Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 IV 158



Urteilskopf

133 IV 158

  26. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre A., B. et Ministère public de la Confédération (pourvoi en nullité)
  6S.519/2006 du 22 mai 2007

Regeste

  Fahrlässige schwere Körperverletzung (Art. 125 Abs. 1 und 2 StGB);
Sorgfaltspflichten des vom Bordkommandanten konsultierten
Flugzeug-Wartungstechnikers; Fahrlässigkeit (Art. 18 Abs. 3 aStGB);
natürliche und adäquate Kausalität; Beschleunigungsgebot (Art. 29 Abs. 1 BV
und 6 Ziff. 1 EMRK).

  Der Flugzeug-Wartungstechniker, der vom Bordkommandanten gefragt wird, ob
er ein Luftfahrzeug ohne Gefahr wieder in Betrieb nehmen kann, muss entweder
mit aller einem Techniker mit entsprechender Ausbildung zumutbaren Sorgfalt
antworten oder sich zur Antwort ausserstande erklären. Er darf nicht
aufgrund unvollständiger Angaben Stellung nehmen und es dem Bordkommandanten
überlassen, deren Vertrauenswürdigkeit abzuschätzen. Selbst wenn er diesen
darüber informiert, dass er das Wartungshandbuch vor seiner Stellungnahme
nicht habe konsultieren können, handelt er fahrlässig, wenn er die sofortige
Wiederinbetriebnahme gutheisst, obwohl die Vorschriften im Handbuch dies
verbieten (E. 5).

  Bedingungen für die Annahme eines natürlichen und adäquaten
Kausalzusammenhangs zwischen dieser Fahrlässigkeit und den schweren
Körperverletzungsfolgen eines Unfalls, der unmittelbar nach der
Wiederinbetriebnahme der Maschine geschah (E. 6).

  Bei Verletzung des Beschleunigungsgebots ist die strafrechtliche
Verfolgung nur in Extremfällen einzustellen, bei denen die
Verfahrensverzögerung dem Betroffenen einen Schaden von aussergewöhnlicher
Schwere verursachte; diese Bedingungen sind im vorliegenden Fall nicht
erfüllt. Das Absehen von Strafe ist ausreichend (E. 8).

Sachverhalt

  A.- Par arrêt du 12 octobre 2006, la Cour des affaires pénales du Tribunal
pénal fédéral, à Bellinzone, composée d'un juge unique, a reconnu les
accusés X. et Y. coupables de lésions corporelles graves par négligence,
renoncé à leur infliger une peine, constaté qu'ils étaient obligés de
réparer tout ou partie du dommage subi par les parties civiles A. et B.,
renvoyé celles-ci à agir pour le surplus devant le juge civil et condamné
les accusés aux frais et dépens.

  Cet arrêt est fondé, en résumé, sur les constatations de fait suivantes:

  A.a Par contrat du 31 mars 1999, la société D. Sàrl, propriétaire d'un
hélicoptère monomoteur McDonnel Douglas MD 500N, a confié l'exploitation de
cet appareil à E., entreprise dirigée par Y. E. a elle-même confié la
maintenance de l'aéronef à une société allemande titulaire d'une licence
reconnue en Suisse, F. GmbH, dont le directeur est X.

  A.b Le 27 octobre 1999, B., associé de D. Sàrl et titulaire d'une licence
d'élève pilote, a décidé d'effectuer un vol d'instruction de La
Chaux-de-Fonds à Sion, et retour, sous la surveillance de Y., lui-même
titulaire d'une licence d'instructeur de vol. B. a emmené sa fille, A., et
un ami, C., comme simples passagers.

  A l'aller, alors que l'appareil s'apprêtait à survoler le col du Sanetsch,
le voyant lumineux "engine chip light", qui a pour fonction de signaler la
présence de limaille sur l'un ou l'autre des détecteurs installés à cet
effet, s'est allumé. Sur recommandation de Y., B. a poursuivi son vol en
direction de l'aéroport de Sion, où il s'est posé sans difficulté.

