Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 II 6



Urteilskopf

133 II 6

  2. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. et
consorts contre Service de la population ainsi que Tribunal administratif du
canton de Vaud (recours de droit administratif)
  2A.316/2006 du 19 décembre 2006

Regeste

  Art. 17 Abs. 2 ANAG; Art. 8 EMRK; Anspruch auf nachträglichen
Familiennachzug durch einen Elternteil (teilweiser Familiennachzug).

  Zusammenfassung der Rechtsprechung: Anspruchsvoraussetzungen (E. 3.1),
Vorbehalt des Rechtsmissbrauchs (E. 3.2) und Anforderungen an Nachweise (E.
3.3).

  Prüfung der Grundsätze, die der Europäische Gerichtshof für Menschenrechte
in einem neueren Urteil behandelt hat (E. 5.1). Dieses stellt die vom
Bundesgericht vorgenommene Unterscheidung zwischen dem Nachzug von Kindern
durch einen Elternteil (Teilfamilie) oder durch beide Elternteile
(Gesamtfamilie) nicht in Frage (E. 5.2). Das Gleiche gilt für den Einbezug
des Alters der Kinder und der Aussichten auf Integration in die
vorzunehmende Interessenabwägung (E. 5.3). Ein Vergleich mit dem neuen
Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG) und den Regelungen
der Europäischen Union bestätigt, dass es richtig ist, an den erwähnten
Kriterien festzuhalten (E. 5.4).

  Unter Berücksichtigung der Gesamtumstände (insbes. Dauer der Trennung von
Mutter und Kindern; absehbare Schwierigkeiten bei ihrer Integration mit
Blick auf ihr Alter, ihre Schulbildung und ihre fehlenden Kenntnissen der
französischen Sprache) besteht im vorliegenden Fall kein Anspruch auf
Nachzug der Kinder (E. 6).

Sachverhalt

  X., ressortissante ghanéenne née en 1970, est arrivée en Suisse le 17 août
1993 pour rejoindre, au titre du regroupement familial, un ressortissant
suisse qu'elle avait épousé en secondes noces. Elle était alors mère de
trois enfants de nationalité ghanéenne, soit A. et B., deux jumeaux de sexe
différent issus d'une relation hors mariage le

12 septembre 1987, et leur demi-soeur C., née le 15 mars 1990 du premier
mariage. Demeurés au pays après le départ de leur mère pour la Suisse, les
enfants ont été confiés aux soins de leur grand-mère maternelle. X. n'a été
mise au bénéfice d'une autorisation de séjour qu'à partir du 14 avril 1997.
Après le décès de son deuxième mari, en janvier 1998, avec lequel elle n'a
pas eu d'enfant, elle est restée en Suisse et a vécu depuis lors en union
libre avec Y., un petit-cousin ghanéen dont elle a eu un enfant, D., en
octobre 2002.

  Le 20 avril 2004, A., le jumeau garçon, est entré en Suisse sans visa ni
autorisation pour rejoindre sa mère. Celle-ci a déposé en sa faveur, le 29
septembre 2004, une demande d'autorisation de séjour au titre du
regroupement familial, de même que pour ses deux filles restées au Ghana.
Entre-temps, le 12 octobre 2004, X. a été mise au bénéfice d'une
autorisation d'établissement. Son concubin et leur enfant commun ont acquis
la nationalité suisse par naturalisation le 2 novembre 2005.

  Par décision du 25 mai 2005, le Service de la population du canton de Vaud
a refusé de délivrer les autorisations de séjour sollicitées. En bref, il a
estimé que les demandes étaient abusives, au motif que les enfants étaient
déjà relativement avancés en âge et avaient le centre de leurs intérêts dans
leur pays d'origine et que leur mère avait demandé tardivement
l'autorisation de les faire venir auprès d'elle, soit près de onze ans après
son arrivée en Suisse.

  Agissant en son nom propre, au nom de son concubin et au nom de ses trois
premiers enfants de nationalité ghanéenne, X. a recouru contre la décision
précitée. Elle a fait valoir que le retard à demander le regroupement
familial était dû à des difficultés administratives et financières
indépendantes de sa volonté, que ses enfants avaient le centre de leurs
intérêts en Suisse, car leurs pères respectifs ne s'étaient jamais occupés
d'eux, que leur grand-mère n'était plus en mesure de prendre en charge leur
éducation en raison de son état de santé et que, dans l'attente de pouvoir
les faire venir en Suisse, elle les avait placés dès 2000 ou 2001 chez sa
petite-cousine Z., qui était également la soeur de son concubin.

  Par arrêt du 27 avril 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours et confirmé la
décision attaquée.

  X. et ses trois enfants interjettent recours de droit administratif contre
l'arrêt précité du Tribunal administratif. Pour l'essentiel, ils

se plaignent de la violation de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS
0.101), en se référant à une récente jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme; ils invoquent également une mauvaise application de
l'art. 17 al. 2bis de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20).

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  (...) Les recourants allèguent que la mère ne partage aujourd'hui plus
sa vie avec son petit-cousin Y., qui n'est du reste plus partie à la
procédure, mais qu'elle vit seule avec leur enfant commun ainsi qu'avec son
fils aîné arrivé en Suisse en avril 2004. La Cour de céans ne peut pas
prendre en considération ce nouvel allégué qui porte au surplus sur un fait
postérieur à l'arrêt attaqué. Au demeurant, la portée juridique de ce fait
n'est pas favorable aux recourants (cf. infra consid. 6.3.1, 2e paragraphe).

Erwägung 3

  3.

  3.1  Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; 126 II
329 consid. 2a p. 330; 125 II 585 consid. 2a p. 586, 633 consid. 3a p. 639
et les arrêts cités), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est de permettre le
maintien ou la reconstitution d'une communauté familiale complète entre les
deux parents et leurs enfants communs encore mineurs (la famille nucléaire).
Dans certains cas, ce but ne peut être entièrement atteint, notamment
lorsque les parents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en
Suisse depuis plusieurs années, et l'autre à l'étranger avec les enfants, ou
lorsque l'un d'eux est décédé. Le regroupement familial ne peut alors être
que partiel. C'est pourquoi, dans cette hypothèse, la jurisprudence soumet
ce droit à des conditions sensiblement plus restrictives que lorsque les
parents font ménage commun: alors que, dans ce dernier cas, la venue des
enfants mineurs en Suisse au titre du regroupement familial est en principe
possible en tout temps sans restriction autre que celle tirée de l'abus de
droit (cf. 129 II 11 consid. 3.1.2 p. 14; 126 II 329 consid. 3b p. 332/333),
il n'existe, en revanche, pas un droit inconditionnel de faire venir auprès
du parent établi en Suisse des enfants qui ont grandi à l'étranger dans le
giron de leur autre parent (cf. 129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15). Il

en va de même lorsque, par exemple en raison du décès de l'autre parent ou
pour d'autres motifs, l'éducation des enfants à l'étranger n'a pas été
assurée par un parent au sens étroit (père ou mère), mais par des personnes
de confiance, par exemple des proches parents (grands-parents, frères et
soeurs plus âgés etc.) (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.4 p. 15; 125 II 585
consid. 2c p. 588 ss et les arrêts cités). La reconnaissance d'un droit au
regroupement familial suppose alors que le parent établi en Suisse ait
maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de
la séparation et de la distance (cf. infra consid. 3.1.1) ou qu'un
changement important des circonstances, notamment d'ordre familial, se soit
produit, rendant nécessaire la venue des enfants en Suisse, comme par
exemple une modification des possibilités de leur prise en charge éducative
à l'étranger (cf. infra consid. 3.1.2) (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.3 p.
14/15, 249 consid. 2.1 p. 252; 126 II 329 consid. 3b p. 332; 124 II 361
consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).

