Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 282



Urteilskopf

132 I 282

  30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Monney
et Chevallaz contre Grand Conseil du canton de Genève (recours de droit
public)
  1P.129/2006 du 18 octobre 2006

Regeste

  Art. 85 lit. a OG; Art. 27 und 94 BV; Art. 66 KV/GE; Gültigkeit der
Volksinitiative IN 126 "Energie-Eau: notre affaire!".

  Falls nach kantonalem Recht das Parlament nur bei offensichtlichen
Verletzungen des höherrangigen Rechts eingreift, prüft das Bundesgericht die
Beschwerdesache nicht mit einer weiteren Kognition (E. 1.3).

  Die inhaltliche Aufteilung der Initiative wirft ein redaktionelles Problem
auf, welches aber deren Gültigkeit nicht berührt (E. 2).

  Die Einrichtung eines rechtlichen Monopols für die Elektrizitätsversorgung
zugunsten eines öffentlichen Versorgungsbetriebs (Services Industriels de
Genève) steht nicht offensichtlich im Widerspruch zum höherrangigen Recht
(E. 3).

Sachverhalt

  A.- Par arrêté du 4 mai 2005, le Conseil d'Etat genevois a constaté
l'aboutissement de l'initiative populaire intitulée "Energie-Eau: notre
affaire!". Celle-ci tendait à une modification de l'art. 158 de la
Constitution genevoise (Cst./GE) relatif aux Services Industriels (ci-après:
les SI), dans le sens suivant (les modifications matérielles sont en
italique):

    Art. 158 Principes - But - Siège - Surveillance

    1 L'approvisionnement et la distribution d'eau, de gaz et d'électricité
    sont un monopole public exercé par les Services Industriels de Genève.

    2 Les Services Industriels de Genève, établissement de droit public,
    doté de la personnalité juridique, autonome dans les limites des
    présentes dispositions constitutionnelles et de la loi qui en détermine
    le statut, ont pour but de fournir dans le canton de Genève l'eau, le
    gaz, l'électricité, de l'énergie thermique, dans le respect de l'art.
    160E fixant la politique énergétique du canton, ainsi que de traiter les
    déchets. (...)

  Selon les arguments figurant sur la formule de récolte de signatures,
l'initiative fait suite au rejet en votation populaire, le 22 décembre 2002,
de la loi fédérale sur le marché de l'électricité (LME). Elle tend au
maintien d'un monopole public existant jusqu'alors dans les faits, de
manière à assurer un approvisionnement sûr et de qualité et à éviter les
spéculations et les hausses de tarifs dans le domaine du marché de l'eau et
de l'électricité, ainsi qu'à garantir l'égalité de traitement en interdisant
les tarifs dégressifs pour les gros consommateurs.

  B.- Dans son rapport du 29 juillet 2005 au Grand Conseil, le Conseil
d'Etat a estimé que l'initiative respectait notamment les principes d'unité
de la matière et de conformité au droit supérieur. Le monopole sur la
distribution d'eau se justifiait, dans le but d'assurer un approvisionnement
de qualité sans multiplier les infrastructures. En revanche, en tant
qu'énergie fossile non renouvelable, le gaz ne nécessitait pas un tel
monopole. S'agissant de l'électricité, le Conseil d'Etat (notamment dans le
cadre de l'élaboration de la loi fédérale sur l'approvisionnement en
électricité - LApEl) s'était prononcé pour l'ouverture du marché; les SI se
préparaient à une telle éventualité, et il n'y avait pas lieu de modifier
entre-temps le droit cantonal.

  La Commission législative du Grand Conseil s'est prononcée le 30 septembre
2005, puis le 23 janvier 2006 sur la validité de l'initiative. Elle a estimé
que le principe d'unité de la matière n'était pas respecté et qu'il y avait
lieu, en vertu de l'art. 66 al. 2 Cst./GE, de scinder le texte de
l'initiative en trois articles distincts. Si l'instauration d'un monopole de
droit ne posait pas de problème s'agissant de l'approvisionnement en eau,
l'art. 13 de la loi fédérale sur les installations de transport par
conduites de combustibles ou carburants liquides ou gazeux (LITC; RS 746.1)
imposait une obligation de transporter en faveur de tiers, ce qui ne
permettait pas de limiter la concurrence dans ce domaine. L'initiative
devait donc être déclarée nulle sur ce point. A propos de la livraison
d'électricité, l'arrêt rendu le 17 juin 2003 par le Tribunal fédéral dans la
cause Entreprises électriques fribourgeoises (EEF; ATF 129 II 497) exprimait
de sérieuses réserves sur la possibilité pour les cantons d'instaurer un
monopole. Toutefois, en cas de doute, il appartenait au peuple de se
prononcer. Deux rapports de minorité ont été déposés.

  Par décision du 27 janvier 2006, publiée dans la Feuille d'avis officielle
du 3 février suivant, le Grand Conseil a décidé de scinder l'initiative en
deux parties, modifiant chacune l'art. 158 Cst./GE, soit l'IN 126-1
concernant l'eau et l'IN 126-2 concernant l'électricité. La partie de
l'initiative concernant le gaz a été déclarée nulle.

  C.- Gilles-André Monney et Josepha Chevallaz, citoyen et citoyenne
genevois, forment un recours de droit public contre cette dernière décision.
Ils en demandent l'annulation, en tant qu'elle déclare recevable l'IN 126,
subsidiairement en tant qu'elle déclare recevable l'IN 126-2. Ils désirent
d'ores et déjà pouvoir s'exprimer sur les arguments que le Grand Conseil
sera amené à fournir dans sa réponse au recours.

  Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Les parties ont répliqué et
dupliqué.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.

  1.3  Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral
et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang
inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le
contenu et l'étendue (ATF 129 I 185 consid.

2 p. 190). Toutefois, s'agissant de la conformité de l'initiative au droit
supérieur, une invalidation ne doit intervenir, selon l'art. 66 al. 3
Cst./GE, que dans les cas manifestes. Saisi d'un recours dont le but est de
contrôler si l'examen effectué par le Grand Conseil est conforme à ses
attributions constitutionnelles, le Tribunal fédéral ne peut se reconnaître
un pouvoir d'examen plus étendu que celui de l'autorité cantonale. Dans ce
cas particulier, il ne doit sanctionner, lui aussi, que les violations
manifestes du droit supérieur. Pour le surplus, le recours est soumis aux
exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

Erwägung 2

  2.  Les recourants reprochent au Grand Conseil d'avoir scindé l'initiative
en trois parties, en copiant chaque fois le même texte et en mentionnant
alternativement les mots "eau", "gaz" et "électricité". L'acceptation par le
peuple des IN 126-1 et 126-2 aurait pour conséquence l'adjonction dans la
Constitution genevoise de deux dispositions quasiment identiques, portant la
même numérotation.

  2.1  Les recourants invoquent à ce propos l'art. 66 al. 2 Cst./GE, qui
permet la scission ou la nullité partielle d'une initiative populaire qui ne
respecte pas le principe d'unité de la matière. Les recourants ne prétendent
toutefois pas que le procédé utilisé serait interdit par la Constitution, ni
qu'il violerait en tant que tel les droits politiques des citoyens.

  2.2  Il est vrai que l'acceptation par le peuple des deux textes poserait
un problème de rédaction, puisqu'il en résulterait l'adoption de deux normes
portant le même numéro et consacrées l'une à la fourniture d'eau, l'autre à
l'électricité. Il n'en découle pas pour autant une violation des droits
politiques: cela permet en effet aux citoyens de s'exprimer clairement sur
les deux sujets. En cas d'acceptation des deux textes, il y aurait sans
doute lieu de refondre les deux articles en un seul, voire de changer la
numérotation des normes, mais, pour autant qu'aucune modification matérielle
ne découle de cette opération, la volonté populaire n'en sera pas moins
respectée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.622/2003 du 26 mai 2004, consid.
6 non publié à l'ATF 130 I 185). Si elle est critiquable du point de vue de
la technique législative, la scission opérée par le Grand Conseil ne pose
pas de problème sous l'angle des droits politiques.

Erwägung 3

  3.  Les recourants estiment que la création d'un monopole de droit en
faveur des SI, pour l'approvisionnement et la distribution d'électricité,

constituerait une atteinte inadmissible à la liberté économique. Les motifs
invoqués par les initiants ne reposeraient pas sur un intérêt public
suffisant. Sous l'angle de la proportionnalité, la jurisprudence admettrait
de manière plus restrictive que par le passé l'instauration de monopoles, en
particulier lorsqu'un régime d'autorisation permettrait d'aboutir au même
résultat (ATF 128 I 3 concernant le droit d'affichage). En l'occurrence, un
régime d'autorisations ou de concessions, assorties de conditions
particulières d'approvisionnement ou de provenance, permettrait d'atteindre
le but visé par les initiants. Dans l'ATF 129 II 497, le Tribunal fédéral
avait émis des doutes sérieux sur l'admissibilité d'un monopole en matière
de fourniture d'électricité. La doctrine elle aussi se montrerait
restrictive en matière de monopoles cantonaux. Les conditions de dérogation
prévues à l'art. 94 al. 4 Cst. ne seraient pas réunies.

  Pour le Grand Conseil, l'IN 126 ne fait que concrétiser une situation déjà
bien établie, soit l'existence d'un monopole de fait, voire de droit en
faveur des SI. Le monopole dans le domaine de l'électricité permettrait
notamment la sécurité de l'approvisionnement, l'égalité de traitement et une
tarification équitable. Il ne s'agirait donc pas d'une mesure de politique
économique, mais de police et de politique sociale. Des solutions analogues
auraient été adoptées récemment dans les cantons de Fribourg (droit exclusif
de livraison dans des secteurs déterminés), Neuchâtel (droit exclusif de
fourniture jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation fédérale) et Vaud
(monopole et octroi de concessions de distribution). Seul le droit fédéral
pourrait imposer une ouverture du marché de l'électricité.

  3.1  De manière générale, une initiative populaire cantonale ne doit rien
contenir qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal,
fédéral ou international (cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118-119).
L'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative
doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants.
Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête
à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit
supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple.
L'interprétation conforme doit permettre d'éviter autant que possible les
déclarations d'invalidité (ATF 125 I 227 consid. 4a p. 231/232 et les arrêts
cités). Par ailleurs, en vertu du principe de la force dérogatoire du droit
fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les cantons ne sont pas autorisés à légiférer
dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral.

Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne
violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent
pas la réalisation (ATF 125 I 474 consid. 2a et les arrêts cités p. 480).

  3.2  Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle
comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une
activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2
Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à
titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF
118 Ia 175 consid. 1 p. 176). Aux termes de l'art. 36 al. 1 Cst., toute
restriction à ce droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les
restrictions graves doivent être prévues par une loi. Toute restriction d'un
droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la
protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et
proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'essence des droits
fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).

  Selon l'article 94 al. 1 Cst., la Confédération et les cantons respectent
le principe de la liberté économique. Ils veillent à sauvegarder les
intérêts de l'économie nationale et contribuent, avec le secteur de
l'économie privée, à la prospérité et à la sécurité économique de la
population (art. 94 al. 2 Cst.). Dans les limites de leurs compétences
respectives, ils veillent à créer un environnement favorable au secteur de
l'économie privée (art. 94 al. 3 Cst.). Les dérogations au principe de la
liberté économique, en particulier les mesures menaçant la concurrence, ne
sont admises que si elles sont prévues par la Constitution fédérale ou
fondées sur les droits régaliens des cantons (art. 94 al. 4 Cst.). L'art. 94
al. 4 Cst. vient sur ce point préciser la portée de la liberté économique,
sans pour autant modifier la situation qui prévalait sous l'ancienne
Constitution. La Constitution fédérale consacre ainsi un ordre économique
fondé sur la libre concurrence (message relatif à la Constitution fédérale,
FF 1997 I 176).

  3.3  L'obligation pour l'Etat de se comporter de manière neutre sur le
plan de la concurrence n'est toutefois pas absolue. En dehors des droits
régaliens historiques des cantons (qui ne sont pas concernés en
l'occurrence, cf. ATF 124 I 11 consid. 3 p. 14-15), les dérogations à la
liberté économique telles que l'instauration d'un monopole, sont admissibles
pour autant que ces dérogations poursuivent un but de police ou de politique
sociale, à l'exclusion des buts de politique

économique (ATF 124 I 11 consid. 3b p. 15, concernant le monopole
d'assurance des bâtiments; 109 Ia 193 concernant le monopole des ramoneurs
officiels; 100 Ia 445 consid. 5 p. 449 concernant un monopole d'affichage).
Les mesures concernant l'aménagement du territoire, la politique énergétique
et environnementale sont également admissibles (message, p. 177). Les
monopoles à des fins fiscales sont en revanche prohibés (ATF 128 I 3 consid.
3a p. 9-10).

  Le Tribunal fédéral a ainsi estimé que l'instauration d'un monopole de
droit en faveur d'une caisse publique pour l'assurance scolaire obligatoire
ne devait être revue qu'avec retenue sous l'angle de l'art. 31 aCst., car la
pesée d'intérêts dépendait largement des conditions locales; l'intérêt
public à une couverture de l'ensemble des risques, les exigences de
contrôle, la responsabilité de la collectivité pour une part importante des
risques, la possibilité de conditions plus avantageuses et le
subventionnement par les collectivités publiques permettaient d'admettre une
solution évitant toute complication, quant bien même d'autres possibilités
étaient envisageables (ATF 101 Ia 124). Plus récemment, le Tribunal fédéral
est revenu sur sa jurisprudence en matière d'affichage, en considérant que
le monopole constituait une atteinte disproportionnée à la liberté
économique, dans la mesure où il touchait un fond privé (ATF 128 I 3 consid.
3 p. 9). Le réexamen du Tribunal fédéral portait sur le respect de la
proportionnalité, compte tenu des circonstances particulières - activité de
type commercial sur fonds privés - sans pour autant consacrer, comme le
prétendent les recourants, un durcissement général de la jurisprudence à
l'égard des monopoles cantonaux.

  3.4  Selon les initiants, l'instauration d'un monopole de droit en faveur
des SI dans le domaine de la livraison d'électricité fait suite au rejet,
par près de deux tiers des électeurs genevois, de la loi fédérale sur le
marché de l'électricité (LME). Il s'agissait ainsi d'éviter toute
spéculation dans ce domaine. Les SI avaient révisé leur tarification et
prévu une offre diversifiée, promouvant les économies d'énergie et les
énergies renouvelables, en permettant notamment au canton de renoncer à
l'énergie nucléaire. Le monopole de fait exercé jusque-là avait permis le
développement et l'entretien d'infrastructures de qualité, qu'il y avait
lieu de préserver contre une "libéralisation sauvage"; l'interdiction des
tarifs dégressifs pour les gros consommateurs devait être maintenue.

  3.5  Il faut convenir, avec les recourants, que le but d'éviter les
privatisations du secteur de la fourniture d'électricité ainsi que les
spéculations, est un pur objectif de politique économique, inadmissible sous
l'angle des art. 27 et 94 Cst. (WEBER/KRATZ, Elektrizitätswirtschaftsrecht,
Berne 2005, p. 72-73). Il en va différemment des autres objectifs mentionnés
par les initiants. Dans la mesure où il s'agit d'assurer la sécurité de
l'approvisionnement, une distribution et une utilisation de l'énergie
fondées sur les principes d'économie, le développement prioritaire des
énergies renouvelables et le respect de l'environnement, l'initiative se
conforme aux objectifs fixés à l'art. 160E de la Constitution cantonale,
disposition dont la conformité au droit supérieur n'est ni contestée, ni
contestable. Cette disposition prévoit notamment que la conservation de
l'énergie est assurée par l'obligation de rachat à des conditions adéquates
du courant produit par les centrales du secteur agricole, immobilier et
industriel, et par l'interdiction des tarifs dégressifs non justifiés par
les fondements de la politique cantonale en matière d'énergie et une
tarification conforme à ces derniers (al. 3 let. d). Le développement des
sources d'énergies renouvelables est quant à lui obtenu par la promotion des
installations utilisant ces énergies (al. 4 let. a). Les établissements
publics, tels les SI, sont, avec les communes et le canton, chargés de la
réalisation de cette politique (al. 2). La livraison d'énergie répondant à
ces exigences constitue certainement un but de politique environnementale, y
compris l'interdiction des tarifs dégressifs dont le but est d'encourager
les économies d'énergie.

  3.6  Les recourants ne contestent pas que l'instauration d'un monopole de
droit en faveur des SI est apte à parvenir aux buts recherchés. Ils estiment
cependant que d'autres solutions, moins restrictives, seraient
envisageables, notamment un régime d'autorisations assorties de charges et
conditions concernant l'obligation d'approvisionnement et l'origine de
l'énergie électrique. Toutefois, il paraît qu'entre un système de monopole
et celui de l'autorisation préalable dans un régime de libre concurrence, le
premier permet d'atteindre de façon plus sûre, plus efficace et à moindre
frais pour la collectivité les objectifs d'intérêt général fixés par la
Constitution cantonale (cf. ATF 100 Ia 445 consid. 5c p. 452). A défaut d'un
accès réglementé au marché de l'électricité, la libéralisation par le biais
des seules règles sur la concurrence, de manière ponctuelle et sans
possibilité de fixer des conditions-cadre, présente des inconvénients
importants (ATF 129 II 497 consid. 3.2.4 p. 511 et les auteurs

cités). De ce point de vue, le principe de la proportionnalité paraît
respecté.

  3.7  Les recourants font grand cas des considérations émises dans l'ATF
129 II 497. Cet arrêt a trait essentiellement à l'application de la loi
fédérale sur les cartels (LCart; RS 251) au marché de l'électricité, après
le rejet de la LME en votation populaire. Le Tribunal fédéral a considéré
que les exceptions prévues à l'art. 3 al. 1 LCart n'étaient pas réalisées en
l'occurrence, car ni le droit fédéral, ni le droit cantonal n'excluaient la
concurrence dans ce secteur: l'établissement fribourgeois de droit public
(EEF) ne disposait que d'un monopole de fait. L'application de la loi sur
les cartels ne compromettait pas l'accomplissement de la tâche
d'approvisionnement impartie à l'entreprise. Plusieurs considérants de cet
arrêt font certes apparaître comme douteuse la compatibilité du monopole
cantonal en matière de livraison de l'électricité avec la liberté économique
(consid. 5.4.7 in fine p. 528, 5.7 p. 535; consid. 3.2.1 p. 509, faisant
état de la remise en cause des monopoles sur les plans politiques et
économiques). Outre que ces considérations ont le caractère d'obiter dicta,
elles ne tranchent pas de manière définitive la conformité des monopoles
cantonaux à la Constitution fédérale, cette question étant en définitive
qualifiée de "délicate" (consid. 5.7 p. 535). On ne saurait donc déduire de
cet arrêt que l'instauration d'un monopole de droit tel qu'il est prévu par
l'IN 126 serait "manifestement" et dans tous les cas contraire à la
Constitution fédérale.

  3.8  Le marché de l'électricité fait actuellement l'objet du projet de
modification de la LIE (RS 734.0) et de la LApEl (cf. message du Conseil
fédéral du 3 décembre 2004, FF 2005 p. 1493). Cette révision tend à
permettre une ouverture par étapes du marché, tout en garantissant notamment
l'approvisionnement. Dans son message relatif à l'IN 126, le Conseil d'Etat
admet que, dès l'entrée en vigueur du droit fédéral prévoyant l'ouverture du
marché, les dispositions contraires du droit cantonal devraient être
abrogées. Le Parlement fédéral pourra d'ailleurs tenir compte de l'état de
la législation fédérale lorsque, le cas échéant, il sera appelé à donner la
garantie de la Confédération à la norme constitutionnelle cantonale (art. 51
al. 2 Cst.). Néanmoins, tant que demeurent les compétences des cantons dans
ce domaine, il y a lieu de reconnaître au Constituant cantonal la
possibilité d'effectuer le choix qui lui est proposé. Dans l'attente d'une
réglementation fédérale, une libéralisation totale du marché, souhaitée par
les recourants, n'apparaît pas

préférable à la transformation, opérée par l'initiative, d'un monopole de
fait en monopole de droit, laquelle se traduirait dans les faits par un
statu quo.

  3.9  Faute d'apparaître manifestement contraire au droit supérieur,
l'initiative IN 126 devait, conformément à l'art. 66 al. 3 Cst./GE, être
déclarée valide par le Grand Conseil. Le grief doit par conséquent être
rejeté.