Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 139



Urteilskopf

133 III 139

  16. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause B. Fund
Ltd contre A. Group Ltd et Tribunal arbitral (recours de droit public)
  4P.168/2006 du 19 février 2007

Regeste

  Internationale Schiedsgerichtsbarkeit. Zuständigkeit des Schiedsgerichts
zur Prüfung von Vorfragen. Ablehnung eines Begehrens um Sistierung des
Verfahrens.

  Das Schiedsgericht ist zuständig, vorfrageweise zu prüfen, ob eine
strafbare Handlung vorgelegen hat (E. 5).

  Das Schiedsgericht muss das Verfahren sistieren, wenn ein zwingender Grund
dies verlangt, und kann es sistieren, wenn diese Massnahme im Hinblick auf
die Interessen der Parteien als angezeigt erscheint. Liegt kein zwingender
Grund vor, verstösst die Verfahrenssistierung oder deren Verweigerung weder
gegen das Prinzip der Gleichbehandlung der Parteien noch gegen den Anspruch
auf rechtliches Gehör (E. 6.1). Im vorliegenden Fall hat die
Beschwerdeführerin sich nicht auf einen zwingenden Grund berufen (E. 6.2).

Sachverhalt

  Selon un contrat conclu le 10 avril 2001, B. Fund Ltd a acquis de A. Group
Ltd une option d'achat relative à un lot de parts sociales d'une société
tierce. A. Group Ltd a ensuite refusé de lui fournir ces titres; elle en a
disposé en faveur d'un autre acquéreur.

  Devant le tribunal arbitral, B. Fund Ltd a pris des conclusions qui
tendaient surtout à l'exécution du contrat ou, à défaut, au versement de
dommages-intérêts. Le tribunal a administré des preuves et prononcé deux
sentences partielles, l'une le 19 octobre 2004 et l'autre le 16 mai 2006.
Selon le dispositif de cette dernière décision, certaines conclusions des
parties sont rejetées ou déclarées sans objet; pour le surplus, le tribunal
prononce que le contrat est illégal dans son but et dans son objet, de sorte
que son exécution ne peut pas être exigée; il prononce en outre que l'action
tendant à l'exécution de ce même contrat est incompatible avec l'ordre
public et exercée ex turpi causa.

  Agissant par la voie du recours de droit public, B. Fund Ltd requiert le
Tribunal fédéral d'annuler cette sentence. Elle reproche au tribunal
arbitral d'avoir excédé sa propre compétence en retenant au regard de la
législation pénale russe que des infractions avaient été commises par son
ayant droit économique, d'avoir violé son droit d'être entendue en refusant
une suspension de la procédure et d'avoir aussi violé ce droit en fondant sa
décision sur des motifs juridiques imprévisibles pour les parties.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où celui-ci était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 5

  5.  La recourante reproche au tribunal arbitral d'avoir excédé sa
compétence en examinant si une infraction avait été commise au regard du
droit pénal russe.

  Selon l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la sentence peut être attaquée lorsque
le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent. Le
tribunal est compétent lorsque la cause peut faire l'objet d'un arbitrage
d'après l'art. 177 LDIP, que la convention d'arbitrage est valable à la
forme et au fond d'après l'art. 178 LDIP et que la cause est visée par cette
convention, toutes ces conditions étant indissociables (ATF 120 II 155
consid. 3b/bb p. 163/164; ANTON HEINI, Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd.,
Zurich 2004, ch. 6 ad art. 186 LDIP; BERNARD DUTOIT, Droit international
privé suisse, 4e éd., Bâle 2005, ch. 3 ad art. 186 LDIP). Saisi du grief
d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de
droit, y compris les questions préjudicielles, qui déterminent la compétence
ou l'incompétence du tribunal arbitral. Cependant, il revoit l'état de fait
à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la
compétence - uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al.
2 LDIP est soulevé à l'encontre de l'état de fait ou lorsque des faits ou
des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris
en considération dans le cadre de la procédure du recours de droit public
(ATF 129 III 727 consid. 5.2.2 p. 733; 128 III 50 consid. 2a p. 54).

  A teneur de l'art. 177 al. 1 LDIP, toute cause de nature patrimoniale peut
faire l'objet d'un arbitrage. La recourante ne conteste pas que le litige
porte sur des intérêts patrimoniaux. Elle ne met pas non plus en doute que
dans son examen de la validité du contrat conclu le

10 avril 2001, le tribunal arbitral pût élucider à titre préjudiciel des
points qui n'étaient en eux-mêmes pas susceptibles d'arbitrage, tels que
l'incrimination de certains comportements en droit pénal russe
(JEAN-FRANÇOIS POUDRET et SÉBASTIEN BESSON, Droit comparé de l'arbitrage
international, Zurich 2002, ch. 583 p. 532; FRANK VISCHER, Zürcher Kommentar
zum IPRG, ch. 11 ad art. 177 LDIP). Elle admet même que ces questions de
droit pénal étaient importantes pour l'issue de la cause. Néanmoins, selon
son argumentation, les arbitres n'étaient pas autorisés à vérifier si des
infractions avaient été commises car l'ordre public exige que l'application
de sanctions soit réservée à des autorités étatiques. Or, l'instance
arbitrale ne tendait aucunement au prononcé de sanctions pénales; son objet
se limitait à un jugement sur les prétentions pécuniaires des parties et
l'application de dispositions pénales - russes surtout - intervenait
seulement dans l'appréciation préjudicielle de la validité du contrat sur
lequel ces prétentions étaient fondées. La recourante explique qu'elle s'est
opposée, dans l'instance, à la discussion de ces problèmes de droit pénal,
mais cela ne suffit pas à révéler pourquoi le tribunal arbitral aurait dû
s'abstenir d'examiner à titre seulement préjudiciel des points qui, à titre
principal, seraient réservés à une juridiction étatique. Les avis de
doctrine que la recourante a produits n'apportent rien à l'appui de sa
thèse; il en ressort au contraire que les tribunaux arbitraux doivent
prendre position, s'il y a lieu, sur des faits de corruption ou de
blanchiment d'argent. La recourante fait aussi état de difficultés pratiques
à surmonter, en pareil cas, par les tribunaux arbitraux, mais ces obstacles
n'ont pas d'incidence sur le plan des principes.

  Dans la mesure où la recourante prétend que le tribunal arbitral n'avait
pas les moyens d'apprécier avec suffisamment de certitude le caractère
éventuellement répréhensible des faits, d'une part, et que l'objection tirée
de ce caractère répréhensible était abusive, d'autre part, cette partie
élève des critiques qui ne se rapportent pas à la compétence du tribunal
arbitral et qui sont donc irrecevables au regard de l'art. 190 al. 2 LDIP.
Dans la mesure où la recourante conteste l'appréciation des preuves et la
constatation des faits en se référant à l'art. 192 al. 2 let. c, d et e
LDIP, ses critiques ne sont pas motivées conformément aux exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, sinon dans la réplique, alors qu'elles auraient
pu l'être dans l'acte de recours déjà; elles sont donc elles aussi
irrecevables. Pour le surplus, le grief d'incompétence se révèle privé de
fondement.

Erwägung 6

  6.  La recourante reproche au tribunal arbitral d'avoir violé son droit
d'être entendue en rejetant une demande de suspension de l'instance.

  6.1  L'art. 182 al. 1 et 2 LDIP prévoit que les parties ou,
subsidiairement, le tribunal arbitral peuvent régler la procédure arbitrale.
Leur liberté est restreinte par l'art. 182 al. 3 LDIP en ce sens que le
tribunal arbitral doit, quelle que soit la procédure choisie, garantir
l'égalité entre les parties et leur droit d'être entendues en procédure
contradictoire. Il s'agit d'une protection minimum à laquelle les parties ne
peuvent pas renoncer. Selon l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, la sentence peut
être attaquée lorsque l'égalité des parties ou leur droit d'être entendues
en procédure contradictoire n'ont pas été respectés. Le droit d'être entendu
confère à chaque partie la faculté d'exposer tous ses moyens de fait et de
droit sur l'objet du litige et de rapporter les preuves nécessaires, ainsi
que le droit de participer aux audiences et de se faire représenter ou
assister devant les arbitres. Quant au principe de contradiction, il
garantit à chaque partie la faculté de se déterminer sur les moyens de son
adversaire, d'examiner et de discuter les preuves rapportées par lui et de
les réfuter par ses propres preuves (ATF 130 III 35 consid. 5 p. 38; 127 III
576 consid. 2c p. 578/579; 116 II 639 consid. 4c p. 643 in medio). Enfin,
en vertu du principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les
parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure (VISCHER,
op. cit., ch. 25 ad art. 182 LDIP; DUTOIT, op. cit., ch. 6 ad art. 182
LDIP).

