Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 167



Urteilskopf

133 III 167

  19. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Caisse de
famille X. contre A.Y. (recours en réforme)
  5C.68/2006 du 30 novembre 2006

Regeste

  Familienstiftungen (Art. 335 ZGB); Begrenzung des Kreises der
Begünstigten.

  Die 1922 gegründete Stiftung schliesst Frauen aus dem Kreis ihrer
Begünstigten aus, sobald sie heiraten und den Namen ändern. Muss angesichts
der nachfolgenden Entwicklung des Eherechts und der Verankerung des Prinzips
der Gleichberechtigung zwischen Mann und Frau in der Schweizerischen
Bundesverfassung (Art. 8 BV) der Zweck dieser Stiftung abgeändert werden,
weil er sich objektiv gewandelt haben (Art. 86 ZGB) oder weil er
widerrechtlich oder unsittlich geworden sein soll (Art. 88 Abs. 2 ZGB)?
  Die Bedingungen einer Abänderung gemäss Art. 86 ZGB sind nicht gegeben
mangels einer objektiven Änderung der Bedeutung und der Wirkung des
ursprünglichen Zwecks der Stiftung (E. 3).
  Art. 335 Abs. 1 ZGB ist nicht gemäss dem durch Art. 8 BV garantierten
Prinzip der Gleichberechtigung zwischen Mann und Frau auszulegen (E. 4.2).
Die beanstandeten Ausschlussklauseln erweisen sich weder als sittenwidrig
noch als rechtswidrig; das geltende Recht verleiht dem Stifter wie dem
Erblasser die Freiheit, den Kreis der Destinatäre auf eine bestimmte Gruppe
der Familienmitglieder einzuschränken (E. 4.3).

Sachverhalt

  A.

  A.a La Caisse de famille X. est une fondation de famille au sens de l'art.
335 CC. Elle a été constituée le 13 novembre 1922 par B.X. et son épouse
C.X., dans le "but de subvenir aux frais d'éducation, d'assistance et autres
frais analogues des membres de la famille" (art. 2 al. 1 des statuts) avec
cette précision, concernant le cercle des bénéficiaires, que "pourront seuls
bénéficier de la fondation et recevoir d'elle des allocations, subsides et
subventions, les personnes descendant en loyal mariage des fondateurs et
portant le nom X." (art. 6 al. 1 des statuts).

  Le capital initial de la fondation était de 157'000 fr. Actuellement, la
valeur nette de ses biens immobiliers est de 2'170'600 fr., celle de ses
avoirs bancaires de 2'128'601 fr., celle de ses meubles, objets et bibelots
de 63'910 fr. et celle de ses bijoux de 20'570 fr., soit un total de
4'383'681 fr.

  A.b Les fondateurs sont décédés en 1956 et 1964, laissant trois enfants:
D.X., E.Y., née X., et F.X.

  A.c Le 13 juillet 1987, l'assemblée générale de la caisse de famille a
élargi le cercle des bénéficiaires par la décision suivante:

   "Dans un souci d'équité et pour tenir compte de l'évolution des moeurs et
    spécialement de l'entrée en vigueur prochaine du nouveau droit
    matrimonial, la possibilité d'octroyer des allocations, subsides et
    subventions est étendue aux filles nées X. et à leurs enfants (au
    premier degré uniquement)".

  B.- Par lettre du 21 juillet 1998, A.Y., fils de E.Y. née X., et donc
petit-fils des fondateurs, a demandé à la caisse de famille d'examiner et
d'approuver sa candidature et celle de ses enfants comme membres de la
caisse. Sa demande ayant été rejetée, il a ouvert action, le 4 octobre 1999,
contre la caisse de famille devant la Cour civile du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel, concluant principalement à la constatation de la
nullité de la fondation, à ce que les biens de celle-ci soient restitués aux
héritiers légaux et à ce qu'ils soient partagés; subsidiairement, il a
conclu à ce que lui-même et ses descendants soient admis comme membres de la
caisse de famille dès le 1er janvier 1988. La défenderesse a conclu au rejet
de la demande.

  Par jugement du 24 janvier 2006, la cour cantonale a constaté la nullité
partielle de la caisse de famille dans la mesure où un patrimoine composé de
biens mobiliers, sous forme de meubles meublants, portraits, bibelots et
bijoux, lui avait été attribué et a ordonné la restitution aux fins de
partage de l'ensemble de ces biens aux héritiers légaux des fondateurs,
subséquemment le partage desdits biens selon les règles applicables à une
succession ab intestat. La cour cantonale a en outre prononcé l'admission du
demandeur et de ses descendants, pour autant que besoin et sous réserve
d'une clause de déchéance, dans le cercle des bénéficiaires de la caisse de
famille.

