Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 153



Urteilskopf

132 I 153

  18. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Caisse
de compensation pour allocations familiales de l'Union patronale
interprofessionnelle contre Gouvernement de la République et Canton du Jura
(recours de droit public)
  2P.286/2005 du 4 avril 2006

Regeste

  Art. 8 BV; Grundsatz der Allgemeinheit und Gleichheit der Besteuerung.

  Konkretisierung des Grundsatzes (E. 3).

  Dieser Grundsatz verbietet es, im Gesetz über die Familienzulagen des
Kantons Jura, das den Kreis der Anspruchsberechtigten generell umschreibt,
zur Finanzierung dieser Beiträge nur auf den beschränkten Kreis der
Arbeitgeber und selbständig Erwerbenden zurückzugreifen (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 153

  A.- Par arrêté du 30 août 2005, publié au Journal officiel de la
République et Canton du Jura du 7 septembre 2005 et entré immédiatement en
vigueur, le Gouvernement de la République et Canton du Jura a réclamé à la
Caisse de compensation pour allocations familiales de l'Union patronale
interprofessionnelle (ci-après: Caisse d'allocations

familiales interprofessionnelle ou recourante) un montant de 315'554 fr. 40
au titre de participation aux charges découlant du paiement des allocations
familiales aux personnes sans activité lucrative pour l'année 2004.

  B.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 8 Cst., la Caisse d'allocations familiales interprofessionnelle
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement
d'annuler l'arrêté du 30 août 2005, subsidiairement de l'annuler dans la
mesure où il met à sa charge un montant de 315'554 fr. 40.

  Le Gouvernement de la République et Canton du Jura conclut au rejet du
recours dans la mesure où il est recevable, subsidiairement au prononcé
d'une décision l'incitant à adopter une loi conforme à la Constitution.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  La recourante se plaint de la violation du principe de la généralité
de l'impôt et du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst. Elle conteste devoir le
montant mis à sa charge par l'arrêté litigieux et fait valoir que les art.
22 al. 3 et 4 de la loi du 20 avril 1989 sur les allocations familiales
(Lall/JU; RSJU 836.1) et 26 de son ordonnance d'exécution du 6 juin 1989
(Oall/JU; RSJU 836.11) sont contraires à ces principes. Elle demande au
Tribunal fédéral de procéder à un contrôle de leur conformité à la
Constitution.

  Le délai permettant de requérir le contrôle abstrait des normes critiquées
étant échu (cf. art. 89 al. 1 OJ), leur constitutionnalité ne peut être
examinée qu'à titre préjudiciel, dans le cadre d'un contrôle concret de
l'arrêté du 30 août 2005 (sur les deux types de contrôles, cf. ATF 113 Ia
257 consid. 3b p. 261). Si elles s'avéraient inconstitutionnelles, le
Tribunal fédéral n'aurait pas la possibilité d'annuler les normes mais
pourrait uniquement casser la décision qui les applique (ATF 121 I 102
consid. 4 p. 103/104).

  3.1  En matière fiscale, le principe de l'égalité de traitement est
concrétisé par les principes de la généralité et de l'égalité de
l'imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge
fiscale fondée sur la capacité économique. Le principe de la généralité de
l'imposition interdit que certaines personnes ou groupes de personnes soient
exonérés sans motif objectif car les charges financières

de la collectivité qui résultent de ses tâches publiques générales doivent
être supportées par l'ensemble des citoyens. En vertu des principes de
l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive,
les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent
supporter une charge fiscale semblable; lorsqu'ils sont dans des situations
de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur
charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée (ATF 122 I 101 consid.
2b p. 103; 118 Ia 1 consid. 3a p. 3; 114 Ia 321 consid. 3b p. 323 et les
références citées). Lors de l'aménagement du système fiscal, le législateur
dispose toutefois, sous réserve des principes mentionnés ci-dessus, d'un
pouvoir d'appréciation étendu (ATF 114 Ia 321 consid. 3b p. 323/324). Il
peut ainsi notamment opter, selon le type de dépenses à financer, entre un
impôt général, un impôt d'affectation ou une charge de préférence. Il ne
saurait cependant mettre à la charge d'un groupe restreint de citoyens des
dépenses concernant l'ensemble de la population si ce groupe n'en retire pas
un avantage économique particulier ou s'il n'existe pas de motifs objectifs
et raisonnables de les mettre à leur charge (ATF 122 I 305 consid. 6a p. 313
s. et les références citées).

  3.2  Dans un arrêt du 4 juillet 2003 (2P.329/2001, résumé in PJA 2004 p.
97), le Tribunal fédéral a jugé que la loi genevoise du 1er mars 1996 sur
les allocations familiales poursuivait un but social en consacrant le
principe de l'universalité des allocations familiales, celles-ci étant
versées à des bénéficiaires indépendamment de toute relation
professionnelle. Les cotisations prélevées auprès du cercle restreint des
seuls employeurs, indépendants et salariés d'un employeur exempté de l'AVS
en vue de subvenir à ces versements constituaient des contributions
publiques entrant dans la catégorie des impôts spéciaux d'affectation liés à
certains coûts particuliers. Aucun motif objectif et raisonnable ne
justifiait que le financement des allocations familiales, notamment en
faveur de bénéficiaires hors de toute relation professionnelle, incombât
entièrement aux seuls employeurs, indépendants et salariés d'un employeur
exempté de l'AVS. En l'absence de lien suffisant entre les contribuables et
le but de la contribution, le principe de la généralité de l'impôt était par
conséquent violé (arrêt 2P.329/2001 précité).

Erwägung 4

  4.

  4.1  La loi sur les allocations familiales dans le canton du Jura définit
deux catégories d'ayants droit: (1) "tout salarié qui doit subvenir

à l'entretien d'un ou de plusieurs enfants et qui travaille au service d'un
employeur soumis à la loi" (art. 1 al. 1 Lall/JU) et (2) "la personne qui,
en raison de sa situation personnelle, ne peut exercer d'activité lucrative,
ou ne peut en exercer une qu'à temps partiel" (art. 1 al. 6 Lall/JU). La
catégorie des personnes sans activité lucrative comprend les personnes
considérées comme non actives par la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse
et survivants, les jeunes non encore soumis à l'obligation de cotiser à
l'assurance-vieillesse et survivants en tant que non actifs et les personnes
au bénéfice d'indemnités journalières de l'AI (art. 1 al. 1 Oall/JU), ainsi
que les personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel, mais qui,
à cause de la charge d'un ou de plusieurs enfants, ne peuvent exercer une
activité lucrative à plein temps (art. 2 Oall/JU).

  Tous les employeurs qui ont leur domicile, le siège de leur entreprise,
une succursale, un établissement ou un chantier dans le canton et qui
occupent des salariés en Suisse à la condition que ces derniers ne soient
pas au bénéfice d'allocations au moins égales, versées en vertu d'une autre
loi cantonale, sont soumis à la loi (art. 3 Lall/JU) et sont tenus de verser
des cotisations, y compris des frais de gestion, à la caisse d'allocations
familiales dont ils sont membres, en vue de l'octroi des allocations
familiales et, le cas échéant, de la constitution d'un fonds de réserve
(art. 17 al. 1 et 19 al. 2 Lall/JU).

  La Caisse cantonale d'allocations familiales verse aux personnes sans
activité lucrative les allocations prévues par la loi (art. 21 al. 2
Lall/JU). Ces allocations sont à la charge des caisses reconnues, en
fonction d'une clef de répartition entre elles définie par l'art. 26
Oall/JU, selon lequel la répartition est fixée au prorata du montant annuel
total des salaires soumis à cotisation pour chaque caisse reconnue dans le
régime.

  4.2  Il résulte de ce qui précède que la loi sur les allocations
familiales du canton du Jura consacre, à l'instar de celles d'autres cantons
(Fribourg, Valais, Schaffhouse et Genève), le principe de l'universalité des
allocations familiales, puisque celles-ci sont octroyées également aux
personnes sans activité lucrative (arrêt 2P.329/2001 du 4 juillet 2003,
consid. 4.3, résumé in PJA 2004 p. 97). Dans ces conditions, même si le
cercle des personnes sans activité lucrative, qui comprend également des
bénéficiaires exerçant une activité lucrative à temps partiel, n'est pas
exactement le même que dans le canton de Genève, les principes exposés dans
l'arrêt du 4 juillet

2003 restent néanmoins valables et trouvent application, quoiqu'en dise le
Gouvernement intimé. Le système jurassien constitue bien une aide sociale,
car le versement d'allocations familiales aux personnes sans activité
lucrative ne constitue pas un complément de salaire qui soit en rapport avec
une relation contractuelle de travail avec un employeur. Il n'appartient par
conséquent pas aux employeurs de supporter seuls le financement de ce
système par l'intermédiaire notamment de la recourante qui n'a en principe
pas d'autre financement que les cotisations patronales.

  Par conséquent, en mettant à charge de la recourante un montant de 315'554
fr. 40, l'arrêté du 30 août 2005 du Gouvernement intimé  viole l'art. 8 Cst.