  3.3  Les mesures alternatives à l'incarcération du prévenu ne sont
admissibles que pour autant qu'il subsiste un motif de détention préventive
(ATF 107 Ia 206 consid. 2b p. 208/209; 95 I 202 consid. 2 p. 204). Pour le
recourant, cette condition ne serait pas réalisée car

le risque de fuite aurait si ce n'est disparu, du moins diminué dans une
mesure telle que la saisie de ses pièces d'identité ne se justifierait plus.

  Selon la jurisprudence, lorsque le danger de fuite est invoqué non pas
comme motif de détention, mais comme condition au prononcé d'une mesure
alternative moins contraignante, on peut être moins exigeant quant à la
vraisemblance d'un tel danger (arrêt 1P.244/1990 du 27 juin 1990, consid.
4e, confirmé en dernier lieu dans l'arrêt 1P.704/2004 du 29 décembre 2004,
consid. 4.1 in fine). Le recourant ne fait valoir aucun élément nouveau dans
sa situation personnelle qui permettrait d'apprécier différemment le risque
de fuite tel que le Tribunal fédéral l'a retenu dans son arrêt rendu le 13
février 2006 (cause 1S.1/2006). Par ailleurs, la gravité des charges qui
pèsent sur lui ne s'est pas atténuée depuis lors. Elle paraît même s'être
renforcée au vu des résultats du rapport d'analyse financière versé au
dossier le 5 juillet 2006 qui précise le cheminement suivant lequel les
fonds publics prétendument détournés en Russie seraient parvenus en partie
sur les comptes bancaires personnels du frère du recourant et dont ce
dernier a lui-même bénéficié. Le risque de fuite reste donc toujours aussi
important en l'état de la procédure. Le fait que le recourant n'ait pas
cherché à quitter le pays ou à se soustraire d'une manière ou d'une autre à
l'instruction depuis sa libération provisoire intervenue le 24 juillet 2006
n'est à cet égard pas déterminant. Le Juge d'instruction fédéral pouvait
d'autant plus redouter que A. ne revienne pas en Suisse, si celui-ci était
autorisé à se rendre provisoirement en Russie, que son frère a également
présenté une demande en ce sens.

  3.4  Le recourant soutient que la saisie de son passeport porterait une
atteinte disproportionnée à ses intérêts en l'empêchant de renouer les
contacts nécessaires à la reprise des activités commerciales de la société
X., dont il tirait l'essentiel de ses revenus avant son incarcération. Selon
lui, le versement d'une caution de 300'000 fr. constituerait une garantie
suffisante qu'il retournera en Suisse au terme des 30 jours dont il estime
avoir besoin pour rétablir ces contacts professionnels. Il devrait enfin
pouvoir se rendre personnellement en Russie afin de renouveler son passeport
dont la validité a expiré, selon le droit russe, au lendemain de son 45e
anniversaire.

  Le recourant n'explique pas en quoi sa présence en Europe et en Russie
serait absolument indispensable à la reprise des relations

commerciales de la société X., qu'il a développée avec son frère, au point
de considérer la mesure attaquée comme disproportionnée. Le Juge
d'instruction fédéral a estimé que les contacts nécessaires avec les
partenaires commerciaux étrangers de cette société pouvaient parfaitement
être créés, voire entretenus, par le neveu du recourant, dont la liberté de
mouvement n'est pas restreinte. Le recourant ne fournit aucun élément qui
permettrait de réfuter cette motivation. Il n'a donné aucune liste des
personnes qu'il entendait rencontrer durant son séjour à l'étranger. Il ne
prétend pas occuper des fonctions spécifiques au sein de l'entreprise X. qui
exigeraient qu'il entreprenne personnellement le voyage en Europe et en
Russie en lieu et place de son neveu ou d'un tiers mandaté à cette fin.
Comme le relève le Juge d'instruction fédéral, le recourant peut communiquer
librement par téléphone, par téléfax ou par tout autre moyen de
télécommunication moderne avec les anciens clients commerciaux de X. et
ceux-ci peuvent se rendre en Suisse si des contacts personnels devaient se
révéler indispensables. De même, A. n'a nullement établi la nécessité de se
rendre sans désemparer en Russie pour renouveler son passeport interne
arrivé à échéance à la date de son 45e anniversaire; il n'avait d'ailleurs
nullement évoqué ce motif devant la Cour des plaintes pour justifier
l'octroi d'une autorisation provisoire de quitter la Suisse. Quoi qu'il en
soit, il s'agit d'un inconvénient dont il doit s'accommoder au regard de la
gravité des infractions qui lui sont reprochées et du risque de fuite qui en
découle.

  3.5  Lorsqu'une mesure alternative à la détention préventive ne suffit pas
pour pallier au risque de fuite, elle peut s'accompagner d'autres mesures.
Dans le cas particulier, la Cour des plaintes pouvait à juste titre admettre
que le versement d'une caution de 300'000 fr. et l'engagement écrit du
recourant de répondre aux convocations qui lui seraient notifiées à son
domicile élu ne constituaient pas des garanties suffisantes pour parer au
risque concret de fuite existant et qu'il convenait de compléter cette
mesure par le dépôt des papiers d'identité valables (cf. BRUNO FÄSSLER, op.
cit., p. 55, et GÉRARD PIQUEREZ, op. cit., § 112, n° 878, p. 569, qui
admettent expressément le cumul de ces mesures). Au demeurant, on observera
que le recourant n'est pas assigné à résidence, mais qu'il peut se déplacer
librement en Suisse avec sa famille. La saisie des pièces d'identité
n'équivaut dès lors nullement à une privation de liberté qui tomberait sous
le coup de l'art. 5 par. 1 let. c CEDH.