Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 II 401



Urteilskopf

132 II 401

  33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel contre époux X. et Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel (recours de droit administratif)
1A.310/2005 du 17 juillet 2006

Regeste

  Ausgleichsverfahren für raumplanungsbedingte erhebliche Vorteile; Art. 5
Abs. 1 RPG.

  Der erhebliche Vorteil muss wirtschaftlicher Natur sein. Er ist in
Berücksichtigung aller Umstände zu bemessen (E. 2.1).

  Prüfung des Vorteils, der sich unter den hier gegebenen besonderen
Umständen aus der Zuweisung einer bisher in der Reservezone liegenden
Parzelle zu einer Wohnzone ergibt (E. 2.2-2.4).

Sachverhalt ab Seite 401

  Le 21 mai 1999, les époux X. ont acquis, à Cortaillod, un bien-fonds de
2'125 m2, dont 155 sont occupés par une construction (habitation et garage).
La vente a été conclue au prix de 200 francs le m2.

  Selon le plan d'aménagement de la commune de Cortaillod du 26 septembre
1975, cette parcelle était affectée à la zone d'utilisation

différée. Un nouveau plan d'aménagement et un nouveau règlement ont été
adoptés par le Conseil général le 29 septembre 1995. Suite à leur sanction
par le Conseil d'Etat le 27 octobre 1999 et à leur publication dans la
Feuille officielle le 10 novembre 1999, la parcelle a été classée en zone
d'habitation à faible densité 2.

  Par décision du 10 novembre 2004, le département cantonal a fixé, sur la
base du rapport de l'architecte qu'il avait mandaté, à 40'268 fr. 60 la
contribution due par les époux X. à la suite du changement d'affectation de
leur parcelle. Les valeurs de référence retenues par l'expert pour le
terrain avant et après le changement d'affectation, étaient respectivement
de 3 francs le m2 (prix moyen du terrain agricole) et de 200 francs le m2.
Les époux X. ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal
administratif cantonal. Ce dernier l'a annulée, considérant que, quand bien
même le changement d'affectation procurait un avantage aux époux X., cela
n'était pas suffisant pour constituer un avantage majeur au sens de l'art.
34 al. 1 LCAT. La mise en valeur du terrain dépendait en effet encore de
l'adoption d'un plan de quartier et de l'accord d'un ou de plusieurs
voisins, voire d'une réunion parcellaire par le biais d'une vente, ou d'un
remembrement.

  Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Conseil d'Etat
du canton de Neuchâtel demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif et de renvoyer l'affaire à cette juridiction pour
nouvelle décision au sens des considérants.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  Le Conseil d'Etat affirme que l'affectation en zone d'habitation à
faible densité 2 constitue un avantage majeur. Il conteste que le potentiel
constructible de la parcelle ne puisse être réalisé que moyennant un accord
entre voisins ou une réunion parcellaire. Un regroupement des constructions
dans le cadre d'un plan de quartier serait suffisant. Le Tribunal
administratif n'aurait en outre pas examiné la possibilité pour la commune
d'élaborer elle-même le plan de quartier. La référence à la jurisprudence
applicable en matière d'expropriation matérielle ne serait pas appropriée;
il y aurait lieu de tenir compte de la situation concrète, en fonction du
droit cantonal.

  2.1  Selon l'art. 33 de la loi cantonale du 2 octobre 1991 sur
l'aménagement du territoire (LCAT; RSN 701.0), les avantages et les
inconvénients

résultant de mesures d'aménagement du territoire font l'objet d'une
compensation s'ils sont majeurs. L'augmentation de valeur d'un bien-fonds
consécutive à son affectation à la zone d'urbanisation (art. 47) ou à une
zone spécifique (art. 53) est réputée avantage majeur constituant une
plus-value (art. 34 al. 1 LCAT). Celle-ci est la différence présumée entre
la valeur d'un bien-fonds avant et après la mesure d'aménagement (art. 34
al. 2 LCAT). En cas de plus-value, une contribution correspondant à 20 % de
celle-ci est due à l'Etat par le propriétaire du bien-fonds (art. 35 al. 1
LCAT). Le département arrête le montant de la plus-value et celui de la
contribution au moment où la mesure d'aménagement entre en vigueur (art. 36
LCAT), c'est-à-dire au moment de la publication de la sanction du plan par
le Conseil d'Etat (art. 96a LCAT). Selon l'art. 37 LCAT, après consultation
de la commune, le département fixe le délai de perception en tenant compte
des besoins en terrains à bâtir et de la possibilité d'utiliser le
bien-fonds (al. 1); la perception peut être différée ou échelonnée à la
demande d'un propriétaire qui justifie de circonstances particulières (al.
2); elle intervient cependant au plus tard lors de l'aliénation du
bien-fonds (al. 3 ); l'art. 48 al. 4 est réservé (al. 4). Aux termes de
cette dernière disposition, la perception de la plus-value est différée
aussi longtemps que dure l'assimilation à la zone agricole ou viticole.

