Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 229



Urteilskopf

132 I 229

  26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A.
contre Département fédéral des affaires étrangères (recours de droit
administratif)
  1A.150/2004 du 27 avril 2006

Regeste

  Art. 97 Abs. 1 OG, Art. 5 VwVG in Verbindung mit Art. 184 Abs. 3 BV; Art.
98 lit. a und Art. 100 Abs. 1 lit. a OG, Art. 6 Ziff. 1 EMRK.

  Eine Stellungnahme eines Eidgenössischen Departements, welche den Guthaben
einer Person eine vom Bundesrat gestützt auf Art. 184 Abs. 3 BV angeordnete
Vermögenssperre entgegenhält, stellt eine Verfügung im Sinne von Art. 5 VwVG
dar (E. 4), die zivilrechtliche Ansprüche und Verpflichtungen im Sinne von
Art. 6 Ziff. 1 EMRK betrifft (E. 6) und mit Verwaltungsgerichtsbeschwerde
anfechtbar ist.
  Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Recht auf ein unabhängiges Gericht; Grundsatz der
Gewaltentrennung.

  Aufgrund des Umstandes, dass sie die Vollstreckung eines rechtskräftigen
Urteils durch die dafür zuständige Behörde - im vorliegenden Fall das
Betreibungsamt - hindert, verletzt eine Verfügung weder das Recht auf ein
unabhängiges Gericht noch den Grundsatz der Gewaltentrennung (E. 9).
  Art. 5 und 36 BV in Verbindung mit Art. 184 Abs. 3 BV.

  Wenn sie den Voraussetzungen von Art. 184 Abs. 3 BV genügt, stellt eine
Massnahme gestützt auf diese Bestimmung eine genügende gesetzliche Grundlage
für die Einschränkung der Grundrechte dar, soweit diese Einschränkungen
ausserdem durch ein öffentliches Interesse gerechtfertigt und im Hinblick
auf den verfolgten Zweck verhältnismässig sind (E. 10).
  Art. 36 Abs. 3 und Art. 184 Abs. 3 BV; Grundsatz der Verhältnismässigkeit.

  Im vorliegenden Fall verletzt die strittige Sperre, soweit sie sich auf
Guthaben bezieht, die aufgrund eines rechtskräftigen Urteils geltend gemacht
werden, - sei es nur wegen ihrer übermässigen Dauer - den Grundsatz der
Verhältnismässigkeit (E. 11).

Sachverhalt

  A.- De 1980 à 1986, puis à nouveau dès 1993, A. a exercé diverses
activités pour le compte de Joseph Désiré Mobutu Sese Seko (ci-après:
Mobutu), Président du Zaïre, devenu depuis lors la République démocratique
du Congo (RDC). N'ayant pas été rémunéré pour la période de septembre 1993 à
mars 1997 et plusieurs de ses factures étant restées impayées, il a fait
valoir une créance de plus de 4 millions de francs contre Mobutu et a obtenu
deux séquestres, l'un mobilier et l'autre immobilier, portant sur des biens
du débiteur sis à Savigny. Dans les poursuites en validation de ces
séquestres, l'Office des poursuites et faillites de l'arrondissement de
Lavaux (ci-après: OP de Lavaux) a établi, le 7 décembre 2000, un
procès-verbal de saisie, mentionnant une créance de A. de 4'786'064 fr. 80.
Par jugement du 14 mars 2001, le Juge instructeur de la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a reconnu les hoirs de Mobutu - qui s'étaient
substitués à ce dernier, décédé en septembre 1997 - débiteurs solidaires de
A. pour un montant total de 2'351'133 fr. 70 et levé définitivement leurs
oppositions. Ce jugement (ci-après: le jugement cantonal vaudois du 14 mars
2001) est entré en force le 5 juillet 2001.

  B.- Le 7 mai 1997, la RDC avait requis l'entraide judiciaire de la Suisse
pour les besoins d'une procédure pénale ouverte contre Mobutu. L'Office
fédéral de la police (OFP) a alors ordonné, le 16 mai 1997, l'annotation
provisoire d'une restriction du droit d'aliéner les immeubles de Savigny,
et, le 26 mai 1997, la mise sous scellés de l'immeuble principal.
Parallèlement, le Conseil fédéral a rendu, le 17 mai 1997, une ordonnance
fondée sur l'art. 102 ch. 8 aCst., relative à la sauvegarde des avoirs de la
République du Zaïre en Suisse (RO 1997 p. 1149-1150); selon cette
ordonnance, valable une année, nul ne pouvait disposer des avoirs de la
famille de Mobutu qui se trouvaient en Suisse ou étaient administrés depuis
la Suisse, ni les transférer à l'étranger. Le 24 décembre suivant, l'OFP a
ordonné le blocage, avec effet immédiat et jusqu'à la clôture de la
procédure d'entraide, des comptes et safes détenus au nom de Mobutu ou ayant
fait l'objet d'annonces en exécution de l'ordonnance du 17 mai 1997.

  Par décision du 22 mars 2001, l'Office fédéral de la justice (OFJ) - qui
avait repris les attributions de l'OFP dans le domaine de l'entraide - a
levé avec effet immédiat les mesures provisoires prises les 16 et 26 mai
1997, invité l'OP de Lavaux à procéder à la vente des immeubles et meubles
sous séquestre, dit que le produit de la vente serait affecté en premier
lieu au remboursement des frais d'entretien des immeubles engagés par la
Confédération, autorisé l'OP de Lavaux à désintéresser les créanciers
titulaires de droits de gage fiscaux sur le produit de la vente et ordonné
le blocage du solde du produit de la vente sur un compte bancaire. L'OP de
Lavaux a alors procédé à la réalisation des biens de feu Mobutu et a bloqué
et consigné les fonds sous son autorité. Le 21 octobre 2002, il a dressé un
tableau de distribution, faisant état d'un produit brut de la vente
immobilière de 3'100'000 fr. et d'un produit brut des ventes mobilières de
277'335 fr. Il a prélevé le montant de ses frais, puis répertorié les
créances. Parmi les créanciers, l'Etat de Vaud, la commune de Savigny,
l'établissement cantonal d'assurance et la Confédération suisse ont été
entièrement désintéressés. Les créances de A. ont été admises pour un
montant total de 3'040'511 fr. 40, sur lequel un dividende de 2'515'731 fr.
lui a été attribué, qui a toutefois été consigné auprès de l'OP de Lavaux
"jusqu'à droit connu sur la levée du séquestre pénal".

