Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 545



Urteilskopf

133 III 545

  70. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X.
contre Compagnie d'assurances Y. (recours en matière civile)
  4A_12/2007 du 3 juillet 2007

Regeste

  Bundesgerichtsgesetz (BGG); Zulässigkeit der Beschwerde in Zivilsachen
nach Art. 72 ff. BGG.

  Übergangsrecht (E. 1).

  Zulässigkeitsvoraussetzungen der Beschwerde in Zivilsachen (E. 2.1).

  Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts im Verfahren der Beschwerde in
Zivilsachen (E. 2.2-2.4).

  Subsidiarität der Verfassungsbeschwerde (E. 5).

  Verbot der geschlechtsbezogenen Diskriminierung bei der Entlöhnung im
Arbeitsverhältnis; Prüfungspflicht der kantonalen Behörde (Art. 3 und 12
Abs. 2 GlG).
  Art. 12 Abs. 2 GlG auferlegt der kantonalen Behörde eine ausgedehnte
Prüfungspflicht, indem er namentlich auf Art. 343 Abs. 4 OR verweist.
Entsprechend genügt ein Richter seiner Prüfungspflicht grundsätzlich nicht,
wenn er die Anordnung einer Expertise verweigert, die von einer Partei
verlangt wird, um die Gleichwertigkeit verschiedener Funktionen im gleichen
Unternehmen zu beweisen (E. 4).

Sachverhalt

  A.

  A.a X., célibataire et sans charge de famille, née en 1959, a obtenu un
diplôme d'employée de commerce en 1985, puis une licence en droit de
l'Université de Genève en 1994, et, enfin, un brevet d'avocat le 2 décembre
1997. Bilingue français-allemand, elle est encore titulaire d'un
"proficiency" en anglais et possède de bonnes notions d'espagnol; elle
maîtrise par ailleurs le traitement de texte.

  A partir de 1976 et jusqu'à la fin de ses études universitaires, X. a
travaillé successivement comme télégraphiste-télexiste, employée de commerce
et secrétaire dans une fiduciaire, occasionnellement encore à la Faculté de
droit de l'Université. Elle a par la suite effectué un stage d'avocat dans
une étude genevoise.

  Par contrat de travail du 29 octobre 1997, la Compagnie d'assurances Y.
(ci-après: Y. ou la compagnie) a engagé dès le 1er décembre 1997 X. en
qualité de juriste. La salariée a été affectée au service
"micro-entreprises/indépendants" dirigé d'abord par A., puis, à partir du
1er janvier 2000, par B.

  Lors de son entretien d'engagement, X., invitée à chiffrer ses prétentions
salariales, avait demandé une rémunération mensuelle brute de 7'500 fr.
payable douze fois l'an, laquelle lui fut accordée.

  X. s'est occupée au sein de la compagnie en particulier de la rédaction de
conditions générales pour un nouveau produit, du contentieux lié à des
fraudes à l'assurance ou à l'encaissement de primes,

ainsi que de diverses questions fiscales. Elle a assisté au niveau légal
l'équipe de la "distribution", composée de trois cents collaborateurs.

  A.b En 1998, X. a perçu une gratification de 4'375 fr. calculée sur sept
mois, ainsi qu'une participation ou une prime de fidélité de 3'500 fr., soit
pour cette année un total brut de 97'875 fr. Dès le 1er avril 1999, elle a
été promue cadre de la compagnie. Son salaire mensuel brut ayant été porté à
7'800 fr. payable treize fois l'an, elle a perçu pour 1999, avec la
participation, une rémunération brute de 108'343 fr.

  Le 1er septembre 1999, X. a été inscrite au registre du commerce en tant
que mandataire commerciale, avec signature collective à deux.

  A sa requête, X. a été transférée le 1er mai 2000 au service
"contentieux/recouvrement de primes" de Y., dirigé par C. A la demande de
B., elle a toutefois continué d'assister le service "indépendants" jusqu'au
7 mars 2001, date à laquelle elle a informé ce dernier que, pour préserver
sa santé, elle cessait avec effet immédiat cette autre activité.

  Pour l'année 2000, la travailleuse a encaissé un salaire brut de 108'483
fr. 60. A compter du 1er avril 2001, sa rémunération annuelle brute a passé
à 108'530 fr. Peu après, elle a sollicité de réduire son taux d'activité à
80 %, ce qui lui a été accordé à partir du 1er mai 2001, son nouveau
traitement annuel brut étant désormais arrêté à 87'780 fr.

  A.c Par lettre du 31 juillet 2001, Y. a fait savoir aux collaborateurs de
l'unité dont faisait partie X. que leurs contrats de travail seraient repris
par la Compagnie d'assurances V. (ci-après: V.) avec effet au 1er janvier
2002. En septembre 2001, constatant que sa rémunération allait se trouver
diminuée par l'effet du transfert des rapports de travail, X. s'en est
plainte auprès de V., arguant que cette baisse s'ajoutait aux inégalités de
salaire entre hommes et femmes dont elle aurait été la victime jusque-là.

