Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 564



Urteilskopf

132 III 564

  67. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. et Y. contre
Banque A. (recours en réforme)
  4C.122/2006 du 27 juin 2006

Regeste

  Verantwortlichkeit der Verwaltungsräte; Art. 725, 754 und 759 OR.

  Darstellung der verschiedenen Klagen, die dem Gesellschaftsgläubiger je
nach der Art des von ihm erlittenen Schadens zur Verfügung stehen (E. 3).

  Anwendungsvoraussetzungen von Art. 754 OR (E. 4).

  Sorgfaltspflicht der Verwaltungsräte, wenn gegenüber einer von ihnen
geleiteten Gesellschaft, die sich in einer prekären Situation befindet und
keinerlei Aktivitäten entfaltet, eine Forderung geltend gemacht wird (E. 5).

  Prüfung der Voraussetzungen des Schadens und des adäquaten
Kausalzusammenhangs (E. 6). Klagt ein Gläubiger als Abtretungsgläubiger von
Rechtsansprüchen der Masse, ist die Begründetheit und der Umfang seiner im
Konkurs kollozierten Forderung nicht nachzuprüfen (Bestätigung der
Rechtsprechung; E. 6.1).

  Tragweite der differenzierten Solidarität nach Art. 759 Abs. 1 OR (E. 7).

Sachverhalt

  A.- Les avocats X. et Y. étaient membres du conseil d'administration de la
société Z. S.A., constituée à Genève en 1983 et dont les actionnaires
appartenaient à la famille N., d'origine étrangère. La société Z. n'a jamais
déployé aucune activité.

  X. et Y. étaient apparemment les seuls administrateurs présents à
l'assemblée générale. Ils adressaient un exemplaire du rapport de révision
établi par la fiduciaire I., un procès-verbal succinct de l'assemblée et
leurs notes d'honoraires au président du conseil d'administration. Ils lui
demandaient quelles étaient ses intentions quant à l'avenir de Z. et
attiraient régulièrement son attention sur la diminution constante de la
fortune de la société en raison des frais inhérents au maintien de son
existence.

  Le 2 avril 1990, la fiduciaire I. a informé le conseil d'administration de
Z. que les comptes de l'exercice 1989 totalisaient des pertes supérieures à
la moitié du capital social en faisant référence à l'art. 725 CO. Comme le
bilan ne mentionnait aucune dette, il a été décidé d'approuver les comptes,
de reporter les pertes et de maintenir l'existence de la société. Il a été
procédé de la même façon pour les bilans relatifs aux exercices 1990 et
1991, la société Z. n'ayant alors toujours pas de dette.

  B.- Le 1er juillet 1984, Z. a conclu un contrat de bail avec J. portant
sur la location d'une villa pour une durée de dix ans moyennant un loyer
initial de 132'000 fr. La maison faisait partie d'un ensemble de cinq villas
dont quatre ont été louées par des membres de la famille N.

  Dès le mois de mars 1992, après le refus des autorités helvétiques
d'autoriser les locataires à acquérir les villas, les loyers, qui étaient
payés par le débit d'un compte bancaire dont le titulaire est resté inconnu,
ont cessé d'être versés.

  Le 18 août 1992, J. a fait notifier à X. et Y., en tant qu'administrateurs
de Z., un commandement de payer portant sur 98'883 fr. 40 plus intérêt
correspondant aux loyers de la villa louée par la société pour les mois de
mars à septembre 1992. Les deux administrateurs ont formé opposition,
alléguant n'avoir jamais eu connaissance de l'existence d'un contrat de
bail.

  Le 20 août 1992, J. leur a communiqué une copie du bail litigieux, ainsi
que les mises en demeure adressées par le propriétaire à ses locataires et à
l'avocate de la famille N.

  X. et Y. ont répondu qu'ils contestaient la validité du bail.

  Le 16 novembre 1992, un nouveau commandement de payer portant sur un
montant de 42'378 fr. 60 et correspondant aux loyers de la villa d'octobre à
décembre 1992 a été notifié à Z. X. et Y. s'y sont opposés.

  Le 14 décembre 1992, l'avocate de la famille N. a déclaré résilier le bail
de la villa loué par la société Z. pour son plus prochain terme. Copie de ce
courrier a été adressée à X. et à Y.