  C.- Le 15 décembre 2003, le Conseil fédéral a ordonné un nouveau blocage
des avoirs de feu Mobutu et de son entourage pour une période initiale de
trois ans et chargé le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)
d'assister les parties en vue de rechercher, dans un cadre approprié, une
issue aussi satisfaisante que possible. Le 22 décembre 2003, l'OFJ a rendu
une décision de clôture de la procédure d'entraide; constatant l'échec de
cette procédure, cette décision refusait l'entraide et levait les saisies.
Le même jour, le DFAE a adressé à A. une copie de la décision de blocage du
15 décembre 2003, en lui précisant que, sur la base de ses compétences
constitutionnelles en matière de politique extérieure, le Conseil fédéral
avait décidé de bloquer pour une durée de trois ans tous les avoirs de feu
Mobutu et de son entourage précédemment bloqués dans le cadre de l'entraide
et qu'il déciderait de leur sort définitif une fois connu le résultat des
pourparlers avec le gouvernement congolais et les particuliers qui
réclamaient des droits concernant ces avoirs.

  Par courrier du 23 décembre 2003 adressé au DFAE, A. a contesté que ses
prétentions puissent être touchées par le blocage du 15 décembre 2003 et
demandé que le DFAE rende une décision formelle constatant que ce blocage ne
lui était pas opposable. Il a dû revenir à la charge à plusieurs reprises,
n'obtenant pas de réponse claire. Le DFAE s'est finalement déterminé le 14
mai 2004. Il rappelait que le blocage décidé le 15 décembre 2003 par le
Conseil fédéral reposait sur l'art. 184 al. 3 Cst., que sa durée avait été
fixée à trois ans et qu'il représentait la suite sans interruption des
mesures existant depuis 1997. Il relevait que le Conseil fédéral considérait
un déblocage des avoirs concernés, parmi lesquels figurait aussi le produit
de la vente de la propriété de Savigny, comme n'étant pas dans l'intérêt du
pays et que le blocage devrait permettre aux autorités congolaises de se
faire une opinion consolidée et de rendre possible un dialogue avec les
héritiers de feu Mobutu. Il ajoutait qu'il n'y avait pas de possibilité de
plainte contre la décision du Conseil fédéral et qu'il n'était dès lors pas
en mesure de rendre une décision de constatation.

  D.- Dans l'intervalle, le 7 avril 2004, l'OP de Lavaux avait fait savoir à
A. que, vu les circonstances, il refusait de procéder à la distribution du
produit des réalisations en sa faveur. Celui-ci a alors déposé, le 13 avril
2004, une plainte au sens de l'art. 17 LP, tendant à ce que le montant des
créances à lui reconnues selon le tableau de distribution du 21 octobre 2002
soit libéré et mis à sa disposition.

  Par décision du 13 août 2004, le Président du Tribunal d'arrondissement de
l'Est vaudois, statuant en qualité d'autorité inférieure de surveillance en
matière de poursuites, a admis la plainte et invité l'OP de Lavaux à
procéder à la distribution des deniers conformément au tableau de
distribution du 21 octobre 2002. Le 20 janvier 2005, la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par la
Confédération suisse contre cette décision. Saisie à son tour, la Chambre
des poursuites et faillites du Tribunal fédéral, par arrêt 7B.20/2005 du 14
septembre 2005 (ATF 131 III 652) a annulé l'arrêt attaqué et confirmé la
décision de l'OP de Lavaux du 7 avril 2004. Elle a considéré que l'art. 44
LP s'appliquait par analogie à la décision de blocage rendue le 15 décembre
2003 par le Conseil fédéral; sous réserve de cas de nullité, non réalisés en
l'occurrence, les autorités de poursuite ne pouvaient donc y opposer une
décision contraire propre et ensuite susceptible d'une plainte du droit de
la poursuite.

  E.- Parallèlement, le 14 juin 2004, A. a formé un recours de droit
administratif au Tribunal fédéral contre la décision du DFAE du 14 mai 2004,
concluant à sa réforme en ce sens que le blocage du 15 décembre 2003 lui est
inopposable en sa qualité de créancier bénéficiant d'un jugement définitif
et exécutoire, à concurrence des montants alloués par ce jugement. La
procédure a été suspendue jusqu'à l'entrée en force d'une décision mettant
un terme définitif à la procédure de plainte LP.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:
  I. Recevabilité

Erwägung 4

  4.  Se pose en premier lieu la question de la nature juridique de l'acte
qui fait l'objet du présent recours, soit du courrier adressé le 14 mai 2004
par le DFAE au recourant, et de sa relation avec la décision rendue le 15
décembre 2003 par le Conseil fédéral.

  4.1  Selon l'art. 5 al. 1 PA, sont des décisions attaquables par la voie
du recours de droit administratif les mesures, fondées sur le droit public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, prises par les autorités dans des cas
d'espèce et qui ont pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits
ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou
l'étendue de droits ou d'obligations (let. b) ou encore de rejeter ou de
déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou
constater des droits ou obligations (let. c).

