Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 V 66



131 V 66

11. Arrêt dans la cause M. contre Mutuelle Valaisanne et Tribunal
administratif de la République et canton de Genève

    K 45/03 du 1er février 2005

Regeste

    Art. 128 und 129 Abs. 1 lit. b OG; Art. 61 KVG; Art. 89 ff. KVV;
Art. 6 Ziff. 1 EMRK: Verwaltungsgerichtsbeschwerde in einer Streitigkeit
über eine in Anwendung einer Tarifklausel der obligatorischen
Krankenpflegeversicherung im Einzelfall ergangene Verfügung.

    Die von Art. 6 Ziff. 1 EMRK garantierten Rechte erlauben es
einem Vertragsstaat nicht, die Rechtmässigkeit einer Tarifklausel der
obligatorischen Krankenpflegeversicherung jeglicher gerichtlichen Kontrolle
zu entziehen, wenn eine versicherte Person von einer im Einzelfall in
Anwendung dieser Klausel ergangenen Verfügung betroffen ist (Erw. 4
bis 4.3).

    Umfang der richterlichen Überprüfung einer im Einzelfall angewandten
Tarifklausel (Erw. 5.2 bis 5.3).

    Die Beschränkung der richterlichen Überprüfungsbefugnis auf eine
Kontrolle der Gesetzmässigkeit der streitigen Tarifklausel ist mit den
Anforderungen der EMRK vereinbar (Erw. 5.4).

Sachverhalt

    A.- M. est affilié à la Mutuelle Valaisanne, Assurance maladie et
accident (ci-après: la Mutuelle), pour l'assurance obligatoire des soins
en cas de maladie.

    Le 23 octobre 2000, la Mutuelle lui a notifié un nouveau certificat
d'assurance, aux termes duquel la prime mensuelle de l'assurance
obligatoire des soins avec franchise annuelle de 1200 fr., d'un montant
de 200 fr. 10, a été portée, à partir du 1er janvier 2001, à 218 fr.

    L'assuré ayant contesté cette augmentation, la caisse a confirmé sa
position par décision du 20 décembre 2000, confirmée sur opposition le
23 février 2001.

    B.- Saisi d'un recours contre la décision sur opposition, le Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales: Tribunal cantonal des assurances sociales) l'a déclaré
irrecevable, motif pris qu'il n'était pas compétent ratione materiae
(jugement du 7 août 2001).

    C.- Par arrêt du 31 mai 2002 (K 120/01), le Tribunal fédéral des
assurances a admis le recours formé contre ce jugement par M. Il a annulé
ledit prononcé et renvoyé l'affaire à la juridiction cantonale pour
décision sur le fond, après examen des autres conditions de recevabilité
du recours contre la décision sur opposition du 23 février 2001. Il a
considéré, en résumé, que la juridiction cantonale ne pouvait pas se
fonder sur l'art. 129 al. 1 let. b OJ pour refuser d'entrer en matière
sur le recours portant sur un tarif de primes d'assurance. En effet, cette
norme est une disposition applicable dans la procédure de recours de droit
administratif devant l'autorité de dernière instance mais ne s'applique
pas dans la procédure de recours devant un tribunal cantonal des assurances
compétent pour connaître des litiges en matière d'assurance-maladie.

    D.- Le 29 octobre 2002, la juridiction cantonale a invité la Mutuelle
à produire "toutes les pièces visées à l'art. 85 OAMal pour les périodes
déterminantes pour la prime 2001, ainsi que les rapports de l'organe de
révision pour les mêmes périodes (art. 86 OAMal)".

    Par ailleurs, elle a requis l'Institution commune LAMal et Santé Suisse
de lui indiquer l'augmentation des coûts de la santé durant les années
1999, 2000 et 2001, sur le plan suisse et à Genève en particulier. Le 4
novembre 2002, l'Institution commune LAMal a adressé à la juridiction
cantonale la statistique de la compensation définitive des risques
2001. Le 8 novembre suivant, Santé Suisse lui a fait parvenir un extrait
de l'évolution des coûts en Suisse et dans le canton de Genève pour les
années 1999 à 2001.

