Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 586



Urteilskopf

132 III 586

  69. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. contre Y.
ainsi que Cour de justice du canton de Genève (recours de droit public)
  5P.122/2006 du 11 juillet 2006

Regeste

  Art. 1 und 5 des Haager Übereinkommens über die Zuständigkeit der Behörden
und das anzuwendende Recht auf dem Gebiet des Schutzes von Minderjährigen;
Art. 25 lit. a IPRG.

  Massnahmen zum Schutz eines Minderjährigen, die ein ausländisches Gericht
in einem Zeitpunkt getroffen hat, in dem das Kind seinen gewöhnlichen
Aufenthalt bereits in die Schweiz oder in einen anderen Vertragsstaat
verlegt hatte, können in der Schweiz nicht anerkannt werden (E. 2.2).

  Erfolgt die Verlegung des gewöhnlichen Aufenthalts während der
Rechtshängigkeit einer Appellation, verliert die Appellationsinstanz die
Zuständigkeit zur Anordnung von Schutzmassnahmen und ihr Entscheid könnte in
der Schweiz nicht anerkannt werden (E. 2.3).

Sachverhalt

  A.- Y., ressortissant mexicain né en 1957, diplomate, et X.,
ressortissante espagnole née en 1962, se sont mariés en 1989. De cette union
sont issus deux enfants, nés en 1989 et 1993.

  Le 27 novembre 1996, le Tribunal de première instance de La Haye, statuant
d'accord entre les parties, a prononcé le divorce des époux Y. et a attribué
la garde et l'autorité parentale sur les enfants au père, réservant à la
mère un droit de visite et d'hébergement.

  X. s'est remariée aux Pays-Bas avec un fonctionnaire brésilien. Elle s'est
ensuite installée au Brésil où les enfants l'ont rejointe en septembre 1998.
Par jugement du 11 novembre 1998, la Chambre de la famille du Tribunal de
Brasilia (Brésil) a homologué l'accord des ex-époux transférant à compter du
25 septembre 1998 la garde des enfants à la mère, le père bénéficiant d'un
très large droit de visite. L'exequatur de cette décision a été prononcé à
Genève par jugement du 3 décembre 2003.

  X. s'est installée à Genève, avec son deuxième mari et ses enfants, en
mars 1999, avant de déménager en France voisine en septembre 2000. Elle a
divorcé de son second mari en mars 2001 et travaille depuis août 2001 pour
une organisation internationale à Genève. Depuis le 1er juillet 2003, X.
réside à nouveau à Genève avec ses enfants.

  Y. était pour sa part en poste à Genève, en sa qualité de diplomate,
jusqu'en mai 2004. Muté depuis lors en Amérique du Sud, il s'est remarié et
a deux enfants en bas âge.

  B.- En juin 2002, Y. a déposé auprès du Juge aux affaires familiales du
Tribunal de Grande Instance de Bourg-en-Bresse une requête tendant à
l'instauration d'une garde alternée. En juillet 2002, X. a saisi le même
juge d'une demande d'exequatur du jugement brésilien du 11 novembre 1998.
Les deux procédures ont été jointes.

  Par "ordonnance modifiant les mesures accessoires après jugement" rendue
le 22 avril 2003, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande
Instance de Bourg-en-Bresse a, notamment, dit que l'autorité parentale était
exercée en commun par les deux parents, ordonné à titre provisoire la
résidence en alternance des enfants au domicile respectif de leurs père et
mère durant une période de neuf mois, condamné le père à verser à la mère
une contribution d'entretien de 500 euros par mois pour chacun des enfants,
ordonné une mesure de médiation familiale aux frais partagés des parties,
renvoyé l'affaire et les parties - sans nouvelles convocations - à
l'audience du 27 janvier 2004 pour qu'il soit statué définitivement sur la
résidence des enfants au sens de l'art. 373-2-9 CCfr. et fait injonction aux
parties de conclure pour cette date au vu du résultat du rapport de
médiation familiale.

  C.- Par déclaration du 23 mai 2003, X. a fait appel de l'ordonnance du 22
avril 2003. Après avoir pris des conclusions sur le fond, elle a signifié de
nouvelles conclusions le 22 janvier 2004, sollicitant de la Cour d'appel de
Lyon, notamment, qu'elle se déclare incompétente pour connaître du litige,
qui devait être dévolu aux juridictions helvétiques et soumis à
l'application du droit suisse. L'instruction de la cause a été clôturée le
26 novembre 2004 et une audience de plaidoiries s'est tenue le 14 décembre
2004.