  La présomption de l'art. 34 al. 1 LCAT est réfragable (arrêt du 24 février
2003 publié in Recueil de jurisprudence neuchâteloise [RJN] 2003 p. 360 et
les arrêts cités). La jurisprudence cantonale a également posé que le
caractère majeur de l'avantage procuré par la mesure d'aménagement doit être
apprécié au regard de la variation réelle et concrète de la valeur de
l'immeuble en cause et non dans l'abstrait. Est déterminante la possibilité
effective d'utiliser la parcelle pour la construction d'une manière conforme
à la zone dont elle fait désormais partie (ibid.). Il faut tenir compte,
équitablement, dans le cas concret, des avantages et inconvénients majeurs
tels qu'ils résultent de l'ensemble des circonstances propres à la mesure
d'aménagement considérée (arrêt du 17 février 1994 publié in RJN 1994 p.
167). La doctrine et la jurisprudence ont en outre interprété l'art. 34 al.
2 LCAT en ce sens que c'est la valeur objective du terrain qui doit être
prise en considération. Il s'agirait donc de procéder à l'estimation du
terrain en deux étapes, avant et après la mesure d'aménagement, en ne
s'appuyant que sur des critères objectifs. Dans les cas où il y aurait
vente, les estimations ne pourraient pas

uniquement se baser sur les prix effectivement payés, ni sur la valeur
cadastrale (FRANCESCO PARRINO, La contribution sur la plus-value dans le
canton de Neuchâtel, in Mémoire ASPAN n° 57, Berne 1992, p. 39 ss, 46; arrêt
du 24 février 2003 publié in RJN 2003 p. 360).

  La réglementation cantonale a été mise en place suite à l'entrée en
vigueur, le 1er janvier 1980, de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700), dont l'art. 5 al. 1 prévoit que le droit cantonal
doit établir un régime de compensation permettant de tenir compte
équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent des
mesures d'aménagement. La notion d'avantage majeur est une notion de droit
fédéral. Il s'agit toutefois d'une notion juridique indéterminée, de sorte
qu'il faut laisser à la juridiction cantonale une certaine latitude de
jugement (cf. notamment ENRICO RIVA, Commentaire LAT, n. 84 ad art. 5 LAT).
Le caractère majeur de l'avantage implique que les différences de valeur peu
importantes ou insignifiantes ne doivent pas être prises en considération
(DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire, Berne 1981, n. 6 ad art. 5 LAT, p. 117). La plus-value doit donc
avoir un certain poids par rapport à la valeur normale du bien-fonds
(Message du Conseil fédéral concernant la LAT, FF 1972 I 1441, p. 1510).
L'adverbe "équitablement", qui figure à l'art. 5 al. 1 LAT, montre en outre
que le prélèvement doit s'effectuer par rapport à l'ensemble de la situation
(FF 1972 I 1441, p. 1511). L'avantage majeur doit être économique
(DFJP/OFAT, Recommandations concernant le régime de la compensation des
avantages résultant de mesures d'aménagement selon l'art. 5, premier alinéa,
de la LAT, novembre 1986, p. 8 [ci-après: les Recommandations]; BLAISE
KNAPP, La compensation selon l'art. 5 LAT, in Habitation, mars 1982, n. 3 p.
13 ss, 17). En effet, le seul critère possible pour déterminer l'avantage
majeur est celui de l'avantage pécuniaire que la mesure crée (BLAISE KNAPP,
op. cit., p. 17). S'agissant du calcul de la plus-value, les Recommandations
prévoient qu'il y a lieu de se fonder sur les valeurs vénales et non pas sur
des valeurs officielles ou comptables. Il faut en particulier que la valeur
de comparaison inférieure soit la valeur vénale au moment de la dernière
réalisation déterminante pour la contribution sur les avantages (p. 40; cf.
également ENRICO RIVA, op. cit., n. 43 ad art. 5 LAT).

  2.2
  2.2.1  En l'espèce, avant l'entrée en vigueur du nouveau plan
d'aménagement en 1999, la parcelle était classée en zone d'utilisation
différée.

L'art. 77 du règlement d'urbanisme sanctionné par le Conseil d'Etat le 26
septembre 1975 n'en donnait qu'une définition sommaire. Il se contentait
d'indiquer qu'il s'agissait de terrains qui n'étaient pas attribués à une
destination précise et qui n'étaient pas réglementés. Le conseil communal se
réservait de proposer un statut définitif à chacun des secteurs réservés,
quand il le jugerait opportun, au fur et à mesure que les nécessités
pourraient être précisées. Le conseil communal devait proposer les règles de
construction à appliquer. Le nouveau règlement d'aménagement est cependant
plus explicite: "la zone d'utilisation différée est destinée à l'extension
future de la localité, si les intérêts de la commune justifient d'ouvrir ces
terrains à la construction, pour l'habitation, l'activité économique ou
l'utilité publique" (art. 14.2). La zone d'utilisation différée ne fait pas
partie de la zone d'urbanisation (art. 47 LCAT) et ne peut être ouverte à la
construction qu'à la suite d'une modification du plan d'aménagement (art. 52
LCAT). Avant toute autorisation de construire, l'accomplissement d'une
procédure complète de planification est donc exigé.

  L'art. 18 al. 2 LAT permet aux cantons de réglementer de telles zones, que
l'on nomme également zones de réserve (PIERMARCO ZEN-RUFFINEN/CHRISTINE
GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne
2001, n. 386, p. 174). Ces dernières ne sont pas considérées comme
constructibles (ATF 123 I 175 consid. 3b/aa p. 183 et les arrêts cités).
Elles ne peuvent pas être établies au préjudice des zones à bâtir, agricoles
ou à protéger. Les terrains qui font partie de la zone à bâtir, à savoir les
terrains largement construits (art. 15 let. a LAT) et qui seront
probablement nécessaires à la construction dans les quinze ans à venir et
qui seront équipés dans ce laps de temps (art. 15 let. b LAT) ne doivent en
effet pas être attribués à une zone de réserve (ATF 123 I 175 consid. 3e/aa
p. 188; 116 Ia 328 consid. 3b p. 330 s.; 115 Ia 333 consid. 4 p. 338; 113 Ia
133 consid. 4e p. 461; 112 Ia 155 consid. 2c et d p. 158 s.). Dans le cas
particulier, il n'apparaît cependant pas que l'affectation de la parcelle en
cause à la zone d'utilisation différée ait été contraire au droit fédéral.

  2.2.2  Par l'adoption du nouveau plan d'aménagement, la parcelle a été
classée en zone d'habitation à faible densité 2, qui fait partie de la zone
d'urbanisation (art. 5.6.2 du règlement d'aménagement de la commune de
Cortaillod [ci-après: RA]). Cette zone se caractérise par une prédominance
de l'habitat groupé (art. 10.6.1 al. 2 RA),

mais elle est aussi destinée à l'habitat individuel et aux maisons-terrasses
(art. 10.6.3 RA). Afin d'économiser le sol à bâtir, une certaine
densification de l'urbanisation doit y être recherchée, tout en préservant
la qualité de l'habitation (art. 10.6.2 RA). La parcelle fait également
partie d'un périmètre de plan de quartier (art. 19.1 RA), dont la
réglementation, tout comme celle de la zone d'habitation à faible densité 2
(art. 10.6.2 al. 4 RA), subordonne toute construction à l'établissement d'un
plan de quartier (art. 19.7 RA). Selon l'art. 19.4 RA, le taux d'occupation
du sol et la densité doivent être calculés pour l'ensemble du plan de
quartier, selon les règles applicables au regroupement des constructions
(art. 68 LCAT). Le plan de quartier peut être élaboré par la commune ou par
un ou plusieurs propriétaires, pour des terrains d'une surface de 3'000 m2
au moins (art. 82 al. 1 LCAT). Il ne s'agit pas d'une procédure complète de
planification: le plan de quartier est soumis à l'enquête publique, puis
doit être adopté par le conseil communal. Le conseil général n'a pas à se
prononcer et il n'est pas prévu de procédure cantonale de sanction (art. 102
ss LCAT).

  2.3  Le Tribunal administratif a considéré que les intimés avaient
bénéficié d'un avantage, car la nouvelle affectation de la parcelle
permettait de construire selon une procédure moins restrictive que
précédemment. Cet avantage ne pouvait cependant pas être considéré comme
majeur, les possibilités de construire demeurant très aléatoires. Le
Tribunal administratif est toutefois parti de la prémisse que les intimés
avaient profité d'un avantage, sans analyser l'ensemble des circonstances
(cf. consid. 2.1). Perdant en particulier de vue que l'avantage doit être de
nature économique, il a omis d'examiner si la valeur du terrain avait en
l'espèce réellement subi une modification du fait de l'entrée en vigueur de
la mesure d'aménagement.