  A Sion, tandis que B. et ses passagers vaquaient à leurs propres
occupations, Y. a démonté les deux bouchons magnétiques de la turbine. Il a
constaté la présence de résidus métalliques sur un détecteur. Ne sachant
quelle conduite adopter, il a téléphoné à X., qui se trouvait en rendez-vous
professionnel en dehors des locaux de son entreprise et ne pouvait dès lors
pas consulter immédiatement le manuel d'entretien. Après s'être fait
rapporter les constatations de Y., X. a déclaré à celui-ci qu'à sa place, il
poursuivrait son vol après avoir enlevé les résidus métalliques détectés. Se
fondant sur ce conseil, Y. a nettoyé la limaille et remis les bouchons en
place. Sans autre vérification, il a décidé que le vol de retour pouvait
être effectué, en suivant, pour des raisons de sécurité, la route de la
vallée du Rhône.

  L'élève pilote, l'instructeur de vol et les passagers ont ensuite repris
leur place à bord. B. a décollé. Une fois l'hélicoptère à 60 ou 70 mètres du
sol, deux détonations se sont fait entendre et la turbine a cessé de
fonctionner. S'emparant aussitôt des commandes, Y. a réussi à poser
l'appareil dans un verger voisin.

  Lors de cet atterrissage d'urgence, A. a été grièvement blessée. Victime
d'un éclatement de vertèbre, elle a subi plusieurs interventions
chirurgicales et de nombreuses hospitalisations. Elle est toujours en
traitement et n'a pas pu reprendre d'activité professionnelle à ce jour. Son
intégrité physique est définitivement atteinte. B. a subi, quant à lui, une
fracture-tassement de la colonne vertébrale et une plaie à la jambe droite.
C. a subi, lui aussi, une fracture-tassement de la colonne vertébrale. Il a
dû porter un corset pendant trois mois, mais ne souffre actuellement
d'aucune séquelle. Enfin, Y. a été légèrement blessé.

  A.c Au moment des faits, l'instructeur et l'élève pilote disposaient du
manuel de vol, établi par le constructeur à l'intention du pilote. Ce
document rappelait que la présence de limaille indiquée par le voyant
"engine chips light" était le signe d'une possible détérioration du moteur.
Au cas où ce voyant s'allumait, il prescrivait au pilote d'atterrir le plus
vite possible et d'inspecter les détecteurs avant

le prochain vol. Il renvoyait, pour le surplus, aux indications données dans
le manuel d'entretien.

  Egalement établi par le constructeur, le manuel d'entretien s'adressait au
responsable de la maintenance, soit en l'espèce à X. Il rappelait que le
témoin "engine chip light" signalait la présence de conditions pouvant
entraîner une panne du moteur. Si ce voyant s'allumait, il prescrivait
notamment de nettoyer le détecteur concerné et de faire tourner le rotor au
sol durant trente minutes. Si cet essai au sol se déroulait normalement et
si le voyant ne se rallumait pas une fois le détecteur réinstallé, le moteur
pouvait alors être remis en service.

  A.d A., B. et C. ont porté plainte le 17 janvier 2000 auprès du Procureur
général du Valais central, qui a requis et obtenu l'ouverture d'une
information judiciaire. Le juge en charge du dossier a sursis à tout acte
d'instruction, dans l'attente du résultat de l'enquête administrative menée
par le Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation. À réception du rapport
de cette autorité, daté du 12 juillet 2004, le juge a interpellé le
Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC), qui s'est reconnu
compétent. Le MPC a dirigé ses poursuites d'abord contre le seul Y. Il les a
étendues ensuite à X.

  A. et B. se sont constitués parties civiles dans la procédure fédérale.

  B.- X. se pourvoit en nullité contre cet arrêt, pour violation des règles
sur la prescription, de divers droits constitutionnels et de l'art. 125 CP.