  Le 17 février 1993, X. et Y. ont fait part à l'organe de contrôle de Z. de
la réclamation portant sur les loyers de la villa, lui demandant s'il était
opportun de constituer une provision et de déposer le bilan. La fiduciaire
I. a estimé qu'une simple note en pied de bilan était suffisante. Une telle
mention a été introduite dans le rapport de l'organe de révision relatif aux
comptes de l'exercice 1992.

  Le 8 juin 1995, X. et Y. n'ont pas accepté leur réélection en qualité
d'administrateurs de Z. L'organe de révision a présenté sa démission à la
même date.

  Le 15 juillet 1995, la masse en faillite de J. a cédé à la Banque A. la
totalité de l'état locatif des cinq villas, dont il a été constaté que la
famille N. avait disposé jusqu'en mars 1996.

  Par jugement du 19 octobre 1995, le Tribunal des baux et loyers du canton
de Genève a déclaré non fondées les actions en libération de dette
introduites par la société Z. à la suite des décisions de mainlevée des
oppositions aux commandements de payer portant sur les loyers. Il a condamné
la société Z. à payer à J. et à la Banque A. les loyers de la villa du 1er
janvier 1993 au 15 mars 1995.

  La faillite de Z. a été prononcée le 18 février 1997. La masse en faillite
de J. et la Banque A. ont produit une créance de 611'688 fr. 70
correspondant aux arriérés de loyers du 1er mars 1992 au 30 mars

1995 avec les intérêts. Faute d'actifs réalisables, elles ont obtenu un acte
de défaut de biens pour le montant de leur production. Elles se sont
également fait céder les droits de la masse en faillite de Z. pour agir en
responsabilité contre les administrateurs.

  C.- Le 29 janvier 1998, la Banque A., agissant comme cessionnaire des
droits de la masse, a formé une action en responsabilité auprès des
autorités judiciaires genevoises contre X. et Y. en concluant à leur
condamnation à lui verser le montant de 611'688 fr.

  Le jugement de première instance déboutant la Banque A. de ses conclusions
a été annulé par arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2003, la cause étant
renvoyée à l'autorité de première instance pour qu'elle se prononce sur le
dommage.

  Le 7 avril 2005, le Tribunal de première instance a condamné X. et Y. à
payer à la Banque A. le montant de 166'267 fr.

  Le 17 février 2006, la Cour de justice a annulé ce jugement et condamné X.
et Y, conjointement et solidairement, à payer à la Banque A. le montant de
545'488 fr. plus intérêt.

  Contre cet arrêt, X et Y interjettent chacun un recours en réforme au
Tribunal fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  La cour cantonale a admis la responsabilité des administrateurs.
Reprenant l'analyse qui figurait dans son arrêt du 14 mars 2003, elle a
considéré que les défendeurs auraient dû provisionner, dès la notification
du premier commandement de payer, le 18 août 1992, la prétention découlant
du contrat de bail de la villa, même incertaine. Si ce poste avait été
comptabilisé, l'intégralité du capital de Z. S.A. aurait été pratiquement
absorbée par les dettes et la société se serait trouvée, dès 1992, en état
de surendettement justifiant l'avis au juge. Les manquements des
administrateurs avaient ainsi conduit à différer le prononcé de la faillite
et, partant, à augmenter les pertes de la société. Se déterminant ensuite
sur la question du dommage, la cour cantonale a tenu pour raisonnable
d'admettre que les administrateurs auraient eu jusqu'au 31 décembre 1992
pour faire effectuer un bilan intermédiaire et aviser le juge de la
situation. Elle a ainsi établi le dommage à 545'488 fr., ce qui
correspondait à la différence entre le découvert dans la faillite effective
de Z. S.A. le 18 février 1997 et le découvert existant au 31 décembre 1992.
Les défendeurs ne pouvaient se prévaloir de la simulation

voire de la nullité du contrat de bail, cette position étant contredite par
le jugement définitif du 19 octobre 1995 rendu par le Tribunal des baux et
loyers. Quant au comportement du bailleur qui, selon les défendeurs,
n'aurait pas fait ce qui était en son pouvoir pour diminuer son dommage à
partir de décembre 1992, la cour a estimé qu'il s'agissait d'une objection
qu'aurait pu avoir Z. S.A., mais qui ne pouvait plus être invoquée à
l'encontre de la communauté des créanciers. L'existence d'une éventuelle
faute d'un tiers, en l'occurrence de la banque, de nature à rompre le lien
de causalité adéquate a, pour sa part, été niée. Les administrateurs étaient
ainsi tenus de réparer l'entier du préjudice subi par Z. S.A.