    De son côté, la Mutuelle a produit les pièces mentionnées à l'art. 85
OAMal "concernant les périodes déterminantes pour fixation de la prime
2001", ainsi que les rapports de l'organe de révision, en insistant sur
le caractère confidentiel de ces documents. La juridiction cantonale
ayant constaté que les pièces produites concernaient seulement l'année
2001, elle a requis la Mutuelle de fournir les documents relatifs aux
années 1999 et 2000. Par le ministère de son avocat, celle-ci a demandé
à la juridiction cantonale de constater que la production des documents
concernant les années 1999 et 2000 était sans objet pour l'issue du litige.

    Par jugement du 11 mars 2003, la juridiction cantonale a rejeté le
recours en tant qu'il était recevable.

    E.- M. interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction
complémentaire et nouvelle décision.

    L'intimée conclut, sous suite de dépens, à l'irrecevabilité du recours
et à la confirmation du jugement entrepris. De son côté, l'Office fédéral
des assurances sociales (OFAS) propose de déclarer le recours irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                            Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.

    1.1  Le Tribunal fédéral des assurances connaît en dernière instance
des recours de droit administratif contre des décisions au sens des
art. 97, 98 let. b à h, et de l'art. 98a, en matière d'assurances sociales
(art. 128 OJ). Toutefois, aux termes de l'art. 129 al. 1 let. b OJ, le
recours de droit administratif n'est pas recevable contre des décisions
concernant des tarifs.

    1.2  Selon la jurisprudence, le recours de droit administratif n'est
irrecevable que contre des décisions qui ont pour objet l'établissement ou
l'approbation d'un tarif dans son ensemble ou lorsqu'il vise directement
des clauses tarifaires particulières en tant que telles. En revanche, la
voie du recours de droit administratif est ouverte contre des décisions qui
sont prises en application d'un tarif dans une situation concrète. Il n'en
demeure pas moins que, même dans cette éventualité, le Tribunal fédéral
des assurances n'a pas le pouvoir de se prononcer sur tous les postes
du tarif en question, y compris la relation qui existe entre ceux-ci;
il doit bien plutôt se borner à contrôler la légalité du poste tarifaire
incriminé, appliqué dans un cas précis (ATF 126 V 345 consid. 1, 125 V
104 consid. 3b et les références).

Erwägung 2

    2.  Par un premier moyen, le recourant fait valoir que cette
jurisprudence ne peut s'appliquer dans le domaine de l'assurance-maladie,
dans la mesure où elle prescrit l'irrecevabilité du recours de droit
administratif dans des litiges portant sur des clauses tarifaires
en tant que telles. Selon lui, ces primes perçues obligatoirement sur
l'ensemble de la population varient en fonction de critères arbitraires qui
reposent essentiellement sur des projections et sur des comptabilités non
analytiques établies par des institutions de droit privé. L'exclusion de
la voie juridictionnelle dans ce domaine constitue donc une violation de
l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 30 al. 1 Cst. Ces dispositions confèrent
aux assurés le droit de s'adresser à un tribunal qui doit être en mesure
de contrôler, sur le vu de la comptabilité de l'assureur-maladie, si les
principes de l'égalité de traitement, de l'équivalence et de la couverture
des frais ont été respectés.

Erwägung 3

    3.

    3.1  Selon l'art. 6 par. 1, première phrase, CEDH, toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits
et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation
en matière pénale dirigée contre elle.