  Il a retiré la requête d'effet suspensif qu'il avait déposée initialement.

  Le MPC et A. concluent au rejet du pourvoi. B. s'en remet à justice.

  Le recourant a eu l'occasion de déposer des observations sur les
déterminations des intimés.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 5

  5.  Au fond, sous le titre "appréciation arbitraire des faits", le
recourant conteste avoir commis une négligence.

  5.1  L'art. 18 al. 3 aCP définit la négligence comme l'imprévoyance
coupable dont fait preuve celui qui, ne se rendant pas compte des
conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les
circonstances et sa situation personnelle.

  Pour qu'il y ait négligence, il faut donc, en premier lieu, que l'auteur
ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient

pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part,
il n'ait pas prêté l'attention ou fait les efforts que l'on pouvait attendre
de lui pour se conformer à son devoir (ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19 s.).
Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on
peut se référer aux normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la
sécurité et éviter des accidents. À défaut de dispositions légales ou
réglementaires, on peut recourir à des règles analogues qui émanent
d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement
reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite
de principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée
(ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa p. 20).

  Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment
des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités,
se rendre compte de la mise en danger d'autrui. Il faut donc se demander si
l'auteur pouvait prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement concret
des événements. Cette question s'examine en suivant le concept de la
causalité adéquate (ATF 127 IV 34 consid. 2a p. 39; 126 IV 13 consid. 7a/bb
p. 17). L'étendue du devoir de diligence doit s'apprécier en fonction de la
situation personnelle de l'auteur, c'est-à-dire de ses connaissances et de
ses capacités (ATF 122 IV 145 consid. 3b/aa p. 147).

  La violation du devoir de prudence est généralement commise par action.
Mais elle peut aussi être réalisée par omission. Tel est en effet le cas
lorsque l'auteur n'a pas empêché le résultat dommageable de se produire,
alors qu'il aurait pu le faire et qu'il avait l'obligation juridique d'agir
pour prévenir la lésion de l'intérêt protégé (délit d'omission improprement
dit). Cette dernière condition est remplie si, en raison de sa situation
particulière, l'auteur occupait une position de garant à l'égard du lésé.
D'après la doctrine et la jurisprudence, est garant celui qui a un devoir de
protection, soit le devoir de sauvegarder et de défendre des biens
juridiques déterminés contre les dangers inconnus qui peuvent les menacer,
ou un devoir de contrôle, consistant à empêcher la survenance de risques
connus auxquels des biens indéterminés sont exposés (cf. ATF 113 IV 68
consid. 5b p. 73; PHILIPPE GRAVEN, L'infraction pénale punissable, 2e éd.,
Berne 1995, p. 79 s.). Le devoir d'agir, qui doit être évident, voire
impérieux (ATF 113 IV 68 consid. 5a p. 73), peut résulter de la loi, d'un
contrat ou des principes généraux compte tenu de la situation de fait (cf.
GRAVEN, op. cit., p. 83).

  En second lieu, pour qu'il y ait négligence au sens de l'art. 18 al. 3
aCP, il faut que celui qui a violé un devoir de prudence puisse se voir
imputer cette violation à faute, c'est-à-dire qu'il puisse se voir
reprocher, compte tenu de ses circonstances personnelles, un manque d'effort
blâmable (ATF 122 IV 145 consid. 2b/aa p. 148).

  5.2  Le premier juge a considéré que le contrat d'entretien du 31 mars
1999 obligeait la société F. GmbH à empêcher Y. d'entreprendre le vol de
retour ou, à tout le moins, à répondre correctement aux questions que
celui-ci a posées au téléphone. En sa qualité d'organe de F. GmbH, le
recourant occupait donc une position de garant à l'endroit de Y. Il a dès
lors commis une négligence en n'empêchant pas celui-ci de poursuivre son
vol.