Erwägung 3

  3.  Avant d'examiner si les conditions de la responsabilité des
administrateurs sont réalisées, il y a lieu de préciser, en regard de la
jurisprudence récente, la nature de l'action dirigée par la banque
créancière.

  3.1  L'action dont dispose un créancier social envers les organes d'une
société dépend du type de dommage subi. A cet égard, trois situations sont
envisageables.

  3.1.1  Premièrement, le créancier peut être lésé à titre personnel par le
comportement des organes, à l'exclusion de tout dommage causé à la société.
Il subit alors un dommage direct (cf. ATF 110 II 391 consid. 1, confirmé
notamment in arrêt du Tribunal fédéral 4C.142/2004 du 4 octobre 2004,
consid. 4).

  3.1.2  Deuxièmement, le créancier peut encourir une perte, car le
comportement d'un administrateur a appauvri la société, de sorte qu'il ne
parvient pas à récupérer ou seulement de manière incomplète ses prétentions
envers celle-ci. Son dommage n'est alors qu'indirect, car il découle de
l'insolvabilité de la société (ATF 131 III 306 consid. 3.1.1; 128 III 180
consid. 2c p. 183). Dans ce cas très fréquent, les manquements des organes
causent en premier lieu un dommage à la société, le créancier n'étant lésé
que par ricochet (Reflexschaden). Pour qualifier ce dommage, la pratique
utilise indifféremment les termes de dommage ou préjudice réfléchi, indirect
ou par ricochet. Dans la suite de cet arrêt, on parlera de dommage par
ricochet.

  Tant que la société demeure solvable, c'est-à-dire qu'elle est en mesure
d'honorer ses engagements, le dommage reste dans sa seule sphère, sans
toucher les créanciers sociaux, qui pourront obtenir le plein de leurs
prétentions. C'est seulement lorsque les manquements

des organes entraînent l'insolvabilité de la société, puis sa faillite, que
le créancier subit une perte qui constitue un dommage par ricochet (cf.
arrêt 4C.142/2004 précité, consid. 4; FORSTMOSER/SPRECHER/TÖNDURY,
Persönliche Haftung nach Schweizer Aktienrecht, Zurich 2005, p. 37 n. 82).

  3.1.3  En troisième lieu, il existe encore des situations, plus rares,
dans lesquelles on discerne à la fois un dommage direct pour le créancier et
un dommage direct pour la société (cf. ATF 131 III 306 consid. 3.1.2). En
d'autres termes, le comportement de l'organe porte directement atteinte au
patrimoine de la société et du créancier social, sans que le préjudice causé
à ce dernier ne dépende de la faillite de la société.

  3.2  La qualité pour agir du créancier lésé à l'encontre de l'organe de la
société varie en fonction des trois situations précitées. Les distinctions
qui suivent sont dictées par le respect des règles générales du droit de la
responsabilité civile. Parmi celles-ci figure le principe selon lequel seul
le lésé direct peut demander réparation de son dommage, celui qui ne subit
qu'un dommage par ricochet en raison d'une relation particulière avec le
lésé direct ne dispose d'aucune action en réparation contre l'auteur du
dommage (ATF 131 III 306 consid. 3.1.1 et les références citées).

  3.2.1  Lorsque le comportement d'un organe de la société cause un dommage
direct à un créancier, alors que la société ne subit elle-même aucun
préjudice, le créancier lésé peut agir à titre individuel et réclamer des
dommages-intérêts au responsable (cf. ATF 131 III 306 consid. 3.1.2). Son
action est régie par les règles ordinaires de la responsabilité civile et, à
condition qu'elle repose sur un fondement juridique valable, elle n'est
soumise à aucune restriction (ATF 131 III 306 consid. 3.1.2, confirmé in
arrêt du Tribunal fédéral 4C.48/2005 du 13 mai 2005, consid. 2.1; CORBOZ,
Note sur la qualité pour agir en responsabilité contre un administrateur ou
un réviseur, in SJ 2005 I p. 390 ss, 391). Les limitations posées par la
jurisprudence quant à la possibilité pour le créancier social d'agir
individuellement contre un organe ne sont pas applicables (arrêt du Tribunal
fédéral 4C.200/2002 du 13 novembre 2002, consid. 3 non publié à l'ATF 129
III 129; cf. infra consid. 3.2.3). La réparation de ce dommage peut être
invoquée en tout temps par l'intéressé, peu importe que la société ait été
mise en faillite ou non (ATF 127 III 374 consid. 3a p. 377).

