Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 694



Urteilskopf

133 III 694

  96. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X.
contre dame Y. (recours en matière civile)
  5A_479/2007 du 17 octobre 2007

Regeste

  Haager Übereinkommen vom 25. Oktober 1980 über die zivilrechtlichen
Aspekte internationaler Kindesentführung (SR 0.211.230.02); Rückführung
eines widerrechtlich in die Schweiz verbrachten Kindes in die USA.

  Voraussetzungen, unter denen das Verbringen widerrechtlich ist (E. 2).

  Bedeutung des Ordre public-Vorbehalts (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 694

  A.- Au printemps 2004, dame Y. s'est installée chez X. dans l'Etat du New
Jersey; elle s'est trouvée enceinte depuis juin 2004. Dame Y. et X. sont
tous deux ressortissants des Etats-Unis d'Amérique.

  Le 4 mars 2005, dans le comté de Volusia en Floride, dame Y. a donné
naissance à une fille prénommée A. Dame Y. et X. ont vécu ensemble en
Floride, de mai 2005 au 1er février 2006; ils ont alors convenu de se
séparer, X. continuant de voir A. jusqu'au 3 mars 2006.

  Fin mars 2006, dame Y. a quitté la Floride pour le Tennessee puis
l'Arizona; X. lui a, à plusieurs reprises, enjoint de revenir en Floride
pour qu'il puisse y revoir A., en vain.

  B.- Le 5 avril 2006, X. a saisi le Tribunal (Circuit Court) du comté de
Volusia d'une demande visant à faire constater sa paternité sur A. puis à
lui en attribuer la garde; à titre provisionnel, il a également

requis qu'il soit fait interdiction à dame Y. de quitter le comté avec la
mineure.

  Le 25 avril 2006, le Tribunal du comté de Volusia a fait droit à cette
dernière requête, en prescrivant que l'enfant ne devait pas être soustraite
à sa juridiction pendant la litispendance, que la mère n'était pas autorisée
à demander un passeport pour sa fille et qu'elle devait restituer au
requérant ceux en sa possession. Il a précisé que l'ordonnance ne devait pas
être notifiée avant son exécution à la défenderesse, un tiers étant nommé en
tant que elisor, aux fins de la lui signifier. Ce dernier a échoué dans sa
mission.

  Par décision du 4 mai 2006, le Tribunal a enjoint la défenderesse de
ramener A. auprès du requérant en raison du fait que celui-ci disposait de
"legal rights and responsibilities" envers la mineure; il a autorisé le
demandeur à requérir au besoin l'assistance de la force publique pour faire
respecter ce prononcé. Cette décision n'a pas non plus été communiquée à la
défenderesse.

  Le 21 mai 2006, dame Y. a quitté les Etats-Unis avec sa fille pour
l'Espagne, avant d'arriver en Suisse le 4 juillet 2006.

  C.- A teneur d'une nouvelle ordonnance du 6 juillet 2006, rendue par
défaut, le Tribunal du comté de Volusia a attribué temporairement la
responsabilité parentale exclusive sur A. à X.

  Le 6 novembre 2006, X. a encore obtenu du Tribunal du comté de Volusia
deux décisions. La première admettait la rectification des actes d'état
civil concernant A. et l'inscription du demandeur en tant que père. La
seconde constatait que, durant la cohabitation des parties et jusqu'en mars
2006, X. disposait de droits sur la garde ("inherent custodial rights") de
l'enfant, ce qui entraînait l'illicéité de son déplacement au sens de l'art.
3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de
l'enlèvement international d'enfants (CEIE; RS 0.211.230.02; ci-après: la
Convention); le Tribunal précisait que cette constatation était rendue en
vertu de l'art. 15 CEIE.

  Une expertise ADN effectuée en février 2007 a établi de façon certaine la
paternité biologique de X.

  D.- Le 3 janvier 2007, se fondant sur les deux décisions du 6 novembre
2006, X. a requis de l'Autorité centrale suisse le rapatriement de l'enfant
à son domicile en Floride.

  Par ordonnance du 8 juin 2007, le Tribunal tutélaire de Genève a considéré
que la mère était restée seule titulaire des droits parentaux

sur sa fille jusqu'à leur départ des Etats-Unis; il a donc rejeté la
requête.

  Statuant le 22 août 2007 sur recours du père, l'autorité de surveillance
des tutelles du canton de Genève a confirmé cette ordonnance.

  E.- X. interjette un recours en matière civile contre cette décision; il
conclut à son annulation et à sa réforme en ce sens que le retour immédiat
de l'enfant en Floride soit ordonné. Dame Y. conclut au rejet du recours.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  L'autorité cantonale a considéré que, après la séparation des parties,
aucun droit de visite en faveur du père n'avait été fixé judiciairement, que
celui-ci n'avait entrepris aucune démarche pour faire reconnaître sa
paternité et que le droit de garde ne lui avait été attribué qu'après le
départ de l'intimée et de l'enfant pour l'Europe; elle a ainsi estimé que,
avant ce départ, le recourant n'avait pas exercé de manière effective un
droit de garde reconnu judiciairement ou par la loi et a donc refusé
d'ordonner le retour en application des art. 3 al. 1 let. b et 13 al. 1 let.
a CEIE.

  Le recourant prétend au contraire qu'il était bel et bien titulaire d'un
droit de garde au moment de l'enlèvement, et qu'il l'exerçait.

  2.1  Pour que le déplacement ou le non-retour d'un enfant soit considéré
comme illicite, il doit tout d'abord avoir eu lieu en violation d'un droit
de garde attribué par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa
résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour
(art. 3 al. 1 let. a CEIE).

  2.1.1  Le droit de garde, qui peut notamment résulter d'une attribution de
plein droit, d'une décision ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet
Etat (art. 3 al. 2 CEIE), comprend le droit portant sur les soins de la
personne de l'enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de
résidence (art. 5 let. a CEIE). Pour connaître l'attributaire du droit de
garde, il y a lieu de se référer uniquement à l'ordre juridique de l'Etat de
la résidence habituelle de l'enfant avant le déplacement ou le non-retour
(BUCHER, L'enfant en droit international privé, Genève/Bâle/Munich 2003, n.
436; KUHN, Ihr Kinderlein bleibet, so bleibet doch all, PJA 1997 p. 1095).

  La condition posée à l'art. 3 al. 1 let. a CEIE est également remplie
lorsqu'une partie viole une limitation territoriale, judiciaire ou
conventionnelle, lui faisant défense de résider dans un autre Etat avec
l'enfant; une telle limitation - dont la violation figure expressément comme
cas d'illicéité dans les travaux préparatoires de la Convention (Conférence
de La Haye de droit international privé, Actes et documents de la
Quatorzième session, tome III, p. 9 let. E et p. 163 ch. 4 et 5) - prive en
effet le titulaire du droit de garde de la faculté de décider seul le lieu
de résidence de l'enfant, et a ainsi pour effet d'instituer une sorte de
garde partagée au sens de la Convention (KUHN, op. cit., p. 1096/1097;
BUCHER, op. cit., n. 478; ZÜRCHER, Kindesentführung und Kindesrechte, thèse
Zurich 2005, p. 85/86; cf. également arrêt 5P.310/2002 du 18 novembre 2002,
publié in FamPra.ch 2003 p. 470).

  2.1.2  Pour déterminer l'existence d'un déplacement illicite au sens de
l'art. 3 CEIE, l'Etat requis peut tenir compte directement du droit et des
décisions judiciaires ou administratives reconnues formellement ou non dans
l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, sans avoir recours aux
procédures spécifiques sur la preuve de ce droit ni sur la reconnaissance
des décisions étrangères (art. 14 CEIE). Une déclaration relative au droit
de garde établie par les juridictions du lieu de résidence habituelle de
l'enfant lie en principe les juridictions de l'Etat requis
(BEAUMONT/MCELEAVY, The Hague Convention on International Child Abduction,
Oxford 1999, p. 65). Les autorités de l'Etat requis peuvent également
demander la production par le demandeur d'une décision ou d'une attestation
émanant de l'Etat de résidence habituelle de l'enfant et portant sur le
caractère illicite du déplacement (art. 15 CEIE). Ce document peut être
établi valablement même en l'absence du parent qui a enlevé l'enfant
(STAUDINGER/PIRRUNG, Kommentar zum BGB, 13e éd., Berlin 1994, n. 691 ad
Vorbemerkungen zu Art. 19 EGBGB); il doit se prononcer sur l'interruption ou
non d'une garde effective et légitime prima facie, d'après le droit de la
résidence habituelle de l'enfant (PÉREZ-VERA, Rapport explicatif, in
Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et documents de la
Quatorzième session, tome III, n. 120 in fine, p. 463). Selon SIEHR, son
contenu lie les juridictions de l'Etat requis, dans la mesure du moins où il
concerne l'existence d'un droit de garde légitime au sens de l'art. 3 al. 1
let. a CEIE (SIEHR, Münchener Kommentar BGB, vol. 10, 3e éd. 1998, n. 71 ad
art. 19 Anh. II); PIRRUNG est plus nuancé, qui affirme simplement que ces
juridictions peuvent prendre

en compte ce résultat sans autre examen (STAUDINGER/PIRRUNG, loc. cit.).
Comme on le verra (ci-dessous, consid. 2.1.3), la question peut demeurer
indécise.

  2.1.3  En l'espèce, le fait que la mère ait quitté les Etats-Unis en
violation de l'interdiction de déplacement ordonnée le 25 avril 2006, suffit
en soi à satisfaire aux conditions de l'art. 3 al. 1 let. a CEIE (ci-dessus,
consid. 2.1.1 in fine).

  De surcroît, l'existence de certains droits du recourant envers sa fille
ressort de la décision du Tribunal du comté de Volusia du 4 mai 2006,
antérieure au déplacement de l'enfant; le Juge y constate en effet que le
père dispose de "legal rights and responsibilities with respect to said
child". Cette déclaration, qui émane du Tribunal du lieu de résidence
habituelle de l'enfant avant son départ des Etats-Unis, lie les juridictions
suisses.

  Enfin, la décision du 6 novembre 2006, expressément qualifiée de décision
de constatation au sens de l'art. 15 CEIE, établit que le recourant
bénéficiait d'un droit de garde ("inherent custodial rights") durant toute
la période de cohabitation des parents avec l'enfant - de mai 2005 au 1er
février 2006 - et jusqu'en mars 2006, ce qui rendait le déplacement de
l'enfant illicite au sens de l'art. 3 CEIE. Rien ne permet de mettre en
doute cette constatation. En particulier, l'art. 744.301 des Statuts de
Floride invoqué par l'intimée, qui prévoit que la mère d'un enfant né hors
mariage en est le gardien naturel ("natural guardian"), ne permet pas de
déduire qu'elle était la seule à disposer de l'autorité parentale et de la
garde sur sa fille; aucune jurisprudence américaine en ce sens n'a
d'ailleurs été communiquée. Les juridictions helvétiques peuvent donc, sans
autre examen, s'en tenir aux droits constatés par le Tribunal du comté de
Volusia dans ses décisions.

  En conséquence, l'affirmation de l'autorité de surveillance, selon
laquelle le droit de garde n'a été attribué au père qu'après le départ de la
mère et de l'enfant pour l'Europe, est erronée; de même, le fait qu'aucun
droit de visite n'a été fixé après la séparation des parties ainsi que
l'absence de démarches du père en vue de reconnaître sa paternité avant le
départ de l'enfant ne permettent pas de contester l'existence d'un droit de
garde légitime du père sur l'enfant avant le 21 mai 2006.

  2.2  Il s'agit dès lors d'examiner la seconde condition posée par la
Convention, à savoir que le droit de garde ait été exercé de façon

effective au moment de l'enlèvement, ou l'eût été si cet événement n'était
pas survenu (art. 3 al. 1 let. b CEIE).