  4.2  Au niveau fédéral, l'édiction de règles de droit - soit de
dispositions générales et abstraites, d'application directe, qui créent des
obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences (art. 22 al.
4 de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale [LParl; RS 171.10])
- relève en principe de l'Assemblée fédérale (art. 163 al. 1 Cst.). Le
Conseil fédéral ne peut adopter des règles de droit, sous la forme
d'ordonnances, que dans la mesure où la Constitution ou la loi l'y
autorisent (art. 182 al. 1 Cst.).

  La décision du Conseil fédéral du 15 décembre 2003 n'indique pas sa base
légale. Elle se fonde toutefois indéniablement sur l'art. 184 al. 3 Cst.,
qui permet au Conseil fédéral d'adopter les ordonnances et de prendre les
décisions nécessaires à la sauvegarde des intérêts du pays. Il résulte en
effet d'une partie de son intitulé que le Conseil

fédéral entendait prendre des "mesures pour la sauvegarde de l'intérêt de la
Suisse". Il ressort par ailleurs clairement du dossier que cette décision
s'inscrit dans la suite de l'ordonnance du 17 mai 1997, elle-même fondée sur
l'art. 102 ch. 8 aCst. Au demeurant, divers courriers que le DFAE a adressés
au recourant dès le 15 décembre 2003, y compris celui du 14 mai 2004 qui
fait l'objet du présent recours, confirment expressément que la décision du
15 décembre 2003 a été prise sur la base de l'art. 184 al. 3 Cst.

  4.3  A teneur de l'art. 102 ch. 8 aCst., le Conseil fédéral avait pour
tâche de veiller aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à
l'observation de ses rapports internationaux, et était, en général, chargé
des relations extérieures. Cette disposition fournissait la base aux
ordonnances et décisions indépendantes prises en matière de politique
étrangère (cf. DIETRICH SCHINDLER, in Commentaire de la Constitution
fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, n. 110-125 ad art. 102
ch. 8 aCst.). La liste des mesures prises depuis 1918 confirme que les
ordonnances (désignées comme arrêtés du Conseil fédéral jusqu'en 1965)
produisaient en principe un effet général et abstrait, alors que les
décisions visaient des cas particuliers (cf. DIETRICH SCHINDLER, op. cit.,
n. 110 et 111; cf. également PASCAL MAHON/JEAN-FRANÇOIS AUBERT, Petit
commentaire de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999, n. 13 et 14
ad art. 184 Cst.).

  La jurisprudence va aussi dans ce sens. Ainsi, le Tribunal fédéral a-t-il
tenu l'arrêté fédéral du 25 août 1936 interdisant la participation aux
hostilités en Espagne pour un acte normatif (ATF 64 I 365 consid. 2 p. 368).
Il a admis expressément que, pour la protection de la Confédération
vis-à-vis de l'extérieur, le Conseil fédéral disposait de la compétence
d'édicter des règles de droit (ATF 64 I 365 consid. 3 p. 371/372).

  L'art. 184 al. 3 Cst. prévoit que les mesures prises par le Conseil
fédéral pour la sauvegarde des intérêts du pays prennent la forme
d'ordonnances ou de décisions, sans préciser la portée de cette distinction.
Cette disposition trouve son origine à l'art. 172 al. 3 du projet présenté
par le Conseil fédéral à l'appui de son Message du 20 novembre 1996 relatif
à la nouvelle Constitution fédérale (FF 1997 I 1 ss, p. 637), qui mentionne
les ordonnances et décisions, sans autre précision (ibidem, p. 425). Les
travaux parlementaires n'ont pas porté sur ce point (cf. les projets des
Commissions de la

révision constitutionnelle des Chambres fédérales des 21 et 27 novembre
1997, FF 1998 p. 286 ss, 348/349 et 412/413; les débats du Conseil national
des 22 janvier 1998, BO 1998 CN p. 115, 25 juin 1998, BO 1998 CN p. 368/369,
et 30 novembre 1998, BO 1998 CN p. 476/477, ainsi que ceux du Conseil des
Etats des 30 avril 1998, BO 1998 CE p. 144/145, et 22 septembre 1998, BO
1998 CE p. 194/195).

  Ainsi, la distinction entre ordonnances et décisions a été reprise dans la
nouvelle Constitution, sans précision ni commentaire à l'appui. Il faut en
conclure que, comme sous l'ancien droit, les mesures prises pour la
sauvegarde des intérêts du pays revêtent la forme de l'ordonnance
lorsqu'elles constituent des règles de droit au sens de l'art. 22 al. 4
LParl et celle de la décision lorsqu'elles visent des cas particuliers.

  4.4  La mesure de blocage du 15 décembre 2003 a été désignée comme une
décision. Elle n'a pas été publiée au Recueil officiel. Les motifs de cette
différence par rapport à l'ordonnance du 17 mai 1997 fondée sur l'art. 102
ch. 8 aCst. ne sont pas apparents. En effet, dans un cas comme dans l'autre,
l'objet du blocage visant tous les avoirs de feu Mobutu n'a pas été
déterminé. Telle que libellée, la décision du 15 décembre 2003 peut
s'appliquer à une pluralité de personnes et à différents biens. Elle
présente dès lors un caractère général et abstrait, qui aurait dû conduire à
ce qu'elle prenne la forme de l'ordonnance et soit publiée comme telle.
Nonobstant sa désignation comme une décision, il s'agit donc bien d'une
ordonnance. Une décision d'exécution de celle-ci pourrait, quant à son
objet, être attaquée par la voie du recours de droit administratif (cf. ATF
125 II 417, qui porte sur une décision d'application de l'arrêté fédéral du
29 décembre 1948 instituant des mesures contre la propagande subversive).