  Dans la première partie de son moyen, le recourant soutient que,
contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le contrat d'entretien du 31
mars 1999 ne l'obligeait pas à empêcher Y. d'entreprendre le vol de retour,
ni à répondre aux questions que celui-ci a posées au téléphone. Il aurait
répondu à Y. à titre purement amical, vu les bonnes relations qu'il
entretenait avec lui, et non dans le cadre de son activité professionnelle.
Faute d'avoir occupé une position de garant envers Y., il ne saurait dès
lors se voir reprocher d'avoir violé un devoir de prudence en ne répondant
pas correctement aux questions de celui-ci.

  5.2.1  Le droit international privé suisse ne connaît pas de règle selon
laquelle le droit suisse serait applicable si les parties n'invoquent pas le
droit étranger (ATF 89 II 265 consid. 1b p. 268). Pour faire une élection de
droit, l'art. 116 al. 2 LDIP exige une manifestation de volonté expresse ou
ressortant de façon certaine des circonstances. Même une référence au droit
suisse dans les actes de la procédure ne suffit pas à elle seule (cf. ATF
119 II 173 consid. 1b p. 175 et les références). Lorsqu'il ne contient
aucune élection de droit, le contrat qui comporte un élément d'extranéité
est régi par le droit de l'Etat dans lequel la partie qui fournit la
prestation caractéristique a son établissement (cf. art. 117 al. 1 et 2
LDIP). Dans le contrat de mandat, le contrat d'entreprise ou tout autre
contrat de service, la prestation caractéristique est celle du prestataire
de service (art. 117 al. 3 let. c LDIP).

  En l'espèce, il n'apparaît pas que E. et F. GmbH aient soumis leurs
rapports contractuels à un droit déterminé. Dans le contrat d'entretien qui
les lie, la prestation caractéristique consiste dans le service

de maintenance fourni par F. GmbH, dont l'établissement se trouve en
Allemagne. Dès lors, sur la base des constatations de fait de l'arrêt
entrepris et bien qu'aucune des parties n'ait relevé ce point,
l'interprétation des différentes clauses du contrat d'entretien du 31 mars
1999 est régie par le droit allemand, dont la cour de céans ne peut revoir
l'application, sous l'angle restreint de l'arbitraire, que dans le cadre
d'un moyen pris de la violation d'un droit constitutionnel (cf. art. 269 al.
1 a contrario PPF et 33 al. 3 let. b LTPF [RS 173.71]).

  5.2.2  Le recourant qui soulève un grief d'ordre constitutionnel dans un
pourvoi en nullité dirigé contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral doit
indiquer non seulement lequel de ses droits constitutionnels aurait
prétendument été violé, mais encore préciser en détail en quoi consiste la
violation alléguée; les exigences de motivation sont les mêmes que pour un
recours de droit public au sens des art. 84 ss OJ (arrêt 6S.293/2005 du 24
février 2006, consid. 2.2, publié in SJ 2006 I p. 309). S'il se plaint
d'arbitraire (sur cette notion: cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les
références), le recourant doit dès lors exposer clairement en quoi le
raisonnement du juge précédent serait insoutenable. De vagues griefs ou des
arguments purement appellatoires - c'est-à-dire qui ne font qu'inviter le
Tribunal fédéral à substituer sa propre appréciation à celle du juge
précédent - ne suffisent pas (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les
références).

  Dans le cas présent, pour retenir que le recourant était obligé de
conseiller à Y. de renoncer au vol de retour, le premier juge s'est fondé
sur les art. 5 et 6 du contrat d'entretien. Or, dans son mémoire, le
recourant ne s'emploie pas à démontrer que l'interprétation que le premier
juge a faite de ces deux clauses contractuelles violerait sans conteste un
principe juridique clair du droit allemand des contrats ou qu'elle
aboutirait à un résultat incompatible avec une autre disposition,
précisément invoquée, du contrat d'entretien. Ainsi, le recourant ne tente
pas de démontrer que le raisonnement du premier juge serait arbitraire; il
se borne à lui opposer sa propre analyse des rapports contractuels. Ses
critiques sont donc purement appellatoires et, partant, irrecevables. Aussi
la cour de céans est-elle liée par l'interprétation que le premier juge a
faite du contrat d'entretien.

