Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 104



Urteilskopf

132 I 104

  13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Clément contre Chancellerie d'Etat ainsi que Conseil d'Etat et Tribunal
administratif de la République et canton de Neuchâtel (recours de droit
public)
  1P.376/2005 / 1P.614/2005 du 8 mars 2006

Regeste

  Art. 85 lit. a OG, Art. 34 Abs. 2 BV, Art. 45 KV/NE; politische Rechte,
Recht auf freie Meinungsbildung der Stimmbürger, behördlicher Eingriff in
den Abstimmungskampf vor einer kantonalen Abstimmung.

  Auch wenn vom kantonalen Recht nicht vorgesehen, kann sich die
vollständige Wiedergabe des der Abstimmung unterbreiteten Gesetzestextes in
den Abstimmungsunterlagen als notwendig erweisen, um die ausreichende
Information der Stimmbürger zu gewährleisten (E. 3.1 und 3.2).
Voraussetzungen, unter denen ein Verfahrensfehler zur Aufhebung der
Abstimmung führt (E. 3.3).

  Die Behörde darf eine Erklärung zuhanden der Stimmbürger abgeben, soweit
sie ihre Verpflichtung zu objektiver Information nicht verletzt und keine
irreführenden Aussagen über Ziel und Tragweite der Vorlage macht (E. 4.1).
Im vorliegenden Fall ist die Stellungnahme der kantonalen Behörden zu den
Argumenten der Gegner der Vorlage nicht über alle Zweifel erhaben (E. 4.2).
Die festgestellten Mängel rechtfertigen indessen nicht, die Abstimmung
aufzuheben (E. 4.3).

  Bedingungen, unter denen der Staat mit finanziellen Mitteln in den
Abstimmungskampf einer Volksabstimmung eingreifen darf (E. 5.1). Die
Zuwendung öffentlicher Mittel an ein privates Komitee, in welchem die
öffentliche Hand nicht vertreten ist, ist prinzipiell nicht zulässig; dies
ist umso verwerflicher, wenn dieses nicht offen auftritt (E. 5.2). Der
zugesprochene Beitrag ist bescheiden und hat die Waffengleichheit zwischen
Befürwortern und Gegnern des Gesetzesprojekts nicht wesentlich
beeinträchtigt. Der Mangel ist zu geringfügig, um die Aufhebung der
Abstimmung zu rechtfertigen (E. 5.3).

  Die Auswirkungen der Unregelmässigkeiten auf den Ausgang der Abstimmung in
gesamthafter Betrachtungsweise (E. 6).

Sachverhalt

  Par arrêté du 6 avril 2005, publié dans la Feuille officielle du 8 avril
2005, le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel a convoqué
les électeurs neuchâtelois en vue des votations fédérales et cantonales du 5
juin 2005 portant, entre autres objets, sur la loi sur l'Etablissement
hospitalier multisite cantonal (EHM) adoptée par le Grand Conseil
neuchâtelois le 30 novembre 2004 par 90 voix contre 13. L'art. 8 de cet
arrêté indiquait que les textes soumis à la votation seraient à la
disposition des électeurs à la Chancellerie d'Etat et publiés dans la
Feuille officielle ainsi que sur le site Internet de l'Etat; il précisait
également qu'un fascicule d'explications serait envoyé à chaque électeur.

  La loi sur l'Etablissement hospitalier multisite cantonal a paru dans la
Feuille officielle du 11 mai 2005. Elle comporte 59 articles. Le matériel de
vote a été remis aux électeurs entre les 9 et 13 mai 2005, avec un message
explicatif qui reproduisait dans les grandes lignes les principales
modalités de la loi et reprenait l'argumentaire du comité référendaire ainsi
que la prise de position des autorités.

  Le 27 mai 2005, Thierry Clément a saisi la Chancellerie d'Etat de la
République et canton de Neuchâtel d'une réclamation et d'un recours pour
violation des droits politiques. Il se plaignait en premier lieu du fait que
le matériel de vote envoyé aux électeurs ne comprenait pas le projet de loi
sur l'Etablissement hospitalier multisite. Il dénonçait en outre le manque
d'objectivité de l'information donnée par le Conseil d'Etat dans le message
officiel adressé aux électeurs. Il voyait enfin une intervention
inadmissible de l'autorité dans la campagne précédant le scrutin dans le
fait, révélé par un

article paru dans le journal "Le Courrier" du 21 mai 2005, que la
Conseillère d'Etat en charge du Département cantonal de la justice, de la
santé et de la sécurité avait accordé une somme de 10'000 fr. au comité
interpartis qui soutenait le projet de loi.

  Les mesures d'instruction administrées devant la Chancellerie d'Etat ont
permis d'établir que l'octroi d'un tel financement au comité "Oui à l'EHM"
avait fait l'objet d'une décision du Conseil d'Etat non protocolée, mais
formalisée par une demande de crédit supplémentaire établie le 12 mai 2005.

  Par décision du 3 juin 2005, la Chancellerie d'Etat a rejeté la
réclamation de Thierry Clément dans la mesure où celle-ci s'en prenait au
contenu du matériel de vote et à l'objectivité de l'information donnée aux
électrices et aux électeurs. Elle l'a déclarée irrecevable en tant qu'elle
avait trait au soutien financier apporté par le Conseil d'Etat au comité
"Oui à l'EHM".

  Le 5 juin 2005, les électeurs neuchâtelois ont accepté, par 47'837 voix
contre 16'201, la loi sur l'Etablissement hospitalier multisite cantonal.

  Thierry Clément a formé deux recours de droit public pour violation des
droits politiques, le premier contre la décision du Conseil d'Etat de
soutenir financièrement le comité interpartis "Oui à l'EHM", le second
contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel qui confirme la décision de la Chancellerie d'Etat rejetant sa
réclamation. Il conclut dans les deux cas à l'invalidation du résultat de la
votation du 5 juin 2005, en tant qu'elle concerne le projet de loi sur
l'Etablissement hospitalier multisite cantonal, et à l'organisation d'un
nouveau scrutin portant sur cet objet.

  Le Tribunal fédéral a rejeté les recours dans la mesure où ils étaient
recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  Thierry Clément voit une atteinte inadmissible au droit de vote des
citoyens dans le fait que le projet de loi sur l'Etablissement hospitalier
multisite cantonal soumis à la votation du 5 juin 2005 n'a pas été remis aux
électeurs avec le matériel de vote. Il s'agirait d'un élément essentiel à la
formation d'une opinion libre et complète des électeurs, qui ne saurait
dépendre d'une requête de ceux-ci. Il dénonce sur ce point une violation des
art. 34 al. 2 et 35 al. 1 Cst.

  3.1  L'art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les
droits politiques, tant sur le plan fédéral que sur le plan cantonal ou
communal. Selon l'art. 34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence du
Tribunal fédéral établie sous l'empire de la Constitution fédérale du 29 mai
1874 (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle
Constitution fédérale, in FF 1997 I 191; ATF 124 I 55 consid. 2a p. 57; 121
I 138 consid. 3 p. 141, 187 consid. 3a p. 190), cette garantie protège la
libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression
fidèle et sûre de leur volonté. Une formation et expression libres de la
volonté des électeurs supposent que les objets soumis au vote soient portés
à temps et de façon adéquate à leur connaissance (ATF 104 Ia 236 consid. 2c
p. 239, 360 consid. 3a p. 363; 98 Ia 602 consid. 9 p. 610; arrêt 1P.120/1996
du 12 septembre 1996, consid. 5b, publié in ZBl 98/1997 p. 362; PETER
TSCHANNEN, Stimmrecht und politische Verständigung, Bâle et Francfort 1995,
p. 425; PASCAL MAHON, L'information par les autorités, RDS 118/1999 II p.
199, ch. 25, p. 232; MICHEL BESSON, Behördliche Informationen vor
Volksabstimmungen, thèse Berne 2003, p. 164 et 230). La manière dont
l'information des citoyens doit intervenir découle avant tout du droit
cantonal. Les dispositions de ce droit qui règlent le devoir d'information
des autorités ne sont pas de simples prescriptions d'ordre (ATF 98 Ia 602
consid. 9 p. 610; arrêt 1P.120/1996 du 12 septembre 1996, consid. 5b, publié
in ZBl 98/1997 p. 362; MICHEL BESSON, op. cit., note 15, p. 231).

  3.2  Les questions relatives à l'organisation du vote populaire sur les
actes soumis au référendum et aux mesures de publicité sont traitées sur le
plan cantonal aux art. 125 et 126 de la loi neuchâteloise sur les droits
politiques (LDP/NE). La première de ces dispositions prévoit qu'en cas
d'aboutissement de la demande de référendum, le Conseil d'Etat soumet l'acte
contesté au vote populaire dans les six mois qui suivent l'expiration du
délai référendaire. Aux termes de l'art. 126 LDP/NE, il assure à l'acte
soumis au vote populaire une publicité objective suffisante. L'avis du
comité référendaire doit être exposé (al. 1). Des exemplaires de l'acte
soumis au vote populaire sont mis à la disposition des électeurs à la
Chancellerie d'Etat et dans les communes huit jours avant celui fixé pour la
votation (al. 2).

  La loi cantonale sur les droits politiques n'impose donc pas que le texte
des lois soumises à votation soit remis aux électeurs avec le matériel de
vote. L'art. 126 al. 2 LDP/NE exige uniquement que des

exemplaires de l'acte soumis au vote populaire soient mis à la disposition
des électeurs à la Chancellerie d'Etat et dans les communes huit jours au
moins avant celui fixé pour la votation. Un amendement déposé au cours des
débats par le groupe libéral du Grand Conseil, visant à ce que le texte
soumis au vote soit remis aux électeurs dix jours au moins avant la votation
avec de brèves explications, a été refusé par une majorité du parlement
neuchâtelois (Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, séance
du 17 octobre 1984, p. 1184/1185). La Chancellerie d'Etat s'est donc
conformée à la loi et à la volonté du législateur en ne communiquant pas le
texte du projet de loi soumis à la votation du 5 juin 2005 avec le matériel
de vote remis aux électeurs, mais en résumant celui-ci dans le message
explicatif. Cela ne signifie pas encore que, ce faisant, elle ait satisfait
à l'obligation qui lui incombe en vertu des art. 45 Cst./NE et 34 al. 2 Cst.
de fournir aux citoyens une information complète et objective concernant
tous les objets sur lesquels ils sont appelés à se prononcer (cf. ATF 117 Ia
66 consid. 1d/dd p. 68). La communication intégrale du texte soumis à
votation peut en effet se révéler nécessaire pour garantir une information
suffisante des citoyens suivant les circonstances, telles que la complexité
de l'objet de la votation, l'enjeu qu'il représente pour la population ou
encore les arguments défendus de part et d'autre.

  En l'occurrence, le projet de loi soumis au vote concernait la refonte du
système hospitalier neuchâtelois avec la mise en réseau des principaux
établissements hospitaliers du canton dans une structure juridique de droit
public nouvelle jouissant d'une plus grande autonomie de décision et de
gestion. La réforme portait également sur le statut juridique du personnel
hospitalier qui devait être unifié et soumis à un régime de droit privé.
L'objet de la votation litigieuse était donc particulièrement complexe,
politiquement sensible et présentait un intérêt crucial pour l'ensemble de
la population neuchâteloise. La compréhension des diverses implications de
la nouvelle loi nécessitait une réflexion approfondie de la part des
citoyens. Par ailleurs, ces derniers ont reçu avec le matériel de vote un
message explicatif dans lequel les arguments des référendaires étaient
vivement contestés et qualifiés de fallacieux par les autorités dans leur
prise de position. Dans ces circonstances, il était impératif que le texte
du projet de loi soit communiqué aux citoyens, de manière à ce qu'ils
puissent se faire une opinion libre et adéquate sur la valeur des arguments
exprimés en faveur et en défaveur du projet. La Chancellerie

d'Etat n'était pas dispensée d'agir en ce sens en raison des possibilités
offertes pour accéder au projet de loi. La mise à disposition du texte
soumis au vote sur le site Internet de l'Etat n'est pas suffisante, car tous
les citoyens ne disposent pas d'un accès effectif à ce moyen d'information
(cf. en ce sens, MICHEL BESSON, op. cit., p. 325). Il en va de même et pour
les mêmes raisons de la publication du projet de loi dans la Feuille
officielle. Enfin, la possibilité de se procurer un exemplaire du projet de
loi auprès de la Chancellerie d'Etat ou des communes n'est pas non plus
déterminante. En effet, même si cette démarche ne présente en principe pas
de difficultés majeures, il est à craindre que certains électeurs
s'abstiennent de l'entreprendre et s'en remettent aux explications et prises
de position contenues dans le message explicatif remis avec le matériel de
vote, parce qu'ils ont entamé leur réflexion trop tardivement ou que cette
démarche ne fait pas partie de leurs habitudes civiques.