  En principe, une suspension du procès ne se justifie que dans des cas
particuliers, lorsqu'elle est prévue par des règles spécifiques ou qu'elle
s'impose en raison d'un motif impérieux (POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 585
p. 535). Un motif de ce genre est réalisé lorsque surviennent des faits
propres à entraîner, pour l'une des parties, la perte de la personnalité
juridique ou de la capacité d'agir en justice, ou lorsque des circonstances
de fait ou de droit déterminantes pour l'issue du litige, mais étrangères à
la compétence du tribunal arbitral, doivent être préalablement élucidées
(ATF 119 II 386 consid. 1b p. 389/390; voir aussi ATF 127 III 279 consid.
2a et 2b p. 283). Le tribunal arbitral peut encore ordonner une suspension
du procès s'il le juge opportun au regard des intérêts des parties;
cependant, en cas de doute, il doit faire prévaloir le principe de la
célérité du procès car la suspension constitue éventuellement un déni de
justice ou un retard injustifié (POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 581 p. 529;
cf. ATF 120 III 143 consid. 1b p. 144). La suspension peut notamment se
justifier jusqu'à droit connu sur une autre instance, lorsque celle-ci porte

sur une question préjudicielle que le tribunal arbitral devrait autrement
résoudre lui-même (POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 583 p. 532), mais, en
pareil cas, aucune des parties ne peut exiger cette mesure sur la base de
son droit d'être entendue (ATF 119 II 386 consid. 1b p. 390). La suspension
doit au contraire être refusée lorsqu'une partie la demande en raison d'une
difficulté ou d'un retard dans l'obtention de ses propres moyens de preuve
(même arrêt).

  Excepté les cas où la suspension répond à un motif impérieux, cette mesure
ressortit au pouvoir d'appréciation de l'autorité ou du tribunal arbitral.
Dans les procédures étatiques, sauf excès ou abus, l'exercice de ce pouvoir
est en principe soustrait au contrôle du Tribunal fédéral (cf. ATF 120 Ib
156 consid. 2c p. 160 in medio). Ceci doit valoir aussi dans le domaine de
l'arbitrage international où le recours au Tribunal fédéral n'est
disponible, en matière de procédure, que pour violation de principes
fondamentaux. En règle générale, la suspension de l'instance, ordonnée ou
refusée par le tribunal arbitral en considération des intérêts des parties,
ne met donc pas en cause l'égalité de ces dernières ni leur droit d'être
entendues en procédure contradictoire selon les art. 182 al. 3 et 190 al. 2
let. d LDIP.

  6.2  Le 5 août 2005, la recourante a présenté une demande de suspension -
d'abord limitée à un laps de soixante jours - après que, sur dénonciation de
l'intimée, une enquête pénale avait été ouverte en Allemagne. Selon son
exposé, une perquisition était intervenue dans les bureaux du président du
tribunal arbitral; toutes les pièces et procès-verbaux d'auditions de
témoins étaient désormais saisis et plusieurs témoins importants avaient
reçu, de leurs avocats allemands, le conseil de ne plus faire aucune
déposition au sujet des soupçons de blanchiment d'argent. Le tribunal
arbitral a rejeté la demande de suspension en indiquant qu'après une
prochaine séance d'audition de témoins, il évaluerait s'il lui était
possible de statuer sans avoir réentendu les témoins impliqués dans
l'enquête pénale. La recourante soutient qu'en raison des circonstances
précitées, le tribunal arbitral devait impérativement suspendre le procès,
d'une part parce que l'enquête pénale portait sur des faits qui étaient, en
partie, aussi litigieux devant ce tribunal, et d'autre part parce que les
difficultés apparues dans l'audition des témoins et l'accès aux pièces
l'entravaient dans la poursuite de sa propre action contre l'intimée. Or, on
a vu que les faits éventuellement répréhensibles n'échappaient pas à la
compétence du tribunal arbitral, de sorte que celui-ci pouvait renoncer à
attendre l'issue du procès pénal; pour le surplus,

les difficultés qui surviennent en général dans les mesures probatoires, en
raison de l'existence d'une enquête pénale, ne constituent pas un motif
impérieux de suspendre l'instance arbitrale, cela d'autant moins lorsque,
comme en l'espèce, le tribunal arbitral annonce d'emblée qu'il prendra, au
besoin, des dispositions adaptées aux circonstances.

  Les arguments développés dans le mémoire de recours ne suffisent donc pas
à mettre en évidence un devoir de suspendre l'instance, devoir que le
tribunal arbitral aurait méconnu. L'argumentation développée dans la
réplique, selon laquelle la recourante a subi une entrave d'abord dans sa
préparation de la séance d'audition de témoins de septembre 2005, puis dans
sa participation à cette séance, cette entrave ayant prétendument entraîné
une rupture de l'égalité des parties, pouvait être présentée dans l'acte de
recours déjà; elle est donc irrecevable. Par conséquent, la recourante
échoue à obtenir l'annulation de la sentence en raison du rejet de sa
demande de suspension.