    3.2  La jurisprudence et la doctrine consacrent le principe de
la primauté du droit international sur le droit interne (ATF 125 II
425, 122 II 239 consid. 4e, 487 consid. 3a, 119 V 177 consid. 4a,
et les arrêts cités; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel
suisse, vol. I: l'Etat, Berne 2000, p. 649 ss; HAEFLIGER/SCHÜRMANN,
Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, 2e édition,
Berne 1999, p. 39 et les références de doctrine). Ce principe découle de
la nature même de la règle internationale, hiérarchiquement supérieure
à toute règle interne (ATF 122 II 487 consid. 3a). Il en résulte que
le juge ne peut pas appliquer une loi fédérale qui violerait un droit
fondamental consacré par une convention internationale (ATF 125 II 425,
119 V 178 consid. 4b, et les références; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER,
op. cit., p. 653; HAEFLIGER/SCHÜRMANN, op. cit., p. 41).

    3.3  L'art. 6 par. 1 CEDH est applicable notamment en cas de
contestations sur des droits et obligations "de caractère civil". Selon la
notion large consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt
de la Cour européenne des droits de l'homme [ACEDH] SCHULER-ZGRAGGEN,
du 24 juin 1993, Série A, vol. 263), cette notion comprend les litiges
concernant tous les régimes fédéraux d'assurances sociales en Suisse,
en matière aussi bien de prestations (ATF 122 V 50 consid. 2a, 120 V 6,
119 V 379) que de cotisations, singulièrement de primes d'assurance-maladie
(ATF 121 V 111 consid. 3a).

    Encore faut-il que la contestation porte sur des droits ou des
obligations reconnus par la législation interne (HAEFLIGER/SCHÜRMANN,
op. cit., p. 135; PETTITI/DECAUX/IMBERT, La Convention européenne
des droits de l'homme, Commentaire article par article, Paris 1995,
p. 250). En l'occurrence, il est indéniable que le paiement des primes
de l'assurance-maladie obligatoire repose sur une obligation découlant
du droit fédéral (art. 61 LAMal; art. 89 ss OAMal).

Erwägung 4

    4.  Vu ce qui précède, le point litigieux est celui de savoir si
l'art. 129 al. 1 let. b OJ viole un droit garanti par l'art. 6 par. 1
CEDH. En d'autres termes, cette disposition confère-t-elle à un assuré
touché par une décision prise en application d'un tarif des primes
de l'assurance-maladie obligatoire le droit de faire examiner par une
autorité juridictionnelle la validité de la clause tarifaire en question
et, le cas échéant, dans quelle mesure?

    4.1  Selon la jurisprudence des organes de Strasbourg, la CEDH a pour
but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets
et effectifs (ACEDH Airey, du 9 octobre 1979, Série A, vol. 32 par. 24;
ACEDH Artico, du 13 mai 1980, Série A, vol. 37 par. 33). Aussi, l'art. 6
par. 1 CEDH consacre-t-il d'abord le droit d'accès au juge (ACEDH Golder,
du 21 février 1975, Série A, vol. 18 par. 35).

    Toutefois, ce droit n'est pas absolu. Selon la jurisprudence de la Cour
européenne, il doit faire l'objet d'une réglementation par l'Etat, laquelle
peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des ressources de la
communauté et des besoins des individus. Par "ressources de la communauté",
il faut entendre notamment l'assistance judiciaire qui est soumise à des
règles budgétaires et par "besoins des individus" les limitations relatives
à l'accès aux tribunaux des mineurs et des aliénés, qu'il faut protéger.
Malgré la marge d'appréciation dont ils jouissent, les Etats ne peuvent
restreindre le droit d'accès au juge d'une manière ou à un point tels que
le droit s'en trouve atteint dans sa substance. En outre, des limitations
ne sont admissibles au regard de l'art. 6 par. 1 CEDH que si elles visent
un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité
entre les moyens et le but visé (ACEDH Ashingdane, du 28 mai 1985, Série
A, vol. 93 par. 57; ACEDH Golder, du 21 février 1975, déjà cité).

    4.2  En l'occurrence, force est de constater qu'un contrôle
juridictionnel étendu à la validité d'une clause tarifaire particulière
de l'assurance-maladie obligatoire est susceptible d'entraîner une
augmentation importante du nombre des recours. En outre, une telle solution
se heurte au fait que des tarifs ne se prêtent pas aisément à un contrôle
juridictionnel (cf. ROBERT NYFFELER, Les primes de l'assurance-maladie ne
peuvent pas être contestées, in: Sécurité sociale [CHSS] 2002 n° 6 p. 365),
ce qui est de nature à entraîner une augmentation importante de la charge
de travail des tribunaux.