  5.2.3  Au demeurant, même s'il était apparu que sa société n'avait pas
l'obligation contractuelle de répondre aux questions posées par Y., le
recourant n'en aurait pas moins violé les règles de la prudence en répondant
comme il l'a fait.

  En effet, le recourant était tenu comme quiconque, en vertu du droit pénal
suisse qui lui était applicable à raison du lieu du résultat qu'il avait
l'interdiction de causer (cf. art. 3 ch. 1 al. 1 et art. 7 al. 1 aCP), de ne
pas accroître le risque d'accident par son comportement. Consulté sur un
problème technique de sa compétence par un commandant de bord qui voulait
savoir quelles mesures il devait prendre avant de réutiliser un aéronef, le
recourant devait, soit donner des informations qui correspondaient à ce que
l'on peut attendre d'un technicien de sa formation, soit refuser de
répondre. En outre, afin d'éviter tout malentendu susceptible d'accroître le
risque d'accident, il devait opter clairement entre ces deux possibilités.
Il ne pouvait pas donner un conseil lénifiant "sous toute réserve",
c'est-à-dire sans y avoir voué tout le soin exigible d'un spécialiste de sa
formation, en laissant à son interlocuteur la tâche d'apprécier quelle
valeur il pouvait bien attribuer au conseil reçu. Un tel comportement est de
nature à créer la confusion et à favoriser une mauvaise décision du
commandant de bord. Vu la complexité des appareils utilisés et la gravité
des dommages si le risque d'accident se réalise, le devoir général de
diligence des divers intervenants est, en matière de sécurité aérienne,
particulièrement élevé (cf. WERNER GULDIMANN, Fahrlässigkeit bei
Flugunfällen, RSJ 56/1960 p. 17 ss, spéc. p. 21). Ayant pour formation et
profession d'entretenir des hélicoptères conformément à la réglementation en
vigueur et aux prescriptions des constructeurs, on pouvait dès lors attendre
du recourant, s'il acceptait de répondre, qu'il consulte le manuel
d'entretien pour donner un conseil conforme aux prescriptions contenues dans
ce document ou, alors, qu'il attire l'attention du commandant de bord sur la
nécessité impérieuse qu'il y avait à faire consulter le manuel d'entretien
par une personne compétente avant de prendre une décision. En toute
hypothèse, les règles de la prudence interdisaient donc au recourant de
recommander en l'état à Y. une quelconque remise en service de l'appareil.
Ainsi, qu'il ait eu ou non l'obligation contractuelle de renseigner Y., le
recourant a violé les règles de la prudence en indiquant à celui-ci qu'à sa
place, il poursuivrait son vol.

  Cette violation était reprochée au recourant dans l'acte d'accusation,
sous la forme d'une co-décision (dossier du Tribunal pénal fédéral, act. 8
100 014 - "en décidant d'un commun accord avec Y. que le vol pouvait être
repris [...]"), et elle a été retenue de manière atténuée, en tant que
simple conseil donné à Y., dans l'arrêt attaqué (premier paragraphe du
consid. 7.1 p. 12). Elle constitue une

action, et non une simple omission, susceptible d'engager la responsabilité
pénale du recourant sans qu'il soit nécessaire d'imputer à celui-ci la
violation d'une obligation contractuelle d'agir.