  C.- Par acte du 24 février 2006, la défenderesse a interjeté un recours en
réforme au Tribunal fédéral, tendant au rejet de la demande. Elle invoquait
la violation des art. 8, 86 et 335 al. 1 CC en relation avec la modification
du but de la fondation et de l'art. 335 al. 2 CC concernant la prohibition
des fidéicommis de famille.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé le jugement attaqué et
rejeté la demande.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir prononcé
l'admission du demandeur et de ses descendants dans le cercle des
bénéficiaires de la caisse de famille en application de l'art. 86 al. 1 CC.

  3.1  Cette disposition prévoit que le but de la fondation peut être
modifié lorsque le caractère ou la portée du but primitif a varié au point
que la fondation a manifestement cessé de répondre aux intentions du
fondateur.

  Une modification du but de la fondation n'est possible d'après l'art. 86
al. 1 CC que si, objectivement, la portée et le caractère du but primitif
ont varié et que, subjectivement, la fondation a manifestement cessé de
répondre aux intentions du fondateur. On admet généralement que la fondation
a cessé de répondre aux intentions du fondateur lorsque le but primitif
paraît absurde ou complètement dépassé ou lorsque les moyens de la fondation
deviennent disproportionnés au but en raison des changements importants
intervenus, ou encore lorsque le cercle des destinataires doit être redéfini
(HANS MICHAEL RIEMER, Commentaire bernois, n. 2, 7, 10, 13 s. et 57 ad art.
85-86 CC; PARISIMA VEZ, La fondation: lacunes et droit désirable, Berne
2004, n. 998 ss et les références).

  3.2  La cour cantonale a admis que la portée du but primitif de la
fondation avait objectivement changé au vu de l'évolution du droit
matrimonial en matière d'obligations d'entretien et de nom de famille: la
femme n'avait en effet désormais plus le droit d'être entretenue par son
mari (art. 163 CC) et elle pouvait conserver le nom qu'elle portait jusqu'au
mariage, suivi du nom de famille (art. 160 al. 2 CC). Puis, elle a recherché
la volonté subjective [hypothétique] des fondateurs, soit ce qu'ils auraient
voulu s'ils avaient eu connaissance de ces circonstances nouvelles. Elle a
admis que, vu l'évolution des moeurs et du droit, les fondateurs
définiraient actuellement les critères de rattachement au cercle des
bénéficiaires en ne distinguant plus selon les rôles du mari et de la femme
au sein du couple, le critère le plus adéquat étant le besoin financier.
Auraient donc droit aux prestations, selon la cour cantonale, tous ceux qui
descendent (en loyal mariage) des fondateurs, dès lors qu'ils en ont besoin
parce que les débiteurs légaux de leur entretien ne sont pas suffisamment en
mesure d'y subvenir. Le fait de porter ou non le nom X. ne serait en
revanche pas déterminant. La décision prise à l'unanimité le 13 juillet 1987
par l'assemblée générale de la fondation, qui avait admis la possibilité
d'octroyer des allocations, subsides et subventions aux filles nées X. et à
leurs enfants "dans un souci d'équité et pour tenir compte de l'évolution
des moeurs, et spécialement de l'entrée en vigueur prochaine du nouveau
droit matrimonial", prouvait que les membres actuels de la caisse, que l'on
ne pouvait soupçonner de vouloir trahir les intentions des fondateurs,
admettaient que le cercle des bénéficiaires défini dans l'acte constitutif
ne correspondait plus à la volonté des fondateurs.

  3.3  La défenderesse fait valoir que, dans les limites de la quotité
disponible, les fondateurs étaient libres de grever le capital de dotation
de charges et de conditions et que, usant de cette liberté, ils avaient
volontairement limité le cercle des bénéficiaires, aux fins notamment
d'assurer la pérennité de la fondation et d'éviter une rapide dilapidation
de ses biens par l'augmentation exponentielle de ses descendants. La cour
cantonale aurait méconnu les conditions strictes de l'art. 86 CC en
admettant que la portée du but primitif avait objectivement changé au vu de
l'évolution du droit constitutionnel et du droit privé de la famille.

