Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 V 59



131 V 59

10. Arrêt dans la cause Caisse-maladie KPT/CPT et S., agissant par ses
parents V. et D. contre Etat de Vaud et Tribunal des assurances du canton
de Vaud

    K 108/04 + K 111/04 du 17 janvier 2005

Regeste

    Art. 41 Abs. 3 KVG; Art. 23 und 26 ZGB: Auslegung des Begriffs
"Wohnkanton".

    Unter "Wohnkanton" ("canton de résidence"; "cantone di domicilio") im
Sinne von Art. 41 Abs. 3 KVG ist der Wohnsitzkanton gemäss den Art. 23 ff.
ZGB zu verstehen.

Sachverhalt

    A.- S., née en 1969, est gravement handicapée. Elle a été placée à
la Fondation H. à R., dans le canton de Berne, qui est une institution
pour handicapés. Ses papiers sont déposés à L., canton de Vaud, où elle
a grandi et où vivent ses parents. Elle passe un week-end sur deux ainsi
que sept semaines entières dans l'année (vacances) auprès de ces derniers.

    S. est affiliée auprès de la section vaudoise de la CPT Caisse-maladie
pour l'assurance obligatoire des soins, ainsi que pour une assurance
complémentaire des frais d'hospitalisation, classe de prestations 1
(division commune d'un hôpital dans toute la Suisse, pour autant que
celui-ci ait été intégré dans la planification hospitalière du canton
d'implantation).

    Le 28 juin 2003, l'assurée a été admise au Centre de psychiatrie de
P., dans le canton de Berne. Elle présentait alors un tableau psychotique
avec mise en danger d'elle-même et de ses proches.

    Le 8 août 2003, le Centre psychiatrique de P. a présenté à l'Etat de
Vaud une demande de garantie de paiement pour un traitement hors du canton
de résidence selon l'art. 41 al. 3 LAMal. Par décision du 2 septembre 2003,
le Service cantonal vaudois de la santé publique a rejeté la demande, au
motif que la patiente résidait dans le canton de Berne, de sorte que son
admission à la clinique psychiatrique de P. ne pouvait pas être considérée
comme une hospitalisation extra-cantonale au sens de l'art. 41 al. 3 LAMal.

    B.- Représentée par ses parents, V. et D., S. a recouru contre
cette décision auprès du Tribunal des assurances du canton de Vaud. La
caisse-maladie CPT a été appelée en cause.

    Statuant le 24 mars 2004, le tribunal cantonal a rejeté le recours.

    C.- Tant S. que la caisse-maladie CPT ont interjeté un recours de
droit administratif contre ce jugement. Toutes les deux concluent, en
substance, à la prise en charge par l'Etat de Vaud de la différence entre
les coûts facturés par le Centre de psychiatrie de P. et les tarifs de
cet établissement pour les habitants du canton de Berne.

    Le Service cantonal de la santé publique a conclu au rejet des
recours. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique n'a pas
présenté d'observations.

Auszug aus den Erwägungen:

                            Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.  Les deux recours sont dirigés contre le même jugement, opposent les
mêmes parties et portent l'un et l'autre sur un état de faits identique. Il
y a donc lieu de joindre les causes et de statuer par un seul arrêt
(cf. ATF 127 V 33 consid. 1 et les références).

Erwägung 2

    2.  Le Tribunal fédéral des assurances est compétent ratione materiae
pour connaître des litiges portant sur l'application de l'art. 41 al. 3
LAMal (ATF 123 V 290). Le recours de droit administratif dirigé contre
un jugement de dernière instance cantonale tranchant une contestation
dans ce domaine est dès lors recevable.

Erwägung 3

    3.  L'assurée recourante a indéniablement qualité pour recourir. Il
en va de même de la caisse-maladie CPT, qui a en l'espèce payé la facture
d'hospitalisation au Centre psychiatrique de P. en qualité de garant
[système du tiers payant] (ATF 123 V 298 consid. 4).