  3.2.2  En cas de dommage par ricochet du créancier, la qualité de lésé
appartient à la société qui se trouve directement appauvrie par le
comportement de l'organe. En vertu des principes généraux de la
responsabilité, c'est la société qui est en première ligne légitimée à
réclamer des dommages-intérêts à l'organe responsable. Le créancier social
ne dispose lui-même d'aucune action individuelle pour obtenir réparation du
dommage qu'il a subi par ricochet (ATF 131 III 306 consid. 3.1.1). Lorsque
la société tombe en faillite, la créance que celle-ci pouvait faire valoir
contre l'organe responsable est remplacée par une créance de la communauté
des créanciers (cf. ATF 117 II 432 consid. 1b/dd p. 439 s.), qu'il
appartient en priorité à l'administration de la faillite de faire valoir
(cf. art. 757 al. 1 CO). Toutefois, si l'administration de la faillite
renonce à exercer l'action sociale (art. 757 al. 2 CO), un créancier social
peut réclamer la réparation du dommage subi directement par la société (ATF
131 III 306 consid. 3.1.1 p. 311). Il exerce alors l'action de la communauté
des créanciers, mais le produit éventuel de l'action servira d'abord à
couvrir ses propres prétentions telles que colloquées (ATF 132 III 342
consid. 2.1; 117 II 432 consid. 1b/ff p.440). En matière de poursuite et
faillite, ce mécanisme est réglé à l'art. 260 LP (sur les liens entre cette
disposition et l'art. 757 CO, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.263/2004 du
23 mai 2005, consid. 1.2 non publié à l'ATF 132 III 222). Le créancier
social qui a obtenu la cession des droits de la masse en application de
l'art. 260 LP agit alors sur la base d'un mandat procédural (ATF 132 III 342
consid. 2.2; 121 III 488 consid. 2b p. 492). Il est ainsi légitimé à
actionner l'organe responsable pour réclamer la réparation du dommage subi
par la société.

  3.2.3  Enfin, dans les cas où tant la société que le créancier social se
trouvent directement lésés, il faut appliquer les règles posées par la
pratique, afin d'éviter que l'action individuelle du créancier entre en
concurrence avec les prétentions de la société. C'est uniquement dans cette
hypothèse et pour parer au risque d'une compétition entre les actions en
responsabilité exercées respectivement par la société ou l'administration de
la faillite et par les créanciers directement touchés que la jurisprudence a
limité le droit d'agir de ces derniers (ATF 131 III 306 consid. 3.1.2,
confirmé in arrêt 4C.48/2005 précité, consid. 2.1), afin de donner une
priorité à l'action sociale (CORBOZ, op. cit., p. 392). Ainsi, lorsque la
société est aussi lésée, un créancier social peut agir à titre individuel
contre un organe en réparation

du dommage direct qu'il a subi seulement s'il peut fonder son action sur un
acte illicite (art. 41 CO), une culpa in contrahendo ou sur une norme du
droit des sociétés conçue exclusivement pour protéger les créanciers (ATF
122 III 176 consid. 7 p. 189 s., confirmé in ATF 131 III 306 consid. 3.1.2
et les arrêts cités). L'importance pratique de cette règle restrictive a
souvent été exagérée par la doctrine (cf. encore récemment ANDREW M.
GARBARSKI, La responsabilité civile et pénale des organes dirigeants de
sociétés anonymes, thèse Lausanne 2005, p. 60 ss). En effet, comme déjà
indiqué, ces principes ne valent que dans les cas où l'on discerne un
dommage direct à la fois pour la société et pour le créancier. Ils ne sont
pas applicables lorsque seul le créancier social est lésé (cf. supra consid.
3.2.1). Quant au cas le plus fréquent dans lequel le créancier subit un
dommage par ricochet découlant de l'insolvabilité de la société, ces
limitations ne s'appliquent pas davantage. Elles n'ont du reste aucun
intérêt dans ce cas, puisque le créancier social lésé par ricochet ne
dispose précisément d'aucune action individuelle contre l'organe
responsable, ce qui exclut tout risque de concurrence avec l'action de la
société.