  Par arrêt du 21 février 2005, aujourd'hui définitif, la Cour d'appel de
Lyon a rejeté l'exception d'incompétence; elle a considéré que si,
postérieurement au jugement, la mère avait transféré définitivement

sa résidence en territoire helvétique, il lui appartenait au vu de cet
élément nouveau de saisir la juridiction suisse de première instance
compétente, la Cour d'appel de Lyon demeurant toutefois compétente pour
statuer sur l'appel du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de
Bourg-en-Bresse. Sur le fond, la Cour d'appel a notamment réformé
l'ordonnance déférée en ce sens qu'elle a fixé la résidence des enfants chez
leur père, qu'elle a fixé le droit de visite de la mère et qu'elle a dit que
celle-ci devait assumer les frais de trajet des enfants dans le cadre de
l'exercice du droit de visite.

  D.- Par jugement du 1er décembre 2005, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a admis la requête de Y. en exequatur de l'arrêt de la Cour
d'appel de Lyon du 21 février 2005.

  X. a appelé de ce jugement auprès de la Cour de justice du canton de
Genève. Elle a soutenu que l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon ne pouvait pas
être reconnu et exécuté en Suisse, notamment parce que les autorités
françaises n'étaient plus compétentes ensuite du déplacement, pendant la
procédure d'appel, de la résidence habituelle des enfants en Suisse.

  E.- Statuant par arrêt du 16 février 2006, la première Section de la Cour
de justice a rejeté l'appel et a confirmé le jugement du 1er décembre 2005.
La motivation de cet arrêt, dans ce qu'elle a d'utile à retenir pour
l'examen du recours, est en substance la suivante :

  E.a En vertu de l'art. 1er de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961
concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de
protection des mineurs, les autorités de l'Etat de la résidence habituelle
d'un mineur sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la
protection de sa personne ou de ses biens. La Suisse et la France ont
ratifié cette Convention, qui est donc applicable au cas d'espèce. L'art. 5
al. 1 de la Convention dispose qu'au cas de déplacement de la résidence
habituelle d'un mineur d'un Etat contractant dans un autre, les mesures
prises par les autorités de l'Etat de l'ancienne résidence habituelle
restent en vigueur tant que les autorités de la nouvelle résidence
habituelle ne les ont pas levées ou remplacées.

  E.b En droit international privé, la situation de fait qui conditionne
tant la compétence des tribunaux que la désignation de la loi applicable
peut évoluer au fil du temps. En principe, les conditions de recevabilité
initiales déterminent les règles de compétence et la loi applicable jusqu'à
l'issue du litige; c'est le principe de la perpetuatio

fori. Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la Convention
de La Haye de 1961 présente une exception à ce principe, en ce sens que
lorsqu'un enfant mineur dont les père et mère sont en instance de divorce
déplace en cours de procédure sa résidence habituelle dans un autre Etat
contractant, les autorités de cet Etat sont seules compétentes pour statuer
sur l'attribution de l'autorité parentale ainsi que sur les relations
personnelles entre l'enfant et ses père et mère (ATF 123 III 411 consid.
2a).

  E.c La présente espèce diffère toutefois sur un point essentiel de celle
qui a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral précité. En effet, dans le
cas présent, la mesure avait déjà été prise par la juridiction de première
instance, et le déplacement de résidence n'est survenu qu'au cours de la
procédure d'appel. Cela étant, il n'était pas contraire à l'esprit de la
Convention que les juges français admissent leur compétence. La décision
rendue n'étant ainsi pas contraire à l'ordre public suisse, c'est à bon
droit que le premier juge en a prononcé l'exequatur.

  F.- Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public interjeté par
X. contre cet arrêt, qu'il a annulé.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.

  2.2  La Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence
des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs (RS
0.211.231.01), entrée en vigueur le 4 février 1969 pour la Suisse et le 10
novembre 1972 pour la France, s'applique à tous les mineurs qui ont leur
résidence habituelle dans un des Etats contractants (art. 13 al. 1).

  2.2.1  Englobant toutes les mesures tendant à la protection de la personne
ou des biens du mineur (art. 1er), cette Convention régit en particulier
l'attribution et le retrait de l'autorité parentale ainsi que le règlement
de la garde et des relations personnelles, notamment dans le cadre d'un
divorce (ANDREAS BUCHER, L'enfant en droit international privé, 2003, n. 321
et 388; ATF 123 III 411 consid. 2a/bb) ou de la modification d'un jugement
de divorce concernant l'attribution des enfants (ATF 117 II 334; 109 II
375).

  2.2.2  Selon l'art. 7 de la Convention, les mesures prises par les
autorités compétentes en vertu des articles précédents sont reconnues dans
tous les Etats contractants; si toutefois ces mesures comportent

des actes d'exécution dans un Etat autre que celui où elles ont été prises,
leur reconnaissance et exécution sont réglées soit par le droit interne de
l'Etat où l'exécution est demandée, soit par les conventions
internationales. Pour l'exécution d'une mesure étrangère en Suisse, il y a
donc lieu de se référer - sous réserve des conventions internationales liant
la Suisse - aux art. 25 à 30 LDIP, étant précisé que la compétence indirecte
de l'autorité étrangère découle de la Convention, soit de ses art. 1er et 4
(BUCHER, op. cit., n. 374 et 370).

  2.2.3  L'art. 1er de la Convention de La Haye de 1961 prévoit que les
autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'Etat de la résidence
habituelle d'un mineur sont - sous réserve des dispositions des art. 3, 4 et
5 al. 3 - compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa
personne ou de ses biens. Pour le cas où un mineur déplace sa résidence
habituelle d'un Etat contractant dans un autre, l'art. 5 al. 1 de la
Convention prévoit que les mesures prises par les autorités de l'Etat de
l'ancienne résidence habituelle restent en vigueur tant que les autorités de
la nouvelle résidence habituelle ne les ont pas levées ou remplacées.

  2.2.4  La Convention n'indique pas expressément comment il faut procéder
lorsque des mesures de protection ont été requises, mais pas encore prises,
avant le déplacement de la résidence; toutefois, il résulte de son esprit et
de son but que des mesures ne peuvent en principe plus être prises par les
autorités de l'Etat de l'ancienne résidence habituelle (ATF 123 III 411
consid. 2a et les références citées; BUCHER, op. cit., n. 337). Dans les
relations entre Etats contractants, le changement de résidence habituelle du
mineur entraîne ainsi un changement simultané de la compétence; le principe
de la perpetuatio fori ne s'applique pas (BUCHER, op. cit., n. 337). Il suit
de là qu'une mesure rendue par un tribunal étranger ayant statué alors que
l'enfant avait déjà transféré sa résidence habituelle en Suisse ou dans un
autre Etat contractant ne peut être reconnue (BUCHER, op. cit., n. 370;
arrêt du Tribunal d'appel du canton du Tessin du 25 octobre 1999, publié in
FamPra.ch 2000 n° 25 p. 336 ss).

  2.3  En l'espèce, il est constant que la recourante, après avoir fait
appel le 23 mai 2003 de l'ordonnance rendue un mois plus tôt par le Juge aux
affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Bourg-en-Bresse, s'est
installée dès le 1er juillet 2003 à Genève, où elle réside depuis lors avec
ses deux enfants. L'issue du litige dépend ainsi du point de savoir si la
Cour d'appel de Lyon était compétente

pour rendre, plus de dix-huit mois après que les enfants avaient déplacé
leur résidence habituelle en Suisse, l'arrêt dont l'exequatur est requis.

  2.3.1  Selon la doctrine qui s'est exprimée sur la question, si le mineur
déplace sa résidence habituelle dans un autre Etat contractant alors que
l'instance est pendante en appel, c'est-à-dire devant une autorité pouvant
revoir la cause tant en fait qu'en droit, cette autorité perd la compétence
pour statuer sur les mesures de protection (JAN KROPHOLLER, in J. von
Staudingers Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, Einführungsgesetz zum
Bürgerlichen Gesetzbuch, Neubearbeitung Berlin 2003, n. 158 des remarques
préalables ad art. 19 EGBGB, p. 408 s.; KURT SIEHR, in Münchener Kommentar
zum Bürgerlichen Gesetzbuch, vol. 10, 3e éd., Munich 1998, n. 37 ad art. 19
Anh. I EGBGB, p. 1061; HELGA OBERLOSKAMP, Haager
Minderjährigenschutzabkommen, Cologne 1983, n. 137 ad art. 1, p. 36).

  2.3.2  Il en va différemment si la cause est pendante devant une autorité
dont le pouvoir d'examen est limité au droit, car dans ce cas, comme les
faits ont été établis avant que le mineur ne déplace sa résidence habituelle
et qu'ils lient l'autorité de recours, il n'existe pas de raison de décliner
la compétence de cette dernière en raison du déplacement de résidence
(KROPHOLLER, op. cit., n. 159 des remarques préalables ad art. 19 EGBGB, p.
409; SIEHR, op. cit., n. 39 ad art. 19 Anh. I EGBGB, p. 1062; OBERLOSKAMP,
op. cit., n. 138 ad art. 1, p. 36).

  2.3.3  En l'espèce, la compétence de la Cour d'appel de Lyon - autorité
d'appel qui a statué, sur la base d'un état de fait qu'elle a elle-même
instruit et établi, alors que les enfants avaient déplacé leur résidence
habituelle en Suisse depuis plus de dix-huit mois - n'était donc pas donnée.
L'arrêt attaqué, qui a prononcé à tort l'exequatur de l'arrêt du 21 février
2005 alors que la condition de la compétence indirecte posée par l'art. 25
let. a LDIP n'était pas remplie, sera par conséquent annulé pour ce motif,
sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés par la
recourante.