  Cela étant, on doit admettre que l'information donnée aux électeurs en
relation avec le projet de loi sur l'EHM était insuffisante. Cette
irrégularité ne conduit pas pour autant à l'annulation de la votation
relative à cet objet.

  3.3  Selon la jurisprudence, lorsque le Tribunal fédéral constate que des
fautes de procédure ont été commises, il n'annule la votation que si
celles-ci sont importantes et ont pu avoir une influence sur le résultat du
vote. Il examine en principe librement cette question sur la base d'une
appréciation des circonstances. Il tient compte notamment de l'écart de
voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote
dans son ensemble. Si la possibilité d'un résultat différent au cas où la
procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne
puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à
l'annulation du vote; dans le cas contraire, il faut considérer le vice
comme important et annuler la votation. Lorsque, comme en l'espèce, la
différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités sont de
nature à remettre en cause la validité du résultat du vote (ATF 130 I 290
consid. 3.4 p. 296; 129 I 185 consid. 8.1 p. 204; 113 Ia 46 consid. 7a p.
59, 291 consid. 4 p. 302/303).

  En l'occurrence, le message explicatif adressé par la Chancellerie d'Etat
aux citoyens contenait une présentation du projet de loi dont le recourant
ne conteste pas l'objectivité; il reprenait les arguments des référendaires
dans leur intégralité ainsi que la position des autorités

à cet égard, permettant ainsi aux électeurs de se faire une idée de l'enjeu
de la contestation et des opinions des différents intervenants. Cela étant,
le déficit d'information lié à l'absence du texte intégral du projet de loi
apparaît de faible importance et on doit admettre que les personnes qui ne
disposaient pas de ce texte n'étaient pas à ce point insuffisamment
renseignées que le résultat du vote, particulièrement net (la loi sur
l'Etablissement hospitalier multisite cantonal a été adoptée par 74.7 % des
votants contre 25.3 %, soit à une majorité de deux contre un), ait pu en
être bouleversé en cas de communication généralisée par les autorités des
nouvelles normes en discussion. Le vice allégué n'a ainsi pas eu une
influence décisive sur l'issue du scrutin et ne saurait justifier son
annulation, ce d'autant que l'autorité n'a pas agi à dessein, mais s'en est
tenue à la lettre de la loi et à la volonté clairement manifestée du
législateur, en ne communiquant pas le texte du projet de loi.

Erwägung 4

  4.  Le recourant s'en prend également au contenu du message explicatif
remis aux électeurs avec le matériel de vote en vue de la votation du 5 juin
2005. Les autorités auraient manqué à leur devoir d'objectivité et influencé
de manière illicite la libre formation de la volonté du corps électoral en
réduisant abusivement la contestation du projet de loi sur l'Etablissement
hospitalier multisite cantonal au seul aspect juridique lié au statut du
personnel hospitalier et en suggérant qu'il pourrait être résolu par
d'autres voies. Il dénonce à ce propos une violation des art. 34 Cst. et 45
Cst./NE, lequel prévoit qu'avant les votes populaires, les autorités donnent
une information suffisante et objective sur les objets qui y sont soumis. Le
recourant ne prétend pas que cette dernière disposition lui offrirait
davantage de garanties que celles découlant du droit constitutionnel
fédéral. Dans ces conditions, c'est exclusivement au regard de la
jurisprudence rendue en application de l'art. 34 Cst. qu'il convient
d'examiner ses griefs.

  4.1  Il incombe au gouvernement d'un canton, de même qu'à l'organe
exécutif d'une commune, de diriger la collectivité. Le gouvernement ne peut
accomplir cette mission qu'en soutenant activement ses propres projets et
objectifs, et en indiquant sans équivoque ce qu'il considère comme
nécessaire ou favorable à l'intérêt général. Le dialogue entre le
gouvernement et l'opinion publique, qui se produit par exemple dans le cadre
des débats parlementaires, par le biais des communiqués du gouvernement ou à
l'occasion de prises de position publiques des magistrats, est au surplus un
élément indispensable

de la démocratie. On doit donc reconnaître au gouvernement le droit - et
même le devoir - d'intervenir dans le débat politique en dehors des périodes
précédant les votations (ATF 121 I 252 consid. 2 p. 256 et les références
citées).

  En revanche, les votations doivent être organisées de telle manière que la
volonté des électeurs puisse s'exercer le plus librement possible (ATF 130 I
290 consid. 3.1 p. 294; 129 I 185 consid. 5 p. 192; 121 I 138 consid. 3 p.
141 et les références citées). Le droit à la libre formation de l'opinion
exclut en principe toute intervention directe des autorités qui serait de
nature à fausser la formation de la volonté des citoyens lors de la campagne
précédant les votations (ATF 114 Ia 427 consid. 4a p. 432). Il est néanmoins
admis que l'autorité recommande aux citoyens d'accepter le projet soumis à
votation et leur adresse un message explicatif, pourvu qu'elle respecte son
devoir d'information objective et ne donne pas d'indications fallacieuses
sur le but et la portée du projet. Un tel message officiel peut en outre
contenir un avis relatif à des questions d'appréciation, car il appartient
en définitive à l'électeur de se faire lui-même sa propre opinion sur de
telles questions (ATF 121 I 252 consid. 2 p. 255/256; 119 Ia 271 consid. 3b
p. 273; 117 Ia 452 consid. 3b p. 455/456; 113 Ia 291 consid. 3b p. 295; 112
Ia 391 consid. 3a p. 394). L'Etat doit notamment être en mesure de
contrebalancer, dans une certaine mesure, les prises de position souvent
unilatérales des groupes de pressions influents de la société civile (PASCAL
MAHON, op. cit., ch. 35, p. 243/244, qui défend un droit d'intervention plus
large de l'autorité). Au demeurant, une intervention de l'autorité dans la
campagne précédant une votation qui la concerne allant au-delà de la remise
d'un message explicatif aux électeurs ne se justifie qu'en présence de
motifs pertinents (ATF 121 I 252 consid. 2 p. 256; 119 Ia 271 consid. 3b p.
273; 116 Ia 466 consid. 4a p. 469; 113 Ia 291 consid. 3b p. 296; 112 Ia 332
consid. 4d p. 336; 108 Ia 155 consid. 3b p. 158 et les références citées).

  4.2  Thierry Clément ne conteste pas l'objectivité de la présentation
faite du projet de loi sur l'Etablissement hospitalier multisite cantonal
dans le message explicatif remis aux citoyens. Il s'en prend à la prise de
position du Conseil d'Etat et du Grand Conseil exprimée au sujet des
arguments des opposants.

  Les autorités cantonales relèvent que "les référendaires s'en prennent à
un projet global patiemment élaboré avec les hôpitaux et largement

accepté par tous les bords politiques, alors même qu'ils n'en contestent
qu'un aspect juridique pouvant être résolu par d'autres voies". Elles
qualifient en outre les arguments des référendaires de "fallacieux" au motif
que, "contrairement à ce que ces derniers laissent entendre, l'Etablissement
hospitalier multisite ne constitue nullement une privatisation du système
hospitalier, ni un abandon du système hospitalier par l'Etat, ni un piège
pour le personnel hospitalier, ni une détérioration des conditions de
travail de ce personnel; il représente en revanche l'assurance de pouvoir
offrir un accès à des soins de qualité à des coûts supportables, l'assurance
du maintien des hôpitaux actuels, la préservation de l'emploi dans le
domaine hospitalier". Elles concluent en espérant vivement que les citoyens
sauront faire preuve de clairvoyance et de bon sens et en les invitant à
voter massivement en faveur de la loi.

  4.2.1  Le recourant soutient que la prise de position des autorités ne
serait pas objective en tant qu'elle laisse entendre que la contestation du
projet de loi se limiterait à un aspect juridique, à savoir le statut de
droit public des employés de l'Etablissement hospitalier multisite cantonal.

  Il ressort de l'argumentation des référendaires que ces derniers
remettaient également en cause l'indépendance de la nouvelle structure par
rapport à l'Etat et, plus particulièrement, la perte d'influence du
législateur cantonal dans la gestion de l'établissement et du personnel. Ils
soutenaient ainsi l'idée d'un Etablissement hospitalier multisite dans le
canton, mais directement soumis au service cantonal de la santé, afin que
les intérêts de la population soient véritablement pris en considération. La
prise de position des autorités est par conséquent effectivement réductrice
si l'on s'en tient au seul passage mis en évidence par le recourant. Une
lecture attentive des arguments des référendaires suffisait néanmoins pour
se rendre compte que le litige ne se résumait pas à la question du statut
juridique du personnel hospitalier, mais qu'il concernait plus largement
l'indépendance du futur établissement de droit public vis-à-vis de l'Etat et
la perte d'influence du parlement cantonal dans la gestion hospitalière. Une
comparaison des arguments respectifs des partisans et des opposants au
projet était d'autant plus aisée que la position des autorités figurait en
parallèle à l'argumentation des référendaires. A supposer que le message
explicatif traduise un manque d'objectivité répréhensible de la part des
autorités, le vice allégué était aisément reconnaissable pour qui prenait la
peine de lire l'ensemble du

message et non pas uniquement la prise de position des autorités. Aussi, le
Tribunal administratif pouvait admettre que ce vice n'avait pas pu induire
les électeurs en erreur et exercer une influence décisive sur l'issue du
vote.

  4.2.2  De l'avis du recourant, la prise de position des autorités ne
serait pas non plus objective en tant qu'elle suggère que l'aspect juridique
controversé pourrait être résolu par d'autres voies. Thierry Clément n'a pas
soulevé ce grief devant le Tribunal administratif; il ne prétend pas que ce
dernier aurait dû examiner d'office la compatibilité du message explicatif
avec les exigences d'objectivité et de neutralité requises des autorités en
matière de votation. Le recours est dès lors irrecevable sur ce point au
regard de la règle de l'épuisement des instances cantonales exprimée à
l'art. 86 al. 1 OJ (cf. ATF 129 I 74 consid. 4.6 p. 80; 123 I 87 consid. 2b
p. 89).

  4.2.3  Quant au terme de "fallacieux" employé pour qualifier les arguments
des référendaires, il n'a en principe pas sa place dans un message officiel,
fût-ce dans la prise de position des autorités, dans la mesure où il tend à
faire accroire une intention délibérée de tromper ou d'égarer le corps
électoral de la part de citoyens exerçant leurs droits démocratiques. Cela
est d'autant plus vrai en l'occurrence qu'il a trait non à des affirmations
des opposants mais à des appréciations supposées de ceux-ci. Il suffisait
aux autorités d'indiquer les raisons pour lesquelles elles tenaient tel
argument pour erroné, ce qu'elles ont d'ailleurs fait aussi, à charge pour
les citoyens de se faire une idée sur la valeur respective des opinions
émises.

  4.3  En définitive, si la prise de position des autorités n'échappe pas à
toute critique au regard des exigences d'objectivité ou de neutralité que
celles-ci doivent observer dans la rédaction d'un message explicatif, les
manquements constatés sont d'une importance mineure et, en tout cas,
largement insuffisante au sens de la jurisprudence citée au considérant 3.3
pour avoir été de nature à influer d'une manière décisive sur le débat et
l'issue claire du vote. Le recours doit donc être rejeté sur ce point
également.

Erwägung 5

  5.  Thierry Clément voit enfin une intervention irrégulière de l'autorité
dans la campagne précédant la votation cantonale du 5 juin 2005 dans
l'octroi par le Conseil d'Etat d'une somme de 10'000 fr. au comité
interpartis en faveur du projet de loi soumis au vote.

  5.1  Selon la jurisprudence, le droit à la libre formation de l'opinion
exclut en principe toute intervention directe des autorités qui serait

de nature à fausser la formation de la volonté des citoyens lors de la
campagne précédant les votations sauf motifs pertinents, la communication
d'un message officiel avec des recommandations de vote étant cependant
admise (ATF 114 Ia 427 consid. 4a précité). En ce qui concerne
l'intervention financière de l'Etat en vue d'une votation populaire, le
Tribunal fédéral a jugé en principe inadmissible la propagande indirecte
financée par des fonds publics accordés à un comité d'action privé dans
lequel l'autorité n'est pas représentée, car celle-ci ne peut pas exercer un
contrôle suffisant de l'utilisation des deniers publics accordés et du
respect de l'objectivité et de la réserve nécessaires (ATF 116 Ia 466
consid. 4d p. 470; 114 Ia 427 consid. 6a p. 443 et les références citées).
Pareille intervention est d'autant plus répréhensible qu'elle s'accomplit de
façon occulte ou que les fonds dépensés sont disproportionnés ou engagés
irrégulièrement (ATF 121 I 252 consid. 2 p. 256; 119 Ia 271 consid. 7b p.
281; 116 Ia 466 consid. 6d p. 475; 114 Ia 427 consid. 6b p. 444).

  5.2  En l'occurrence, le Conseil d'Etat déclare avoir décidé de soutenir
financièrement le comité interpartis "Oui à l'EHM" pour défendre le système
hospitalier neuchâtelois mis en place de longue date et intéressant
l'ensemble de la population. Les autorités cantonales ont cependant exprimé
leur opinion et pris position sur les arguments des référendaires dans le
message explicatif remis aux électeurs avec le matériel de vote. Une
intervention supplémentaire sous la forme d'une aide financière à un comité
privé soutenant leur point de vue ne se justifiait pas du seul fait que les
opposants disposaient de moyens financiers légèrement plus importants pour
défendre leurs arguments. Sous l'angle de l'exigence d'un motif pertinent,
il est dès lors douteux que le soutien financier octroyé au comité
interpartis en faveur du projet de loi sur l'Etablissement hospitalier
multisite cantonal soit admissible.

  Quoi qu'il en soit, la décision du Conseil d'Etat d'octroyer une somme de
10'000 fr. au comité interpartis "Oui à l'EHM" n'a pas été publiée et n'a
fait l'objet d'aucune communication officielle dans les média. Elle n'a été
révélée au public qu'à la faveur d'une déclaration de la Conseillère d'Etat
en charge du Département cantonal de la justice, de la santé et de la
sécurité, reproduite dans un article de presse paru quinze jours avant le
scrutin. Une telle manière de faire n'est pas conforme aux exigences de
transparence auxquelles doit répondre toute intervention étatique durant la
période qui précède une votation,

indépendamment de l'importance du montant alloué. Dans ces conditions, le
recourant se plaint à juste titre d'une violation de l'art. 34 Cst.

  5.3  Cela ne conduit toutefois pas à l'admission du recours et à
l'annulation de la votation cantonale à raison de la jurisprudence citée au
considérant 3.3. En l'espèce, le montant alloué au comité interpartis "Oui à
l'EHM" est modeste s'agissant d'une votation cantonale (cf. ATF 116 Ia 466
consid. 6d p. 475). De plus, la somme dont ce comité disposait pour sa
campagne était inférieure d'un peu plus de 10'000 fr. à celle dont
bénéficiait le comité référendaire, selon les chiffres dont ce dernier s'est
fait lui-même l'écho dans un article de presse figurant au dossier, de sorte
que l'aide financière allouée permettait de rétablir une certaine égalité
des armes entre les opposants et les partisans au projet de loi. Enfin, le
résultat de la votation est particulièrement net. Dans ces circonstances, on
ne saurait sérieusement admettre que le soutien financier illicite, mais
réduit, accordé au comité interpartis "Oui à l'EHM" ait pu influencer de
manière significative l'issue de la votation sur le projet de loi litigieux.

Erwägung 6

  6.  Le résultat n'est pas différent si l'on prend en considération
ensemble et non isolément les irrégularités constatées (cf. ATF 130 I 290
consid. 6 p. 306; arrêt 1P.116/2000 du 5 mai 2000, consid. 2d, publié in ZBl
102/2001 p. 152). L'écart séparant les partisans et les opposants du projet
de loi est en effet tel que les vices énumérés précédemment, même si celui
relatif au financement d'un comité privé survenu en violation des règles de
transparence est crasse, n'ont à l'évidence pas eu un impact électoral
global susceptible de remettre en cause le résultat de la votation.