  Par contrat du 22 octobre 2001, V. a engagé X. à compter du 1er décembre
2001 comme conseillère juridique du service contentieux, au taux d'activité
de 80 % pour un salaire annuel brut de 98'000 fr., porté à 98'600 fr. dès le
1er avril 2002.

  En décembre 2002, C., alors responsable du contentieux au sein de V., a
annoncé à X. que son poste allait être supprimé au vu de la réduction des
activités dévolues audit service.

  Comme B., devenu membre de la direction de Y., recherchait un juriste, V.
s'est abstenue de licencier X. et a pris des dispositions en mars 2003 afin
que la prénommée soit retransférée au service "indépendants" de Y.

  Le vendredi 11 avril 2003, X. a remis à B. une note à propos d'éléments
qui devaient être discutés dans le cadre de son futur contrat de travail
(prohibition de discrimination salariale sexiste, participation aux frais de
formation, heures supplémentaires). Ce dernier a considéré que ces
prétentions étaient inacceptables, de sorte qu'il a renoncé à engager X.

  A la suite de quoi, V., par pli du 29 avril 2003, a licencié X. pour le 31
juillet 2003 en la dispensant de l'obligation de travailler jusqu'à ce
terme. Compte tenu de périodes d'incapacité de travail de la salariée, les
rapports contractuels qui la liaient à V. ont pris fin le 31 janvier 2004.

  A.d Le 15 avril 2004, X. a ouvert action contre Y. devant le Tribunal des
prud'hommes de Genève. En dernier lieu, elle a conclu notamment au versement
d'un montant de 140'182 fr. comme arriéré de salaire non discriminatoire
pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001. Pour cette dernière
conclusion, elle s'est fondée sur une comparaison de sa rémunération avec
les salaires versés à D., responsable du service juridique de Y., et à E.,
autre juriste de la compagnie.

  Y. a conclu à libération.

  Le Tribunal des prud'hommes a entendu six témoins.

  Par jugement du 29 septembre 2005, l'autorité prud'homale a entièrement
débouté X. Elle a considéré que la demanderesse avait échoué à établir une
discrimination salariale. D'une part, E. occupait un poste de responsable,
de sorte qu'il était logique que sa rémunération fût plus élevée que celle
de la demanderesse. D'autre part, la différence de 15 % qui existait en 1998
avec le salaire perçu par D., laquelle avait pour origine l'ancienneté plus
grande de ce dernier, s'était atténuée avec le temps, pour ne plus être que
de 3 % en 2001.

  B.

  B.a X. a appelé de ce jugement devant la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes de Genève.

  Dans son mémoire d'appel, elle a exposé que, pour une activité de moindre
importance, deux autres collaborateurs de la défenderesse,

à savoir G. et H., avaient touché un salaire plus élevé que celui qu'elle
avait encaissé pendant la période considérée. Elle a requis expressément
qu'une expertise judiciaire soit ordonnée pour établir l'équivalence des
fonctions qu'elle a assumées par rapport à celles qui ont été dévolues à E.,
D., G. et H.

  Les enquêtes ont été ouvertes à nouveau devant la Cour d'appel. Si
dix-neuf témoins ont été entendus, il n'a pas été donné suite à la requête
d'expertise de la demanderesse.

  B.b Par arrêt du 22 janvier 2007, la Cour d'appel a confirmé le jugement
entrepris.

  C.- X. exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel
subsidiaire contre l'arrêt cantonal. Dans son recours ordinaire, elle
requiert l'annulation de l'arrêt déféré. Cela fait, elle conclut
préalablement à ce que soit ordonnée une expertise d'évaluation analytique
du travail pour déterminer l'équivalence des fonctions qui étaient dévolues
à X. en comparaison avec E., D., G. et H. A titre principal, elle sollicite
que la défenderesse soit condamnée à lui payer 143'969 fr. plus intérêts à 5
% l'an dès le 30 mars 2003. Subsidiairement, elle demande à sa partie
adverse 135'415 fr. avec intérêts à 5 % dès la même date. Encore plus
subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour
que soit ordonnée l'expertise dont il a été question ci-dessus. Dans son
recours constitutionnel subsidiaire, la demanderesse requiert l'annulation
de l'arrêt de la Cour d'appel et le renvoi de l'affaire à cette autorité
pour qu'il soit ordonné une expertise afin de déterminer l'équivalence des
fonctions qui lui étaient attribuées par rapport à E., D., G. et H.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé
la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.  L'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110),
de sorte que le présent recours est soumis au nouveau droit (art. 132 al. 1
LTF).

Erwägung 2

  2.

  2.1  Formé par la partie qui a succombé dans ses conclusions
condamnatoires (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90
LTF)

rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse dépasse largement le seuil de 15'000 fr. applicable en matière de
droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile
est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

  2.2  Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du
droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par
les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par
l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que
ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III
136 consid. 1.4 in fine, 297 consid. 3.1). Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que
les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une
autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas
entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al.
2 LTF).

  2.3  Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base
des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut
s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF).

  2.4  Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al.
2 LTF).
  (...)

Erwägung 4

  4.