  3.4  Sur cette question, force est de donner raison à la défenderesse, car
rien dans le jugement attaqué ne permet de retenir comme remplie la première
condition posée par l'art. 86 al. 1 CC, à savoir que, objectivement, la
portée et le caractère du but primitif de la caisse de famille auraient
changé. Ce but, consistant à accorder à un cercle de bénéficiaires librement
déterminé en vertu du principe de la liberté du fondateur, pierre angulaire
du droit des fondations (VEZ, op. cit., n. 93, 148 ss et les références de
doctrine), soit en l'occurrence aux "personnes descendant en loyal mariage
des fondateurs et portant le nom X.", des subventions aux titres des frais
d'éducation, d'assistance et autres frais analogues, entre parfaitement dans
l'énumération exhaustive de l'art. 335 al. 1 CC. Ce but apparaît en outre
toujours objectivement réalisable, car il y a des descendants X. et l'art.
22 des statuts prévoit la dissolution en cas d'absence de descendants mâles.
C'est donc à tort que la cour cantonale a fait application de l'art. 86 CC.

  Le recours devant être admis sur ce point, l'examen du grief de violation
de l'art. 8 CC, également invoqué par la défenderesse dans ce contexte,
s'avère superflu.

Erwägung 4

  4.  Si les fondations de famille se distinguent des fondations ordinaires
par leurs buts et le cercle de leurs destinataires, expressément restreints
par la loi, elles sont en revanche soumises pour le surplus aux règles des
art. 80 à 89 CC régissant les fondations ordinaires (RIEMER, op. cit., Die
Stiftungen, Systematischer Teil, n. 97, 104 et 161; HAROLD GRÜNINGER,
Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 335 CC; VEZ, op. cit., n. 127).

  4.1  La liberté du fondateur doit notamment s'exercer dans les limites de
la loi, qui sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux contrats. Des
clauses qui excluent certaines personnes ne sont pas a

priori illicites ou contraires au moeurs (RIEMER, op. cit., Systematischer
Teil, n. 55 ss et n. 37 ad art. 80 CC; SAMANTHA BESSON, L'égalité
horizontale: l'égalité de traitement entre particuliers, thèse Fribourg
1999, n. 938). Selon le but légitime qu'il vise, le fondateur peut être
amené à restreindre le cercle des bénéficiaires aux personnes détenant
certaines qualités. En revanche, si le but n'est pas légitime ou que la
discrimination des bénéficiaires n'est objectivement pas nécessaire à ce
but, la limitation du cercle des bénéficiaires doit être considérée comme
inadmissible et, partant, comme nulle.

  En vertu de l'art. 88 al. 2 CC, la fondation doit être dissoute lorsque
son but est devenu illicite ou contraire aux moeurs. Selon la jurisprudence,
la décision de dissoudre une fondation dont le but a cessé d'être réalisable
(art. 88 al. 1 CC) devrait en principe revêtir un caractère subsidiaire par
rapport à d'autres mesures pouvant, le cas échéant, permettre la
continuation de la fondation, comme par exemple la modification de son but
(art. 86 CC par analogie) ou sa liquidation partielle (cf. ATF 119 Ib 46
consid. 3b et 3d p. 51 ss; 110 II 436 consid. 5 p. 444/445). Il doit en
aller de même lorsque le but de la fondation est devenu illicite; une
modification du but permettant une continuation de la fondation doit être
préférée à la liquidation de celle-ci.

  4.2  Ainsi que l'expose le jugement cantonal, la Caisse de famille X.
s'inscrit dans la tradition de nombre d'institutions semblables créées aux
XIXe voire XVIIIe siècles, sous l'empire de l'ancien droit neuchâtelois.
Elles étaient gérées par des hommes et réservées aux descendants par les
mâles. Dans cette tradition, les filles "sortaient" de la caisse au moment
où elles se mariaient, mais c'était normalement pour "entrer" dans une autre
caisse, celle de la famille du mari, dont leurs enfants devenaient
bénéficiaires.

