Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 353



Urteilskopf

132 III 353

  41. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Association
Abbaye de l'Arc contre Fassbind SA (recours en réforme)
  5C.264/2005 du 5 janvier 2006

Regeste

  Art. 667 Abs. 1 ZGB; vertikale Ausdehnung des Grundeigentums.

  Die vertikale Ausdehnung des Grundeigentums wird durch das Interesse
bestimmt, das die Ausübung des Eigentumsrechts mit sich bringt. Ein
künftiges Interesse genügt, vorausgesetzt dass seine Verwirklichung nach dem
gewöhnlichen Lauf der Dinge in absehbarer Zukunft wahrscheinlich ist (E.
2.1); dagegen ist das blosse Interesse an der Einräumung einer Entschädigung
nicht schutzwürdig (E. 4.2).

  Prüfung dieses Interesses im vorliegenden Fall (E. 4.1).

Sachverhalt

  A.- L'Abbaye de l'Arc de Lausanne (ci-après: la demanderesse) est une
association au sens des art. 60 ss CC; elle a notamment pour but de
maintenir et de développer l'exercice du tir à l'arc, et exploite un cercle
dans l'immeuble dont elle est propriétaire. Le bâtiment de l'Abbaye de l'Arc
est classé "monument historique"; aucune atteinte ne peut être portée à cet
objet sans l'autorisation préalable du Département cantonal des
infrastructures. La société Fassbind SA (ci-après: la défenderesse) exploite
l'Hôtel Alpha, à Lausanne; elle est propriétaire de plusieurs parcelles au
sud de l'immeuble de l'Abbaye de l'Arc, qui les surplombe.

  B.- Le 2 mars 1993, le Conseil communal de Lausanne a adopté un plan
partiel d'affectation, qui devait permettre la transformation et l'extension
de l'Hôtel Alpha; la demanderesse n'y a pas fait opposition. Le projet
prévoyait de conserver, tout en le transformant, le bâtiment qui borde
directement la rue du Petit-Chêne et d'y adjoindre une extension d'environ
50 mètres au nord, jusqu'en limite de parcelle du côté de la rue Richemont;
il nécessitait une fouille de plus de 25 mètres de profondeur sous le niveau
de celle-ci, à une vingtaine de mètres de la limite de la propriété de la
demanderesse. L'enquête publique a eu lieu du 4 au 25 mai 1999.

  Craignant notamment pour la stabilité et l'intégrité de sa propriété, la
demanderesse s'est opposée à ce projet. Les parties se sont rencontrées le
25 juin 1999 et ont abordé, entre autres points, l'aménagement

des toitures et la stabilité du terrain; en revanche, il ne résulte pas des
témoignages que la défenderesse ait garanti à la demanderesse que les
ancrages n'empiéteraient pas sur son terrain. Par convention du 19 juillet
1999, la demanderesse a retiré son opposition, moyennant le respect de
certains engagements. Le permis de construire a été délivré le 12 août 1999.

  Le 29 mai 2000, au cours des travaux, la demanderesse a interpellé la
défenderesse en se prévalant de la garantie que les ancrages en question ne
pénétreraient en aucune manière sur sa parcelle; elle lui a demandé
d'intervenir auprès de son bureau d'ingénieurs, afin que celui-ci confirme
expressément qu'aucun ancrage n'a franchi les limites de sa parcelle.

  Le 22 août 2000, le bureau d'ingénieurs a adressé à la demanderesse les
métrés des travaux d'ancrages du chantier, ainsi qu'une situation et coupe
type de ces ancrages. Le 25 septembre 2000, la demanderesse a informé la
défenderesse que lesdits métrés n'indiquaient pas les longueurs des ancrages
et étaient, par conséquent, incomplets. Le 4 octobre 2000, le bureau
d'ingénieurs lui a répondu que les ancrages provisoires (liés à la paroi
moulée pour assurer la stabilité des terrains avoisinants) seraient
"détendus dès que la structure du futur bâtiment pourra prendre leur relais"
et seraient donc "complètement inactifs"; il a concédé qu'un certain nombre
d'ancrages affleuraient, voire traversaient la limite de la propriété de la
demanderesse, à une profondeur comprise entre 20 et 40 mètres sous la partie
aval du parc.

  Le 10 octobre 2000, la demanderesse a relevé que certaines installations
de la défenderesse empiétaient sur sa propriété et risquaient de créer des
difficultés si celle-ci était exploitée en profondeur; par gain de paix,
elle a proposé de lui octroyer une servitude d'empiétement.

  C.- Le 4 octobre 2001, la demanderesse a ouvert action sur la base de
l'art. 641 CC en relation avec les art. 41 ss CO; elle a conclu à ce que la
défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 50'000 fr., plus
intérêts à 5 % l'an dès le 1er août 2001.

  Par jugement du 16 février 2004, le Tribunal civil de l'arrondissement de
Lausanne a rejeté l'action. Cette décision a été confirmée le 25 mai 2005
par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de la demanderesse.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  Aux termes de l'art. 667 al. 1 CC, la propriété du sol emporte celle
du dessus et du dessous, dans toute la hauteur et la profondeur utiles à son
exercice.

  2.1  Il résulte de cette disposition que, à l'instar d'une chose
mobilière, un immeuble constitue un corps tridimensionnel, et non pas une
simple surface (cf. notamment: MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, 5e éd., n. 8
ad art. 655 CC; THORENS, L'étendue en profondeur de la propriété foncière,
in RDS 89/1970 I p. 257). En outre, l'extension verticale de la propriété
foncière est définie par l'intérêt que présente l'exercice du droit de
propriété (ATF 122 II 349 consid. 4a/aa p. 352; 119 Ia 390 consid. 5c/bb p.
397/398; parmi les auteurs récents: REY, Basler Kommentar, 2e éd., n. 3 ad
art. 667 CC). Encore faut-il que cet intérêt soit digne de protection (ATF
97 II 333 consid. 2 p. 338; 93 II 170 consid. 5 p. 175). Un intérêt futur
suffit, pour autant que sa réalisation dans un avenir prévisible apparaisse
vraisemblable d'après le cours ordinaire des choses (THORENS, op. cit., p.
271; STEINAUER, Les droits réels, vol. II, 3e éd., n. 1616a et les auteurs
cités); à cet égard, il faut tenir compte de la situation et de la nature de
l'immeuble, de l'utilisation envisagée, ainsi que des obstacles de nature
technique ou juridique (cf. à ce sujet: REY, op. cit., n. 6 ad art. 667 CC;
SCHEIWILER, Das Interesse des Grundeigentümers am Untergrund, thèse Zurich
1974, p. 96 ss). Un intérêt digne de protection doit être également admis
lorsque le propriétaire n'exploite pas lui-même le sous-sol, mais veut se
défendre contre les activités de tiers qui pourraient se révéler
préjudiciables à l'utilisation de son fonds, par exemple en provoquant un
affaissement de terrain (SCHEIWILER, op. cit., p. 114 ss; pour le survol par
des avions: ATF 122 II 349 consid. 4a p. 352).

  2.2  L'examen de l'intérêt digne de protection fait appel au pouvoir
d'appréciation du juge (art. 4 CC). Le Tribunal fédéral se montre réservé à
cet égard. Il n'intervient que si la juridiction cantonale s'est écartée
sans raison des principes établis par la jurisprudence et la doctrine, a
pris en considération des critères dénués de pertinence ou, à l'inverse, a
omis de tenir compte de facteurs essentiels; il sanctionne en outre
l'exercice du pouvoir d'appréciation lorsqu'il aboutit à un résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante

(ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32, 571 consid. 4.3 p. 576 et les arrêts
cités).
  (...)

Erwägung 4

  4.  Il ressort du jugement de première instance, auquel se réfère
l'autorité cantonale, que 97 ancrages détendus pénètrent dans le volume du
bien-fonds de la demanderesse à une profondeur de 20 à 43 mètres sous la
terrasse de sa propriété. D'après l'expert, certains ouvrages souterrains
pourraient, suivant leur profondeur et leur implantation, entrer en conflit
avec lesdits ancrages; la mise en valeur ultérieure de l'immeuble de la
demanderesse pourrait ainsi s'en trouver compromise, si ce n'est par une
restriction à la construction, du moins par une augmentation des coûts
d'excavation. Aux points de vue économique et technique, une excavation
serait envisageable jusqu'à 28-29 mètres de profondeur, mais aucun projet de
construction actuel, concret ou précis n'existe dans ce sens. Au demeurant,
le parking voisin du Lausanne-Palace comprend un niveau inférieur situé à 14
mètres environ sous la terrasse de la demanderesse; une extension
horizontale serait donc possible en dehors de la zone d'influence des
ancrages litigieux. De même, la profondeur du parking du Grand-Chêne (ou de
St-François) ne dépasse pas 18 mètres sous l'esplanade de Montbenon. Enfin,
il faut prendre en considération la nature du bâtiment de la demanderesse
(monument historique classé à l'inventaire avec la note 1), son affectation
(exploitation d'un cercle ou club privé), la législation de droit public en
matière de construction et d'environnement, ainsi que les lignes directrices
de la politique municipale sur le stationnement (le plan d'affectation
partiel limite le nombre de places de parc intérieures à 100, dont 98 ont
déjà été réalisées). En définitive, force est d'admettre - avec le témoin
Cosandey, chef de l'Office de la police des constructions de la commune de
Lausanne - que la construction d'un parking souterrain n'est "pas
raisonnable" ou semble "peu réaliste".

  4.1  Sur le vu des motifs qui précèdent, il n'apparaît pas que l'autorité
cantonale ait omis des facteurs essentiels, ni enfreint les limites de son
pouvoir d'appréciation. En soulignant que le but de l'association
demanderesse n'est pas de nature économique, mais consiste en
"l'exploitation d'un cercle, le maintien et l'exercice du tir à l'arc", elle
a nié (implicitement) que l'intéressée entendait exercer une maîtrise sur
son sous-sol; en outre, elle a exclu que la création d'un parking souterrain
puisse être envisagée dans un proche avenir, ou même à vues humaines. Enfin,
les juges cantonaux se sont exprimés

négativement quant à la possibilité de réaliser un tel garage compte tenu
des contraintes découlant du droit public de la construction, des directives
municipales en matière de stationnement et de la nature du bâtiment.

  Les arguments de la demanderesse (la défenderesse a creusé elle-même une
fouille à plus de 30 mètres de profondeur; l'application du droit civil
[fédéral] ne saurait être restreinte par le droit administratif [de surcroît
communal]; des changements de la politique communale en matière de places de
parc sont possibles; la voiture devient de plus en plus propre, et la
pollution toujours plus réduite) sont loin de démontrer la faisabilité, en
l'état purement abstraite ("potentielle"), de la construction d'un parking
dans le sous-sol de sa parcelle. Le droit public apporte diverses
restrictions à la propriété foncière privée (cf. sur ce point: STEINAUER,
op. cit., n. 1938 ss; KNAPP, Restrictions de droit public à la propriété
privée, in Dixième Journée juridique, Genève 1970, p. 49 ss; cf. également
la présentation de ZUFFEREY/AYER/SCHROETER, La propriété face à
l'aménagement du territoire, à la police des constructions, à la protection
de l'environnement et à l'expropriation, in JdT 2000 I p. 646 ss), sans
qu'une inscription au registre foncier soit nécessaire (art. 680 al. 1 CC);
indépendamment des changements de majorités politiques, la tendance en
Europe est de désengorger le centre-ville des véhicules à moteur et d'y
réintégrer progressivement les piétons (cf. notamment: SCHAUWECKER,
Verkehrsfreie Innenstädte, thèse Zurich 1976, p. XI ss). Et il n'y a pas
davantage lieu de compter sur une prochaine suppression des normes relatives
à la protection des monuments historiques, auxquelles est assujetti le
bâtiment de la demanderesse.

  4.2  A l'exception de la construction d'un parking souterrain, la
demanderesse ne mentionne aucune autre utilisation de son bien-fonds qui
serait empêchée, à tout le moins virtuellement, par les ancrages litigieux;
d'ailleurs, vu le classement de son bâtiment comme monument historique, on
ne voit guère de quelle installation ou construction il pourrait s'agir. Il
ne reste donc que le simple intérêt à se voir allouer une indemnité; un tel
intérêt n'est toutefois pas digne de protection aux fins de l'art. 667 al. 1
CC (MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 8 ad art. 667 CC; SCHEIWILER, op. cit., p.
66/67; THORENS, op. cit., p. 270). Cela étant, l'argument pris du caractère
inéquitable de la décision attaquée tombe à faux.