  2.2.1  Cette condition doit être admise de façon large (SIEHR, op. cit.,
n. 29 ad art. 19 Anh. II); elle est présumée remplie lorsque le détenteur de
la garde engage une démarche pour obtenir le retour de l'enfant (BUCHER, op.
cit., n. 437).

  L'autorité requise n'a pas à initier des vérifications à ce sujet, sauf
s'il apparaît nettement que le requérant avait en fait déjà renoncé à son
droit (BUCHER, loc. cit.); s'il existe un doute, il appartient au parent qui
s'oppose au retour d'alléguer l'absence de garde effective et d'en apporter
la preuve en vertu de l'art. 13 al. 1 CEIE. Les exceptions au retour prévues
par cette disposition s'interprètent de manière restrictive; le parent
auteur de l'enlèvement ne doit tirer aucun avantage de son comportement
illégal (arrêt 5A_285/2007 du 16 août 2007, consid. 4.1). L'absence de garde
effective au sens de l'art. 13 al. 1 let. a CEIE ne saurait être retenue que
lorsqu'il apparaît clairement que le titulaire du droit de garde ne se
soucie pas de son enfant et a abandonné l'exercice de son droit; des
contacts réguliers suffisent à écarter ce motif de refus même dans
l'hypothèse où l'enfant aurait été placé chez des parents ou des tiers
(BUCHER, op. cit., n. 464; ZÜRCHER, op. cit., p. 78; SIEHR, loc. cit.; pour
une casuistique: SCHMID, Neuere Entwicklungen im Bereich der internationalen
Kindesentführungen, PJA 2002 p. 1332).

  2.2.2  En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté que, jusqu'au 1er
février 2006, le recourant avait vécu sous le même toit que sa fille, à
l'exception d'une période d'un mois et demi durant laquelle la mère s'était
absentée avec l'enfant; en février et mars 2006, il a continué de la voir
avant que l'intimée ne l'emmène de la Floride vers le Tennessee puis
l'Arizona; de fin mars à début mai 2006 enfin, il a, à maintes reprises,
sollicité de la mère le retour de l'enfant.

  Force est donc d'admettre que, avant le départ de l'enfant, le recourant
exerçait effectivement et régulièrement le droit de garde dont il était
titulaire. Il convient de préciser, dans la mesure où l'autorité cantonale
semble y avoir attaché de l'importance, que l'absence de contact avec le
père durant la période située entre le départ de la mère et de l'enfant de
Floride à fin mars 2006 et leur départ des Etats-Unis le 21 mai 2006, ne
peut être assimilée à un abandon de l'exercice du droit de garde, d'autant
que le recourant n'a cessé de réclamer le retour de l'enfant; au demeurant,
l'absence de contact entre le père et

l'enfant durant cette période est due au seul comportement de la mère, qui
ne saurait dès lors en tirer aucun avantage (cf. ci-dessus, consid. 2.2.1).

  En conséquence, l'autorité cantonale a enfreint les art. 3 et 13 al. 1
let. a CEIE en considérant qu'il y avait lieu de faire exception au retour
de l'enfant.

Erwägung 3

  3.  Quant à la réserve de l'ordre public, l'art. 20 CEIE en réduit la
portée au seul respect des principes fondamentaux de l'Etat requis sur la
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ATF 123 II
419 consid. 2b p. 423; ABT, Der Ordre public-Vorbehalt des Haager
Übereinkommens über die zivilrechtlichen Aspekte internationaler
Kindesentführungen, PJA 1997 p. 1079; STAUDINGER/PIRRUNG, op. cit., n. 698
ad Vorbemerkungen zu Art. 19 EGBGB). La violation de ces garanties
fondamentales ne peut être invoquée comme motif de refus que si elle est
grave et liée directement à la situation en cas de retour de l'enfant
(ZÜRCHER, op. cit., p. 173; BUCHER, op. cit., n. 492).

  En l'espèce, l'absence de notification à la mère des décisions des 25
avril et 4 mai 2006 n'est en aucune façon liée à la situation en cas de
retour de l'enfant; elle ne saurait donc faire obstacle à ce retour.