Erwägung 4

    4.  La question du choix du fournisseur de prestations et de la prise
en charge des coûts est réglée à l'art. 41 LAMal. Selon l'art. 41 al. 3
LAMal, si, pour des raisons médicales, l'assuré recourt aux services d'un
hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics situé hors de
son canton de résidence, ce canton prend en charge la différence entre
les coûts facturés et les tarifs que l'hôpital applique aux résidents du
canton (première phrase; paiement de la différence des coûts: ATF 123 V
290 et 310). La notion de "raisons médicales" est explicitée à l'art. 41
al. 2 LAMal. Sont réputées raisons médicales le cas d'urgence et le cas
où les prestations nécessaires ne peuvent être fournies: a) au lieu de
résidence ou de travail de l'assuré ou dans les environs s'il

    s'agit d'un traitement ambulatoire; b) dans le canton où réside
l'assuré, s'il s'agit d'un traitement

    hospitalier ou semi-hospitalier, ou dans un hôpital en dehors de
ce canton,

    qui figure sur la liste dressée par le canton où réside l'assuré, en

    application de l'art. 39 al. 1 let. e LAMal.

Erwägung 5

    5.

    5.1  Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que la condition
de l'urgence était réalisée. La question est de savoir si l'assurée a dû
ou non se rendre dans un établissement hors de son canton de résidence
ou, en d'autres termes, quel était son canton de résidence au sens de
l'art. 41 al. 3 LAMal. Si l'on admet qu'il s'agissait du canton de
Berne, le problème d'une prise en charge de la différence des coûts ne
se pose pas. Dans le cas contraire, il appartiendrait au canton de Vaud
de prendre en charge cette différence. Plus précisément, le litige porte
sur l'interprétation de la notion de canton de résidence selon l'art. 41
al. 3 LAMal.

    5.2  Les premiers juges interprètent cette notion comme étant le
domicile au sens de l'art. 23 CC. Ils retiennent que le domicile des
parents de l'assurée recourante, à L., est son unique rattachement
avec le canton de Vaud. Le Centre psychiatrique de P. a estimé qu'il
n'était pas judicieux de transférer la patiente dans un établissement
vaudois. Aussi bien doit-on admettre, selon la juridiction cantonale,
que la localité de R. est la résidence prépondérante de l'intéressée,
d'autant plus que ses séjours à L. ont pour seul but de faire des visites
à la famille. En conséquence, l'Etat de Vaud n'est pas tenu de prendre en
charge le coût supplémentaire découlant de l'hospitalisation de l'assurée
dans un établissement bernois.

    Pour les recourants, en revanche, le placement dans un établissement ne
constitue pas le domicile, même s'il a lieu pour une durée indéterminée.
L'art. 41 al. 3 LAMal doit être mis en relation avec le domicile fiscal
de l'assuré. Cette disposition vise la situation de la personne qui se
fait hospitaliser hors du canton où elle paie ses impôts; en l'occurrence,
l'intéressée est imposée dans le canton de Vaud.

    5.3  La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Selon la
jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair
par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de
penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en
cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but
et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le
texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci
sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée
de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit
notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit,
ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation
avec d'autres dispositions légales (ATF 130 II 71 consid. 4.2, 130 V 50
consid. 3.2.1, 232 consid. 2.2, 129 V 284 consid. 4.2 et les références).

    5.4  A l'égard de l'art. 41 al. 3 LAMal, une interprétation littérale
ne saurait être retenue, déjà pour le motif que, sur le point ici en
discussion, les versions allemande, française et italienne du texte
divergent. En effet, le terme "canton de résidence" est rendu en allemand
par "Wohnkanton" et par "cantone di domicilio" en italien.

    5.5  Les travaux préparatoires ne fournissent pas de réponse à la
question posée. Selon le message du Conseil fédéral concernant la révision
de l'assurance-maladie du 6 novembre 1991, la nouvelle réglementation
découlant de l'art. 41 al. 3 LAMal devait servir à la péréquation des
charges et à la coordination renforcée entre les cantons. Par exemple
les cantons ayant créé de grands centres hospitaliers devaient être
amenés à conclure des accords financiers avec leurs cantons voisins afin
que ceux-ci participent au financement de l'établissement concerné. Les
centres hospitaliers appliqueraient, en contrepartie, les mêmes tarifs
aux patients du canton et aux patients venant de l'extérieur (FF 1992
I 151). On peut déduire de ces explications que le souci principal du
législateur était d'inciter les cantons à renforcer leur collaboration
lors de la planification hospitalière.