  3.3  En l'espèce, la demanderesse a produit une créance de 611'688 fr.
dans la faillite de Z. S.A. correspondant aux loyers impayés de la villa et
aux indemnités pour occupation illicite de celle-ci, plus divers frais et
intérêts, selon le jugement du Tribunal des baux et loyers du 19 octobre
1995. Faute d'actifs réalisables, la demanderesse a obtenu un acte de défaut
de biens portant sur la totalité de sa production. Elle a donc été lésée,
dans la mesure où elle n'a pu récupérer le montant de sa créance à la suite
de la faillite de Z. S.A., ce qui est le propre d'un dommage par ricochet.
Dès lors que, selon les faits retenus, la demanderesse s'est fait céder les
droits de la masse en faillite de Z. S.A. pour agir en responsabilité contre
les administrateurs de la société, sa légitimation active doit être admise.
La demanderesse exerce ainsi l'action de la société, de sorte qu'il faut
déterminer si le comportement des administrateurs était de nature à engager
leur responsabilité vis-à-vis de Z. S.A. et non pas à l'égard de la banque,
qui n'est que lésée par ricochet.

  Comme la demanderesse n'a pas subi de dommage direct, la cour cantonale
n'avait pas à examiner si celle-ci possédait la légitimation active pour
faire valoir un tel dommage. Le grief des défendeurs à ce propos tombe donc
à faux.

Erwägung 4

  4.

  4.1  Les manquements reprochés aux administrateurs sont postérieurs au
premier commandement de payer portant sur les loyers de la villa, notifié le
18 août 1992. Le nouveau droit de la société anonyme entré en vigueur le 1er
juillet 1992 est donc applicable (ATF 128 III 180 consid. 2b et l'arrêt
cité).

  4.2  En vertu de l'art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil
d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de
la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque
actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant
intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. La responsabilité des
administrateurs envers la société fondée sur cette disposition est
subordonnée à la réunion des quatre conditions générales suivantes, à savoir
la violation d'un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un
dommage et l'existence d'un rapport de causalité (naturelle et adéquate)
entre la violation du devoir et la survenance du dommage (ATF 132 III 342
consid. 4.1). Il appartient au demandeur à l'action en responsabilité de
prouver la réalisation de ces conditions (art. 8 CC), qui sont cumulatives
(arrêt du Tribunal fédéral 4C.281/2004 du 9 novembre 2004, publié in SJ 2005
I p. 221, consid. 2.3).

  Les défendeurs reprochent en substance à la cour cantonale d'avoir violé
le droit fédéral en admettant que les conditions d'application de l'art. 754
CO étaient réunies.

Erwägung 5

  5.  Ils contestent en premier lieu avoir fautivement manqué à leurs
devoirs d'administrateurs.

  5.1  L'administrateur est tenu d'accomplir sa mission avec diligence (art.
717 al. 1 CO). Il lui appartient notamment de contrôler de manière régulière
la situation économique et financière de la société (BÖCKLI, Schweizer
Aktienrecht, 3e éd., Zurich 2004, § 13 n. 767; WÜSTINER, Commentaire bâlois,
n. 32 ad art. 725 CO). L'art. 669 al. 1 CO impose de constituer des
provisions pour risques et charges, afin de couvrir les engagements
incertains et les risques de pertes sur les affaires en cours. Le montant de
la provision à indiquer au bilan doit être évalué selon le principe de la
prudence (NEUHAUS/SCHÖNBÄCHLER, Commentaire bâlois, n. 22 ad art. 669 CO) et
va dépendre de la probabilité que la prétention émise à l'encontre de la
société se concrétise (BÖCKLI, op. cit., § 8 n. 494). S'il ressort du
dernier bilan annuel que la moitié du capital-actions et

des réserves légales n'est plus couverte, le conseil d'administration
convoque immédiatement une assemblée générale et lui propose des mesures
d'assainissement (art. 725 al. 1 CO). S'il existe des raisons sérieuses
d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé
et soumis à la vérification de l'organe de révision (art. 725 al. 2 1re
phrase CO). Lorsque les dettes sociales ne sont plus couvertes, les
administrateurs doivent en principe aviser le juge (cf. art. 725 al. 2 CO;
ATF 128 III 180 consid. 2e p. 185). Exceptionnellement, il peut être renoncé
à un avis immédiat au juge, si des mesures tendant à un assainissement
concret et dont les perspectives de succès apparaissent comme sérieuses sont
prises aussitôt (ATF 116 II 533 consid. 5a p. 541, confirmé in arrêt du
Tribunal fédéral 4C.366/2000 du 19 juin 2001, consid. 4b et les références
citées). En pratique, pour déterminer s'il existe des "raisons sérieuses"
d'admettre un surendettement, le conseil d'administration ne doit pas
seulement se fonder sur le bilan, mais aussi tenir compte d'autres signaux
d'alarmes liés à l'évolution de l'activité de la société (cf. BÖCKLI, op.
cit., § 13 n. 768), tels l'existence de pertes continuelles (GARBARSKI, op.
cit., p. 167) ou l'état des fonds propres (WÜSTINER, op. cit., n. 33 ad art.
725 CO). L'administrateur qui tarde de manière fautive à aviser le juge au
sens de l'art. 725 al. 2 CO répond du dommage qui en découle
(GLANZMANN/ROBERTO, Verantwortlichkeit des Verwaltungsrates in
Sanierungssituationen, in Praxis zum unternehmerischen
Verantwortlichkeitsrecht, Zurich 2004, p. 77 ss, 80).

