Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 IV 127



Urteilskopf

132 IV 127

  18. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause A.
contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité)
  6S.496/2005 du 12 mai 2006

Regeste

  Strafbare Vorbereitungshandlungen; Rücktritt (Art. 260bis Abs. 2 StGB).
  Art. 260bis Abs. 2 StGB kommt zur Anwendung, sobald der Täter aus eigenem
Antrieb von seinem Deliktsplan Abstand nimmt, unabhängig vom
Vorbereitungsstadium, aber vor Beginn der Ausführung der beabsichtigten
strafbaren Handlung (Änderung der Rechtsprechung; E. 2).

Sachverhalt ab Seite 127

  A.- A fin mars et début avril 2002, A. s'est rendu à Genève avec deux
comparses en vue de commettre des braquages à main armée. Lors de leur
déplacement, ils ont emporté le matériel nécessaire à ces hold-up, dont une
arme à feu, des cagoules et des liens pour les mains. A. a ensuite fourni
des cartes SIM et utilisé ses relations genevoises

pour obtenir des logements gratuits pour tous et pour choisir trois cibles à
proximité du logement de ses partenaires.

  Comme une connaissance leur a déconseillé le hold-up de la station
d'essence, qui était étroitement surveillée par des caméras, et qu'elle a
refusé de participer à tout brigandage, les trois comparses ont abandonné
leur projet délictueux au profit d'un trafic de drogues, réalisable plus
facilement.

  B.- Par jugement du 15 avril 2005, le Tribunal de police du canton de
Genève a condamné A. à une peine de trois ans de réclusion, sous déduction
de la détention préventive, pour complicité d'infraction grave à la loi
fédérale sur les stupéfiants (art. 25 CP et 19 LStup), rupture de ban (art.
291 CP) et actes préparatoires délictueux (art. 260bis al. 1 CP). Il a
cependant déclaré non punissables les actes préparatoires délictueux, au
motif que A. s'était désisté, conformément à l'art. 260bis al. 2 CP. Il a
expliqué que, si A. avait poussé les projets avec ses acolytes jusqu'à
déterminer trois cibles potentielles, les trois comparses n'avaient
cependant pas effectué tous les actes préparatoires lors de l'abandon de
leurs projets, puisqu'ils n'avaient pas encore procédé à des repérages ou
autres observations précises.

  C.- Statuant le 21 novembre 2005 sur appels de A. et du Ministère public
genevois, la Cour de justice genevoise a libéré A. des fins de la poursuite
pénale pour rupture de ban, mais n'a pas admis qu'il s'était désisté des
actes préparatoires délictueux selon l'art. 260bis al. 2 CP. Elle a maintenu
la peine à trois ans de réclusion et ordonné l'expulsion de A. du territoire
suisse pour une durée de quatre ans.

  En ce qui concerne les actes préparatoires délictueux, elle a retenu ce
qui suit:

   "Certes, les trois partenaires ont décidé de renoncer au brigandage pour
    consacrer leurs efforts à un autre but, à savoir un trafic de drogues.
    Toutefois, rien n'indique que de nombreux actes préparatoires
    supplémentaires devaient précéder le hold-up envisagé, selon le plan
    criminel initial. Le Ministère public relève d'ailleurs à juste titre
    qu'au moins l'une des cibles se trouvait à proximité immédiate du
    logement mis à disposition des comparses: ils pouvaient donc facilement
    passer à l'attaque, puis se réfugier dans ledit appartement.

    (...) Il y a lieu d'admettre que l'appelant, déjà condamné à plusieurs
    reprises notamment pour des vols, a commis des actes délictueux
    punissables (...), avant de renoncer, de concert avec ses comparses, non
    pas à une activité préparatoire supplémentaire d'une certaine
    importance, mais

    seulement à l'exécution du brigandage lui-même. Faute de désistement de
    son activité préparatoire punissable, il ne mérite pas l'exemption de
    toute peine prévue par l'art. 260bis alinéa 2 CP."

  D.- Contre l'arrêt cantonal, A. dépose un pourvoi en nullité devant le
Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée. En
premier lieu, il soutient que la Cour de justice genevoise a violé le droit
fédéral en ne retenant pas qu'il s'était désisté des actes préparatoires
délictueux (art. 260bis al. 2 CP). En outre, il critique l'application des
art. 41, 55 et 63 CP. Enfin, il sollicite l'assistance judiciaire.

  Le Ministère public genevois conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  L'art. 260bis al. 2 CP prévoit que sera exempté de toute peine le
délinquant qui, de son propre mouvement, aura renoncé à poursuivre jusqu'au
bout son activité préparatoire.

  2.1  Pour la Cour cantonale, cette disposition n'est pas applicable, car
les trois comparses ont exécuté l'ensemble des actes préparatoires planifiés
et n'auraient ainsi pas renoncé à une activité préparatoire d'une certaine
importance, mais seulement à l'exécution du brigandage lui-même. D'après le
recourant, les trois comparses auraient en revanche abandonné leur projet
délictueux au stade des actes préparatoires, car il leur appartenait encore
de procéder aux repérages des lieux.

  2.2  Selon la jurisprudence, le désistement porte sur les actes
préparatoires et non sur l'exécution du délit projeté (ATF 118 IV 366
consid. 3a p. 369; 115 IV 121 consid. 2b p.124). Lorsque le délinquant n'a
pas encore mené à chef tous les actes préparatoires planifiés (mais qu'il a
accompli à tout le moins l'un des actes préparatoires prévus par l'art.
260bis al. 1 CP), la jurisprudence applique par analogie l'art. 21 al. 2 CP.
Il suffit alors, pour que l'on puisse admettre le désistement du délinquant,
que de son propre mouvement il ait renoncé à exécuter une partie importante
des actes préparatoires (ATF 118 IV 366 consid. 3a p. 369; 115 IV 121
consid. 2f p. 127). En revanche, si le délinquant a entièrement exécuté les
actes préparatoires planifiés, il ne suffit pas qu'il se limite à ne pas
commettre le délit principal. De même qu'en cas de délit manqué (ou de
tentative achevée), il doit effectuer des actes de repentir actif. Il doit
démontrer qu'il n'est pas disposé à passer à l'exécution du délit

principal, soit en supprimant certains préparatifs (par exemple en jetant
les armes qu'il s'est déjà procurées), soit en accomplissant de toute autre
manière des actes desquels il résulte qu'il entend rendre impossible ou au
moins particulièrement ardue la commission du délit principal (ATF 118 IV
366 consid. 3a p. 369; 115 IV 121 consid. 2g p. 128).

  2.3  La preuve du désistement peut poser des difficultés lorsque le
délinquant, arrêté par la police, affirme avoir renoncé à son projet
criminel. Le juge devra alors déterminer s'il s'agit d'une simple pause ou
si le délinquant a véritablement renoncé à son plan criminel (CORBOZ, Les
infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2002, art. 260bis CP, n. 29;
JEAN-FRANÇOIS MEYLAN, Les actes préparatoires délictueux en droit pénal
suisse [art. 260bis CP], thèse Lausanne 1990, p. 121 s.). En exigeant que le
délinquant manifeste son intention de se désister par des actes de repentir
actif, la jurisprudence facilite, dans une certaine mesure, le travail du
juge qui pourra alors se convaincre, sur la base du comportement du
délinquant, qu'il y a eu renonciation (GRACE SCHILD, Strafbefreiender
Rücktritt von den strafbaren Vorbereitungshandlungen gemäss Art. 260bis Abs.
II StGB, recht 11/1993 p. 101 ss, spéc. p. 105). Le problème de preuve ne
sera cependant que déplacé. Le délinquant pourra en effet toujours prétendre
qu'il n'a pas exécuté tous les actes préparatoires planifiés et que, par
conséquent, sa simple renonciation devrait entraîner l'application de l'art.
260bis al. 2 CP, affirmation que le juge aura de la peine à réfuter (SCHILD,
op. cit., p. 106). Le présent cas en est du reste un exemple, puisque le
recourant soutient qu'il devait aller encore repérer les lieux.

  D'application difficile, la jurisprudence actuelle introduit en outre une
inégalité entre celui qui renonce alors qu'il a entièrement achevé les
préparatifs planifiés, et celui qui franchit le pas suivant et commence
l'exécution. Le premier devra agir activement pour démontrer qu'il est prêt
à ne pas passer à l'acte et prétendre à l'application de l'art. 260bis al. 2
CP (exemption obligatoire), alors qu'il suffira au second de renoncer à son
projet pour bénéficier de l'art. 21 al. 2 CP (exemption facultative; CORBOZ,
op. cit., art. 260bis CP, n. 32).

  Pour ces raisons principalement, la doctrine critique l'application par
analogie de l'art. 22 al. 2 CP au désistement des actes préparatoires. Selon
STRATENWERTH, l'art. 260bis al. 2 CP devrait s'appliquer dès que le
délinquant a spontanément abandonné son plan criminel,

quel que soit son stade d'avancement, mais avant le commencement de
l'exécution de l'infraction planifiée. Cet auteur désapprouve les conditions
posées par la jurisprudence, selon lesquelles le délinquant devrait
supprimer certains préparatifs ou manifester de manière particulière qu'il
n'est plus prêt à commettre l'infraction projetée (STRATENWERTH,
Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, 4e éd., Berne 1995, § 40, n.
13). L'avis de STRATENWERTH est partagé par CORBOZ, SCHUBARTH, SCHILD et
BAUMGARTNER, qui proposent d'appliquer l'art. 260bis al. 2 CP au délinquant
qui renonce à son projet, avant le commencement de l'exécution, sans
distinguer selon qu'il a accompli ou non tous les actes préparatoires
planifiés (CORBOZ, op. cit., art. 260bis CP, n. 32; SCHUBARTH, Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Besonderer
Teil, vol. 2, Berne 1990, art. 139 CP, n. 72 ss; SCHILD, op. cit., p. 101
ss; BAUMGARTNER, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2002, art. 260bis CP,
n. 14).

  Les objections émises par la doctrine sont convaincantes. Il convient donc
d'abandonner la jurisprudence, qui distingue selon que le délinquant a ou
non accompli l'entier des actes préparatoires qui lui incombaient et exige
dans le premier cas des actes de repentir actif. Avec la doctrine, il faut
admettre que l'art. 260bis al. 2 CP sera applicable au délinquant qui aura
renoncé spontanément à son projet délictueux, quel que soit le stade des
préparatifs, mais avant le commencement de l'exécution de l'infraction
préparée. La phase préparatoire ne sera ainsi terminée qu'au moment du
commencement de la tentative. Il s'ensuit que, si le délinquant renonce
alors que les actes préparatoires ne sont pas terminés, il faudra appliquer
l'art. 260bis al. 2 CP (exemption obligatoire). S'il abandonne son projet
après avoir franchi le pas décisif, c'est l'art. 21 al. 2 CP qui sera
applicable (exemption facultative). Le but de la punissabilité des actes
préparatoires ne devient pas pour autant illusoire, car les autres
conditions du désistement, notamment celle d'agir de son propre mouvement,
doivent être encore réalisées.

  2.4  En l'espèce, le recourant qui a renoncé à son projet de hold-up avant
de franchir le seuil décisif s'est donc désisté des actes préparatoires.
Encore faut-il déterminer s'il a agi de "son propre mouvement". Pour que
cette condition soit remplie, le délinquant doit abandonner l'exécution de
son plan librement, c'est-à-dire de lui-même, sans pressions extérieures, et
ce quelle que soit la valeur morale de cette motivation (ATF 118 IV 366
consid. 3a p. 369 s.).

C'est notamment le cas lorsqu'il renonce à son projet par peur des risques
pénaux, ou parce qu'il a honte ou pitié de sa victime. L'existence du
désistement spontané n'exclut pas que le délinquant prenne conseil auprès
d'un tiers (ATF 115 IV 121 consid. 2h p. 129).

  Selon les constatations cantonales, le recourant et ses comparses ont
renoncé à leur projet après qu'une connaissance leur a déconseillé le
hold-up de la station d'essence, qui était étroitement surveillée par des
caméras, et qu'elle a refusé de participer à tout brigandage. C'est donc
bien de lui-même que le recourant a abandonné son idée de brigandage. Peu
importe qu'il ait suivi les conseils d'un tiers et que des considérations
morales n'aient pas joué de rôle. Il n'en reste pas moins que le recourant a
renoncé de son propre mouvement à des préparatifs. En ne faisant pas
application de l'art. 260bis al. 2 CP, la Cour cantonale a donc violé le
droit fédéral. Le pourvoi doit ainsi être admis, l'arrêt attaqué doit être
annulé et renvoyé à la Cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le
sens des considérants et fixe en conséquence une nouvelle peine.