    Ces considérations méritent d'être prises en compte. Toutefois,
sur le vu de la jurisprudence restrictive de la Cour européenne des
droits de l'homme, elles n'apparaissent pas suffisantes pour soustraire
la validité d'une clause tarifaire de l'assurance-maladie obligatoire à
tout contrôle juridictionnel lorsqu'un assuré est touché par une décision
prise en application de cette clause dans une situation concrète.

    4.3  Dans son projet de loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le
Conseil fédéral a proposé à l'art. 78 al. 1 que les décisions prises dans
certaines matières (par exemple la sûreté intérieure ou extérieure, les
marchés publics, etc.) soient soustraites au contrôle du Tribunal fédéral
dans le cadre du recours en matière de droit public. Cette disposition ne
contient toutefois pas d'exclusion analogue à l'art. 129 al. 1 let. b OJ.
Certaines parties consultées ayant proposé d'exclure explicitement les
décisions portant sur des tarifs (cf. Message du Conseil fédéral concernant
la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001
[FF 2001 4074]), le Conseil fédéral a justifié l'abandon de l'exception
contenue à l'art. 129 al. 1 let. b OJ au motif que cette exception a un
caractère uniquement déclaratoire, dans la mesure où elle concerne des
actes qui ne sont pas des décisions, les actes d'approbation d'actes
normatifs ayant en effet eux-mêmes un caractère normatif (FF 2001 4120).

    Ces considérations ne sont toutefois pas pertinentes dans le cas
d'espèce. En effet, le litige ne concerne pas une décision de l'OFAS
prise dans le cadre de la procédure d'approbation des tarifs des primes de
l'assurance obligatoire des soins (art. 61 al. 4 [depuis le 1er juin 2002
art. 61 al. 5] LAMal, art. 92 OAMal), mais porte sur le point de savoir
si un assuré touché par une décision prise en application d'un tarif des
primes de l'assurance-maladie obligatoire dans une situation concrète
peut exiger du juge qu'il examine la validité de la clause tarifaire en
question. A cet égard, force est de constater que le projet de LTF ne
contient pas de norme équivalant à l'art. 129 al. 1 let. b OJ actuel.

Erwägung 5

    5.

    5.1  Le droit d'accès au juge consacré à l'art. 6 par. 1 CEDH commande
notamment que le tribunal soit apte à décider, c'est-à-dire à "trancher,
sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée,
toute question relevant de sa compétence" (ACEDH Belilos, du 29 avril 1998,
Série A, vol. 132 par. 64). Une fois admis que la validité d'une clause
tarifaire de l'assurance-maladie obligatoire ne peut être soustraite
à tout contrôle juridictionnel, il n'apparaît toutefois pas contraire
à l'art. 6 par. 1 CEDH, compte tenu de la marge d'appréciation dont
disposent les Etats contractants (cf. en matière fiscale, ACEDH National
& Provincial Building Society, du 23 octobre 1997, Recueil 1997-VII,
p. 2325), de restreindre le pouvoir d'examen du juge appelé à statuer
sur la validité d'une clause tarifaire particulière en tant que telle.

    5.2  Cela étant, il n'y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence
selon laquelle le recours de droit administratif est irrecevable contre des
décisions qui ont pour objet l'établissement ou l'approbation d'un tarif
dans son ensemble ou lorsqu'il vise directement des clauses tarifaires
particulières en tant que telles. En revanche, il convient de déterminer
le pouvoir d'examen du juge, lorsque le recours est dirigé contre une
décision prise en application d'une clause tarifaire de l'assurance-maladie
obligatoire dans une situation concrète.

    Dans ses déterminations sur le recours, l'OFAS soutient que le
Tribunal fédéral des assurances doit se limiter à examiner si l'assuré a
été classé correctement dans la région de prime déterminante et dans la
classe d'âge correspondante, ou encore si le tarif approuvé par l'OFAS,
la franchise et les rabais ont été appliqués correctement à l'intéressé.

    5.2.1  Dans un arrêt RAMA 1989 n° K 821 p. 336, concernant une affaire
tombant sous le coup de la LAMA, le Tribunal fédéral des assurances
a considéré que le juge a, dans tous les cas, le pouvoir de contrôler
si la clause tarifaire déterminante a été appliquée et si elle l'a été
correctement.

    A cet effet, il peut vérifier si les règles légales de la LAMA
concernant la fixation des tarifs de cotisations ont été respectées et si
la disposition tarifaire en cause ne viole pas le principe de l'égalité
de traitement, pour autant que la loi ne prévoie pas explicitement
des différences de traitement. Le cas échéant, le contrôle porte
essentiellement sur le point de savoir si un assuré, dans un groupe de
risques autorisé par la loi, a droit, pour les mêmes cotisations, à des
prestations moins élevées que d'autres assurés du même groupe ou si,
pour les mêmes prestations, il doit payer des cotisations plus élevées
que d'autres assurés du même groupe, et cela sans qu'un motif relevant
de la technique d'assurance le justifie et sans que la loi prévoie de
différence de traitement (RAMA 1989 n° K 821 p. 338 consid. 1b/aa).

    Dans le même arrêt, le Tribunal a relevé que les cotisations ne
peuvent faire l'objet d'un contrôle de l'opportunité que dans une mesure
très limitée. En particulier, le juge n'a pas le pouvoir d'examiner si
la cotisation exigée correspond au risque spécifique présenté par chaque
assuré pris individuellement. Le seul point pouvant faire l'objet d'un
contrôle judiciaire est bien plutôt celui de savoir si, au sein d'un
même groupe de risques - tels ceux que l'on rencontre dans la pratique
et qui sont autorisés par la loi - les cotisations sont raisonnablement
proportionnées aux prestations (principe de l'équivalence). La fixation
des cotisations est fondée toutefois essentiellement sur des prévisions,
de sorte que, compte tenu de la liberté d'appréciation dont jouit
l'administration, d'une part, et de la relative insécurité des prévisions
effectuées, d'autre part, elle ne saurait être remise en cause qu'en
cas d'arbitraire.

    En résumé, le Tribunal a considéré que le juge peut uniquement
effectuer un contrôle de l'opportunité lorsque, s'agissant d'un groupe de
risques déterminé, il existe une disproportion évidente entre les charges
et les cotisations exigées et que des prestations de solidarité ne sont
pas exigibles de la part des assurés concernés ou, à tout le moins, pas
dans une telle mesure. En d'autres termes, le contrôle judiciaire peut
s'exercer uniquement en cas de violation du principe de proportionnalité
(RAMA 1989 n° K 821 p. 338 s. consid. 1 b/bb).

    5.2.2  Sous l'empire de la LAMal, le principe de l'équivalence ne joue
pratiquement plus aucun rôle, puisque désormais les prestations légales
sont les mêmes pour les différents assureurs (art. 34 al. 1 LAMal) et
qu'en règle générale, les assurés affiliés à un même assureur-maladie
s'acquittent d'un même montant des primes (art. 76 al. 1 LAMal; GEBHARD
EUGSTER, Krankenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], Soziale Sicherheit, p. 28, note de bas de page 104). Dès lors,
il paraît opportun de s'écarter des principes développés sous l'empire
de la LAMA (ATF 112 V 287 s. consid. 3 et 295 consid. 3b; RAMA 1989 n°
K 821 p. 338 s. consid. 1b). Il convient bien plutôt de considérer
que l'échelonnement d'un tarif des primes ne repose pas exclusivement
sur la valeur de la prestation assurée mais procède également d'autres
critères - d'ordre social, politique ou technique - qui sont, dans
certaines circonstances, difficilement accessibles au simple citoyen
(ATF 116 V 133 consid. 2a et les références; cf. aussi STEPHAN BERNHARD,
Primes d'assurance-maladie 1996 - vérification et approbation par l'OFAS,
in: Sécurité sociale [CHSS] 1996 p. 32 s.; RUDOLF GILLI, Augmentation
des primes ne signifie pas nécessairement recettes supplémentaires:
principes de la détermination des primes, in: infosantésuisse, 11/2002, p.
17; Veränderungen im Bereich der Prämiengenehmigung aufgrund des KVG:
Schlussbericht, in: Beiträge zur Sozialen Sicherheit, Forschungsbericht
Nr. 23/03; L'OFAS doit se concentrer sur la solvabilité des assureurs:
analyse et recommandations relatives à l'approbation des primes, in:
infosantésuisse, 3/2004 p. 13). Etant donné l'autonomie des assureurs
dans la fixation des primes (art. 61 al. 1 LAMal), ainsi que la liberté
d'appréciation étendue de l'Office fédéral de la santé publique (autrefois,
l'OFAS) dans l'approbation des tarifs des primes (art. 61 al. 5 LAMal
[jusqu'au 31 mai 2002 art. 61 al. 4 LAMal]; art. 92 OAMal) et du Conseil
fédéral en tant qu'autorité de recours interne à l'administration
(décision du Conseil fédéral du 22 octobre 1997 dans la cause S.
Gesundheitsorganisation contre Département fédéral de l'Intérieur et
OFAS, in: RAMA 1997 n° KV 18 p. 420 consid. 7.2), il ne convient pas que
l'autorité juridictionnelle appelée à trancher un cas concret puisse,
d'une manière indirecte, substituer sa propre appréciation à celle de
l'autorité administrative. Aussi, le juge est-il appelé à faire preuve
d'une grande retenue lors du contrôle d'une décision prise en application
d'une clause tarifaire dans une situation concrète. Dans un arrêt ATF
125 V 21, le Tribunal fédéral des assurances a défini la retenue dont le
juge doit faire preuve dans un litige en matière de liste des prestations
obligatoirement à la charge de l'assurance. Il a considéré que le juge,
lors du contrôle de la légalité de dispositions d'application prises par
l'autorité administrative, est en principe habilité à examiner le contenu
d'une liste de maladies à prendre en considération ou de prestations;
du moment que l'établissement de telles listes requiert le concours
de commissions consultatives de spécialistes, le Tribunal fédéral des
assurances ne dispose pas des connaissances nécessaires pour se faire une
opinion sur la question sans recourir à l'avis d'experts. Le Tribunal
en déduit qu'il n'y a, en principe, plus de place pour un examen mené
en parallèle par la voie judiciaire lorsque se pose la question des
conditions d'admission dans des domaines médicaux complexes (ATF 125 V
30 s. consid. 6a).

    5.3  Vu ce qui précède, on ne saurait partager le point de vue de
l'OFAS, selon lequel le Tribunal fédéral des assurances doit se limiter
à examiner si l'assuré a été classé correctement dans la région de prime
déterminante et dans la classe d'âge correspondante, ou encore si le
tarif approuvé par l'OFAS, la franchise et les rabais ont été appliqués
correctement à l'intéressé. Dans le cadre du contrôle de la légalité
de la clause en question, il doit bien plutôt examiner si celle-ci est
conforme au système de la répartition des dépenses (art. 60 al. 1 LAMal)
et au principe du financement autonome de l'assurance obligatoire des soins
(art. 60 al. 2 et 3 LAMal). En particulier, il lui incombe de vérifier si
la clause contestée repose, en ce qui concerne les charges et les produits,
sur une comptabilité distincte pour l'assurance-maladie sociale et, dans
ce cadre, une comptabilité séparée pour l'assurance obligatoire ordinaire
des soins, pour les formes particulières d'assurance au sens de l'art. 62
LAMal et pour l'assurance d'indemnités journalières (art. 81 al. 1 OAMal).
L'exigence d'une comptabilité distincte doit être contrôlée également en
ce qui concerne les frais d'administration (art. 84 OAMal).

    Appelé dans un cas particulier à se prononcer sur la légalité d'une
position d'un tarif des primes de l'assurance-maladie obligatoire, le juge
des assurances sociales devra faire appel à des spécialistes des organes
de fixation et d'approbation des tarifs de primes. Au demeurant, il faut
tenir compte d'une autre particularité propre aux litiges en matière de
tarifs de primes de l'assurance-maladie: la production des comptes des
assureurs peut poser des problèmes procéduraux très délicats au regard
des droits des parties (droit de l'assuré de consulter les pièces, d'en
effectuer des copies) ou du droit au secret des affaires (le risque étant
que la comptabilité d'un assureur se retrouve chez un concurrent). C'est
pourquoi la plupart des questions auxquelles le juge pourrait être amené
à donner des réponses dans le cadre du contrôle qui lui incombe peuvent
s'appuyer sur le témoignage (écrit ou oral) de l'organe de révision
(art. 86 OAMal), dont l'indépendance est présumée de par la loi.

    5.4  La limitation du pouvoir d'examen du juge appelé à examiner la
validité d'une décision prise en application d'une clause tarifaire de
l'assurance-maladie obligatoire dans une situation concrète n'apparaît pas
contraire au droit d'accès au juge consacré à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette
disposition pose seulement l'exigence qu'un administré puisse faire valoir
ses droits devant une juridiction apte à connaître des questions aussi
bien de droit que de fait. Le juge doit pouvoir corriger d'éventuelles
erreurs de droit et de fait, ainsi qu'examiner la cause sous l'angle de
la proportionnalité. En revanche, la jurisprudence des organes de la CEDH
n'exige pas que la juridiction saisie ait un plein pouvoir d'appréciation
(MARK E. VILLIGER, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention
[EMRK], unter besonderer Berücksichtigung der schweizerischen Rechtslage,
2e édition, Zurich 1999, p. 271 ch. 427). Certes, le contrôle judiciaire
doit être effectif (MEYER-BLASER, Die Bedeutung von Art. 4 Bundesverfassung
für das Sozialversicherungsrecht, in: RDS 111/1992 II/3, p. 459 ch. 9),
mais le juge ne doit pas substituer son pouvoir d'appréciation à celui de
l'administration, ce qui aurait pour conséquence de détourner l'art. 6 par.
1 CEDH de son but (HEINER WOHLFART, Anforderungen der Art. 6 Abs. 1 EMRK
und Art. 98a OG an die kantonalen Verwaltungsrechtspflegegesetze, in:
PJA 1995 p. 1430).

Erwägung 6

    6.

    6.1  En l'espèce, le recours de droit administratif, dirigé contre
une décision prise en application d'un tarif dans une situation concrète,
est recevable.

    6.2  La juridiction cantonale a rejeté le recours de l'assuré en
tant qu'il était recevable. Elle l'a jugé irrecevable, dans la mesure
où il tendait à obtenir du juge qu'il examinât la validité de la clause
tarifaire sur laquelle reposait la décision de primes du 23 février
2001. Elle l'a considéré comme mal fondé, dans la mesure où la décision
attaquée reposait sur un classement correct de l'intéressé dans la région
de prime déterminante et dans la classe d'âge correspondante, ainsi que
sur une application exacte de la franchise choisie.

    Dans son recours de droit administratif, l'assuré ne conteste pas son
classement dans le tarif des primes selon les différents critères objectifs
ci-dessus exposés, mais reproche à la juridiction cantonale de ne pas
être entrée en matière sur ses conclusions à mesure qu'elles tendaient au
contrôle par le juge de la validité de la clause tarifaire contestée. Il
convient donc de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle
entre en matière sur les griefs soulevés par l'intéressé et qu'elle en
examine le bien-fondé au regard des principes exposés au considérant 5.

Erwägung 7

    7.  (Frais et dépens)