Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 593



Urteilskopf

133 III 593

  79. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause
Association Rhino contre SI Boulevard de la Tour 14 SA et Vergell Casa SA
(recours en réforme)
  5C.36/2007 du 10 mai 2007

Regeste

  Auflösung eines Vereins (Art. 78 ZGB).

  Ein statutarischer Zweck, der die Besetzung von Häusern mitumfasst, ist
widerrechtlich (E. 4.1). Die Auflösung erfolgt ex tunc, da der Verein seinen
widerrechtlichen Zweck seit seiner Gründung verfolgt hat (E. 4.7).

Sachverhalt ab Seite 593

  La recourante Association RHINO est une association au sens des art. 60 ss
CC, non inscrite au registre du commerce et dont les buts statutaires sont
les suivants:

   "L'Association a pour vocation de loger ses membres de façon économique
    et communautaire selon les modalités du bail associatif défini par le
    projet RHINO (cf. annexe). Elle favorise notamment une gestion fondée
    sur des solutions économiques et écologiques.

    L'Association s'efforce de soustraire les immeubles qu'elle occupe du
    marché immobilier et de la spéculation.

    L'Association a également pour but la promotion du logement associatif;
    elle établit les contacts nécessaires afin d'informer et d'encourager
    d'autres projets de type associatif.

    L'Association favorise l'ouverture et le maintien dans ces locaux de
    lieux ouverts à caractère social ou culturel".

  L'annexe aux statuts énonce en substance que l'association a pour but de
développer et de pérenniser l'habitat associatif bon marché dans des
immeubles situés à Genève. Selon les statuts, la qualité de membre de
l'association est réservée aux personnes qui habitent dans les immeubles en
question et se perd avec leur déménagement.

  Après avoir vainement tenté de nombreuses négociations et engagé des
procédures d'évacuation, les propriétaires des immeubles concernés ont, par
demande du 4 avril 2005, sollicité la dissolution de l'association au motif
que son but était illicite (art. 78 CC). Par jugement du 9 février 2006, le
Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la dissolution
de l'association ex nunc, soit dès l'entrée en force du jugement. Saisie
d'un appel de l'association et d'un appel incident des propriétaires, la
Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 15 décembre 2006, rejeté
l'appel de l'association et admis l'appel incident des propriétaires,
prononcé la dissolution de l'association ex tunc, c'est-à-dire à partir du
jour de sa création, et renvoyé la cause au premier juge pour désignation du
liquidateur et de la corporation publique bénéficiaire de la fortune de
l'association.

  Le recours en réforme interjeté par l'association auprès du Tribunal
fédéral a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.  Sur le fond, la recourante invoque la violation de l'art. 78 CC, d'une
part quant à la licéité de ses buts statutaires et réellement poursuivis,
d'autre part quant au principe de la dissolution de l'association.

  4.1  En particulier, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir
retenu qu'une partie du deuxième but statutaire ("l'association s'efforce de
soustraire les immeubles qu'elle occupe du marché immobilier et de la
spéculation") est illicite. Pour sa part, elle distingue dans ce but entre,
d'une part, "soustraire les immeubles du marché immobilier et de la
spéculation" et, d'autre part, "les immeubles qu'elle occupe", estimant
parfaitement licite le premier élément de la distinction, en raison
notamment de son droit de lutter pour obtenir des changements législatifs. A
cet égard, il est exact qu'il n'est pas interdit en soi de sortir des
immeubles du marché afin de combattre la spéculation - c'est souvent le
motif qui pousse une collectivité publique, une fondation ou une coopérative
d'habitation à acquérir

ou à ne pas aliéner des immeubles -, pas plus qu'il n'est interdit d'aspirer
à un changement de loi sur ce point. Ce qui est cependant décisif dans les
deux cas, c'est le moyen utilisé; c'est aussi pourquoi le but partiel en
question ne peut être subdivisé, mais doit être considéré dans son ensemble:
il est interdit de procéder à un retrait du marché par une occupation ou de
vouloir obtenir de force ou de quelqu'autre manière une modification de loi
"légalisant" cette occupation (cf. HANS MICHAEL RIEMER, Vereine mit
widerrechtlichem Zweck, in RDS 97/1978 I p. 88 s.; idem, Commentaire
bernois, n. 43/44 ad art. 76-79 CC). S'agissant de l'occupation en tant que
telle, la recourante se prévaut de la durée de la présence des habitants et
des travaux d'entretien réalisés par ceux-ci, travaux auxquels les
propriétaires ne se seraient jamais opposés, de sorte qu'on serait en
présence d'un contrat - de bail ou de prêt - tacite; par ailleurs, aucun
jugement entré en force n'aurait condamné les occupants à quitter les lieux.
Tout cela ne change cependant rien au fait qu'un but statutaire impliquant
l'occupation d'immeubles est illicite.

  4.2  En ce qui concerne les buts réellement poursuivis, la recourante se
réfère au commentaire de RIEMER (Commentaire bernois, n. 41 ad art. 76-79
CC), qui prévoit qu'en cas d'actes contraires au droit commis par les
organes de l'association dans la poursuite du but conforme au droit de
celle-ci, c'est selon l'art. 55 al. 2 et 3 CC (action en responsabilité) et
non pas selon l'art. 78 CC (dissolution de l'association) qu'il y a lieu en
général de procéder. Il échappe cependant à la recourante qu'en l'espèce
l'on ne se trouve précisément pas dans un tel cas, mais plutôt dans celui
d'une adéquation entre les actes des organes de l'association et le but de
celle-ci (cf. le commentaire précité, p. 921).

  Pour le surplus, la recourante fait valoir que les habitants occupent les
immeubles en cause depuis longtemps grâce à la tolérance des autorités et
des propriétaires et qu'ils seraient donc au bénéfice d'un contrat tacite.
Cet argument est toutefois contredit par les constatations de la cour
cantonale qui retient, de façon à lier le Tribunal fédéral (art. 55 al. 1
let. c et 63 al. 2 OJ), que les membres de la recourante occupent les
immeubles sans autorisation et refusent de les libérer, s'opposant à toute
évacuation.

  4.3  De même, le point de vue de la recourante selon lequel les
propriétaires auraient dû tenter d'atteindre leur but par une autre voie
(garantie de la propriété privée, actions réelles) est dénué de pertinence,
dès lors que la dissolution de la recourante, c'est-à-dire de l'occupante

primaire des immeubles selon la décision attaquée, est en tout cas une
possibilité légalement admissible de mettre fin à l'occupation. Le point de
savoir s'il existerait encore d'autres possibilités à côté de celle-ci est
sans importance en l'occurrence.

  4.4  La recourante se prévaut également de ce que, en l'espèce, il n'y
aurait violation d'aucun droit objectif, mais éventuellement d'un simple
droit subjectif. Elle méconnaît cependant que la propriété est aussi
protégée contre une occupation comme celle ici en cause par des règles du
droit objectif (Cst., CC, CP, etc.). Au demeurant, le cas d'espèce ne se
laisse pas comparer avec celui cité par la recourante - local d'un club
érigé en violation d'une servitude d'interdiction de construire - dès lors
qu'il ne s'agissait pas là du but de l'association.

  4.5  Se référant à ANTON HEINI (Das Schweizerische Vereinsrecht, Bâle
1988, p. 39), la recourante fait valoir en outre que pour prononcer la
dissolution d'une association dont l'activité est illégale, il faut que
cette illégalité soit durable. Le point de savoir si ce critère est
déterminant peut demeurer indécis, car dans le cas de la recourante il est
de toute façon rempli.

  4.6  Dans ce contexte, la recourante se réfère à ses autres buts
statutaires et se plaint de la non-application à son cas de l'art. 20 al. 2
CO sur la nullité partielle. La question de savoir si cette disposition (en
liaison avec l'art. 7 CC) est somme toute applicable aux cas de l'art. 78 CC
est controversée en doctrine (réponse affirmative chez RIEMER, op. cit., RDS
97/1978 I p. 95 n. 81 et Commentaire bernois, n. 40 ad art. 76-79 CC;
réponse négative chez HEINI/SCHERRER, Commentaire bâlois, 3e éd., n. 3 ad
art. 78 CC; HEINI/PORTMANN, Schweizerisches Privatrecht, vol. II/5, 3e éd.,
n. 169; JEAN-FRANÇOIS PERRIN, Droit de l'association, Zurich 2004, p. 208).
Le Tribunal fédéral a tranché la question en principe par l'affirmative en
tout cas pour d'autres personnes morales (ATF 73 II 81 concernant une
fondation et ATF 80 II 123 concernant une coopérative). La question peut
toutefois demeurer indécise en l'espèce. En effet, la cour cantonale a
examiné cette question et est parvenue au résultat que le but illicite de la
recourante était prédominant par rapport aux autres buts statutaires,
puisque celle-ci avait avant tout été créée aux fins de l'atteindre. La
recourante ne le conteste nullement, mais fait simplement valoir que ses
autres buts sont "essentiels". De plus, elle ne prétend pas que les
conditions de l'art. 20 al. 2 CO seraient remplies, en particulier qu'elle
aurait tout de même été constituée sans la clause statutaire

frappée de nullité; elle se contente d'affirmer qu'elle "pourrait continuer
à fonctionner" même sans le but statutaire déclaré illicite, ce qui n'est
toutefois pas décisif au regard de l'art. 20 al. 2 CO.

