Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 539



Urteilskopf

133 III 539

  69. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X.
contre Y. et dame Z. (recours en matière civile)
  4A_107/2007 du 22 juin 2007

Regeste

  Zivilgerichtsbarkeit. Immunität der internationalen Bediensteten von der
Gerichtsbarkeit (Art. 31 des Wiener Übereinkommens vom 18. April 1961 über
diplomatische Beziehungen).

  Die Zivilgerichtsbarkeit über eine Person bildet eine
Prozessvoraussetzung, welche von Amtes wegen zu berücksichtigen ist (E.
4.2).

  Die Bestimmung des für die Prüfung der Prozessvoraussetzungen
massgeblichen Zeitpunkts ist eine Frage des Bundesrechts, wenn sich die zu
beachtende Prozessvoraussetzung selbst aus Bundesrecht ergibt. Um eine
einheitliche Anwendung von Art. 31 des Wiener Übereinkommens über
diplomatische Beziehungen zu gewährleisten, ist der massgebliche Zeitpunkt,
in welchem die Zivilgerichtsbarkeit über eine Person gegeben sein muss, das
Datum, an welchem das Sachurteil gefällt wird (E. 4.3-4.5).

  Anwendung dieses Grundsatzes im zu beurteilenden Fall (E. 4.6).

Sachverhalt

  A.- Y. et dame Z. ont pris à bail depuis l'été 1997 un appartement de sept
pièces à Genève, plus une place de parc dans un garage souterrain attenant,
dont les loyers annuels, sans les charges, se montaient respectivement à
51'600 fr. et 2'400 fr. Le 17 octobre 2002, X. (bailleur) a résilié les baux
pour le 31 août 2003.

  Y. et dame Z. ont contesté la validité de la résiliation des baux. Par
jugement du 27 novembre 2003, le Tribunal des baux et loyers du canton de
Genève a déclaré les congés valables et accordé aux locataires une première
prolongation des baux jusqu'au 31 août 2005. Sur appel des deux parties, la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, par arrêt
du 4 octobre 2004, a confirmé la validité des congés et octroyé aux
locataires une unique prolongation des baux jusqu'au 31 décembre 2004. Par
arrêt du 9 mars 2005 (4C.425/2004), le Tribunal fédéral a rejeté dans la
mesure de sa recevabilité le recours en réforme interjeté par Y. et dame Z.
contre l'arrêt de la cour cantonale.

  B.- Comme les locataires n'ont pas libéré les locaux, le bailleur a
sollicité leur évacuation par requête du 17 mai 2005 déposée devant la
Commission genevoise de conciliation en matière de baux et loyers.

  La conciliation ayant échoué, le bailleur a introduit sa demande en
évacuation le 8 juillet 2005 auprès du Tribunal des baux et loyers.

Devant cette autorité, les locataires ont invoqué le statut diplomatique de
dame Z. en sa qualité de haut fonctionnaire de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS).

  Dans son jugement du 28 mars 2006, le Tribunal des baux et loyers a admis
qu'en principe les locataires sont au bénéfice d'une immunité de juridiction
civile. Mais dès l'instant où l'immunité de dame Z. avait été levée par
décision du 22 décembre 2005 prise par le Directeur général de l'OMS, le
tribunal a jugé que cette circonstance, intervenue en cours d'instance,
permettait de reconnaître la recevabilité de la requête en évacuation. Les
locataires ne disposant plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester
dans les locaux du bailleur, le tribunal les a condamnés à évacuer
immédiatement l'appartement de ce dernier.

  Saisie d'un appel des locataires, la Chambre d'appel, par arrêt du 5 mars
2007, a annulé le jugement attaqué et débouté le bailleur de ses
conclusions. L'autorité cantonale a retenu que les locataires avaient excipé
de l'exception d'immunité de juridiction civile en conformité avec les
dispositions de procédure applicables. Elle a ensuite estimé que les
conditions de la compétence du juge saisi s'examinent au jour de la création
de la litispendance, c'est-à-dire lors de l'ouverture d'instance, et que la
modification ultérieure des faits à la base de la compétence du tribunal
n'affecte pas celle-ci. Elle en a déduit que le Tribunal des baux et loyers
n'était pas compétent lorsque les locataires ont été assignés, car ceux-ci
bénéficiaient alors de l'immunité de juridiction à ce moment. Enfin, l'art.
31 al. 1 let. a de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les
relations diplomatiques (RS 0.191.01; ci-après: la Convention de Vienne),
qui exclut l'immunité de juridiction civile lorsqu'il s'agit d'une action
réelle concernant un immeuble privé situé sur le territoire de l'Etat
accréditaire, ne saurait trouver application, étant donné la nature
personnelle de l'action dirigée contre les locataires qui tend à obtenir
leur évacuation des locaux loués.

  C.- X. exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt précité, dont il conclut à l'annulation et, cela fait, à ce que Y.
et dame Z. soient condamnés à évacuer l'appartement de sept pièces à Genève
et à le laisser en bon état.

  Les intimés proposent de déclarer le recours irrecevable, subsidiairement
de le rejeter dans la mesure de sa recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.

  4.1  D'après l'art. 31 al. 1 in principio de la Convention de Vienne,
l'agent diplomatique jouit de l'immunité de juridiction civile et
administrative de l'Etat accréditaire. Des exceptions sont prévues
singulièrement pour les actions réelles ayant pour objet un immeuble privé
sis sur le territoire de l'Etat accréditaire, à moins que l'agent
diplomatique ne le possède pour le compte de l'Etat accréditant aux fins de
sa mission (art. 31 al. 1 let. a).