  4.5  Après avoir pris connaissance de l'ordonnance du 15 décembre 2003, à
réception du courrier que lui a adressé le DFAE le 22 décembre 2003, le
recourant pouvait de bonne foi se demander si la mesure de blocage
s'appliquait aussi aux biens qu'il revendiquait, d'autant plus que le
blocage du 17 mai 1997, auquel se substituait celui du 15 décembre 2003,
avait été partiellement levé pour désintéresser des créanciers publics.
C'est pourquoi il a réclamé du DFAE une décision formelle à ce sujet. Il lui
a fallu revenir à la charge plusieurs fois avant que le DFAE ne lui réponde,
le 10 mars 2004,

que le blocage ordonné le 15 décembre 2003 portait aussi sur le produit des
réalisations du "patrimoine de Savigny". Cette formulation était ambiguë,
car elle ne tranchait pas clairement le sort des prétentions du recourant.
Ce n'est que le 14 mai 2004 que le DFAE, encore que de manière implicite, a
admis que l'ordonnance du 15 décembre 2003 empêchait l'exécution du jugement
cantonal vaudois du 14 avril 2001 et du tableau de distribution du 21
octobre 2002. Bien que le DFAE s'en soit défendu, cette prise de position
équivaut à une décision au sens de l'art. 5 al. 1 let. b PA, puisqu'elle
revient à constater que les biens sur lesquels le recourant prétend être
désintéressé restent bloqués, en exécution de l'ordonnance du 15 décembre
2003.

  4.6  En conclusion, la décision entreprise constitue bien une décision au
sens de l'art. 5 PA, à l'encontre de laquelle le recours de droit
administratif est ouvert selon l'art. 97 al. 1 OJ.
  (...)

Erwägung 6

  6.  La décision attaquée concrétise, pour le recourant, l'ordonnance
rendue le 15 décembre 2003 par le Conseil fédéral, laquelle se fonde sur
l'art. 184 al. 3 Cst. Il s'agit donc d'une décision d'exécution d'une mesure
prise pour la sauvegarde des intérêts du pays.

  6.1  A teneur de l'art. 100 al. 1 let. a OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable contre les décisions concernant la sûreté
intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique,
la coopération au développement et l'aide humanitaire ainsi que les autres
affaires intéressant les relations extérieures. En outre, il résulte de
l'art. 98 OJ que les décisions du Conseil fédéral ne peuvent être attaquées
par un recours de droit administratif que si elles portent sur les rapports
de service du personnel fédéral, autant que le Conseil fédéral statue comme
autorité de première instance (let. a), ou concernent la destitution de
membres d'organes de la Banque nationale suisse (let. abis). Le présent
recours serait donc en principe irrecevable.

  Selon la jurisprudence, les dispositions précitées ne font toutefois pas
obstacle au recours de droit administratif lorsqu'une mesure prise pour la
sauvegarde des intérêts de la Suisse porte sur des droits et obligations de
caractère civil au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH et qu'un contrôle judiciaire
s'impose au regard des exigences du droit conventionnel (ATF 125 II 417
consid. 4 p. 420 ss). On peut au demeurant observer que l'art. 183 let. a de
la loi du 17 juin 2005

sur le Tribunal fédéral (LTF; FF 2005 p. 3829 ss, 3850), non encore en
vigueur, reprend le texte de l'art. 100 al. 1 let. a OJ, avec toutefois la
réserve "à moins que le droit international ne prévoie que la cause peut
être jugée par un tribunal".

  Le recourant se prévaut de la jurisprudence précitée, dont le DFAE
soutient au contraire qu'elle n'est pas applicable en l'espèce.

  6.2  L'art. 6 par. 1 CEDH confère notamment à toute personne le droit à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable par un tribunal indépendant et impartial lorsqu'il s'agit de
décider de "contestations sur ses droits et obligations de caractère civil".

  Cette disposition implique l'existence d'une contestation réelle et
sérieuse. Celle-ci peut porter aussi bien sur l'existence même d'un droit
que sur son étendue ou les modalités de son exercice. Ce droit doit
toutefois être en rapport suffisamment étroit avec l'issue de la procédure,
qui doit être directement déterminante pour son exercice; un lien ténu ou
des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu l'art. 6
par. 1 CEDH (ATF 130 I 388 consid. 5.1 p. 394; 127 I 115 consid. 5b p.
120/121; arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les causes
Athanassoglou et autres contre Suisse du 6 avril 2000, Recueil CourEDH
2000-IV p. 217, par. 43; Werner contre Autriche du 24 novembre 1997, Recueil
CourEDH 1997-VII p. 2496, par. 34; Balmer-Schafroth et autres contre Suisse
du 26 août 1997, Recueil CourEDH 1997-IV p. 1346, par. 32 et les arrêts
cités).

  Par "contestation", au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre tout
litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier et une
autorité étatique. Sont donc visés non seulement les contestations de droit
privé au sens étroit, soit les litiges qui surgissent entre particuliers ou
entre un particulier et l'Etat agissant au même titre qu'une personne
privée, mais aussi les actes administratifs adoptés par une autorité dans
l'exercice de la puissance publique, pour autant qu'ils produisent un effet
déterminant sur des droits de caractère civil (ATF 130 I 388 consid. 5.1 p.
394; 127 I 115 consid. 5b/aa et bb p. 121).

  Sont des "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'art. 6
par. 1 CEDH ceux dont on peut prétendre, au moins de manière défendable,
qu'ils sont reconnus en droit interne, sans qu'il importe qu'ils soient
protégés ou non par la Convention (ATF 127 I 115

consid. 5b p. 121). Autrement dit, l'application de l'art. 6 par. 1 CEDH
suppose une prétention civile pouvant être déduite du droit interne (ATF 130
I 388 consid. 5.1 p. 394).

  Il a été jugé que la confiscation de matériel de propagande en vue de sa
destruction constitue une atteinte aux droits patrimoniaux relevant du volet
civil de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 125 II 417 consid. 4b p. 420). A
également été considérée comme constitutive d'une telle atteinte la saisie,
même provisoire, de plants de chanvre, lorsque cette mesure empêche
l'utilisation du matériel saisi, le dévalorise et entrave l'activité du
détenteur pour une période déterminée (ATF 129 I 103 consid. 2.3 p. 107/108;
cf. aussi arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les causes
Linnekogel contre Suisse du 1er mars 2005, publié in JAAC 69/2005 n° 138 p.
1646, relatif à la saisie de documents, Baumann contre France du 22 mai
2001, Recueil CourEDH 2001-V p. 189, relatif à la saisie d'un passeport, Air
Canada contre Royaume-Uni du 5 mai 1995, Série A, vol. 316 A, relatif à la
saisie d'un avion).

  6.3  Par le jugement cantonal vaudois du 14 mars 2001, entré en force, les
hoirs de feu Mobutu ont été condamnés à payer une somme de 2'351'133 fr. 70,
avec intérêts à 5 % dès le 16 juin 1995, au recourant, qui, selon le tableau
de distribution de l'OP de Lavaux du 21 octobre 2002, s'est vu attribuer un
dividende de 2'515'731 fr. L'ordonnance du Conseil fédéral du 17 mai 1997,
puis les séquestres ordonnés pour les besoins de la procédure d'entraide ont
toutefois fait obstacle au versement de ce montant. L'effet de ce blocage a
été prolongé pour une durée d'au moins trois ans depuis le 15 décembre 2003
par l'ordonnance rendue à cette date par le Conseil fédéral, que la décision
attaquée déclare applicable aux avoirs revendiqués par le recourant. La
somme à laquelle ce dernier a droit se trouve donc sous le coup d'un blocage
susceptible de durer jusqu'au 15 décembre 2006, voire au-delà. A cela
s'ajoute que le DFAE, selon ce qu'il indique notamment dans sa réponse du 8
juillet 2004, envisage d'allouer tout ou partie des fonds bloqués au
gouvernement congolais et aux hoirs de Mobutu, de sorte que le recourant est
exposé au risque d'être dépossédé de tout ou partie des fonds qui lui
reviennent.

  Ainsi, la décision attaquée équivaut, au mieux, à une saisie de la somme
reconnue au recourant pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans ou
plus, et, au pire, à une privation totale ou partielle de ses droits
patrimoniaux. Elle le touche donc directement et

de manière déterminante dans ses droits de caractère civil. Dès lors, le
litige qui oppose le recourant au DFAE porte sur une "contestation sur des
droits ou obligations de caractère civil" au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH.

  6.4  La décision attaquée rend opposable au recourant l'ordonnance du
Conseil fédéral du 15 décembre 2003, qui se fonde sur l'art. 184 al. 3 Cst.
(sauvegarde des intérêts du pays) et dont on peut se demander si elle
constitue un "acte de gouvernement" (cf. ATF 129 II 193 consid. 4.2.2 p.
206; 125 II 417 consid. 4b p. 427; cf. également arrêt 1A.157/2005, du 6
octobre 2005, consid. 3). Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher la
question, dès lors que cette qualité, le cas échéant, ne l'exclurait pas du
champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH, vu son incidence directe et
déterminante sur les droits de caractère civil du recourant (ATF 130 I 388
consid. 5.2 et 5.3 p. 396 ss; 125 II 417 consid. 4b p. 420 ss).

  6.5  De ce qui précède, il suit que le recourant dispose d'un droit,
découlant directement de l'art. 6 par. 1 CEDH, à ce que la procédure
relative au blocage d'avoirs qu'il est fondé à revendiquer soit conforme aux
exigences d'un procès équitable au sens de cette disposition, qui implique
notamment que l'accès à une voie de droit soit garanti. Cela commande
d'interpréter l'OJ conformément au droit conventionnel directement
applicable (ATF 130 I 312 consid. 1.1 p. 317/318; 125 II 417 consid. 4c et d
p. 424 ss) et, partant, d'admettre la recevabilité du recours à l'encontre
de la décision attaquée.
  (...)
  II. Examen au fond

Erwägung 9

  9.  Se fondant sur les art. 6 par. 1 CEDH et 29a Cst., le recourant
invoque une violation du principe de la séparation des pouvoirs et "des
garanties de procédure". Il fait valoir que le blocage des avoirs qu'il
revendique n'a en réalité d'autre but que de permettre au gouvernement, soit
à l'autorité exécutive, de décider du sort définitif de ceux-ci, sur lequel
un tribunal a toutefois statué par un jugement entré en force. La décision
attaquée empiéterait ainsi sur une compétence juridictionnelle et violerait
son droit à un tribunal indépendant.

  9.1  La décision attaquée rend le blocage ordonné le 15 décembre 2003 par
le Conseil fédéral applicable aux avoirs revendiqués par le recourant sur la
base du jugement cantonal vaudois du 14 mars 2001. Elle a ainsi pour effet
de paralyser l'exécution de ce jugement,

qui est entré en force. La question est dès lors de savoir si, au vu de cet
effet, elle viole les droits de rang constitutionnel invoqués par le
recourant.

  9.2  L'art. 29a Cst., accepté en votation populaire le 12 mars 2000,
consacre la garantie de l'accès au juge, en conférant, sauf cas
exceptionnels, à toute personne le droit à ce que sa cause soit jugée par
une autorité judiciaire. Cette disposition, comme le recourant l'admet,
n'est toutefois pas encore en vigueur (cf. arrêté fédéral du 8 octobre 1999
relatif à la réforme de la justice; RO 2002 p. 3148, 3150) ni, partant,
applicable.

  L'art. 6 par. 1 CEDH, également invoqué par le recourant, consacre
toutefois une garantie équivalente, en tant qu'il confère à toute personne
le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant. Peut
se prévaloir de cette disposition quiconque, estimant illégale une ingérence
de l'Etat dans l'exercice de l'un de ses droits (notamment de caractère
civil), se plaint de n'avoir pas eu l'occasion de soumettre cette
contestation à un tribunal répondant aux exigences conventionnelles (ATF 130
I 312 consid. 3.1 p. 323). Le droit à un tribunal indépendant implique que
le justiciable puisse soumettre sa cause à un tribunal qui soit à l'abri de
pressions extérieures, à même de statuer sans recevoir d'instructions ou de
recommandations (ATF 123 II 511 consid. 5c p. 517/518 et la jurisprudence
européenne citée). A cet égard, le principe de la séparation des pouvoirs
également invoqué par le recourant n'a pas de portée propre.

  9.3  Il est incontestable, et cela n'est du reste pas contesté, que le
jugement cantonal vaudois du 14 mars 2001, qui, au demeurant, est antérieur
au blocage litigieux et admet le bien-fondé de la créance du recourant, a
été rendu par un tribunal qui a statué en toute indépendance, sans subir
d'influence de la part d'une quelconque autorité exécutive. Ce que la
décision attaquée paralyse c'est l'exécution de ce jugement par l'autorité
compétente à cet effet, soit l'OP de Lavaux, lequel n'est toutefois pas une
autorité judiciaire. Par ailleurs, le refus de cette autorité, "vu les
circonstances", c'est-à-dire vu le blocage prononcé dans l'intervalle par le
Conseil fédéral, de procéder à la distribution du produit des réalisations
en faveur du recourant, a pu être contesté par ce dernier dans le cadre de
la procédure qu'il avait initiée par sa plainte au sens de l'art. 17 LP. Or,
cette procédure judiciaire a été menée, jusqu'en dernière instance,

sans ingérence aucune de l'autorité exécutive. En première puis en seconde
instance cantonale, le recourant a du reste obtenu gain de cause et il est
évident que ce n'est pas parce que, sur recours de la Confédération, il a
été débouté en dernière instance, en application des règles de la LP, par la
Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral que celle-ci
n'aurait pas statué en toute indépendance. Cela n'est d'ailleurs en rien
contesté. On ne discerne donc aucune violation du droit à un tribunal
indépendant ni du principe de la séparation des pouvoirs.

  Ce qui précède ne préjuge certes pas de la conformité à la Constitution de
la décision attaquée, en tant qu'elle a pour effet de paralyser l'exécution,
par l'autorité exécutive compétente pour y procéder, du jugement cantonal
vaudois du 14 mars 2001. Dans la mesure où elle porte ainsi atteinte à un
droit fondamental du recourant, notamment à la garantie de la propriété
(art. 26 Cst.) qu'il invoque, la mesure de blocage qu'elle lui oppose doit,
à l'instar de toute mesure restrictive d'un droit fondamental, reposer sur
une base légale suffisante, être justifiée par un intérêt public et être
proportionnée au but visé (art. 36 al. 1-3 Cst.; ATF 131 I 333 consid. 4 p.
339). Savoir si la décision attaquée satisfait à ces exigences constitue
toutefois une question distincte, que le recourant soulève du reste dans des
griefs séparés, tirés de la violation des principes de la légalité et de la
proportionnalité.

Erwägung 10

  10.  Invoquant les art. 5 et 36 Cst. en relation avec l'art. 184 al. 3
Cst., le recourant se plaint d'une violation du principe de la légalité. Il
soutient que l'ordonnance du Conseil fédéral du 15 décembre 2003, sur
laquelle repose la décision attaquée, ne remplit pas les conditions de
l'art. 184 al. 3 Cst. sur lequel elle se fonde directement.

  10.1  Ancré à l'art. 5 al. 1 Cst., le principe de la légalité implique que
le droit soit la base et la limite de l'activité de l'Etat. En particulier,
toute restriction d'un droit fondamental doit - sous réserve des cas de
danger sérieux, direct et imminent - être fondée sur une base légale; s'il
s'agit d'une restriction grave, elle doit être prévue par une loi (art. 36
al. 1 Cst.).

  L'art. 184 al. 3 Cst. permet au Conseil fédéral, dans les "relations avec
l'étranger" (cf. titre marginal de l'art. 184 Cst.), de prendre des mesures,
sous la forme d'ordonnances ou de décisions, lorsque "la sauvegarde des
intérêts du pays l'exige", pour autant qu'elles soient

"nécessaires" et "limitées dans le temps". Cette disposition suppose donc
que la mesure prise vise à sauvegarder les intérêts du pays dans les
relations avec l'étranger, qu'elle soit nécessaire et urgente et que sa
durée soit limitée dans le temps. Lorsque ces conditions sont réalisées,
l'art. 184 al. 3 Cst. constitue une base légale suffisante pour la
restriction des libertés fondamentales, autant que ces restrictions soient
par ailleurs justifiées par un intérêt public et proportionnées au but visé
(ATF 129 II 193 consid. 5.3.3 p. 212; art. 36 al. 2 et 3 Cst.).

  10.2  L'ordonnance du 15 décembre 2003 s'inscrit dans le prolongement de
mesures similaires ordonnées dans le cadre de la procédure d'entraide. Selon
les explications fournies par le DFAE, notamment dans sa réponse du 8
juillet 2004, le but du Conseil fédéral était de faire en sorte que les
avoirs de feu Mobutu et de son entourage se trouvant en Suisse, susceptibles
de provenir de l'importante fortune qu'il s'était constituée au préjudice du
peuple congolais, puissent revenir autant que possible à ce dernier. Il
voulait éviter par là que la Suisse puisse se voir reprocher d'avoir négligé
de faire ce qu'elle pouvait pour atteindre ce but et que sa réputation ne
soit ainsi ternie sur le plan international. A cette fin, il entendait
maintenir le blocage des avoirs de feu Mobutu et de son entourage ordonné
dans le cadre de la procédure d'entraide et qui, vu le non-aboutissement de
celle-ci, allait être levé. Le maintien de ce blocage devait permettre de
rechercher par la négociation une solution aussi satisfaisante que possible
pour toutes les parties concernées, soit les autorités congolaises, les
héritiers de feu Mobutu et de son entourage et les créanciers tiers. Le
blocage litigieux paraît donc bien avoir été ordonné en vue de sauvegarder
les intérêts du pays dans les relations avec l'étranger, au sens de l'art.
184 al. 3 Cst., ce qui, en soi, n'est d'ailleurs pas réellement contesté.

  10.3  Savoir si une mesure est nécessaire à la sauvegarde des intérêts de
la Suisse dans les relations avec l'étranger est une question de droit, que
le Tribunal fédéral examine donc librement. Au vu de ses implications
politiques, elle comporte toutefois une importante marge d'appréciation,
justifiant de procéder à cet examen avec une grande réserve. Par conséquent,
le Tribunal fédéral, outre qu'il ne saurait procéder à un contrôle de
l'opportunité de la mesure (art. 104 let. c OJ), revoit certes librement la
question de la nécessité de celle-ci, mais fait preuve d'une grande retenue
dans l'appréciation des faits et la pesée des intérêts en présence (cf. ATF
129 II 193

consid. 5.1 p. 208), qu'il ne revoit, pratiquement, que sous l'angle de
l'arbitraire.

  Comme déjà relevé, le blocage ordonné le 15 décembre 2003 était destiné à
se substituer aux mesures similaires décidées dans le cadre de la procédure
d'entraide, qui, faute d'aboutissement, était sur le point d'être close. Or,
l'échec de cette procédure semble largement, si ce n'est uniquement,
s'expliquer par le manque d'empressement des autorités congolaises à la
faire aboutir. On peut dès lors s'interroger quant à la nécessité de
maintenir un blocage ordonné dans le cadre de cette procédure, qui avait
duré plus de six ans, au-delà du terme de celle-ci. Il résulte toutefois du
dossier, notamment de la réponse du DFAE du 8 juillet 2004, que, pour le
Conseil fédéral, des impératifs de politique extérieure commandaient de
maintenir encore pendant un certain temps le blocage, afin de rechercher une
solution négociée avec toutes les parties concernées, qui permette de
restituer autant que possible au peuple congolais l'argent dont il avait été
spolié sous le régime de feu Mobutu; il convenait d'éviter que la Suisse ne
s'expose à des critiques, au motif qu'elle n'aurait, au-delà de l'échec de
la procédure d'entraide, rien tenté en ce sens, alors qu'elle prétend par
ailleurs jouer un rôle important sur le plan humanitaire international. Au
vu de ces considérations, de nature éminemment politique et que le Tribunal
fédéral doit dès lors apprécier avec une très grande retenue, le blocage en
question pouvait en soi être considéré comme nécessaire au vu de son but,
soit la sauvegarde des intérêts de la Suisse dans les relations avec
l'étranger. Il n'était en tout cas pas insoutenable de l'admettre.

  10.4  Etant destiné à se substituer aux mesures similaires décidées dans
le cadre de l'entraide, que l'autorité compétente s'apprêtait à lever, le
blocage en question devait être ordonné rapidement. A ce défaut, le risque
existait que les fonds ne soient plus disponibles, ce qui aurait rendu vaine
la solution envisagée par le Conseil fédéral pour parvenir au but qu'il
poursuivait. Au moment où le blocage litigieux a été décidé, il était donc
urgent de l'ordonner.

  10.5  Le blocage du 15 décembre 2003 a été ordonné "pour une période
initiale de trois ans". De cette formulation, on doit déduire qu'il est en
principe prévu pour une période de trois ans, mais que sa durée est
susceptible d'être prolongée. Qu'une prolongation soit possible ne permet
toutefois pas d'affirmer que le blocage serait en réalité de durée illimitée
ni que le Conseil fédéral se réservait de le

maintenir indéfiniment. Il résulte en effet clairement du dossier qu'il
s'agit d'une mesure provisoire, ne devant en principe pas excéder trois ans.

  10.6  Il découle de ce qui précède que le blocage ordonné le 15 décembre
2003 par le Conseil fédéral a été décidé en vue de sauvegarder les intérêts
de la Suisse dans les relations avec l'étranger, qu'il était nécessaire et
urgent de l'ordonner pour atteindre le but visé et que sa durée est limitée
dans le temps. Dans cette mesure, il satisfait en principe aux conditions de
l'art. 184 al. 3 Cst.

Erwägung 11

  11.  Le recourant fait valoir que l'ordonnance de blocage du 15 décembre
2003 viole le principe de la proportionnalité.

  11.1  Le recours a pour objet, non pas l'ordonnance du Conseil fédéral du
15 décembre 2003, mais la décision du DFAE du 14 mai 2004. La première de
ces décisions ne pouvait donc être examinée en elle-même que dans la mesure
où le recourant prétendait que, faute de satisfaire aux conditions de l'art.
184 al. 3 Cst., elle ne constituait pas une base légale suffisante pour la
décision attaquée. Pour le surplus, il n'y a en revanche pas lieu d'examiner
ce qu'il en est de la validité d'une manière générale de l'ordonnance du 15
décembre 2003, dès lors qu'elle ne fait pas directement l'objet du présent
recours. La question ici n'est donc pas de savoir si l'ordonnance du 15
décembre 2003 est d'une manière générale conforme au principe de la
proportionnalité, mais si la décision du 14 mai 2004 respecte ce principe en
tant qu'elle déclare le blocage applicable aux avoirs revendiqués par le
recourant, soit à ceux qu'il réclame sur la base du jugement cantonal
vaudois du 14 mars 2001, reconnaissant les hoirs de Mobutu débiteurs
solidaires envers lui pour un montant total de 2'351'133 fr. 70.

  11.2  Le recourant invoque une atteinte à ses droits de créancier protégés
par l'art. 26 al. 1 Cst., qui garantit la propriété. Dans la mesure où la
décision attaquée rend le blocage du 15 décembre 2003 applicable aux avoirs
revendiqués par le recourant, elle porte effectivement atteinte à cette
garantie, dès lors qu'elle fait obstacle à la libre disposition par ce
dernier des avoirs qu'il revendique. Comme telle, elle doit donc respecter
le principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.), ce qui s'impose
également au regard de l'art. 184

al. 3 Cst. sur lequel le blocage est fondé (cf. supra, consid. 10.1 in fine
et la jurisprudence citée; cf. également ATF 123 IV 29 consid. 3a p. 34).

  11.3  Pour qu'une mesure soit conforme au principe de la proportionnalité,
il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse
être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport
raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de l'administré
et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474
consid. 3 p. 482 et les arrêts cités).

  11.4  En substance, le but du blocage litigieux est de sauvegarder les
intérêts de la Suisse, notamment sa réputation, par la recherche d'une
solution négociée avec toutes les parties concernées, y compris les
créanciers, par les avoirs de feu Mobutu et de son entourage, permettant
autant que possible de restituer ceux-ci au peuple congolais (cf. supra,
consid. 10.2). Dans la mesure où il porte sur les avoirs revendiqués par le
recourant, ce blocage n'apparaît toutefois pas apte à atteindre le but ainsi
visé.

  S'agissant de ces avoirs, le recourant est en effet au bénéfice d'un
jugement définitif et exécutoire, soit le jugement cantonal vaudois du 14
mars 2001. La créance qu'il peut faire valoir à ce titre n'est dès lors pas
négociable, du moins sans son accord. Or, dès l'entrée en force, le 5
juillet 2001, du jugement précité, le recourant s'en est prévalu dans divers
courriers qu'il a adressés à l'OFJ, en sollicitant la levée des mesures de
blocage ordonnées dans le cadre de la procédure d'entraide alors pendante.
Le 30 janvier 2002, il s'est adressé, dans le même sens, directement au
DFAE, en soulignant qu'il était depuis plusieurs mois au bénéfice d'un
jugement définitif et exécutoire. Par la suite, il est revenu à la charge à
plusieurs reprises, auprès de l'OFJ, en février, avril, juillet et août
2002. Ultérieurement, il a initié une procédure de plainte au sens de l'art.
17 LP contre le refus de l'OP de Lavaux, vu le blocage, de procéder à la
distribution des deniers en sa faveur. Il était ainsi clair que le recourant
était résolu à obtenir la libération de l'intégralité des avoirs qu'il
revendiquait sur la base du jugement du 14 mars 2001 et qu'il ne
consentirait pas à les négocier. Le caractère réitéré, le contenu et la
fermeté de ton de ses courriers ne laissent pas subsister de doute à ce
sujet. Dans ces conditions, il ne pouvait être escompté que le blocage des
avoirs en question permettrait d'atteindre le but visé, qui impliquait un
consentement du recourant à négocier sa créance, qu'il n'était manifestement
pas disposé à accorder.

  11.5  Au demeurant, en tant que le blocage litigieux porte sur les avoirs
revendiqués par le recourant, on ne voit pas que l'intérêt public à son
prononcé, respectivement à son maintien, puisse l'emporter sur l'intérêt
privé du recourant à sa levée. En soi et de manière générale, le blocage du
15 décembre 2003 pouvait être considéré comme nécessaire à la sauvegarde des
intérêts de la Suisse, notamment de sa réputation; sans doute n'est-il pas
insoutenable de l'admettre (cf. supra, consid. 10.3). Dans la mesure où ce
blocage porte sur les avoirs revendiqués par le recourant sur la base du
jugement cantonal vaudois du 14 mars 2001, l'intérêt public à préserver
l'image de la Suisse ne peut toutefois prévaloir sur celui du recourant à
obtenir l'exécution de ce jugement. On ne voit pas que l'image de la Suisse
puisse être mise en péril par l'amputation de la somme reconnue au recourant
par ce jugement ni, plus généralement, que la Suisse puisse se voir
reprocher d'avoir exécuté un jugement rendu au terme d'une procédure
conforme à la Constitution et aux règles de procédure civile applicables. On
le voit d'autant moins que les autorités congolaises se sont désintéressées
de la procédure d'entraide et que le blocage avait déjà été partiellement
levé pour permettre le désintéressement des créanciers publics, qui ont tous
été payés.

  11.6  Eût-il été apte à atteindre le but visé et justifié par un intérêt
public prépondérant, que le blocage litigieux, dans la mesure où il porte
sur les avoirs revendiqués par le recourant, serait de toute manière
disproportionné de par sa durée. Au moment de son prononcé, le 15 décembre
2003, les avoirs en question, sous l'empire des mesures similaires ordonnées
dans le cadre de l'entraide, étaient déjà bloqués depuis mai 1997, soit
depuis six ans et demi. La nouvelle mesure a été prise pour une "période
initiale de trois ans", soit jusqu'au 15 décembre 2006, sous réserve de
prolongation. Une telle durée, pour ce qui est des avoirs revendiqués par le
recourant, est excessive. S'agissant de ces avoirs, les démarches à
entreprendre se fussent en effet essentiellement réduites à tenter d'ultimes
discussions avec le recourant pour le convaincre d'accepter de négocier.
Pour ce faire, un délai d'une telle longueur est disproportionné. Au
demeurant, une durée excessive doit d'autant plus être admise que le DFAE ne
semble pas avoir l'intention de lever le blocage, puisqu'il continue des
négociations apparemment très laborieuses du fait des autorités congolaises.

  11.7  En conclusion, le blocage litigieux, dans la mesure où il s'applique
aux avoirs revendiqués par le recourant sur la base du jugement cantonal
vaudois du 14 mars 2001, viole le principe de la proportionnalité.