  5.3  Dans la seconde partie de son moyen, le recourant soutient qu'on ne
saurait, si tant est qu'il ait violé une règle de prudence en recommandant à
Y. d'entreprendre le vol de retour, lui imputer cette violation à faute, dès
lors qu'il a été pris au dépourvu par l'appel téléphonique de Y. et qu'il ne
disposait pas du manuel d'entretien pour répondre aux questions de celui-ci.
Selon le recourant, l'arrêt attaqué manquerait du reste de cohérence dans la
mesure où il impute à faute au responsable de la maintenance d'avoir
conseillé au commandant de bord de poursuivre son vol, alors qu'il impute à
faute au commandant de bord d'avoir suivi ce conseil, au motif qu'il était
patent que le responsable de la maintenance ne disposait pas des
informations nécessaires pour formuler une recommandation fiable au moment
où il a été joint au téléphone.

  Ce grief ne résiste pas à l'examen. De fait, rien n'empêchait le recourant
de refuser de répondre ou, s'il tenait à rendre service à Y., de différer sa
réponse, en conseillant à celui-ci de ne pas repartir avant qu'il ait pu
consulter le manuel d'entretien. Eût-il craint de perdre la clientèle de Y.
en refusant de donner immédiatement à celui-ci une réponse définitive que
cela n'aurait pas justifié de mettre en danger la vie des passagers de
l'hélicoptère. Le fait que le recourant a été pris au dépourvu et qu'il ne
disposait pas du manuel d'entretien lorsqu'il a été joint au téléphone ne
lui fournit donc aucune excuse.

  Par ailleurs, il n'y a pas de contradiction à retenir cumulativement que,
d'une part, le responsable de la maintenance a commis une négligence en
formulant une mauvaise recommandation sans avoir ouvert le manuel
d'entretien et que, d'autre part, le commandant de bord a commis une faute
en se fiant à cette recommandation. Le recourant, responsable de la
maintenance, aurait dû, soit s'enquérir de ce que prévoyait le manuel
d'entretien avant de répondre, soit refuser de répondre; en répondant sans
avoir consulté le manuel d'entretien, il s'est rendu coupable de négligence.
Quant au commandant de bord Y., il aurait pu et dû, après avoir constaté que
le recourant lui avait répondu sans ouvrir le manuel d'entretien, soit lui
demander de consulter ce document avant de répondre à nouveau, soit
s'adresser à un tiers; il s'est lui-même rendu coupable de négligence en se
satisfaisant de la réponse du recourant. Les deux fautes ne s'excluent pas.

  Partant, dans la mesure où il est recevable, le moyen par lequel le
recourant conteste avoir commis une négligence est mal fondé.

Erwägung 6

  6.  Le recourant soutient ensuite qu'il n'existe pas de lien de causalité
naturelle et adéquate entre les négligences retenues à sa charge et les
lésions corporelles subies par les occupants de l'hélicoptère, au motif que
l'accident se serait peut-être produit tout aussi bien si les prescriptions
édictées par le constructeur avaient été respectées.

  6.1  La négligence commise par le recourant consiste en une action (donner
un mauvais conseil au commandant de bord), et non en une omission. Une
action est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable si, dans
l'enchaînement des événements tels qu'il se sont produits, cette action a
été, au regard de règles d'expérience ou de lois scientifiques, une
condition sine qua non de la survenance de ce résultat - soit si, en la
retranchant intellectuellement des événements qui se sont produits en
réalité, et sans rien ajouter à ceux-ci, on arrive à la conclusion, sur la
base des règles d'expérience et des lois scientifiques reconnues, que le
résultat dommageable ne se serait très vraisemblablement pas produit (cf.
ATF 115 IV 199 consid. 5b p. 206 et les références). La série des événements
à prendre en considération pour cette opération intellectuelle commence par
l'action reprochée à l'auteur, finit par le dommage et ne comprend rien
d'autre que les événements qui ont relié ces deux extrémités de la chaîne
d'après les règles d'expérience et les lois scientifiques. La causalité
naturelle ne cesse dès lors pas lorsque le dommage résulte effectivement de
l'action reprochée à l'auteur, mais serait survenu quand même sans cette
cause, à raison d'autres événements qui l'auraient entraîné si l'auteur ne
l'avait pas lui-même causé (cf., en responsabilité civile, les exemples
donnés par HENRI DESCHENAUX/PIERRE TERCIER, La responsabilité civile, 2e
éd., Berne 1982, § 4 n. 23 ss p. 56-57).