  4.2  Le pouvoir de juridiction civile sur une personne est une condition
de recevabilité de l'instance, laquelle doit être examinée d'office à chaque
stade du procès (ATF 130 III 430 consid. 3.1; OSKAR VOGEL/KARL SPÜHLER,
Grundriss des Zivilprozessrechts und des internationalen Zivilprozessrechts
der Schweiz, 8e éd., chap. 7, ch. 73, p. 203; FABIENNE HOHL, Procédure
civile, tome I, ch. 309; MAX KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e
éd., p. 86; WALTHER J. HABSCHEID, Schweizeriches Zivilprozess- und
Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., ch. 126 et 363; le même, Droit
judiciaire privé suisse, 2e éd., p. 83, ch. 3a).

  4.3  Selon les principes généraux de la procédure civile, les conditions
de recevabilité du procès doivent encore être réunies au moment du jugement
au fond. En d'autres termes, il suffit qu'elles se réalisent jusqu'à ce
terme (ATF 116 II 209 consid. 2b/bb, 9 consid. 5 p. 13; HOHL, op. cit., ch.
321; VOGEL/SPÜHLER, op. cit., chap. 7, ch. 85, p. 206; KUMMER, op. cit., p.
87; MAX GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 229). S'il
se révèle au moment du jugement que toutes les conditions de recevabilité
n'étaient pas encore remplies au début de la litispendance, mais qu'elles se
sont réalisées en cours d'instance, le juge doit entrer en matière sur
l'action (HOHL, op. cit., ch. 321).

  4.4  Le point de savoir si le principe général de la procédure civile
susrappelé relève, par sa nature, du droit fédéral n'a pour l'heure jamais
été tranché explicitement par le Tribunal fédéral. Il faut notamment
admettre que ce principe ressortit au droit fédéral si la condition de
recevabilité du procès qu'il y a lieu d'observer en vertu dudit principe
découle du droit fédéral, comme c'est le cas pour l'immunité de juridiction
civile, quand bien même elle est réglée à l'art. 31 de la Convention de
Vienne. L'application sûre et uniforme

de cette norme exige que ce principe de droit fédéral embrasse également le
moment déterminant où le pouvoir de juridiction sur une personne doit être
donné (cf. à propos de la reconnaissance de principes de droit fédéral non
écrits de la procédure civile, ISAAK MEIER/RUDOLF OTTOMANN,
Prinzipiennormen und Verfahrensmaximen, Zurich 1993, p. 35 ss). La situation
inverse des données de l'espèce, où, par hypothèse, les locataires ne
pourraient pas se prévaloir de l'immunité de juridiction au début de la
litispendance, mais seraient à même d'en bénéficier en cours de procès à la
suite de l'obtention du statut diplomatique, démontre avec encore plus
d'évidence la nécessité d'adopter cette conception. Pour que l'art. 31 de la
Convention reçoive une application univoque, le moment déterminant en
question doit correspondre dans tous les cantons à la date de la reddition
du jugement au fond.

  4.5  Le moyen du recourant est donc une critique recevable du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF [RS 173.110]). Dans cette mesure, rien ne
s'oppose à ce qu'il soit entré en matière sur le présent recours.

  4.6  Le grief de la partie recourante doit sans conteste être admis.

  La question de l'existence d'une immunité de la partie défenderesse doit
être tranchée préjudiciellement dans le cadre de l'examen des conditions de
recevabilité de la demande. En effet, celui qui invoque son immunité de
juridiction ne doit pas être contraint à procéder sur le fond (ATF 124 III
382 consid. 3b). C'est bien ce qu'a fait la cour cantonale en l'occurrence
en statuant d'entrée de cause sur l'immunité prétendue des locataires.

  Comme on l'a vu ci-dessus (cf. consid. 4.2 à 4.4), il suffisait que le
pouvoir de juridiction sur les intimés existât lorsque le jugement sur le
fond a été rendu. Or c'était bien le cas, du moment qu'après que le
demandeur a ouvert action le 8 juillet 2005 devant le Tribunal des baux et
loyers, l'immunité de juridiction civile de dame Z. a été levée par décision
du 22 décembre 2005. Autrement dit, les défendeurs ne pouvaient plus se
prévaloir d'une quelconque immunité à la date déterminante du 28 mars 2006,
à savoir quand l'autorité judiciaire précitée a statué au fond et prononcé
leur évacuation immédiate des locaux qu'ils occupent (cf. BERNARD
BERTOSSA/LOUIS GAILLARD/JACQUES GUYET/ANDRÉ SCHMIDT, Commentaire de la loi
de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n. 2bb ad art. 97
LPC). L'arrêt cantonal sur lequel la Chambre d'appel a fondé son opinion
divergente (SJ 1968 p. 264 ss) repose sur un état de fait différent, en

ce sens que, dans ce précédent, l'immunité était donnée lorsque le jugement
de première instance a été rendu, alors qu'elle n'existait précisément plus
à ce moment précis dans la présente querelle.

  Les intimés ne font pas valoir qu'à considérer l'exception d'immunité de
juridiction dont ils se sont prévalus devant le Tribunal des baux et loyers,
ils n'ont pas été en mesure de s'exprimer sur le fond, c'est-à-dire sur le
mérite de la requête d'évacuation formée par le recourant.

  Au vu de ce qui précède, il est déterminant qu'au moment où les premiers
juges ont statué, le pouvoir de juridiction sur les intimés était réalisé.
C'était donc à bon droit que ces magistrats avaient déclaré recevable la
demande en évacuation déposée contre les locataires. Pour l'avoir méconnu,
la cour cantonale a violé le droit fédéral. Il se justifie en conséquence
d'annuler l'arrêt déféré et de lui retourner la cause pour qu'elle se
prononce sur la demande d'évacuation.