  2.4  A titre préalable, il convient d'observer que le terrain en cause
était situé en zone d'utilisation différée et non en zone agricole. Quand
bien même la zone d'utilisation différée doit être qualifiée de zone
inconstructible, elle est néanmoins destinée tôt ou tard à la construction
(cf. consid. 2.2.1), de sorte que le prix d'un terrain sis dans une telle
zone ne correspond pas nécessairement à celui d'un terrain en zone agricole.
En effet, le classement en zone d'utilisation différée peut, selon les cas,
avoir un effet sur le prix du terrain, parfois plus élevé que dans une zone
inconstructible "ordinaire" (arrêt du Tribunal fédéral 1P.329/1997 du 2
décembre 1997). C'est précisément le cas en l'espèce. Le bien-fonds en cause
jouxtait la

zone d'urbanisation. Il était lui-même déjà partiellement construit, de même
que deux des parcelles avoisinantes. Au surplus, la configuration du plan
d'aménagement de la commune de Cortaillod donnait raisonnablement à penser
que la zone d'urbanisation s'étendrait en premier lieu dans ce secteur. Les
perspectives d'urbanisation étaient donc élevées. Avec l'écoulement du
temps, l'affectation en zone constructible devenait d'ailleurs de plus en
plus certaine, accroissant par là même graduellement la valeur de la
parcelle.

  Cette forte probabilité d'urbanisation s'est du reste concrétisée par
l'approbation d'un nouveau plan d'aménagement et de son règlement le 20
septembre 1995 par le Conseiller d'Etat en charge du Département de la
Gestion et du Territoire, et par leur adoption le 29 septembre 1995 par le
Conseil d'Etat. Le plan et le règlement ont ensuite été mis à l'enquête
publique du 1er au 22 novembre 1995. Selon les informations qui ressortent
du dossier et qui n'ont pas été contredites, le classement en zone
d'habitation à faible densité 2 du quartier de Mont-Pitié, dans lequel se
trouve la parcelle des intimés, n'a fait l'objet d'aucune opposition. Dès le
22 novembre 1995, il existait donc une quasi-certitude que la parcelle des
intimés serait affectée à la zone de construction. N'étaient plus que
requises l'approbation et la sanction du plan par le Conseil d'Etat, dont il
est rappelé que le préavis avait été favorable.

  Les intimés ont acquis leur parcelle le 21 mai 1999, soit seulement cinq
mois avant l'entrée en vigueur formelle de la mesure d'aménagement, qui est
elle-même intervenue plus de quatre ans après la fin de la procédure
communale. Pendant toute cette période, la valeur de la parcelle n'a cessé
de croître. Un prix de 200 francs le m2 a été payé, soit le prix pour un
terrain constructible (cf. état de fait). Il ne pouvait en effet en aller
autrement, puisque la procédure d'urbanisation était sur le point d'aboutir
et que la nouvelle mesure d'aménagement confinait à la certitude. Ainsi,
quand bien même le plan et le règlement n'avaient pas encore définitivement
été approuvés et sanctionnés par le Conseil d'Etat, il n'en demeurait pas
moins que la valeur objective du terrain était très proche de celle d'un
terrain en zone constructible. Il n'existe, dans ces circonstances, aucune
raison de s'écarter de la valeur vénale pour la détermination de la
plus-value. Lors de l'entrée en vigueur de la mesure d'aménagement, les
intimés n'ont donc pas vu leur situation se modifier de façon importante.
Ils n'ont bénéficié d'aucun avantage économique, puisqu'ils avaient, cinq
mois plus tôt, payé le prix d'un terrain constructible.

Le prélèvement d'une contribution de plus-value auprès des intimés est dès
lors injustifié et contraire au principe de l'équité qui sous-tend le
système de compensation des avantages (Message du Conseil fédéral concernant
la LAT, FF 1978 I 1007, p. 1018).

  2.5  L'issue du litige rend inutile l'examen des possibilités effectives
de construire la parcelle. Le recours de droit administratif doit donc être
rejeté au sens des considérants qui précèdent. L'intérêt pécuniaire du
canton étant en cause dans la présente procédure, il doit être astreint à
payer un émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 et 2 OJ). Les
intimés ont droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Neuchâtel (art. 159
al. 1 et 2 OJ).