  4.7  Dans ce contexte, la recourante critique par ailleurs, en se référant
à RIEMER (Commentaire bernois, n. 56 ad art. 76-79 CC), le prononcé de sa
dissolution ex tunc; l'association ayant, depuis 18 ans, interagi avec
d'autres personnes privées, conclu des contrats, mené des négociations et
agi en justice, seule une dissolution ex nunc entrerait en ligne de compte.

  C'est à bon droit que la cour cantonale a prononcé la dissolution ex tunc,
dès lors que l'association a poursuivi son but illicite dès sa fondation
(cf. RIEMER, Commentaire bernois, n. 57 ad art. 76-79 CC). Quant au sort des
relations juridiques nées dans l'intervalle, il appartiendra au liquidateur
d'en décider.

Erwägung 5

  5.  La recourante invoque enfin la violation des art. 23 Cst. (liberté
d'association), 36 Cst. (restriction des droits fondamentaux) et 11 CEDH
(liberté d'association).

  5.1  Dans la mesure où elle se plaint d'une mauvaise application du droit
fédéral qu'elle estime violer aussi l'un ou l'autre de ses droits
constitutionnels ou conventionnels, la recourante invoque en réalité, comme
elle le souligne d'ailleurs elle-même en se référant à FABIENNE HOHL
(Procédure civile, tome II, 2002, p. 298 n. 3237), la violation du droit
fédéral. Ce grief relève donc du recours en réforme.

  5.2  La décision attaquée se fonde sur l'art. 78 CC. En vertu de l'art.
190 Cst. (art. 191 Cst. avant la réforme de la justice), le Tribunal fédéral
ne peut refuser d'appliquer la disposition de droit civil précitée (cf. ATF
131 II 562 consid. 3.2 p. 566, 710 consid. 5.4 p. 721; 129 II 249 consid.
5.4 p. 263 et les références). Il ressort par ailleurs des considérations
ci-dessus (consid. 4) que la cour cantonale n'a pas violé l'art. 78 CC.

  5.3  L'art. 11 CEDH garantit notamment le droit de toute personne à la
liberté de réunion et à la liberté d'association (par. 1). L'exercice de ce
droit est toutefois soumis aux restrictions qui, prévues par la loi,
constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la
prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui (par. 2, 1re phrase).

  La cour cantonale, se fondant sur une disposition légale déterminante
(art. 78 CC), a prononcé la dissolution de la recourante en raison du

but statutaire illicite de celle-ci (atteinte, entre autres, à la garantie
de la propriété de l'art. 26 al. 1 Cst.) et en raison de son activité
illicite (occupation d'immeubles de tiers). Ces deux situations ne sont pas
couvertes par la garantie du droit à la liberté de réunion et d'association
(art. 11 par. 1 CEDH), mais tombent sous le coup des restrictions
admissibles à celle-ci (art. 11 par. 2 CEDH; cf. arrêt de la Cour européenne
des droits de l'homme du 13 février 2003 dans la cause Refah Partisi et
consorts contre Turquie du 13 février 2003, Recueil CourEDH 2003-II p. 209
concernant la dissolution d'un parti politique et le droit à la liberté de
réunion et d'association). Le fait que dans le cas de la dissolution d'un
parti politique il faille, comme l'allègue la recourante, user d'une retenue
particulière ou poser des exigences assez strictes est exact (cf. arrêt du
13 février 2003 précité; JENS MEYER-LADEWIG, EMRK, Baden-Baden 2003, n. 22
ad art. 11 CEDH avec les renvois concernant la relation avec la liberté
d'expression selon l'art. 10 CEDH), mais il n'est pas décisif en l'espèce,
dès lors que la recourante, malgré une certaine composante politique dans
son but et la mise en application de celui-ci, n'est pas un parti politique
et qu'au demeurant il n'y a pas, dans son cas, de relation suffisamment
étroite avec la liberté d'expression.