  Depuis la constitution de ladite caisse de famille en 1922, la position de
la femme dans la société et la famille a considérablement évolué. Désormais,
l'égalité de traitement entre homme et femme est garantie par l'art. 8 Cst.,
la loi devant pourvoir à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans
les domaines de la famille, de la formation et du travail. Cette garantie
s'adresse toutefois à l'Etat et, sous réserve de l'égalité de salaire de
l'art. 8 al. 3, 3e phrase Cst., ne produit pas d'effet horizontal direct
dans les relations entre personnes privées. Il n'existe pas, en droit privé,
de principe général d'égalité de traitement. Les particuliers ne sont pas
tenus de traiter de manière

semblable toutes les situations semblables et de manière dissemblable toutes
les situations dissemblables. Un tel principe n'existe en tout cas pas en
matière de successions, de droits réels et de contrats (arrêt 5C.58/2005 du
23 novembre 2005, consid. 1.2.2). L'autonomie privée et la liberté de
disposer, en particulier la liberté de la fondation et du fondateur, ne sont
pas limitées par l'interdiction des discriminations du droit constitutionnel
(GRÜNINGER, op. cit., n. 13d ad art. 335 CC).

  Il s'ensuit que l'art. 335 al. 1 CC n'a pas à être interprété conformément
au principe de l'égalité de traitement entre homme et femme garanti par
l'art. 8 Cst. et que, par conséquent, l'exclusion des femmes du cercle des
bénéficiaires de la caisse de famille ici en cause, dès qu'elles se marient
et changent de nom, ainsi que de leurs descendants, n'est pas critiquable
sous cet angle. Au demeurant, le problème a perdu de son acuité depuis
qu'existe la possibilité pour les fiancés de porter, dès la célébration du
mariage, le nom de la femme comme nom de famille (art. 30 al. 2 CC) et pour
la femme de conserver le nom qu'elle portait avant son mariage (art. 160 al.
2 CC).

  4.3  Est contraire aux moeurs au sens de l'art. 20 al. 1 CO, par renvoi de
l'art. 7 CC, un contrat ou une clause qui va à l'encontre d'un principe
moral généralement reconnu, porte atteinte aux principes et jugements de
valeur inhérents à notre ordre juridique (ATF 129 III 604 consid. 5.3 p.
617; 115 II 232 consid. 4a).

  Dans le contexte juridique et social qui prévalait à l'époque de la
constitution de la fondation en cause, la famille et sa conception de
l'assistance se concentraient en priorité sur la descendance masculine dès
lors qu'en se mariant une fille entrait dans une autre famille et que son
mari était tenu légalement de lui apporter aide et assistance, ainsi que de
pourvoir convenablement à son entretien (art. 160 al. 2 aCC). La limitation
du cercle des bénéficiaires qui en découlait répondait en outre à une
nécessité d'ordre pratique: comme le relève la défenderesse, il convenait en
effet d'assurer la pérennité de la fondation et d'éviter une rapide
dilapidation des biens du fait de l'augmentation exponentielle de la
descendance (cf. GRÜNINGER, op. cit., n. 13e ad art. 335 CC).

  En l'espèce, l'on constate que les normes statutaires litigieuses
n'excluent pas les femmes du cercle des bénéficiaires de la fondation de
façon générale, mais seulement lorsqu'elles se marient et qu'elles changent
de nom de famille. En outre, c'est notamment pour tenir

compte de l'évolution des moeurs que la fondation a, le 13 juillet 1987,
élargi le cercle des bénéficiaires "aux filles nées X. et à leurs enfants
(au premier degré uniquement)". Il s'ensuit que le demandeur lui-même, en
tant qu'enfant au premier degré d'une fille née X., n'est pas du tout
discriminé. De plus, la possibilité - déjà mentionnée (consid. 4.2) - pour
les fiancés de porter, dès la célébration du mariage, le nom de la femme
comme nom de famille (art. 30 al. 2 CC) permet d'empêcher qu'une femme née
X. soit exclue du cercle des bénéficiaires de la caisse de famille.

  Tout bien considéré, les clauses statutaires en question ne s'avèrent donc
pas contraires aux moeurs, que l'on se place à l'époque de leur adoption ou
à l'heure actuelle, compte tenu notamment de la modification statutaire du
13 juillet 1987. En outre, elles n'apparaissent nullement illicites, le
droit en vigueur conférant au fondateur, ainsi qu'on l'a relevé plus haut,
une liberté qui lui permet, à l'instar du testateur, de limiter le cercle
des destinataires à un groupe déterminé de membres de sa famille (VEZ, op.
cit., n. 93, 148 et 962).

  4.4  En conséquence, c'est à tort que la cour cantonale a admis que les
conditions d'une modification étaient réunies et qu'elle a élargi le cercle
des bénéficiaires au demandeur et à ses descendants.