    5.6  L'approche systématique apparaît en revanche déterminante. Il
existe en ce qui concerne l'obligation pour les cantons de contribuer
aux frais du traitement hospitalier un lien matériel et économique étroit
entre l'art. 49 LAMal et l'art. 41 al. 3 première phrase LAMal (ATF 130
V 486 consid. 5.3.3). Selon l'art. 49 al. 1 LAMal, pour rémunérer le
traitement hospitalier, y compris le séjour à l'hôpital (art. 39 al. 1
LAMal), les parties à une convention conviennent de forfaits; pour les
habitants du canton, ces forfaits couvrent au maximum, par patient ou
par groupe d'assurés, 50 pour cent des coûts imputables dans la division
commune d'hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics
(première et deuxième phrases). D'après l'al. 2 de la même disposition, les
parties à une convention peuvent prévoir que des prestations diagnostiques
ou thérapeutiques spéciales ne soient pas comprises dans le forfait,
mais facturées séparément; pour ces prestations, elles peuvent prendre en
compte, pour les habitants du canton, les coûts imputables à raison d'un
maximum de 50 pour cent, s'agissant d'hôpitaux publics ou subventionnés
par les pouvoirs publics. La rémunération au sens de cette réglementation
épuise toutes les prétentions de l'hôpital pour la division commune
(protection tarifaire; art. 49 al. 4 LAMal; voir également GUY LONGCHAMP,
Conditions et étendue du droit aux prestations de l'assurance-maladie
sociale, thèse, Berne 2004, p. 332 sv.). La partie restante est donc en
principe financée par les recettes fiscales.

    En raison de l'obligation d'affiliation à l'assurance-maladie
(art. 3 LAMal), le nombre des assurés et celui des contribuables
(personnes physiques) se recouvre en principe et dans une très large
mesure dans un canton. Si les patients provenant d'autres cantons
bénéficiaient du même tarif hospitalier, cela aurait pour conséquence,
pour les cantons dits importateurs de patients, de devoir subventionner
les contribuables d'autres cantons. La coordination entre les cantons
deviendrait pratiquement impossible. Ainsi, les cantons disposant d'une
infrastructure hospitalière de pointe tenteraient de dissuader les
patients de l'extérieur de se faire soigner dans leurs établissements:
ces mêmes patients, payant leurs impôts dans un autre canton, seraient
une charge pour les finances du canton importateur (sur ces questions,
voir CRIVELLI/HAUSER/ZWEIFEL, Prestations hospitalières en dehors du
canton de domicile, Une évaluation de l'art. 41.3 LAMal sous un angle
économique, Publication du Concordat des assureurs-maladie suisses,
1997, p. 30). L'application de l'art. 41 al. 3 LAMal implique donc un
rattachement avec l'assujettissement fiscal du patient.

    5.7  En matière d'interdiction de la double imposition (art. 46 al. 2
aCst. et art. 127 al. 3 première phrase Cst.), le domicile fiscal des
personnes physiques correspond, en règle ordinaire, au domicile civil,
c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'établir
durablement (art. 23 al. 1 CC), ou le lieu où se situe le centre de ses
intérêts (ATF 125 I 467 consid. 2b et 56 consid. 2). De manière plus
générale, même si la loi sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) et
la loi sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes
(LHID; RS 642.14) connaissent une définition du domicile (art. 3 LIFD
et art. 3 LHID) qui n'est plus, à l'instar des anciennes lois fiscales,
calquée sur la définition du droit civil, la notion de domicile fiscal
reste néanmoins très proche de celle du droit civil (RYSER/ROLLI, Précis de
droit fiscal suisse, 4e édition, Berne 2002, p. 31 [14 A 207]; JEAN-MARC
RIVIER, Droit fiscal suisse, 2e édition, Lausanne 1998, note 2b p. 311;
arrêt A. du 26 juillet 2004 [2A.475/2003]).

    Sur le vu de ce qui précède, il se justifie donc d'interpréter la
notion de canton de résidence au sens de l'art. 41 al. 3 LAMal comme étant
le canton de domicile selon les art. 23 ss CC. La doctrine, du reste,
s'exprime, de manière plus ou moins explicite dans ce sens (GEBHARD
EUGSTER, Krankenversicherung in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], p. 167, note de bas de page 746; voir aussi MAURER, Das neue
Krankenversicherungsrecht, Bâle 1996, p. 75, où cet auteur fait référence
au "Wohnsitzkanton"; dans le même sens: POLEDNA/BERGER, Öffentliches
Gesundheitsrecht, Berne 2002, p. 57 ch. 114; voir également AYER/DESPLAND,
Loi fédérale sur l'assurance-maladie, édition annotée, Genève 2004,
p. 89 avec un renvoi à un jugement du Tribunal administratif du canton
de Lucerne publié dans SVR 1998 KV n° 17 p. 57).