  Ces restrictions sont pareillement valables lorsqu'il s'agit d'examiner
sous l'angle de l'art. 8 CEDH la question du droit au regroupement familial
(partiel) d'enfants de parents séparés ou divorcés. En effet, si cette
disposition conventionnelle peut faire obstacle, dans certaines
circonstances, à une mesure d'éloignement ou d'expulsion qui empêche ou rend
très difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche
pas de droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la
famille d'un étranger qui y est établi. En particulier, le parent qui a
librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille
pendant de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un tel
droit en faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec
ceux-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres de
la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations
existantes (ATF 129 II 249 consid. 2.4 p. 256; 126 II 329 consid. 3b p. 332;
125 II 633 consid. 3a p. 639/640; 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts
cités).

  3.1.1  On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale
prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque
celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période
de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en
intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur
les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à
l'arrière-plan. Pour autant, le maintien

d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse
puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles
conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse
depuis plusieurs années séparés de leurs enfants, réserver les situations
d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de
regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la
famille sous le même toit (sur ce point, cf. infra consid. 3.2). Par
ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout
lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses
années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances
portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant
et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y
vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte
de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances
linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet
constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner de grandes
difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie; celles-ci seront
d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera
avancé (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.3.2 p. 16).

  3.1.2  Lorsque le regroupement familial en Suisse est demandé en raison de
la survenance d'un changement important des circonstances, par exemple une
nouvelle donne familiale, les adaptations nécessaires devraient en principe,
dans la mesure du possible, être d'abord réglées par les voies du droit
civil. Toutefois, il faut réserver certains cas, notamment ceux où les
nouvelles relations familiales sont clairement redéfinies - par exemple lors
du décès du parent titulaire du droit de garde ou lors d'un changement
marquant des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la relation est
transférée sur l'autre parent (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252/253;
125 II 585 consid. 2a p. 586/587; 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts
cités). Le cas échéant, il y a lieu d'examiner s'il existe dans le pays
d'origine des alternatives, en matière de prise en charge de l'enfant, qui
correspondent mieux à ses besoins spécifiques et à ses possibilités.
L'opportunité d'un tel examen concerne particulièrement les enfants proches
ou entrés dans l'adolescence qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine,
et pour lesquels une émigration vers la Suisse pourrait, comme on l'a vu,
être ressentie comme un déracinement difficile à surmonter et devrait donc,
autant

que possible, être évitée. Toutefois, la jurisprudence rendue à propos des
art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH ne doit pas conduire à n'accepter le
regroupement familial que dans les cas où aucune alternative ne s'offre pour
la prise en charge de l'enfant dans son pays d'origine. Simplement, une
telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et
soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé, que son intégration
s'annonce difficile au vu de la situation et que la relation nouée jusqu'ici
avec le parent établi en Suisse n'apparaît pas particulièrement étroite (cf.
ATF 125 II 633 consid. 3a p. 640 et les arrêts cités).

  3.1.3  Dans tous les cas et quel que soit le motif de regroupement
familial invoqué, l'appréciation de la situation doit être globale et ne pas
seulement se faire sur la base des circonstances passées, mais aussi prendre
en considération les changements déjà intervenus, voire ceux à venir si leur
occurrence est suffisamment prévisible; à défaut, c'est-à-dire si l'on se
fondait uniquement sur le fait que l'enfant a vécu jusque-là dans un pays
étranger où il a noué ses attaches principales, le regroupement familial ne
serait pratiquement jamais possible passé un certain temps (cf. ATF 129 II
249 consid. 2.1 p. 252; 125 II 585 consid. 2a p. 586/587; 124 II 361 consid.
3a p. 366 et les arrêts cités). Or, même si, d'une manière générale, le
regroupement familial partiel doit être soumis à des conditions plus
strictes lorsqu'il est différé afin de tenir compte de l'enracinement de
l'enfant dans son pays d'origine et de ses probables difficultés
d'adaptation à un nouveau cadre de vie, il doit néanmoins rester en principe
possible jusqu'à la majorité de l'enfant, conformément au texte légal (art.
17 al. 2 LSEE) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme, sous réserve des restrictions rappelées ci-avant et des situations
abusives.

  3.2  II y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est
utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts qu'elle n'est
pas destinée à protéger (cf. ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 et les arrêts
cités). L'existence d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans
chaque cas particulier et avec retenue, seul l'abus manifeste d'un droit
pouvant et devant être sanctionné (cf. ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).

  En matière de regroupement familial différé, plus il apparaît que les
parents ont, sans motif valable, attendu longtemps avant de demander
l'autorisation de faire venir leurs enfants en Suisse, et plus

le temps séparant ceux-ci de leur majorité est court, plus l'on doit
s'interroger sur les véritables intentions poursuivies par cette démarche et
se demander si l'on ne se trouve pas dans une situation d'abus de droit. Ce
point doit faire l'objet d'un examen particulier en cas de regroupement
familial partiel, car l'expérience enseigne que le risque d'abus est alors
plus élevé que si la demande émane de parents vivant ensemble (cf. 126 II
329 consid. 3b p. 332/333). Ainsi, le fait qu'un parent établi en Suisse
veuille y faire venir un enfant, peu avant sa majorité, alors que celui-ci a
longtemps vécu séparément chez son autre parent vivant à l'étranger,
constitue généralement un indice d'abus du droit au regroupement familial.
En effet, on peut alors présumer que le but visé n'est pas prioritairement
de permettre et d'assurer la vie familiale commune, conformément à
l'objectif poursuivi par les art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH, mais de faciliter
l'établissement en Suisse et l'accès au marché du travail. Il faut néanmoins
tenir compte de toutes les circonstances particulières du cas qui sont de
nature à justifier le dépôt tardif d'une demande de regroupement familial
comme, par exemple, une subite et importante modification de la situation
familiale et des besoins de l'enfant, telle qu'elle peut notamment se
produire, ainsi qu'on l'a vu, après le décès du parent vivant à l'étranger
(cf. ATF 126 II 329 consid. 3b p. 333; 125 II 585 consid. 2a p. 587 et les
arrêts cités).

