Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 175



Urteilskopf

132 I 175

  21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A.X.
et B.X. contre Administration fiscale cantonale ainsi que Tribunal
administratif du canton de Genève (recours de droit public)
  2P.211/2005 du 19 juin 2006

Regeste

  Art. 9 BV; verbuchte ordentliche Abschreibung auf einer Liegenschaft, die
zum Geschäftsvermögen der Beschwerdeführer gehört.

  Definition der Abschreibung, Berechnungsmethoden und Voraussetzungen,
unter denen die Abschreibung vom steuerbaren Gewinn abgezogen werden kann
(E. 1 und 2).

  Vorliegend erscheint die Verweigerung einer Abschreibung, die nach einer
zulässigen Methode und zu einem in einem Merkblatt der Eidgenössischen
Steuerverwaltung festgesetzten Satz verbucht worden ist, ohne Prüfung der
näheren Umstände als willkürlich, umso mehr, als einzig ein Rechnungsjahr
Gegenstand der Korrektur gewesen war (E. 3).

Sachverhalt

  Dans leur déclaration pour l'impôt cantonal et communal 1998, A.X.,
administrateur et président de la société de construction X. & Cie SA et
exerçant, en outre, une activité accessoire dans ce domaine, et B.X. ont
déclaré une perte de 365'315 fr. ainsi qu'une fortune nette négative de
832'913 fr. Cette perte était déterminée compte tenu d'un amortissement
ordinaire de 4 %, soit 194'400 fr., comptabilisé sur un bâtiment industriel
et artisanal appartenant à la fortune commerciale des recourants dont la
valeur comptable (coût total de construction) avant amortissement était au
31 décembre 1997 de 4'860'000 fr.

  Dans sa décision de taxation du 15 décembre 1999 et sa décision sur
réclamation du 9 septembre 2003, l'Administration fiscale cantonale du
canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) n'a pas
admis cet amortissement.

  Le 22 novembre 2004, la Commission cantonale de recours en matière
d'impôts du canton de Genève a admis le recours des époux X. Elle a renvoyé
la cause à l'Administration fiscale cantonale pour une nouvelle décision
tenant compte de l'amortissement de 194'400 fr. sur l'immeuble en question.

  Le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif) a admis le recours de l'Administration fiscale cantonale par
arrêt du 14 juin 2005. Il a jugé que, bien que l'immeuble appartînt au
patrimoine professionnel de A.X., l'amortissement de 4 % ne pouvait être
accepté, la dépréciation périodique et progressive de l'immeuble n'ayant pas
été établie.

  Agissant par la voie du recours de droit public, les époux X. concluent à
l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif du 14 juin 2005. Ils
estiment que ledit Tribunal a commis un déni de justice et a appliqué la
législation cantonale relevante de manière arbitraire.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.

  1.1  Le Tribunal administratif, dans une motivation très succincte, a
admis le recours de l'Administration fiscale cantonale et refusé
l'amortissement de 4 %, soit 194'400 fr., comptabilisé sur un bâtiment
industriel et artisanal appartenant à la fortune commerciale des recourants
et loué à des tiers. Selon ce Tribunal, la dépréciation

périodique et progressive de l'immeuble n'aurait pas été établie par les
recourants. Il semble, en outre, admettre que la perte de valeur du bien
immobilier serait compensée par les revenus provenant de la location du bien
en cause et encaissés par le propriétaire, soit les recourants. Finalement,
l'Administration fiscale cantonale pouvait refuser la déduction de cet
amortissement lors de la période fiscale 1998 alors qu'elle l'avait admis
les années antérieures.

  Les intéressés estiment qu'en refusant cet amortissement de 4 %, le
Tribunal administratif a appliqué la loi générale genevoise du 9 novembre
1887 sur les contributions publiques (ci-après: LCP) de façon arbitraire. Ce
d'autant plus qu'un amortissement identique avait été comptabilisé et admis
en déduction par l'Administration fiscale cantonale pour les périodes
fiscales 1996, 1997 et qu'il en a été de même pour les périodes 1999, 2001
et 2002.

  1.2  Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint
de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En
revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne
s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la
disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera
confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse -
paraît possible (ATF 117 Ia 97 consid. 5b p. 106, 292 consid. 3a p. 294 et
les références citées; sur la notion d'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF
129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et la jurisprudence citée).

Erwägung 2

  2.