  Pour que le délit de négligence soit réalisé, c'est en tant que violation
d'un devoir de prudence, et non en tant que comportement global de l'auteur,
que l'action doit être en rapport de causalité avec le résultat dommageable.
Il ne suffit dès lors pas que l'action commise par l'auteur se trouve en
tant que telle en rapport de causalité naturelle avec le dommage. Il faut en
principe qu'il soit encore établi avec une haute vraisemblance que si
l'auteur avait agi d'une manière conforme à son devoir de prudence, toutes
choses égales par ailleurs, le résultat ne se serait pas produit (cf. ATF
130 IV 7 consid. 3.2

in fine p. 10/11), et cela non pas pour des raisons fortuites, mais pour des
raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée
(cf. HANS WALDER, Die Kausalität im Strafrecht, RPS 93/1977 p. 113 ss, spéc.
p. 114 et 152). L'hypothèse à poser à ce stade du raisonnement doit servir à
juger du caractère causal de l'acte illicite commis par l'auteur; il est dès
lors sans pertinence que, si l'auteur n'avait pas lui-même commis l'acte
illicite qui lui est imputé, un tiers l'eût peut-être commis à sa place
(cf., en droit allemand, CLAUS ROXIN, Strafrecht, Allgemeiner Teil, 4e éd.,
Munich 2006, § 11 n. 59 p. 379 in fine).

  Par ailleurs, une action est la cause adéquate du résultat dommageable si
le comportement était propre, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui
qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit que la cour de céans
revoit librement (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23; 121 IV 207 consid. 2a
p. 212 s.). La causalité adéquate peut être exclue, l'enchaînement des faits
perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante - par exemple
une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers - constitue
une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire,
que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent
ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut
encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause
la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à
l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et
notamment le comportement de l'auteur (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148 et
les arrêts cités).

  6.2  Dans le cas présent, lorsque le commandant de bord lui a téléphoné
pour lui demander quelles mesures prendre, le recourant a, sans mentionner
la nécessité du test prescrit dans le manuel d'entretien, recommandé à son
interlocuteur de poursuivre son vol. Puis le commandant de bord a pris la
décision de donner l'autorisation à l'élève pilote de repartir en "se
fondant sur ce conseil". Or, si le recourant s'était comporté conformément à
ses devoirs de prudence, que ce soit en répondant correctement au commandant
de bord ou en refusant de lui répondre, l'accident ne se serait très
vraisemblablement pas produit. En effet, si le recourant avait refusé de
répondre, le commandant de bord se serait adressé à un autre spécialiste de
la maintenance, puisqu'il ne savait pas quelle conduite adopter. Peu importe
de savoir si cet autre spécialiste lui aurait alors répondu

de manière correcte ou non (cf. supra, consid. 6.1 et, en droit allemand,
ROXIN, ibid.); le fait est que le commandant de bord ne serait pas reparti
sans l'avis favorable d'un tiers, qui lui a en l'occurrence été donné à tort
par le recourant. Par ailleurs, si le recourant avait donné une réponse
correcte à son interlocuteur, il aurait attiré l'attention de celui-ci sur
la nécessité de faire exécuter le test prescrit dans le manuel d'entretien
par une personne habilitée au sens de l'art. 24 al. 1 let. c de l'ordonnance
du DETEC du 18 septembre 1995 sur la navigabilité des aéronefs (ONAE; RS
748.215.1). Soit ce test aurait permis de détecter l'origine de la panne, de
réparer la pièce défectueuse et de faire le vol de retour sans dommage; soit
il aurait laissé inexpliquée l'origine de la limaille détectée dans le
moteur lors du vol aller. Or, dans cette dernière hypothèse, il est très
vraisemblable, si ce n'est certain, que la personne habilitée consultée par
le commandant de bord aurait émis des doutes sur la navigabilité de
l'appareil et que le commandant de bord n'aurait, par conséquent, pas
autorisé l'élève pilote à repartir. En tout état de cause, le test aurait
indiqué la conduite à adopter, propre à éviter très vraisemblablement
l'accident. Il s'ensuit que la négligence commise par le recourant est l'une
des causes naturelles de l'accident et des lésions corporelles graves qui en
ont résulté.