  5.2  En l'espèce, il a été constaté en fait, d'une manière qui lie le
Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 128 III 180 consid. 2e p. 185),
que la situation financière et économique de Z. S.A. était précaire depuis
des années. Cette société n'avait jamais exercé la moindre activité. Les
défendeurs, qui en ont été les administrateurs à partir de 1984, demandaient
au président du conseil d'administration quelles étaient ses intentions
quant à l'avenir de Z. S.A. et attiraient régulièrement son attention sur le
fait que la fortune de la société diminuait chaque année, en raison des
frais inhérents au maintien de son existence. En avril 1990, l'organe de
révision, évoquant l'art. 725 CO, a indiqué que les comptes de l'exercice
1989 totalisaient des pertes supérieures à la moitié du capital social.
Comme le bilan de Z. S.A. ne mentionnait aucune dette, il a été décidé
d'approuver les comptes, de reporter les pertes et de maintenir l'existence
de la société. Il a été procédé de la même façon pour le

bilan des exercices 1990 et 1991. Dans ce contexte, en recevant, le 18 août
1992, un commandement de payer la somme de 98'883 fr. 40 plus intérêt
correspondant aux loyers d'une villa louée par Z. S.A., accompagné, deux
jours plus tard, d'une copie du bail en cause, ainsi que des mises en
demeure adressées par le propriétaire, les défendeurs ne pouvaient se
contenter d'indiquer qu'ils contestaient la validité du contrat. Cette
prétention, qui reposait sur un bail transmis aux défendeurs, dont la
validité a du reste été reconnue ultérieurement par le Tribunal des baux et
loyers, devait au contraire être prise au sérieux. Les deux administrateurs
devaient, en application du principe de prudence, provisionner la créance
découlant du bail dès 1992, ce d'autant que, le 16 novembre 1992, un nouveau
commandement de payer portant sur 42'378 fr. 60 leur a été notifié. Compte
tenu de la situation financière préexistante de Z. S.A., créer une provision
impliquait l'obligation de dresser un bilan intermédiaire. Comme la dette de
loyer, en capital, intérêts et frais pour 1992 découlant des deux
commandements de payer se montait au total à 144'527 fr., la société, dont
les actifs à la clôture de l'exercice 1992, selon le bilan établi par
l'organe de révision, s'élevaient à 82'410 fr. 40, se trouvait surendettée.
En outre, il a été constaté que toute perspective d'assainissement immédiat
était illusoire, de sorte que les administrateurs étaient tenus, en 1992
déjà, d'aviser le juge conformément à l'art. 725 al. 2 CO. Les défendeurs,
qui exerçaient parallèlement la profession d'avocats, devaient maîtriser
cette procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.265/1992 du 4 février
1994, consid. 3b). Ils sont pourtant demeurés passifs et ont attendu le 17
février 1993 pour informer la fiduciaire de la réclamation portant sur les
loyers de la villa, se satisfaisant de l'avis émis par l'organe de révision
selon lequel une simple note en pied de bilan mentionnant cette créance
était suffisante.

  Il en découle que c'est à juste titre que la cour cantonale a conclu que
les défendeurs avaient fautivement manqué à leurs devoirs d'administrateurs
résultant de l'art. 725 CO.

  5.3  Les défendeurs ne peuvent être suivis lorsqu'ils cherchent à
démontrer que, compte tenu des renseignements dont ils disposaient en 1992,
ils étaient en droit de douter de l'existence d'un contrat de bail conclu
par Z. S.A., ce qui les dispensait de provisionner cette créance. En effet,
à partir du mois d'août 1992, ils détenaient un exemplaire de ce contrat et
pouvaient prendre tous les renseignements à ce sujet auprès du bailleur et
de l'avocate de la famille N.