    5.8  En procédure cantonale, l'intimé s'est prévalu de l'arrêt
publié aux ATF 126 V 484. Mais cette référence n'est pas pertinente
en l'espèce. Cet arrêt concerne la réglementation applicable au cas de
traitement ambulatoire prévu à l'art. 41 al. 1, deuxième phrase, LAMal; il
porte, en particulier, sur l'interprétation des termes "lieu de résidence
ou de travail de l'assuré ou dans les environs". Le lieu de résidence
et le canton de résidence ne sont pas des notions identiques (EUGSTER,
op. cit., p. 166, note de bas de page 744). Du reste, dans l'arrêt
invoqué, le Tribunal fédéral des assurances a laissé indécis le point de
savoir quel sens il fallait donner aux termes "canton où réside l'assuré"
("Wohnkanton", "cantone di domicilio") dont use l'art. 41 al. 1, troisième
phrase, LAMal, qui concerne le traitement hospitalier ou semi-hospitalier
(ATF 126 V 489 consid. 5d).

Erwägung 6

    6.

    6.1  Aux termes de l'art. 26 CC, le séjour dans une localité
en vue d'y fréquenter des écoles, ou le fait d'être placé dans un
établissement d'éducation, un hospice, un hôpital, une maison de
détention, ne constituent pas le domicile. Cette disposition ne contient
qu'une présomption qui peut être renversée lorsqu'une personne entre
de son plein gré dans un établissement afin d'y faire le centre de son
existence. Dans ce cas, le séjour dans l'établissement ne sert pas un
but spécifique (éducation, soins, traitement ou exécution d'une peine)
et la constitution d'un domicile volontaire peut être admise (arrêt K. du
18 juin 2004 consid. 4.2 non publié aux ATF 130 V 404).

    6.2  En l'espèce, il est constant que l'assurée séjourne dans un
établissement au sens de l'art. 26 CC (voir à ce propos JACQUES-MICHEL
GROSSEN, Personnes physiques, Traité de droit privé suisse, Tome II,
2, p. 70; DANIEL STAEHELIN, Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht
[Commentaire bâlois], Zivilgesetzbuch I: 1-359 ZGB, Bâle 1996,
n. 7 ad art. 26). Il n'est d'autre part pas contesté par les parties
qu'elle a grandi chez ses parents à L., où elle a fait sa scolarité
(Ecole U. et Ecole O.). Le placement de l'assurée a été décidé par les
parents de celle-ci d'entente avec le médecin traitant. L'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, qui verse des prestations
d'assurance, a donné son accord. Deux week-ends par mois et sept semaines
entières par année, l'assurée revient chez ses parents. Du point de vue
fiscal, elle est imposée dans le canton de Vaud. Hormis son séjour en
établissement, elle ne paraît pas avoir noué de liens particuliers avec le
canton de Berne. Il apparaît qu'elle n'a pas rompu avec son ancien domicile
ni manifesté son intention de s'établir de façon durable dans ce canton.

    Dans ces conditions, il faut d'admettre que l'assurée a son domicile
civil dans le canton de Vaud. Il appartient donc à ce canton, conformément
à l'art. 41 al. 3 LAMal, de payer la différence des coûts résultant de
l'hospitalisation d'urgence de l'intéressée.

Erwägung 7

    7.  Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué et la
décision administrative précédente, et de renvoyer la cause à l'office
intimé pour qu'il rende une nouvelle décision au sens des considérants.

Erwägung 8

    8.  Dans la mesure où l'assurée est partie au litige, il n'y a pas lieu
de percevoir des frais de justice (ATF 130 V 87). L'assurée recourante,
qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens (art. 159
al. 1 OJ). Quant à la caisse-maladie CPT, bien qu'elle obtienne aussi
gain de cause, elle n'a pas droit à des dépens (SVR 2000 KV n° 39 p. 122
consid. 3).