  2.1  L'art. 21 let. g LCP, en vigueur lors de la période fiscale 1998,
prévoit que sont déduits de l'ensemble des revenus bruts:

   "les frais nécessaires pour la conservation et l'entretien des biens du
    contribuable et de leur revenu, ainsi que les amortissements justifiés
    par l'usage commercial ou par la dépréciation effective qu'ont subie ces
    biens au cours de l'année; sont exceptés les amortissements d'éléments
    incorporels tels que bail et clientèle;"

  2.2  Le droit fiscal considère le solde du compte de pertes et profits,
établi dans le respect des normes légales topiques, comme déterminant pour
l'établissement du bénéfice imposable (Massgeblichkeitsprinzip), sous
réserve de règles correctrices spécifiques de droit fiscal

(URS BEHNISCH, Zur Massgeblichkeit der Handelsbilanz für die Steuerbilanz,
in Aktienrecht 1992-1997: Versuch einer Bilanz, p. 21 ss; MARKUS REICH, in
Martin Zweifel/Peter Athanas, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht,
vol. I/2a, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG] n. 19 ss ad art.
18 LIFD p. 161 ss, et PETER BRÜLISAUER/STEPHAN KUHN, in Martin Zweifel/Peter
Athanas, op. cit., n. 7 ss ad art. 58 LIFD p. 644 ss).

  En droit commercial, les amortissements sont la constatation comptable de
la perte subie par la valeur d'actifs immobilisés qui se déprécient avec le
temps (Chambre fiduciaire, Manuel suisse d'audit 1998, tome 1, n. 2.3508 p.
261; cf. art. 665, 669 et 960 al. 2 CO). Le poste d'actif concerné est
diminué pour tenir compte de sa dépréciation. En droit fiscal, les
amortissements sont admis en déduction du bénéfice imposable pour autant
que, s'agissant de personnes physiques, le contribuable exerce une activité
indépendante, et que le bien amorti appartienne à sa fortune commerciale.
Ils doivent être justifiés par l'usage commercial et correspondre à une
dépréciation réelle des actifs. Si le contribuable ne tient pas de
comptabilité, ils doivent faire l'objet d'un plan spécial d'amortissements.

  L'amortissement ordinaire devrait correspondre à la dépréciation réelle du
bien qui peut varier d'un exercice à l'autre. Toutefois, la méthode
consistant à répartir l'amortissement en fonction de la durée probable de
vie de l'actif peut être utilisée pour des raisons de simplification (cf.
art. 28 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct
[LIFD; RS 642.11]). L'amortissement mathématique peut se présenter sous deux
formes: l'amortissement linéaire se calcule sur la valeur d'acquisition ou
sur le prix de revient, de sorte que le montant de l'amortissement est
constant d'année en année; l'amortissement dégressif est basé sur la valeur
comptable résiduelle, le montant de l'amortissement sera ainsi plus élevé au
cours des premières années d'utilisation (ERNST BLUMENSTEIN/PETER LOCHER,
System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., § 15, p. 254 ss; ERNST
HÖHN/ROBERT WALBURGER, Steuerrecht, 9e éd., vol. II, § 46, n. 65 ss, p. 334
ss; PIERRE-ALAIN LOOSLI, L'entreprise en raison individuelle, Imposition du
revenu et de la fortune en droit genevois et fédéral, p. 49 ss; XAVIER
OBERSON, Droit fiscal suisse, 2e éd., § 7, n. 204 ss, p. 136 ss). En
principe, les taux d'amortissement admis sur le plan fiscal sont fixés par
les autorités fiscales; tel est, par exemple, le cas pour l'impôt fédéral
direct: l'Administration fédérale des contributions a publié la "Notice A
1995 relative aux amortissements

sur les valeurs immobilisées des entreprises commerciales" (ci-après: la
notice A; Archives 63 p. 638 ss) qui indique les taux d'amortissement
normaux en pour cent de la valeur comptable en fonction des divers types
d'immeubles selon qu'ils portent sur le bâtiment uniquement ou sur le
bâtiment et le terrain ensemble.

  2.3  Pour les immeubles, comme pour tous les autres actifs,
l'amortissement se justifie uniquement si le bien se déprécie avec son usage
ou l'écoulement du temps (JÜRG B. ALTORFER, Abschreibungen auf Aktiven des
Anlagevermögens aus steuerlicher Sicht, n. 4.3.2 p. 78). Un bien qui ne
subit aucune dépréciation ne doit pas être amorti, quelle que soit la
méthode d'amortissement; à cet égard, l'usage commercial ne saurait créer ou
justifier un droit à l'amortissement en l'absence de moins-value. Tel peut
être le cas lorsqu'un immeuble est correctement entretenu. En outre,
s'agissant d'immeubles, il n'est pas rare que l'augmentation de la valeur du
terrain compense le vieillissement du bâtiment.

Erwägung 3

  3.  En l'espèce, il n'est pas contesté que l'immeuble des recourants
appartient à leur fortune commerciale. Il s'agit de plusieurs bâtiments,
construits en 1994-1995, de plein pied - sans étage - en structure
métallique. Ces locaux loués sont utilisés comme dépôts industriels ou comme
locaux de travail par des artisans. D'après sa nature, soit une construction
métallique légère, l'immeuble est susceptible de subir des moins-values. Les
recourants ont ainsi choisi d'amortir leur immeuble en fonction de sa durée
de vie moyenne de façon linéaire à un taux de 4 % par an - le taux fixé par
l'Administration fédérale des contributions, dans la notice A susmentionnée,
pour les entrepôts et immeubles artisanaux est de 8 % si l'amortissement est
calculé sur la valeur comptable, et de 4 % s'il l'est sur la valeur
d'acquisition - calculé sur le prix de revient, soit un amortissement de
194'400 fr.

  L'argument de l'Administration fiscale cantonale, implicitement repris par
le Tribunal administratif, selon lequel des amortissements ne sauraient être
admis car les loyers encaissés compensent la perte de valeur du bien, n'est
pas pertinent. Qu'un immeuble faisant partie de la fortune commerciale de
son propriétaire soit loué ou non ne joue pas de rôle en ce qui concerne son
amortissement. Au demeurant, les loyers encaissés, même s'ils compensent une
éventuelle moins-value, doivent être déclarés pour leurs montants bruts, et
non pas nets. Des installations louées, faites aux frais du propriétaire,

peuvent être amorties en cas de moins-value. L'art. 21 let. g LCP ne limite
d'ailleurs pas les amortissements aux actifs d'exploitation du contribuable
lui-même. Tous les actifs faisant partie de la fortune commerciale, même les
actifs de placement, peuvent faire l'objet d'amortissements en cas de
moins-value.

  En outre, l'apparition occasionnelle de réserves latentes n'est en
principe pas un motif pour supprimer un amortissement justifié par l'usage
commercial. En cas d'amortissement linéaire, l'apparition de telles réserves
ne donne lieu à correction que si elles sont constantes. Dans cette
hypothèse, il faut examiner si le taux d'amortissement n'est pas trop élevé.
Une réserve latente au regard de la valeur fiscale apparue en 1997, comme
c'est le cas en l'espèce, ne justifierait la suppression de l'amortissement
que s'il est établi que le taux de l'amortissement est durablement trop
élevé ou que l'immeuble ne subit pas de moins-value à long terme. A cet
égard, le fisc doit respecter la méthode choisie par le contribuable
lorsqu'elle est justifiée par l'usage commercial et que celui-là s'y tient;
il ne peut reprendre des amortissements effectués que si la méthode est
inappropriée, n'est pas appliquée de manière cohérente ou crée durablement
des réserves latentes.

  Or, le Tribunal administratif s'est borné à annuler l'amortissement au
motif que la dépréciation périodique et progressive des bâtiments n'était
pas avérée et que la valeur comptable était inférieure à la valeur fiscale.
Il n'a pas examiné si l'immeuble subissait ou non de fait globalement une
moins-value, ou si le taux d'amortissement utilisé, repris de la notice A de
l'Administration fédérale des contributions, était trop élevé - auquel cas
ce taux aurait pu être modifié.

  Au vu de ce qui précède, la suppression de l'amortissement sans examen de
la situation en cause, c'est-à-dire sans établir au préalable que l'immeuble
ne subit aucune moins-value ou que le taux d'amortissement fixé en fonction
de la durée de vie des bâtiments est trop élevé, apparaît arbitraire,
d'autant que seul un exercice a fait l'objet d'une correction et que la
valeur fiscale d'un immeuble n'est pas nécessairement une valeur de
référence adaptée à l'appréciation du bien-fondé des amortissements. Le
recours devant être admis pour ce motif, il n'est pas nécessaire d'examiner
les autres griefs invoqués par les recourants.