De plus, même s'ils considéraient cette créance comme incertaine, les
administrateurs ne pouvaient, selon le principe de prudence, simplement
l'ignorer et ne constituer aucune provision, alors que, comme le Tribunal
des baux l'a par la suite jugé, ledit bail était parfaitement valable. Au
demeurant, les défendeurs présentent sur ce point une argumentation purement
appellatoire, qui se fonde sur des faits ne ressortant pas de l'arrêt
attaqué, de sorte que l'on peut douter de sa recevabilité (ATF 130 III 136
consid. 1.4).

Erwägung 6

  6.  A titre subsidiaire, les défendeurs contestent également la
réalisation des autres conditions de l'art. 754 al. 1 CO, à savoir
l'existence d'un dommage et d'un lien de causalité.

  6.1  Ils s'en prennent tout d'abord à la créance de loyers produite par la
demanderesse dans la faillite de Z. S.A et admise en totalité à l'état de
collocation. Ils soutiennent qu'elle serait fictive et, subsidiairement,
trop élevée, le bailleur n'ayant rien fait pour réduire le dommage causé par
la violation des obligations contractuelles du locataire.

  Comme déjà indiqué, la demanderesse n'a pas été lésée directement par les
manquements imputables aux administrateurs. Elle est légitimée à s'en
prendre aux défendeurs seulement en tant que cessionnaire des droits de la
masse en faillite de Z. S.A. et ne peut réclamer que le paiement de
dommages-intérêts à la société, le produit éventuel de l'action servant
d'abord à couvrir ses propres prétentions (cf. supra consid. 3.3). Or, la
jurisprudence a récemment précisé que, dans le cadre d'un procès en
responsabilité mené contre un organe d'une société en faillite, le fondement
matériel de la prétention du créancier demandeur qui agit en qualité de
cessionnaire des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP ne peut être
revu par les juges (cf. ATF 132 III 342 consid. 2 et les développements
figurant dans cette décision). Il en découle que les défendeurs ne peuvent
remettre en cause, dans la présente procédure, ni le bien-fondé ni la
quotité de la créance de la demanderesse figurant à l'état de collocation.
Leurs griefs à ce sujet sont donc irrecevables.

  6.2  Les défendeurs reprochent ensuite à la cour cantonale d'avoir procédé
à une fausse application de la théorie de la différence, en retenant que le
dommage subi par la société s'élevait à 545'488 fr.

  Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de
la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du
patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce

même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 132
III 186 consid. 8.1, 321 consid. 2.2.1 p. 324 et les arrêts cités). Saisi
d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral n'intervient que si l'autorité
cantonale a méconnu la notion juridique du dommage. En revanche, savoir s'il
y a eu un dommage et quelle en est la quotité est une question de fait qui
lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 130 III 145 consid.
6.2).

  Pour établir le dommage, la cour cantonale a calculé la différence entre
le découvert qu'aurait eu Z. S.A. si les administrateurs n'avaient pas
manqué à leurs devoirs, ce qui aurait conduit au prononcé de la faillite de
la société au 31 décembre 1992, et le découvert existant lors de la faillite
effective de la société le 18 février 1997. On ne voit pas qu'un tel
raisonnement révèle une méconnaissance de la notion juridique du dommage.

  Les défendeurs, sous le couvert d'une fausse application de la notion de
dommage, contestent une nouvelle fois l'étendue de leurs manquements et
remettent en cause le fait que l'on puisse leur reprocher de ne pas avoir
procédé à l'avis au juge au sens de l'art. 725 al. 2 CO en 1992 déjà. Sur ce
point, il suffit de renvoyer à ce qui a été dit à propos de la violation
fautive du devoir de diligence des administrateurs (cf. supra consid. 5.2).
La Cour de céans est parvenue à la conclusion que les juges cantonaux
n'avaient pas violé le droit fédéral en considérant que les défendeurs
auraient dû, en 1992 déjà, provisionner la créance de loyer, dresser un
bilan intermédiaire de la société et, finalement, procéder à l'avis au juge
au sens de l'art. 725 al. 2 CO. Sur cette base, on ne voit pas que l'on
puisse reprocher à la cour cantonale d'avoir retenu le 31 décembre 1992 pour
le prononcé de la faillite hypothétique de Z. S.A. et d'être partie de cette
date pour établir le dommage subi par la société.

  Quant à l'argument subsidiaire des défendeurs selon lequel, s'ils avaient
provisionné la créance en 1992, ils auraient dû prendre en compte l'ensemble
des loyers dus a posteriori, de sorte que l'aggravation du surendettement se
serait limitée à une créance de 7'609 fr. 05 née après le 31 décembre 1992,
il ne repose sur aucune logique.

  6.3  En ce qui concerne le lien de causalité adéquate, également remis en
cause par les défendeurs, il est admis que tout retard dans le dépôt du
bilan est en règle générale préjudiciable à la société (WIDMER-BANZ,
Commentaire bâlois, n. 9 et 20 ad art. 755 CO; arrêt

du Tribunal fédéral 4C.118/2005 du 8 août 2005, consid. 4.5 et les arrêts
cités). On ne saurait donc reprocher à la cour cantonale d'avoir méconnu la
notion de causalité adéquate (sur cette notion, cf. ATF 129 II 312 consid.
3.3) en retenant un tel lien entre les manquements des défendeurs et le
dommage subi par Z. S.A. en raison de l'augmentation de son découvert entre
le 31 décembre 1992 et le 18 février 1997, moment de sa faillite effective.

  Les défendeurs ne formulent d'ailleurs aucune critique consistante, se
contentant d'indiquer qu'un lien de causalité ne peut être admis si le
dommage et la violation des devoirs sont inexistants.

  Ils cherchent également à se prévaloir de la rupture du lien de causalité
adéquate, découlant de l'occupation illicite de la villa. Ce faisant, ils
remettent une nouvelle fois en cause le montant de la prétention découlant
du bail qu'a fait valoir la demanderesse dans la faillite et qui a été
admise à l'état de collocation. Une telle critique n'est pas admissible,
lorsque, comme en l'espèce, il s'agit de se prononcer sur la responsabilité
des administrateurs pour le dommage causé à la société faillie (cf. supra
consid. 6.1).

  6.4  En conclusion, les conditions de l'art. 754 CO étant réunies, c'est à
juste titre que la cour cantonale a condamné les défendeurs à payer à la
demanderesse, en tant que cessionnaire des droits de la masse, des
dommages-intérêts qui correspondent au montant du préjudice subi par la
société.

Erwägung 7

  7.  Dans une dernière critique, les défendeurs se prévalent de l'art. 759
CO, reprochant à la cour cantonale d'avoir totalement ignoré cette
disposition.

  L'art. 759 al. 1 CO institue une solidarité différenciée (ATF 122 III 324
consid. 7b p. 325), dès lors qu'il prévoit que, si plusieurs personnes
répondent d'un même dommage, chacune d'elles est solidairement responsable
dans la mesure où le dommage peut lui être imputé personnellement en raison
de sa faute et au vu des circonstances. Dans les rapports externes,
c'est-à-dire dans les rapports entre les organes responsables et le lésé, le
montant du dommage auquel un administrateur peut être condamné solidairement
ne peut dépasser le dommage qu'il a causé ou contribué à causer et qui lui
est imputable personnellement en raison de sa faute et au vu des
circonstances (ATF 122 III 324 consid. 7b p. 325; cf. aussi ATF 127 III 453
consid. 5d p. 456 s.). Chaque coresponsable peut donc faire valoir ses
motifs personnels d'atténuation de la responsabilité, tels

que la faute légère, la gêne, l'action de complaisance, la différence des
situations économiques ou la faible rémunération (CORBOZ, La responsabilité
des organes en droit des sociétés, Bâle 2005, n. 14 ad art. 759 CO;
WIDMER/BANZ, op. cit., n. 4 ss ad art. 759 CO).

  L'arrêt attaqué ne révèle pas l'existence de circonstances permettant d'en
conclure que les défendeurs ne devraient pas supporter l'ensemble du dommage
ou que l'un ou l'autre d'entre eux pourrait, à titre individuel, se
prévaloir d'un facteur personnel d'atténuation, ce que ceux-ci n'invoquent
du reste nullement dans leurs recours. Par conséquent, la cour cantonale
n'avait pas à individualiser le dommage au stade des rapport externes. On ne
peut donc lui reprocher d'avoir méconnu le principe de la solidarité
différenciée de l'art. 759 CO.

  Dans ces circonstances, les recours doivent être rejetés, dans la mesure
où ils sont recevables.