  Par ailleurs, il est conforme à l'expérience générale de la vie qu'un
conseil donné sur demande soit suivi par celui qui l'a reçu, ou en tout cas
qu'il influence ses décisions. Il est aussi conforme au cours ordinaire des
choses et à l'expérience générale de la vie qu'un faux conseil donné dans le
domaine de la navigation aérienne puisse entraîner un accident et, partant,
des lésions corporelles graves, voire la mort d'une personne. La négligence
commise par le recourant se trouve donc en rapport de causalité naturelle et
adéquate avec les lésions subies par les occupants de l'hélicoptère.

  La faute que le commandant de bord a commise en suivant le conseil du
recourant au mépris de l'art. 24 al. 1 let. c ONAE, et alors que le
recourant n'avait pas consulté le manuel d'entretien, n'avait rien
d'imprévisible ni d'exceptionnel dans les circonstances de l'espèce. Elle ne
relègue pas à l'arrière-plan la négligence commise par le recourant et
n'interrompt pas le lien de causalité adéquate qui existe entre le conseil
donné de poursuivre le vol et les lésions que la chute de l'hélicoptère a
causées aux occupants.

  Le moyen par lequel le recourant conteste l'existence d'un lien de
causalité entre la négligence qu'il a commise et les lésions corporelles

subies par les occupants de l'hélicoptère se révèle ainsi mal fondé.
  (...)

Erwägung 8

  8.  Enfin, le recourant soutient que, coupable ou non, il aurait dû être
libéré entièrement des fins de la poursuite, en compensation de la grave
violation du principe de célérité commise dans sa cause.

  Le principe de célérité impose aux autorités de mener la procédure pénale
sans désemparer, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui
pèsent sur lui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans l'angoisse. Il
s'agit d'une exigence à l'égard des autorités pénales, qui se distingue de
la circonstance atténuante du temps relativement long (art. 64 avant-dernier
alinéa aCP), laquelle est liée à l'approche de la prescription et suppose
que l'accusé se soit bien comporté dans l'intervalle. Comme les retards dans
la procédure pénale ne peuvent être guéris, le Tribunal fédéral a fait
découler de la violation du principe de célérité des conséquences sur le
plan de la peine. Le plus souvent, la violation de ce principe conduira à
une réduction de la peine, parfois même à la renonciation à toute peine ou
encore, en tant qu'ultima ratio dans des cas extrêmes, à une ordonnance de
non-lieu (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.1 p. 54/55 et les références citées).

  En l'espèce, le premier juge a constaté (arrêt attaqué, consid. 9.2 p. 14)
que le retard pris par l'instruction de la cause, notamment lorsque les
autorités valaisannes en étaient saisies, constituait une violation du
principe de célérité, garanti aux art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Sur
la base de ce constat, et pour quelques autres motifs encore, il a considéré
qu'il se justifiait d'exempter le recourant de toute peine, ce qui constitue
déjà une réparation conséquente. On ne discerne pas quelles raisons
exceptionnelles auraient exigé la suspension de la procédure en application
de l'art. 168 al. 2, 2e phrase PPF. Le recourant lui-même, qui n'a du reste
été mis en cause que deux ans avant son passage en jugement, n'indique pas
quel préjudice particulièrement grave, causé par le retard de la procédure,
commanderait d'aller au-delà de l'exemption de peine dont il a bénéficié.
Aussi le moyen est-il mal fondé. Partant, le pourvoi doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable.