Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 II 475



Urteilskopf

132 II 475

  38. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Etat
de Genève contre X. ainsi que Commission fédérale d'estimation du 1er
arrondissement (recours de droit administratif)
  1E.11/2005 du 5 septembre 2006

Regeste

  Materielle Enteignung, Eigentumsbeschränkungen aufgrund der
eidgenössischen Lärmschutzvorschriften (Art. 22 USG, Art. 5 Abs. 2 RPG, Art.
44 LFG).

  Verlangt ein Grundeigentümer eine Entschädigung aus materieller
Enteignung, weil das eidgenössische Umweltschutzgesetz die Erteilung einer
Baubewilligung auf seinem in der Bauzone gelegenen Grundstück - infolge der
Lärmvorbelastung - verunmögliche, so hat er den Anspruch beim kantonalen
Gericht geltend zu machen, das für Fälle materieller Enteignung zuständig
ist, und nicht bei der Eidgenössischen Schätzungskommission, auch wenn der
Lärm aus dem Betrieb eines Flughafens stammt (E. 2).

Sachverhalt

  X. est propriétaire de deux parcelles contiguës à Vernier, dont la surface
totale est de 42'671 m2. Dès 1952, ces deux parcelles ont été incluses dans
la 5e zone résidentielle (zone de villas). Cette affectation a été confirmée
par la loi cantonale genevoise d'application de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT). Ces terrains se trouvent
dans les environs de l'aéroport international de Genève.

  Le 23 octobre 2002, X. a adressé à la Commission fédérale d'estimation du
1er arrondissement une demande d'indemnité pour expropriation matérielle. Il
faisait valoir que les restrictions prévues par la législation fédérale sur
la protection de l'environnement (notamment par l'art. 31 de l'ordonnance du
15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit [OPB; RS 814.41]), dans
cette région exposée au bruit du trafic aérien, avaient rendu ses deux
parcelles impropres à la construction de logements. Il se référait au refus,
signifié le 30 juin 2000 par le Département cantonal de l'aménagement, de
l'équipement et du logement (DAEL; ci-après: le département cantonal), d'une
demande préalable qu'il avait déposée en vue d'obtenir l'autorisation de
construire sur ses terrains trente-neuf villas mitoyennes et douze villas
individuelles. X. avait recouru en vain contre cette décision auprès de la
Commission cantonale de recours en matière de constructions, cette autorité
ayant considéré qu'en raison des nuisances sonores du trafic aérien, les
habitants des villas projetées seraient exposés à des inconvénients graves.
Le département cantonal avait ensuite, le 21 janvier 2004, refusé de
délivrer l'autorisation de construire définitive requise pour la réalisation
du groupe de villas. Ce refus était fondé sur l'art. 31 OPB, à cause du
dépassement des valeurs limites d'exposition au bruit des aérodromes civils.

  Par une décision rendue le 27 mai 2005, la Commission fédérale
d'estimation a dit que la demande d'indemnité n'était pas prescrite (l'Etat
de Genève avait soulevé cette exception) et que les conditions du droit du
demandeur à une indemnité pour expropriation matérielle étaient réunies. Un
délai a été fixé à l'Etat de Genève pour se déterminer sur le montant de
l'indemnité. La Commission a admis sa compétence en se référant à l'art. 44
de la loi fédérale du 21 décembre

1948 sur l'aviation (LA; RS 748.0), qui prévoit l'application par analogie
de la procédure d'estimation dans les cas où "la restriction de la propriété
foncière par le plan de zone donne droit à une indemnité [équivalant] dans
ses effets à une expropriation". Elle a retenu que l'entrée en vigueur, le
1er juin 2001, de l'annexe 5 de l'OPB avait eu pour conséquence de supprimer
la vocation à bâtir des deux parcelles litigieuses; elle a assimilé cette
nouvelle norme du droit fédéral à un changement d'affectation du sol et
considéré que, par rapport l'inclusion de ces terrains dans la 5e zone lors
de l'adoption en 1987 des plans annexés à la LaLAT, il s'agissait d'un
déclassement constitutif d'expropriation matérielle.

  Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Etat de Genève a
demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale
d'estimation et de débouter X. de toutes ses conclusions. Le Tribunal
fédéral a admis le recours de droit administratif et annulé la décision de
la Commission fédérale d'estimation.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.  Conformément à l'art. 77 al. 1 de la loi fédérale du 20 juin 1930 sur
l'expropriation (LEx; RS 711), la voie du recours de droit administratif
(art. 97 ss OJ) est ouverte contre les décisions des commissions
d'estimation. La décision attaquée, par laquelle il est statué
définitivement sur le principe de l'octroi d'une indemnité, est une décision
finale partielle pouvant faire l'objet d'un tel recours, et non pas une
décision incidente (cf. ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291, 384 consid. 2.3
p. 385 - en relation avec les art. 101 let. a et 106 al. 1 OJ). L'Etat de
Genève, qui a agi en première instance en tant qu'"expropriant", a qualité
pour recourir (art. 78 al. 1 LEx). Il y a lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

  2.  La contestation porte, en l'espèce, sur des conséquences de
l'exposition des biens-fonds de l'intimé au bruit du trafic aérien. D'après
la décision attaquée, des restrictions de la propriété équivalant à une
expropriation résulteraient en l'espèce de l'entrée en vigueur de l'annexe 5
de l'OPB (nouvelle version) le 1er juin 2001 (modification de l'OPB du 30
mai 2001, RO 2001 p. 1610). Le recourant conteste l'obligation d'indemniser
le propriétaire intimé à cause de ces restrictions.

  2.1  Dans la procédure de recours de droit administratif, le Tribunal
fédéral est en principe lié par les conclusions des parties, mais pas

par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ). En l'occurrence,
l'Etat de Genève conclut à l'annulation totale de la décision attaquée. Il
ne conteste pas la compétence de la Commission fédérale d'estimation mais
cette question peut être examinée d'office, dans le cadre des conclusions
prises, ce d'autant plus que le Tribunal fédéral est également en cette
matière autorité de surveillance (art. 63 LEx; cf. ATF 112 Ib 538 consid. 1
p. 540).

  2.2  Le droit de l'intimé (demandeur en première instance) à une indemnité
pour expropriation matérielle a été reconnu dans le cadre d'une procédure
d'estimation régie par la loi fédérale sur l'expropriation (art. 57 ss LEx).
Cette procédure est en principe prévue dans les cas d'expropriation
formelle; les cas d'expropriation matérielle - où il s'agit de statuer sur
des prétentions à une indemnité pour des restrictions de la propriété qui
équivalent à une expropriation (cf. notamment art. 26 al. 2 Cst.) - ne sont
pas directement visés par la réglementation légale de la procédure
d'estimation. Certaines lois fédérales prévoient toutefois expressément la
compétence de la commission fédérale d'estimation, et l'application des
règles de la procédure d'estimation, dans des cas d'expropriation
matérielle. Il en va ainsi, par exemple, pour les restrictions résultant de
la création de zones réservées ou de l'adoption de plans d'alignement en vue
de la construction de certains ouvrages (cf. art. 18 et 25 de la loi
fédérale du 8 mars 1960 sur les routes nationales [LRN; RS 725.11]; art. 18u
de la loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer [LCdF; RS
742.101]).

  Dans le domaine de l'aviation, l'application "par analogie" de la
procédure d'estimation des art. 57 ss LEx est également prévue, par l'art.
44 LA, au cas où un "plan de zone" - à savoir un plan des zones de sécurité
ou un plan des zones de bruit, autour d'un aérodrome public (art. 42 LA; cf.
ATF 121 II 317 consid. 12 p. 343) - entraînerait des restrictions de la
propriété foncière équivalant dans leurs effets à une expropriation. La
Commission fédérale d'estimation est ainsi compétente pour statuer "lorsque
l'existence ou l'étendue des prétentions sont contestées" (art. 44 al. 4
LA); en d'autres termes, elle peut octroyer une indemnité d'expropriation
matérielle.

  2.3  A Genève, un plan des zones de bruit a été établi dans les années
1970 par le canton, alors concessionnaire et exploitant de l'aéroport. Ce
plan a été mis à l'enquête publique en janvier 1979, approuvé par le Conseil
fédéral le 8 avril 1987 puis publié le 2 septembre

1987, ce qui lui a donné force obligatoire (cf. ATF 121 II 317, p. 320 ss).
A cette époque, les prescriptions régissant les plans de zones de bruit -
prescriptions que le législateur avait chargé le Conseil fédéral d'adopter
(art. 42 al. 1 LA) - étaient contenues dans l'ancienne ordonnance du 14
novembre 1973 sur la navigation aérienne (ONA). Les deux parcelles de
l'intimé avaient été classées en zone de bruit B, où n'étaient pas admis les
bâtiments d'habitation, même insonorisés (de tels bâtiments pouvaient en
revanche être construits en zone C - cf. art. 62 al. 1 ONA; ATF 121 II 317,
p. 321).

  Dans sa réponse au recours de droit administratif, l'intimé fait valoir
que la charge de bruit n'était en réalité, au moment déterminant, pas si
importante qu'un classement en zone B fût prescrit; ses deux parcelles
auraient pu être utilisées selon le régime de la zone C. Dans diverses
affaires soumises au Tribunal fédéral, il a en effet été donné acte à des
propriétaires fonciers voisins de l'aéroport que des terrains classés dans
la zone B auraient dû finalement être inclus dans la zone C, où les
restrictions imposées par l'art. 62 ONA étaient moins sévères (cf. ATF 121
II 317 consid. 12d p. 346 ss). Quoi qu'il en soit, dans la décision
attaquée, la Commission fédérale n'a pas examiné la portée du plan des zones
de bruit dans le cas concret; ce ne sont pas les restrictions découlant du
régime de la zone B (selon le plan publié en 1987) ou de la zone C (qui,
selon toute vraisemblance, auraient été applicables à partir de 1987, en
fonction d'une évaluation correcte du niveau de bruit du trafic aérien) qui
ont été jugées équivalentes à une expropriation, mais bien des restrictions
découlant de l'application de la législation fédérale sur la protection de
l'environnement, après une révision récente de l'ordonnance sur la
protection contre le bruit.

  Précisément, l'art. 42 al. 5 LA réserve (depuis 1995) les prescriptions de
la législation fédérale sur la protection de l'environnement. L'adoption
d'une réglementation complète sur la protection contre le bruit, dans la loi
fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS
814.01) puis dans l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB), a
amené le Conseil fédéral à abroger les dispositions qu'il avait édictées,
sur la base de l'art. 42 al. 1 LA, au sujet des zones de bruit (cf. ch. III
de la modification du 12 avril 2000 de l'ordonnance sur la protection contre
le bruit [RO 2000 p. 1388], qui abroge les art. 40 à 47 de l'ordonnance du
23 novembre 1994 sur l'infrastructure aéronautique [OSIA; RS 748.131.1],
articles qui correspondaient aux dispositions de l'ancienne ordonnance sur

la navigation aérienne [ONA] concernant les zones de bruit). L'exploitant
d'un aéroport n'est donc plus tenu, depuis le 1er mai 2000, d'adopter ou
d'actualiser un plan des zones de bruit (cf. à ce propos ATF 130 II 394
consid. 7.2 p. 403).

  2.4  Les restrictions invoquées par l'intimé, dans la présente procédure,
résultent directement de l'application du droit fédéral. Il n'est pas exclu
que l'entrée en vigueur d'une disposition légale, quand elle a pour effet
d'empêcher la délivrance d'autorisations de construire sur un terrain classé
dans une zone à bâtir par le plan d'affectation cantonal ou communal, puisse
être considérée comme une mesure constitutive d'expropriation matérielle. A
tout le moins, il importe de donner au propriétaire foncier concerné la
possibilité d'ouvrir action et de présenter des conclusions en paiement à ce
titre, notamment quand l'inconstructibilité est concrètement démontrée par
le refus d'un permis de construire (cf. ATF 105 Ia 330, où la demande
d'indemnité avait été présentée après un refus d'autorisation fondée sur les
anciens art. 19 et 20 LPEP; cf. également arrêt P.312/1978 du 30 mai 1979,
publié in ZBl 81/1980 p. 354 consid. 6b, où le Tribunal fédéral estime
critiquable la conception selon laquelle le refus d'un permis de construire
ne peut pas justifier l'ouverture d'une procédure d'expropriation
matérielle; cf. ENRICO RIVA, Hauptfragen der materiellen Enteignung, Berne
1990, p. 220/221).

  En matière de protection contre le bruit, la législation fédérale impose,
pour la construction sur un terrain classé dans la zone à bâtir, des
conditions supplémentaires à celles prévues par le plan d'affectation et son
règlement (cf. art. 22 al. 3 LAT [RS 700], réservant les autres conditions
posées par le droit fédéral et le droit cantonal). L'art. 22 al. 1 LPE
dispose que les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au
séjour prolongé des personnes ne seront en principe délivrés que si les
valeurs limites d'immissions ne sont pas dépassées (des exceptions sont
prévues à l'art. 22 al. 2 LPE et l'art. 31 OPB reprend cette réglementation
en la précisant). Les valeurs limites d'immissions sont fixées dans des
annexes à l'OPB, en fonction de la source de bruit. Pour le bruit des
aérodromes civils, la fixation des valeurs limites est intervenue assez
tardivement (à l'occasion d'une modification de l'OPB en 2001). Depuis lors,
les conséquences de l'application des art. 22 LPE et 31 OPB sur les terrains
en zone à bâtir dans les environs de l'aéroport de Genève sont en principe
assez claires. Dans une zone à vocation exclusivement

résidentielle, cela peut rendre impossible la construction des bâtiments
prévus par le plan d'affectation.

  2.5  L'intimé demande, dans la présente procédure, une indemnité pour
expropriation matérielle. Il ne prétend pas à une indemnité pour
expropriation formelle des droits de voisinage, qui peut être allouée à
certaines conditions prévues par la jurisprudence, qu'il n'y a pas lieu de
rappeler ici (cf. en particulier, pour le bruit du trafic aérien autour d'un
aéroport, ATF 121 II 317). Il faut néanmoins examiner si la possibilité
d'une procédure pour expropriation formelle de droits de voisinage - parce
que le bruit provient d'un aéroport national construit et exploité par une
collectivité disposant du droit d'expropriation en vertu de la législation
fédérale - exclut par principe une expropriation matérielle, en raison de
restrictions ayant également pour origine le bruit de l'aéroport.

  Lorsque la législation fédérale sur l'aviation prévoyait encore
l'établissement de plans des zones de bruit (cf. supra, consid. 2.3), la
jurisprudence retenait que, pour les propriétaires d'immeubles exposés au
bruit du trafic aérien - les nuisances entraînant soit une moins-value du
bien-fonds, soit des restrictions d'utilisation -, le droit de demander une
indemnité pour expropriation (formelle) des droits de voisinage n'excluait
pas le droit de faire valoir des prétentions pour expropriation matérielle,
sur la base de l'art. 44 LA. Le droit fédéral admettait la coexistence des
deux procédures, ce régime juridique excluant toutefois un cumul
d'indemnités pour un même préjudice économique (cf. ATF 110 Ib 368 consid.
2d et 2e p. 378). Ultérieurement, le Tribunal fédéral a encore examiné dans
quelques arrêts la question de l'expropriation matérielle à la suite du
classement d'un bien-fonds dans une zone de bruit; dans les cas qui lui ont
été soumis, aucune indemnité n'a été allouée à ce titre (cf. ATF 121 II 317
consid. 11 ss p. 343 ss; 122 II 17 consid. 7b p. 20; 123 II 481 consid. 6 p.
487). Il n'y a cependant pas lieu de revenir dans le présent arrêt sur cette
question, dès lors que la restriction litigieuse ne découle pas d'un plan
des zones de bruit établi selon les art. 42 ss LA.

  D'une façon plus générale, la possibilité de demander une indemnité pour
expropriation formelle des droits de voisinage, selon la procédure des art.
57 ss LEx, ne doit pas empêcher le propriétaire concerné d'ouvrir action en
paiement d'une indemnité d'expropriation matérielle, quand bien même,
concrètement, l'origine de la moins-value

ou des restrictions est le caractère excessif des nuisances provenant d'un
ouvrage public (aéroport, route nationale, voie de chemin de fer, etc.).
Cela étant, sur le fond, il faut dans tous les cas éviter un cumul
d'indemnités.

  2.6  La loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE) contient,
en matière de protection contre le bruit, des normes qui doivent être
appliquées par les autorités chargées de l'aménagement du territoire, soit
dans le cadre de l'établissement ou de la révision des plans d'affectation
soit au stade de l'autorisation de construire. Ces normes entraînent, le cas
échéant, des restrictions pour les propriétaires des biens-fonds exposés au
bruit.

  Si l'indemnité d'expropriation matérielle est demandée à cause d'une
inconstructibilité résultant de l'application de l'art. 22 LPE - restriction
qui se concrétise par un refus de permis de construire -, la situation
présente une certaine analogie avec un déclassement d'un terrain à bâtir
fondé sur l'art. 24 al. 2 LPE, disposition selon laquelle les zones à bâtir
existantes mais non encore équipées, qui sont destinées à la construction de
logements et dans lesquelles les valeurs de planification sont dépassées,
doivent en principe être affectées à une utilisation moins sensible au
bruit. En règle générale, lorsque des restrictions du droit de propriété
résultent de la modification d'un plan d'affectation (cantonal ou communal),
pour mettre en oeuvre la législation sur la protection de l'environnement ou
pour d'autres motifs d'aménagement du territoire, il incombe à une
juridiction cantonale de statuer sur les demandes d'indemnité pour
expropriation matérielle, sur la base de l'art. 5 al. 2 LAT et des règles
formelles du droit cantonal. Il doit en aller de même lorsque la "mesure
d'aménagement" - soit une interdiction de construire certains bâtiments à
usage sensible au bruit - est une conséquence directe de l'application de
l'art. 22 LPE; en pareil cas en effet, on aurait également pu concevoir une
modification préalable du plan d'affectation pour adapter la réglementation
à la situation concrète, en matière de nuisances.

  2.7  Ainsi, d'un côté, il faut admettre en principe la compétence des
juridictions cantonales pour statuer sur les prétentions des propriétaires
qui soutiennent que l'application de l'art. 22 LPE provoque des restrictions
équivalant à une expropriation. D'un autre côté, il y a lieu de constater
que dans cette situation - qu'il faut distinguer d'un cas d'expropriation
matérielle à cause des restrictions imposées

par les anciens plans des zones de bruit -, aucune disposition de la loi
fédérale sur l'aviation (LA), de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx)
ni d'une autre loi fédérale ne prévoit la compétence de la Commission
fédérale d'estimation. Or on ne saurait étendre la compétence des
Commissions fédérales d'estimation au-delà des limites fixées par la loi
fédérale sur l'expropriation ou par les lois spéciales qui prévoient
expressément l'application de la procédure d'estimation, soit directement
soit par analogie (cf. supra, consid. 2.2). Les règles sur la compétence
matérielle des Commissions fédérales d'estimation sont des règles
impératives. Hors des cas prévus par la loi, lorsque la contestation ne
porte pas sur un cas d'expropriation formelle (dans le cadre fixé par l'art.
64 al. 1 LEx) mais sur une indemnisation pour expropriation matérielle, la
commission saisie par un propriétaire doit décliner sa compétence,
nonobstant un éventuel accord des parties pour procéder devant elle (cf. ATF
121 II 436 consid. 3b p. 440; 115 Ib 411 consid. 2b p. 413).

  Dans la présente affaire, seule la question de la compétence est
litigieuse et il n'y a pas lieu d'examiner plus avant à quelles conditions
l'application des art. 22 LPE et 31 OPB pourrait éventuellement justifier
l'octroi d'une indemnité d'expropriation matérielle (cette question a
également été laissée indécise dans d'autres arrêts: cf. ATF 126 II 522
consid. 49 p. 596; arrêt 1A.135/2000 du 1er mai 2001, consid. 5, publié in
DEP 2001 p. 454, 460 s.; cf. néanmoins, avant l'entrée en vigueur de la LAT
et de la LPE, l'arrêt P.312/1978 du 30 mai 1979, publié in ZBl 81/1980 p.
354, où le Tribunal fédéral avait refusé de reconnaître un cas
d'expropriation matérielle mais réservé l'éventualité d'une expropriation
formelle des droits de voisinage, à propos d'un bien-fonds voisin d'une
route nationale). Il convient encore de relever que la question de
l'expropriation matérielle à cause de l'impossibilité de construire sur un
bien-fonds exposé au bruit doit être distinguée de la question de la prise
en charge des coûts de murs antibruit ou d'autres ouvrages de protection
contre les nuisances, érigés dans le but d'épargner à certains propriétaires
fonciers les restrictions découlant des art. 22 LPE et 31 OPB (question se
posant du reste plutôt aux abords des routes et des voies de chemin de fer
qu'aux environs des aéroports). Cette dernière question a été évoquée dans
deux arrêts du Tribunal fédéral (ATF 120 Ib 76 consid. 5b p. 88; 132 II
371). Les considérations à ce sujet, notamment quant à la procédure à suivre
(expropriation formelle, expropriation matérielle) ou à la portée du
principe de causalité

(art. 2 LPE), ne sont pas directement pertinentes là où il n'est pas
question de réaliser des ouvrages de protection contre le bruit.

  2.8  Il résulte des considérants précédents que, dans le cas particulier,
c'est en violation du droit fédéral que la Commission fédérale d'estimation
a admis sa compétence pour statuer sur les prétentions de l'intimé. Il se
justifie donc, conformément aux conclusions du recourant, d'annuler la
décision attaquée.

  Dès lors qu'elle est incompétente, la Commission n'a pas à statuer à
nouveau sur les prétentions de l'intimé, ni à transmettre d'office les actes
de la procédure à une autre autorité. Il appartient à l'intimé de décider
s'il entend ouvrir action devant la juridiction cantonale compétente, en
observant les règles formelles du droit cantonal.