  3.3  La preuve des motifs visant à justifier le regroupement familial
ultérieur d'enfants de parents séparés ou divorcés, de même que l'importance
de ces motifs, doivent être soumises à des exigences d'autant plus élevées
que l'enfant sera avancé en âge, qu'il aura vécu longtemps séparé de son
parent établi en Suisse et qu'il aura suivi toute sa scolarité dans son pays
d'origine. Ainsi, en cas de demande de regroupement peu avant sa majorité,
une autorisation d'établissement ne pourra exceptionnellement être octroyée
en sa faveur que si les raisons expliquant la durée de la séparation sont
sérieuses et résultent clairement des circonstances de l'espèce (cf. ATF 129
II 11 consid. 3.3.2 p. 16, 249 consid. 2.1 p. 253; 125 II 585 consid. 2a p.
587; 124 II 361 consid. 4c p. 370/371; 119 Ib 81 consid. 3a p. 88).

Erwägung 4

  4.  Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a constaté que la
mère, X., avait vécu en Suisse plus de onze ans séparée de ses enfants avant
de déposer pour la première fois, le 29 septembre 2004, une demande de
regroupement familial en leur faveur. Les

juges ont, par ailleurs, estimé que l'intéressée n'avait pas été en mesure
de fournir des explications susceptibles de justifier une telle attente et
que rien n'établissait qu'elle entretenait avec ses enfants un lien plus
étroit que les personnes qui s'étaient occupées d'eux au Ghana, soit leur
grand-mère et la soeur de Y. Enfin, ils ont relevé que les enfants ne
parlaient "pas un mot de français" et avaient conservé le centre de leurs
intérêts au Ghana, où ils ont vécu depuis leur naissance et accompli "plus
ou moins régulièrement leur scolarité", et où vivent les personnes qui les
ont élevés depuis le départ de leur mère pour la Suisse en 1993.

  Les recourants soutiennent, en renvoyant à une récente jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme (arrêt dans la cause Tuquabo-Tekle et
autres contre Pays-Bas du 1er décembre 2005, no 60665/00) et à un
commentaire que lui a consacré MARC SPESCHA (Familiennachzug: Restriktive
schweizerische Praxis verstösst gegen Europäische Menschenrechtskonvention,
in Revue de l'avocat 2006 p. 144 ss), que "la limite d'âge [des enfants]
n'est pas opposable au regroupement familial à titre de motif décisif,
lorsque la vie familiale a été maintenue dans la mesure compatible avec une
séparation." Ils estiment également que le lien créé entre parents et
enfants par la vie familiale initiale ne peut se briser que dans des
circonstances exceptionnelles, mais non par une simple séparation, fût-elle
de plusieurs années, due au départ, volontaire ou non, de l'un des parents à
l'étranger. En outre, ils font valoir que la pleine protection de l'art. 8
CEDH "est acquise dès qu'il y a vie familiale", sans distinction selon
"qu'il y ait descendance commune ou non entre deux parents." Enfin, ils
invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE qui, à leur sens, tendrait à faciliter le
regroupement familial des enfants lorsqu'il s'agit d'assurer leur formation.

Erwägung 5

  5.

  5.1  L'affaire invoquée par les recourants concerne le cas d'une
ressortissante érythréenne née en 1963, Goi Tuquabo-Tekle, qui avait fui son
pays (alors rattaché à l'Ethiopie) pour la Norvège en 1989, à la suite du
décès de son premier mari survenu durant la guerre civile. Elle avait alors
laissé derrière elle trois enfants, deux garçons et une fille, qu'elle avait
confiés aux soins de leur grand-mère maternelle et d'un oncle. Après
l'obtention d'un permis humanitaire en 1990, elle avait pu, en octobre 1991,
faire venir auprès d'elle en Norvège son fils aîné âgé de treize ans qui
vivait

alors depuis quelque temps chez un de ses amis en Ethiopie, à Addis Abeba;
en revanche, elle n'avait pas réussi à obtenir des autorités érythréennes
les papiers nécessaires pour faire venir ses deux autres enfants restés en
Erythrée. En juin 1992, elle s'était remariée avec un compatriote vivant aux
Pays-Bas avec le statut de réfugié, puis elle avait émigré dans ce pays avec
son fils aîné en juillet de l'année suivante pour y rejoindre son mari avec
lequel elle aura deux enfants, nés respectivement en 1994 et 1995. Le 16
septembre 1997, elle et son mari déposèrent une demande de regroupement
familial en faveur de sa fille de quinze ans, Mehret, restée en Erythrée. La
dernière instance judiciaire hollandaise rejeta cette demande, en retenant
notamment que les requérants n'avaient réussi à prouver ni que la mère avait
conservé des liens étroits avec sa fille et avait continué à exercer à
distance son autorité parentale sur elle, ni qu'elle avait vainement tenté
de la faire venir plus tôt aux Pays-Bas; les juges hollandais estimèrent dès
lors que l'intérêt de la société à poursuivre une politique restrictive en
matière d'immigration l'emportait sur l'intérêt des requérants à obtenir
l'autorisation souhaitée, en relevant que l'article 8 CEDH ne créait à cet
égard aucun droit et que, dans les circonstances du cas, aucune raison
sérieuse et objective n'empêchait la famille de se reconstituer en Erythrée.
La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après également citée: la Cour)
a admis le recours formé par les requérants contre ce refus.

  Dans ses considérants, la Cour a d'abord rappelé les buts et les principes
guidant l'application de l'art. 8 CEDH, à savoir: que cette disposition tend
d'abord à prémunir les individus contre les ingérences de l'Etat,
conformément à son second paragraphe, mais qu'elle peut également impliquer
des obligations positives de la part de l'Etat afin de garantir le "respect"
effectif de la vie familiale prévu à son premier paragraphe; que la
frontière entre les obligations négatives et les obligations positives ne se
prête guère à une définition précise; que, dans les deux cas, les principes
applicables sont néanmoins comparables, en ce sens qu'il faut tenir compte
du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents des individus et
de la société dans son ensemble et que l'Etat jouit à cet égard d'une
certaine marge d'appréciation (arrêt précité, par. 42).

  La Cour a ensuite réaffirmé sa jurisprudence constante voulant que, pour
établir les obligations de l'Etat dans un cas particulier, il faut examiner
les faits de la cause à la lumière des principes suivants:

a) l'étendue de l'obligation pour un Etat membre d'admettre sur son
territoire des parents d'immigrés au titre du regroupement familial dépend
de la situation des intéressés et de l'intérêt général;
b) d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le
droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, de
contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol;
c) en matière d'immigration, l'art. 8 CEDH ne saurait s'interpréter comme
comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par des
couples mariés, de leur résidence commune et de permettre le regroupement
familial sur son territoire (arrêt précité, par. 43).

  Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour a expressément relevé
que, dans son analyse de la situation, elle devait prendre en considération
l'âge des enfants concernés, leur situation dans leur pays d'origine et leur
degré de dépendance par rapport aux parents (arrêt précité, par. 44). Elle a
ensuite établi un parallèle avec une autre affaire hollandaise (arrêt dans
la cause Sen contre Pays-Bas du 21 décembre 2001, n° 31465/96,), où elle
avait admis, dans des circonstances qu'elle a qualifiées de similaires, une
demande de regroupement familial en faveur d'un jeune enfant; comme l'âge
des enfants faisant l'objet de la demande était néanmoins sensiblement
différent (neuf ans dans l'affaire Sen, contre quinze ans dans l'affaire
Tuquabo-Tekle), la Cour s'est attachée à déterminer si cet élément appelait
de donner une issue différente au litige; à cette fin, elle a fait état de
précédents où elle avait jugé conformes à l'art. 8 CEDH des refus de
regroupement familial au motif précisément que les enfants concernés avaient
atteint un âge où l'on pouvait admettre qu'ils n'avaient plus autant besoin
des soins et de l'attention de leurs parents que de jeunes enfants; dans des
affaires de ce genre, a-t-elle poursuivi, il faut examiner dans quelle
mesure les enfants ont grandi dans l'environnement culturel et linguistique
de leur pays d'origine et y ont encore des parents pouvant les prendre en
charge et si, cas échéant, on peut attendre de leurs propres parents qu'ils
les y rejoignent pour réunir la famille (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par.
47, 48 et 49 et les affaires qui y sont mentionnées).

  Au final, la Cour a décidé que, nonobstant l'importance des liens
linguistiques et culturels de l'enfant Mehret avec son pays d'origine et
bien qu'il n'eût pas été allégué que sa grand-mère ne pouvait plus prendre
soin d'elle, son âge n'était, compte tenu des circonstances

particulières du cas, pas un élément justifiant d'adopter une autre solution
que dans l'affaire Sen (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par. 50). Au titre de
ces circonstances, la Cour a constaté que la mère avait toujours eu
l'intention de faire venir auprès d'elle sa fille, qu'elle avait constamment
et dès que possible accompli des efforts et entrepris des démarches en ce
sens, qu'elle n'était pas parvenue à ses fins pour des raisons indépendantes
de sa volonté (arrêt précité, par. 45/46), qu'elle et son mari avaient
légalement résidé pendant de nombreuses années aux Pays-Bas et avaient
obtenu la nationalité de ce pays par naturalisation, qu'ils y avaient donné
naissance à deux enfants, également de nationalité hollandaise, et que ces
enfants n'avaient pratiquement aucun lien avec le pays d'origine de leurs
parents, ayant toujours vécu dans l'environnement culturel et linguistique
des Pays-Bas (arrêt précité, par. 47/48); la Cour a également relevé que,
même s'ils n'étaient en eux-mêmes pas décisifs, deux points méritaient
néanmoins d'être mentionnés, à savoir, d'une part, que conformément aux
coutumes du pays d'origine, la grand-mère avait décidé, contre l'avis de la
mère, de retirer l'enfant Mehret de l'école, et s'apprêtait à organiser pour
elle un mariage arrangé et, d'autre part, qu'au moment des premières
démarches entreprises en Norvège en 1990 pour faire venir l'enfant, celle-ci
n'était alors âgée que de neuf ans, comme dans l'affaire Sen (arrêt
Tuquabo-Tekle précité, par. 50 et 51).

  5.2  Comme on l'a vu (supra consid. 3.1), le Tribunal fédéral opère une
distinction, dans l'examen des cas, entre les demandes de regroupement
familial présentées par les deux parents, en principe possibles à tout
moment jusqu'à la majorité de l'enfant sous réserve des situations d'abus de
droit, et celles présentées par un seul parent, soumises à des conditions
plus restrictives, surtout lorsqu'elles ont été longtemps différées. Dans
cette dernière hypothèse, il s'impose en effet, dans la pesée des intérêts,
de tenir compte du fait qu'une longue durée de séparation entraîne non
seulement une certaine rupture des liens entre le parent établi en Suisse et
l'enfant, mais encore resserre, dans le même temps, les attaches de celui-ci
avec son pays d'origine, en particulier avec son autre parent ou les proches
qui y vivent et ont pris soin de lui, dans une mesure pouvant rendre délicat
un changement de son cadre de vie et de sa prise en charge éducative.

  Contrairement à l'avis de SPESCHA (op. cit., p. 146) relayé par les
recourants, ces considérations restent pertinentes et ne sont pas remises

en cause par l'arrêt Tuquabo-Tekle. Il est vrai que cette affaire avait pour
toile de fond une demande de regroupement familial partiel, émanant de la
mère et du beau-père de l'enfant, alors que le cas Sen, avec lequel la Cour
européenne des droits de l'homme a tiré un parallèle, avait pour enjeu une
demande de regroupement familial émanant des deux parents de l'enfant. Il
apparaît toutefois que les motifs ayant conduit les juges de Strasbourg à
établir un tel parallèle tiennent au fait que, dans les deux cas, il
s'agissait d'affaires hollandaises concernant des couples mariés, établis de
longue date et bien intégrés aux Pays-Bas, qui avaient formé une demande de
regroupement familial en faveur de leur fille (respectivement belle-fille)
laissée au pays aux soins de proches parents; par ailleurs, aussi bien dans
l'affaire Sen que dans l'affaire Tuquabo- Tekle, les requérants avaient
acquis la nationalité de leur pays d'accueil par naturalisation et y avaient
donné naissance à deux enfants, également de nationalité hollandaise, qui ne
présentaient que peu de liens avec le pays d'origine de leurs parents, ayant
toujours vécu dans l'environnement culturel et linguistique des Pays-Bas.
C'est sous l'angle de ces circonstances particulières que les deux cas ont
été rapprochés par la Cour (cf. arrêt précité Tuquabo-Tekle, par. 47/48).
Que celle-ci n'ait, dans ce contexte précis, pas fait allusion à certaines
différences ne permet en tout cas pas, comme le soutient SPESCHA (ibidem),
d'en déduire que de telles différences seraient une fois pour toutes et de
manière générale dénuées de toute pertinence pour apprécier des demandes de
regroupement familial dans d'autres cas. On ne comprendrait du reste pas,
s'il en était ainsi et si la distinction entre regroupement familial partiel
et regroupement familial auprès des deux parents n'avait aucune pertinence,
que la Cour européenne des droits de l'homme continuât à poser comme
critères d'appréciation, outre l'âge des enfants, la situation de ceux-ci
dans leur pays d'origine et leur degré de dépendance par rapport aux parents
(arrêt précité, par. 44). Il tombe en effet sous le sens que ces critères se
présentent sous un jour différent selon que les deux parents vivent ensemble
ou non, surtout si l'éducation des enfants a été assurée pendant de
nombreuses années par le parent resté à l'étranger et si l'enfant a noué
avec celui-ci des liens privilégiés.

  Par ailleurs, l'affaire Tuquabo-Tekle a ceci encore de particulier qu'elle
concerne un cas singulier de regroupement familial partiel, soit celui d'une
mère qui a émigré de son pays d'origine après le

décès de son premier mari puis s'est remariée et a fondé une nouvelle
famille dans le pays d'accueil, en laissant sa fille derrière elle aux soins
de proches. On ne saurait dès lors déduire du contexte particulier de
l'affaire la portée de principe que veut conférer à celle-ci SPESCHA sur
certains points, en particulier sur le fait qu'il n'y aurait désormais plus
lieu de faire de distinction entre un regroupement familial seulement
partiel et un regroupement familial auprès des deux parents. En réalité, la
Cour européenne des droits de l'homme n'a pas spécifiquement abordé cette
question dans l'arrêt Tuquabo-Tekle. Dans d'autres affaires, elle a par
contre clairement mis l'accent, à l'instar de la Cour de céans, sur la
nécessité de tenir aussi compte, dans la pesée des intérêts, des liens que
l'enfant a pu développer avec ses proches dans son pays d'origine ainsi
qu'avec l'environnement culturel et linguistique de ce pays (cf. arrêts dans
la cause Ahmut contre Pays-Bas du 26 novembre 1996, Recueil CourEDH 1996-VI
p. 2017, par. 69, et dans la cause Gül contre Suisse du 19 février 1996,
Recueil CourEDH 1996-I p. 159, par. 42). Si, dans le cas Tuquabo-Tekle, ces
liens n'ont pas été considérés comme décisifs, c'est apparemment - et
notamment - parce que les juges de Strasbourg ont malgré tout tenu compte
des perspectives relativement sombres qui attendaient l'enfant Mehret si
elle devait rester au pays: sa grand-mère l'avait en effet retirée de
l'école et elle était promise à un mariage forcé. Les juges ont semble-t-il
également voulu prendre en considération le fait que la mère avait sans
succès déjà entrepris des démarches en vue du regroupement familial lorsque
l'enfant n'était âgée que de 9 ans.

  5.3  Il apparaît également que rien, dans la motivation de l'arrêt
Tuquabo-Tekle, ne permet de conclure, comme le soutiennent les recourants en
s'appuyant sur SPESCHA (op. cit., p. 147), que l'âge de l'enfant au moment
de la demande de regroupement familial ne jouerait qu'un rôle secondaire
dans la pesée des intérêts. Au contraire, c'est même le premier critère que
la Cour a expressément mentionné parmi les éléments à prendre en
considération à cet égard au titre de la situation personnelle de l'enfant
(par. 44). Par ailleurs, si la Cour a effectivement établi un parallèle avec
l'affaire Sen, elle n'en a pas moins clairement souligné que celle-ci se
démarquait du litige qu'elle avait à trancher par la différence d'âge des
enfants concernés dans les deux causes (par. 48), confirmant par là
l'importance de cet élément dans l'appréciation à porter sur un cas
d'espèce. Certes a-t-elle finalement fait droit à la demande de regroupement

familial, en considérant, au terme de son examen, que la différence d'âge
entre les enfants concernés ne justifiait pas une autre solution. Elle n'a
toutefois nullement fondé cette conclusion, comme le voudrait SPESCHA
(ibidem), sur l'idée que l'âge ne serait, d'une manière générale, pas un
critère important pour apprécier le bien-fondé d'une demande de regroupement
familial différé. En réalité, c'est malgré l'âge déjà relativement avancé de
l'enfant que la Cour a - exceptionnellement - penché pour l'admission du
recours dans l'affaire Tuquabo-Tekle, afin de tenir compte des circonstances
particulières du cas (cf. JEAN-FRANÇOIS AKANDJI-KOMBE, Les obligations
positives en vertu de la Convention européenne des Droits de l'Homme, in
Série "Précis sur les droits de l'homme", n° 7, éd. par le Conseil de
l'Europe, Strasbourg 2006, p. 45/46).

  Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de changer la pratique en cours en
matière de regroupement familial partiel et différé, en ce sens que, dans la
pesée des intérêts, il faut continuer à tenir compte de l'âge des enfants
concernés et du nombre d'années que ceux-ci ont passées à l'étranger, et
veiller autant que possible à privilégier la venue en Suisse de jeunes
enfants. En effet, ceux-ci ont généralement conservé des liens plus étroits
avec celui de leur parent établi en Suisse que des enfants déjà avancés en
âge ayant vécu de nombreuses années à l'étranger; de plus, de jeunes enfants
sont davantage capables de s'adapter à un nouvel environnement familial,
social et culturel (nouvelle prise en charge éducative et scolaire;
nouvelles habitudes de vie; apprentissage d'une nouvelle langue; éventuelle
nécessité d'un rattrapage scolaire; [...]), étant notamment moins en proie
que des adolescents ou des enfants proches de l'adolescence à rencontrer des
problèmes d'intégration liés à un déracinement (cf. supra consid. 3.1.1).

  5.4  Ces réflexions ont alimenté la loi fédérale sur les étrangers du 16
décembre 2005 (LEtr; FF 2005 p. 6885), approuvée le 24 septembre dernier en
votation populaire (FF 2006 p. 8953), qui entrera en vigueur dans quelque
temps en remplacement de l'actuelle loi fédérale (précitée) sur le séjour et
l'établissement des étrangers (Annexe I LEtr). Ainsi, la nouvelle loi
fait-elle de l'intégration des étrangers un thème central, en lui consacrant
de nombreuses dispositions (cf. art. 3 al. 1, 4 et 53 ss LEtr). Et c'est
également en partie dans ce souci que, sauf "raisons familiales majeures"
(cf. art. 47 al. 3 LEtr), la nouvelle loi soumettra le droit de demander le
regroupement familial des enfants de plus de 12 ans à un délai particulier

de 12 mois dès l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou de
l'établissement du lien familial (cf. art. 47 al. 1 et 3 let. b LEtr). Par
ailleurs, contrairement à l'art. 17 al. 2 LSEE, la nouvelle loi ne permettra
plus d'inclure les enfants de plus de 12 ans dans l'autorisation
d'établissement de leurs parents, mais leur donnera simplement droit à une
autorisation de séjour (cf. art. 43 al. 1 et al. 3 LEtr a contrario; sur la
nouvelle loi, cf. MINH SON NGUYEN, Le regroupement familial dans la loi sur
les étrangers et dans la loi sur l'asile révisée, in Annuaire du droit de la
migration, 2005/2006, Berne 2006, p. 31 ss; du même auteur et publié dans le
même ouvrage, La LEtr soumise au referendum, p. 213 ss).

  A noter que la mise en place de limites d'âge en vue de garantir une bonne
intégration des enfants étrangers n'est pas une politique propre à la
Suisse, le Conseil de l'Union européenne ayant adopté le 22 septembre 2003
une directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial (JO L
251 p. 12), qui donne notamment compétence à un Etat membre d'examiner si un
enfant de plus de 12 ans arrivé indépendamment du reste de sa famille
satisfait à un critère d'intégration prévu par sa législation; cette
possibilité vise à tenir compte de la faculté d'intégration des enfants dès
le plus jeune âge et garantit qu'ils acquièrent l'éducation et les
connaissances linguistiques nécessaires à l'école (art. 4 § 1 in fine de la
directive explicité à la lumière de son 12e considérant). La directive
prévoit également que les Etats membres peuvent exiger que les demandes de
regroupement familial d'enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci
n'aient atteint l'âge de 15 ans, les demandes introduites ultérieurement ne
pouvant faire l'objet d'une dérogation que "pour d'autres motifs que le
regroupement familial" (art. 4 § 6; sur cette directive, cf. ASTRID
EPINEY/ANDREA FAEH, Zum Aufenthaltsrecht von Familienangehörigen im
europäischen Gemeinschaftsrecht, in Annuaire du droit de la migration
2005/2006, Berne 2006, p. 49 ss, 74 ss).

  Saisie par le Parlement européen d'un recours tendant à l'annulation des
dispositions précitées de la directive, la Cour de justice des communautés
européennes (ci-après citée: la Cour de justice ou CJCE) l'a récemment
rejeté dans un arrêt du 27 juin 2006 (cause C-540/03). Après avoir rappelé
en détail la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme en matière
de regroupement familial des enfants et, notamment, les principes développés
dans les arrêts précités Sen, Ahmut et Gül, la Cour de justice a

considéré que la limite d'âge de 12 ans et le critère d'intégration prévus à
l'art. 4 § 1 de la directive étaient compatibles avec la marge
d'appréciation laissée aux Etats par l'art. 8 CEDH et avec les objectifs
poursuivis par cette disposition; à cet égard, elle a notamment souligné que
"la nécessité de l'intégration peut relever de plusieurs des buts légitimes
visés à l'article 8, paragraphe 2, de la CEDH" (arrêt CJCE précité, points
62 ss). Par ailleurs, la Cour de justice a jugé que la limite d'âge prévue à
l'art. 4 § 6 de la directive pouvait et devait être interprétée dans un sens
conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale, en ce sens
notamment qu'elle n'interdisait pas aux Etats membres de prendre en compte
des demandes relatives à des enfants de plus de 15 ans, l'obligation de
n'autoriser l'entrée et le séjour de ceux-ci que pour "d'autres motifs que
le regroupement familial" ne faisant référence qu'aux hypothèses de
regroupement familial imposées par la directive; cette précision laisse la
porte ouverte à des demandes de regroupement familial fondées directement
sur l'art. 8 CEDH (arrêt précité, points 84 ss). En rendant son verdict, la
Cour de justice n'a pas ignoré l'arrêt Tuquabo-Tekle qui lui est antérieur
de plusieurs mois, d'autant que son attention avait été expressément attirée
sur cette affaire par les conclusions de l'avocat général du 8 septembre
2005.

  La situation envisagée à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers
ainsi qu'au regard de la pratique en cours dans les pays voisins n'incite
donc nullement à infléchir la jurisprudence actuelle dans le sens désiré par
les recourants.

  5.5  En résumé, on peut tout au plus déduire de l'arrêt Tuquabo-Tekle
qu'un droit au regroupement familial partiel ne doit, selon les
circonstances, pas être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs
années après la séparation de l'enfant et son parent établi en Suisse et si
l'enfant est alors déjà relativement avancé en âge. Le Tribunal fédéral ne
l'ignore pas; du reste, il a déjà admis des demandes de regroupement
familial (différé) en faveur d'adolescents ou d'enfants proches de la
majorité lorsque des motifs importants imposaient une modification de leur
prise en charge éducative (cf. arrêts 2A.123/1999 du 26 juillet 1999 et
2A.340/2000 du 27 octobre 2000). De fait, la jurisprudence ne pose aucune
règle rigide en la matière, mais invite au contraire, dans la ligne de la
pratique de la Cour européenne des droits de l'homme, à procéder à un examen
individuel dans chaque cas d'espèce, loin de tout schématisme préétabli.

L'appréciation doit se faire sur la base de l'ensemble des circonstances et
tenir particulièrement compte de la situation personnelle de l'enfant (liens
familiaux et sociaux et possibilité de prise en charge éducative dans son
pays, [...]), de ses chances d'intégration en Suisse (compte tenu notamment
de son âge, de son niveau scolaire et de ses connaissances linguistiques),
du temps qui s'est écoulé depuis la séparation d'avec son parent établi en
Suisse, de la situation personnelle de celui-ci (notamment aux plans
familial et professionnel) et des liens qui les unissent l'un à l'autre.
Pour juger de l'intensité de ces liens, il faut notamment prendre en
considération le nombre d'années que le parent établi en Suisse a vécues
avec son enfant à l'étranger avant d'émigrer, et examiner dans quelle mesure
il a depuis lors maintenu concrètement avec lui des relations malgré la
distance, en particulier s'il a eu des contacts réguliers avec lui (au moyen
de visites, d'appels téléphoniques, de lettres, [...]), s'il a gardé la
haute main sur son éducation et s'il a subvenu à son entretien.

Erwägung 6

  6.

  6.1  Le Tribunal administratif a constaté que la mère n'avait déposé les
demandes de regroupement familial litigieuses qu'en septembre 2004. Il a
estimé que cette démarche aurait pu être entreprise plus tôt et qu'il était
en tout cas "difficilement compréhensible" qu'après avoir obtenu une
autorisation de séjour en avril 1997, qui avait par la suite été
régulièrement renouvelée, l'intéressée eût encore attendu plus de 7 ans pour
agir. On ne peut que partager la perplexité des premiers juges quant aux
raisons invoquées par les recourants pour justifier une telle attente, à
savoir que la mère n'avait obtenu une autorisation d'établissement que le 29
septembre 2004 (recte: le 12 octobre 2004) et que sa situation financière ne
lui permettait de toute façon pas d'agir auparavant.

  Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, même si elle ne
bénéficiait pas encore d'une autorisation d'établissement lui conférant le
droit de demander la réunion de ses enfants en Suisse (cf. art. 17 al. 2
LSEE a contrario), la mère avait néanmoins la possibilité, comme l'ont
constaté les premiers juges, de déposer une telle demande depuis qu'une
autorisation de séjour lui avait été octroyée, soit depuis le 14 avril 1997
(cf. art. 38 al. 2 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des
étrangers a contrario [OLE; RS 823.21]). Certes, sa situation financière
était à l'époque difficile. Elle a du reste émargé à plusieurs reprises à
l'aide sociale, notamment

à partir du mois d'avril 1998, où elle a touché pendant certaines périodes
le revenu minimum de réinsertion (RMR), la dernière fois, selon les pièces
au dossier, d'octobre 2003 à juin 2004. Les recourants n'ont cependant
apporté aucun élément permettant de penser que les choses se seraient
soudainement améliorées à l'automne 2004 lors du dépôt de la demande
litigieuse. Dans ses déclarations, puis dans son recours au Tribunal
administratif, la mère n'a d'ailleurs pas indiqué de changement déterminant
dans sa situation financière à cette époque, mais a surtout insisté sur
l'aide que pouvait lui apporter son compagnon Y., avec lequel elle
partageait alors un appartement depuis 2002 en compagnie de leur enfant
commun né cette même année. Or, si le fait nouveau décisif tenait vraiment
dans sa nouvelle vie avec le prénommé, on peut s'étonner que la mère ait
encore attendu deux années supplémentaires avant de demander la réunion de
ses enfants en Suisse. De plus, au regard des revenus de son compagnon, il
n'apparaît pas que l'aide de celui-ci pût être importante, surtout si l'on
considère que l'intéressé avait lui-même formé, selon les indications de
l'Ambassade de Suisse à Accra, une demande de regroupement familial en
faveur de deux enfants vivant au Ghana dont il était le père. Dans ces
conditions, on peut sérieusement se demander si les motifs économiques
invoqués, certes réels mais en réalité présents et constants depuis
l'arrivée de la mère en Suisse, y compris au moment de la demande de
regroupement familial, expliquent à eux seuls le retard pris pour former
cette demande ou si, en fin de compte, celle-ci ne vise pas prioritairement
un autre but que la réunion de la famille sous le même toit, comme l'ont
sous-entendu les premiers juges en relevant que la demande n'avait été
déposée que peu de temps avant la majorité des deux jumeaux, soit à un âge
où ceux-ci peuvent entrer dans la vie active ou du moins entreprendre une
formation (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.2.2).

  Quoi qu'il en soit, la question d'un éventuel abus de droit peut rester
indécise, car le recours est de toute façon mal fondé pour un autre motif.

  6.2  Les recourants ont motivé pour l'essentiel leur demande par le fait,
d'une part, que la mère aurait conservé une relation prépondérante avec ses
enfants (cf. infra consid. 6.2.1) et, d'autre part, que la prise en charge
éducative de ceux-ci au Ghana ne pouvait plus être assurée de manière
satisfaisante (cf. infra consid. 6.2.2).

  6.2.1  Selon les constatations du Tribunal administratif, la mère a
régulièrement versé des contributions financières en faveur de ses enfants
et elle leur a rendu visite une fois par année au pays. Les recourants ont
également allégué qu'ils avaient de fréquents contacts téléphoniques. Au vu
du temps qui s'est écoulé depuis la séparation, soit onze années au moment
du dépôt de la demande litigieuse, on ne saurait toutefois admettre que de
tels rapports sont en eux-même suffisants pour maintenir une relation
prépondérante entre les intéressés au sens de la jurisprudence. Seule une
implication particulièrement importante et décisive de la mère pour régler
la vie de ses enfants permettrait éventuellement d'admettre le contraire.
Or, les recourants n'ont pas démontré sur quels points précis ou de quelle
manière l'intéressée aurait concrètement gardé la haute main sur l'éducation
de ses enfants, ni même, du reste, n'ont formulé d'allégués allant dans ce
sens. Il faut dès lors constater que les relations qui les unissent ne sont
pas prépondérantes au point de justifier à elles seules un regroupement
familial aussi différé (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.3).

  C'est en vain que les recourants soutiennent, en se référant à l'arrêt
précité Sen (ad par. 28), que "le lien créé entre parents et enfant par la
vie familiale initiale (...) crée un lien que des événements ultérieurs ne
peuvent briser que dans des circonstances exceptionnelles". En effet, le
passage de l'arrêt Sen auquel il est fait allusion détermine à quelles
conditions l'existence d'une vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH doit
être admise. Or, en l'espèce, ce point - de recevabilité du grief - n'est
pas contesté. Seule est litigieuse la question - de fond - de savoir si les
refus d'autorisations d'entrée et/ou de séjour opposés aux enfants
constituent des violations du droit au respect de la vie familiale garanti
par la disposition conventionnelle précitée ou constituent des ingérences
dans l'exercice de ce droit.

  Au demeurant, à supposer même que les liens entre la mère et ses enfants
puissent être qualifiés de prépondérants, un examen de l'ensemble des
circonstances s'imposerait de toute façon au regard de la durée de
séparation entre les intéressés et de l'âge déjà relativement avancé des
enfants au moment de la demande (cf. supra consid. 3.1.1 et 5.5). Il sera
procédé plus loin à cet examen d'ensemble (infra consid. 6.3).

  6.2.2  Dans leurs différentes écritures, les recourants n'ont eu de cesse
de faire valoir que la prise en charge éducative des enfants

ne pouvait pas - ou plus - être convenablement assurée au Ghana. Ils n'ont
toutefois fourni aucun élément tangible à l'appui de cette assertion ni même
développé de claires explications permettant de l'accréditer. De leur propre
aveu, les enfants sont pris en charge depuis quelques années par Z. En
procédure fédérale, ils ne démontrent ni même n'allèguent expressément que
celle-ci ne pourrait plus assurer cette mission. La seule allusion à cette
circonstance tient dans une déclaration écrite du 9 juillet 2004 de la
prénommée que les recourants retranscrivent dans la partie faits de leur
mémoire (après traduction de l'anglais) de la manière suivante: "(...) Que
la garde de l'enfant [il n'est ici fait référence qu'à la cadette, mais il
est constant que les deux aînés ont également été pris en charge par la
prénommée] m'a été confiée quand la mère X. a quitté le territoire. Que
depuis lors j'ai été le gardien, le parent nourricier et le responsable ici
au Ghana de C. Que présentement j'ai à faire face à des difficultés
économiques qui sont un obstacle insurmontable à l'entretien et l'éducation
de l'enfant. Qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de pouvoir se
réunir à sa mère de manière que celle-ci soit en mesure de lui assurer des
soins normaux, une vie décente et une bonne éducation (...)". Du moment
qu'il est admis que la mère envoie régulièrement de l'argent au Ghana, pays
où il est notoire que le coût de la vie est sans commune mesure moins cher
qu'en Suisse, l'argument financier n'apparaît pas de nature à établir, en
l'absence d'éléments plus précis, que Z. ne peut subitement plus assumer la
prise en charge des enfants. En réalité, le regroupement familial vise avant
tout à donner à ceux-ci l'opportunité de bénéficier de meilleures
perspectives d'avenir en matière de formation et d'accès au marché du
travail, comme en conviennent du reste sans détour les recourants en
procédure fédérale, en relevant que "c'est d'ailleurs le souci d'une
éducation normale et suffisante qui est le motif principal de la réunion
familiale". Cet objectif transparaît tout aussi nettement dans une
déclaration que le père des jumeaux a signée le même jour que Z. Or, pour
honorable qu'il soit, un tel objectif n'est pas susceptible de justifier une
demande de regroupement familial (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.2 p.
253/254). A cet égard, les recourants font fausse route lorsqu'ils invoquent
l'art. 17 al. 2bis LSEE: outre que cette disposition n'est pas d'application
directe, qu'elle n'a, à ce jour, pas été précisée par voie d'ordonnance, et
qu'elle ne vise que les enfants dont les parents sont titulaires d'une
autorisation de

séjour, son but n'est pas à proprement parler de faciliter le regroupement
familial des enfants visés en vue de leur garantir une formation, mais
d'introduire des critères d'admission, comme l'âge, en vue de s'assurer que
ces enfants puissent, le moment venu, entreprendre avec succès une telle
formation (cf., à ce sujet, les déclarations du rapporteur de la commission
du Conseil des Etats, Peter Bieri, in BO 2002 CE p. 528).

  6.3  Il reste à examiner si, au terme d'un examen de l'ensemble des
circonstances, il doit néanmoins être fait droit aux demandes des
recourants.

  6.3.1  Lorsque sa mère est arrivée en Suisse en août 1993, la cadette des
enfants, C., était alors âgée d'un peu plus de trois ans. Elle avait 14 ans
½ au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, en septembre
2004. A ce moment-là, elle avait donc vécu pendant plus de onze années
séparée de sa mère. Cette durée est importante et de nature à affaiblir les
liens entre une mère et sa fille, en particulier si on met cette durée en
parallèle avec la période de temps relativement courte (trois ans) que les
intéressées ont pu passer ensemble avant leur séparation. Cette dernière
n'a, en outre, été entrecoupée qu'à une dizaine d'occasions, soit lors des
visites annuelles de la mère. Au vu de ces éléments, il faut admettre que
les liens entre les intéressées, pour réels qu'ils soient, ne peuvent que
difficilement être aussi privilégiés que ne le prétendent les recourants.
Par comparaison, dans la cause Tuquabo-Tekle, l'enfant Mehret avait vécu 8
ans avec sa mère avant d'être séparée d'elle, et la séparation avait duré
environ 7 ans au moment du dépôt de la demande de regroupement familial; en
outre, la mère avait déjà déposé sans succès une telle demande plusieurs
années auparavant.

  Par ailleurs, la mère de C. ne jouit pas en Suisse d'une situation
personnelle et familiale aussi stable et favorable au développement et à
l'intégration de l'enfant que dans l'affaire précitée. Certes y a-t-elle
donné naissance en 2002 à un nouvel enfant, D.; elle n'est toutefois pas
mariée et semble dans une situation financière plutôt précaire; dans son
recours, elle allègue même ne plus partager sa vie avec le père de son
enfant D., mais vivre seule avec ce dernier et, depuis, avril 2004, son
premier fils entré sans visa et sans autorisation en Suisse; sa situation ne
lui permet donc que difficilement d'accueillir de nouveaux enfants dans son
foyer et

laisse même redouter qu'elle doive alors recourir à l'assistance publique.

  En outre, selon les informations de l'Ambassade de Suisse à Accra, C. ne
parlerait pas anglais, mais seulement la langue locale, et serait illettrée.
Les recourants ont véhémentement contesté l'exactitude de ces informations,
mais sur le mode de l'affirmation et sans apporter le moindre élément
permettant de se convaincre du contraire (par exemple des documents
scolaires). Ils ont même expressément admis que l'intéressée avait refusé de
fréquenter l'école, en relevant que sa venue en Suisse serait pour elle
l'opportunité de compléter ses lacunes et d'acquérir une formation, dans
l'idée d'exercer plus tard une activité lucrative. Mais, comme on l'a vu
(supra 6.2.2 in fine), de tels buts sont étrangers à l'institution du
regroupement familial. D'ailleurs, l'âge déjà relativement avancé de
l'enfant en cause et ses importantes carences linguistiques et scolaires
laissent redouter qu'elle éprouverait les plus grandes difficultés
d'intégration en cas de déplacement de son centre de vie en Suisse et, en
particulier, qu'elle ne pourrait que difficilement débuter une formation ou
une activité adaptées à ses facultés. A l'inverse, au vu du nombre d'années
passées au Ghana, il faut admettre que l'enfant y a forcément d'importantes
attaches familiales, sociales et culturelles. Certes n'entretient-elle
aucune relation avec son père et les recourants sont-ils restés laconiques
et flous sur ses réelles conditions de vie, en particulier sur son cercle de
relations familiales et sociales. Il apparaît toutefois qu'elle peut en tout
cas compter sur sa petite-cousine qui prend soin de son éducation grâce à
l'argent que lui envoie sa mère ainsi que sur l'aide de sa soeur aînée. Sur
un plan professionnel, il semble qu'elle ait entrepris une formation dans le
domaine de la coiffure. Pour difficile qu'elle puisse être, surtout sous
l'angle économique, sa situation personnelle au Ghana ne se confond donc
nullement avec le cas de l'enfant Mehret en Erythrée dans l'affaire
Tuquabo-Tekle.

  Dans ces conditions, l'intérêt privé des recourants à ce que C. puisse
rejoindre sa mère en Suisse au titre du regroupement familial ne l'emporte
pas sur l'intérêt public du pays de poursuivre une politique restrictive en
matière d'immigration. En particulier, les recourants n'ont pas établi que
la mère entretiendrait avec sa fille des relations prépondérantes ou qu'un
changement important des circonstances se serait produit rendant nécessaire
une modification de la prise en charge éducative de l'enfant. Le cas n'est
en outre pas

comparable à l'affaire Tuquabo-Tekle pour les nombreuses raisons rappelées
ci-avant.

  6.3.2  Quant aux deux jumeaux, aujourd'hui majeurs, leur regroupement
familial n'a été demandé qu'une année et demie avant leur majorité. C'est
donc seulement si les recourants avaient établi l'existence de motifs
particulièrement importants à l'appui d'une telle demande qu'on pourrait y
faire droit. Tel n'est cependant pas le cas. En outre, sous réserve que les
intéressés ont, pendant leur prime enfance, partagé plus de temps que leur
soeur cadette avec leur mère et ont donc vraisemblablement tissé un lien
plus fort avec celle-ci que leur soeur, leur situation personnelle ne
diffère pas fondamentalement de cette dernière. Cette réserve mise à part,
les éléments pris en compte dans la pesée des intérêts effectuée au
considérant précédent valent donc mutatis mutandis à leur égard, si ce n'est
que leurs chances de s'intégrer en Suisse apparaissent plus compromises
encore au vu de leur âge. Les deux années et demie que le jumeau garçon a
passées en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance, après y être venu sans
visa ni autorisation, ne sont pas déterminantes dans la pesée des intérêts
(cf. ATF 130 II 39 consid. 4 p. 43; 129 II 249 consid. 2.3 p. 255).

  6.4  En conséquence, les demandes de regroupement familial formées en
faveur de A., B. et C. sont mal fondées.