  4.1  Dans la dernière partie de son recours en matière civile, la
recourante soutient qu'en ne donnant pas suite à la requête d'expertise
judiciaire qu'elle avait formulée expressément en appel, la cour cantonale a
violé les art. 8 al. 3 Cst., 12 al. 2 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur
l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité,

LEg; RS 151.1) et 343 al. 4 CO. Elle expose que l'expertise requise avait
pour but de déterminer l'équivalence des fonctions qui lui étaient dévolues
par rapport à celles que l'intimée avait attribuées à E., D., G. et H. Elle
prétend que le refus d'administrer cette offre de preuve constitue de la
part de l'autorité cantonale une violation de son devoir de tout mettre en
oeuvre pour assurer le respect de l'égalité entre femmes et hommes.

  4.2  A teneur de l'art. 12 al. 2 LEg, dans sa nouvelle teneur selon le ch.
1 de l'annexe à la LTF, en vigueur depuis le 1er janvier 2007, l'art. 343 du
code des obligations est applicable indépendamment de la valeur litigieuse
devant les tribunaux cantonaux.

  Par ce renvoi à l'art. 343 CO, et singulièrement à l'al. 4 de cette
disposition, le droit fédéral impose notamment aux tribunaux cantonaux un
devoir d'examen étendu (cf. ATF 130 III 145 consid. 3.1.2 et les
références). Ils doivent ainsi veiller, en collaboration avec les parties, à
ce que les moyens de preuve soient mentionnés et les preuves administrées
(SABINE STEIGER-SACKMANN, Commentaire de la loi sur l'égalité, n. 12 ad art.
12 LEg). Si l'équivalence entre les diverses fonctions d'une même entreprise
ne saute pas aux yeux ou si elle n'est pas établie par d'autres modes de
preuve, les tribunaux cantonaux doivent ordonner des expertises. Les experts
doivent alors décider si ces fonctions sont comparables les unes aux autres
et déterminer les critères permettant de mettre à jour un cas de
discrimination (sur ces points, ATF 130 III 145 ibidem). Le juge qui refuse
d'ordonner une expertise requise par une partie consacre une violation de
l'art. 12 al. 2 LEg, à moins que l'expertise apparaisse d'emblée inutile,
parce que, par exemple, le juge dispose lui-même des connaissances
scientifiques nécessaires pour élucider une possible discrimination liée au
sexe (KATHRIN KLETT, Richterliche Prüfungspflicht und Beweiserleichterung,
AJP 2001 ch. 3 p. 1295; MONIQUE COSSALI SAUVAIN, Egalité entre femmes et
hommes II, FJS 545 ch. V p. 21 in fine).

  4.3  En l'espèce, il a été constaté que la Cour d'appel n'a pas donné
suite à la requête d'expertise judiciaire formulée par la recourante en
instance d'appel. L'autorité cantonale n'a pas motivé sa décision de refus.

  Au vu des considérations jurisprudentielles et doctrinales précédentes, il
appert que la cour cantonale a violé le devoir d'examen qui lui incombait en
vertu de l'art. 12 al. 2 LEg.

  Le principe constitutionnel de l'égalité salariale entre l'homme et la
femme (cf. art. 8 al. 3, dernière phrase, Cst.) est fondé sur la notion de
travail de valeur égale (ATF 130 III 145 consid. 3.1.2). Autrement dit,
auprès d'un même employeur, la travailleuse a droit à un salaire égal à
celui que touche le travailleur s'ils accomplissent tous deux, dans des
conditions égales, des tâches semblables ou des travaux, certes de nature
différente, mais ayant une valeur identique.

  La cour cantonale a tout particulièrement contesté l'équivalence entre les
tâches qui étaient exercées au sein de la défenderesse par la demanderesse
et celles assumées par les juristes E. et D. Pourtant cette autorité n'a
jamais prétendu avoir des compétences techniques pour comparer les activités
de ces trois juristes, qui ne se recoupaient apparemment nullement. Son
raisonnement, dépourvu de toute approche méthodologique et scientifique, est
du reste fondé sur un choix de critères vagues. Il est tout particulièrement
significatif à cet égard que la Cour d'appel a attribué une grande
importance à l'ancienneté au sein de la compagnie, alors qu'il a été
constaté définitivement (art. 105 al. 1 LTF) que cet élément avait perdu de
son importance dès 1991 au profit d'un système fondé sur le mérite.

  Il suit de là que le recours en matière civile doit être admis, l'arrêt
critiqué étant annulé. Ce résultat dispense la juridiction fédérale
d'examiner les nombreuses critiques de la recourante prises d'une violation
singulièrement des art. 8 al. 3 Cst., 2 al. 2 CC et 6 LEg, qu'elle a
développées aux pages 6 à 18 de son mémoire.

  Conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral renvoie l'affaire
à l'autorité précédente pour qu'elle ordonne l'expertise sollicitée par la
recourante.

Erwägung 5

  5.  Comme la voie du recours en matière civile était ouverte en
l'occurrence à considérer la valeur litigieuse déterminante (art. 74 al. 1
LTF), le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF).