Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 V 338



Urteilskopf

131 V 338

  46. Arrêt dans la cause C. contre CONCORDIA Assurance suisse de maladie et
accidents et Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève
  K 144/04 du 21 septembre 2005

Regeste

  Art. 25, Art. 32 Abs. 1, Art. 33 und Art. 34 Abs. 1 KVG; Art. 33 und Art.
37a KVV; Ziff. 1.2 Anhang 1 KLV (in der bis 30. Juni 2005 gültig gewesenen
Fassung): Leistungen der obligatorischen Krankenpflegeversicherung.

  Die obligatorische Krankenpflegeversicherung muss die Kosten einer
Lebend-Lebertransplantation übernehmen.

Sachverhalt ab Seite 338

  A.- Le 4 décembre 2001, C., née en 1957, a subi une greffe du foie d'un
donneur vivant, en l'occurrence sa soeur, J., née en 1959. L'intervention a
été pratiquée aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Le séjour à
l'hôpital a pris fin le 25 décembre 2001. Il a été suivi de traitements
ambulatoires (soins infirmiers, examens de laboratoires et radiologiques,
contrôles) et médicamenteux.

  C. est affiliée à la Concordia Assurance suisse de maladie et accidents
pour l'assurance obligatoire des soins. Par décision du 8 juillet 2003,
confirmée par une décision sur opposition du 14 octobre

2003, l'assureur a refusé de prendre en charge les frais liés à la
transplantation subie par l'assurée, notamment les traitements
post-opératoires.

  B.- Par jugement du 8 septembre 2004, le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève a rejeté le recours formé par C. contre la
décision sur opposition.

  C.- C. interjette un recours de droit administratif en concluant à
l'annulation de ce jugement et de la décision du 14 octobre 2003.
Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision. Elle demande, par ailleurs, à être mise au bénéfice
de l'assistance judiciaire.

  La Concordia conclut au rejet du recours.

  A l'invitation du juge délégué, l'Office fédéral de la santé publique
(OFSP) s'est prononcé sur le recours. Les parties se sont ensuite exprimées
sur les déterminations de l'office.

  D.- Le 21 septembre 2005, la Ire Chambre du Tribunal fédéral des
assurances a tenu audience.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Considérant en droit:

Erwägung 1

  1.

  1.1  L'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des
prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des
art. 32 à 34 (art. 24 LAMal). A ce titre, les assureurs ne peuvent pas
prendre en charge d'autres coûts que ceux des prestations prévues aux art.
25 à 33 (art. 34 al. 1 LAMal).

  1.2  Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins assume les
coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie
et ses séquelles (al. 1). Les prestations comprennent notamment les examens,
traitements et soins dispensés sous forme ambulatoire au domicile du
patient, en milieu hospitalier ou semi-hospitalier ou dans un établissement
médico-social par des médecins, des chiropraticiens et des personnes
fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat médical (art. 25
al. 2 LAMal). Les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 doivent être
efficaces, appropriées et économiques; l'efficacité doit être démontrée
selon des méthodes scientifiques (art. 32 al. 1 LAMal). L'efficacité,
l'adéquation et le caractère économique des prestations sont réexaminés
périodiquement (art. 32 al. 2 LAMal).

  1.3  Selon l'art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les
prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne
sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ou le sont à
certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que
médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui
répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMal. Il incombe ainsi
au Conseil fédéral de dresser une liste "négative" des prestations qui ne
répondraient pas à ces critères ou qui n'y répondraient que partiellement ou
sous condition.

  D'après l'art. 33 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral détermine également dans
quelle mesure l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts
d'une prestation nouvelle ou controversée, dont l'efficacité, l'adéquation
ou le caractère économique sont en cours d'évaluation.

  A l'art. 33 OAMal et comme l'y autorise l'art. 33 al. 5 LAMal, le Conseil
fédéral a délégué les compétences susmentionnées au Département fédéral de
l'intérieur (DFI). Celui-ci en a fait usage en promulguant l'Ordonnance sur
les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie
(OPAS; RS 832.112.31). Cette ordonnance détermine notamment les prestations
visées par l'art. 33 let. a et c OAMal - dispositions qui reprennent
textuellement les règles exposées aux al. 1 et 3 de l'art. 33 LAMal - dont
l'assurance-maladie obligatoire des soins prend en charge les coûts, avec ou
sans conditions, ou ne les prend pas en charge (art. 1er OPAS). Les
prestations figurent à l'annexe 1 de l'OPAS. Cette annexe ne contient pas
une énumération exhaustive des prestations fournies par les médecins à la
charge ou non de l'assurance-maladie. Elle indique:
- les prestations dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique
  ont été examinés par la Commission des prestations et dont les coûts sont
  pris en charge, le cas échéant à certaines conditions, soit ne sont pas
  pris en charge;
- les prestations dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique
  sont encore en cours d'évaluation mais dont les coûts sont pris en charge
  dans une certaine mesure et à certaines conditions;
- les prestations particulièrement coûteuses ou difficiles qui ne sont
  prises en charge par l'assurance obligatoire des soins que

  lorsqu'elles sont pratiquées par des fournisseurs de prestations qualifiés.

  L'établissement de ce catalogue requiert le concours de commissions
consultatives de spécialistes (Commission fédérale des principes de
l'assurance-maladie et Commission fédérale des prestations générales; art.
37a OAMal en corrélation avec l'art. 33 al. 4 LAMal).

  Selon le chiffre 1.2 (dans sa version valable jusqu'au 30 juin 2005 [cf.
consid. 3.1]) de l'annexe 1 à l'OPAS (chirurgie de transplantation), la
transplantation isolée du foie est une prestation obligatoirement à la
charge de l'assurance si elle est exécutée dans un centre qui dispose de
l'infrastructure nécessaire et de l'expérience adéquate ("fréquence
minimale": en moyenne dix transplantations de foie par année). En revanche,
la transplantation du foie d'un donneur vivant n'est pas prise en charge. Il
s'agit d'une prestation en regard de laquelle figure la mention "en cours
d'évaluation".

Erwägung 2

  2.

  2.1  Selon le tribunal cantonal, il n'y a pas de raison, en l'occurrence,
de s'écarter de l'appréciation du DFI, pour lequel la prise en charge par
l'assurance obligatoire d'une transplantation du foie par un donneur vivant
est exclue. Cette réglementation est le fruit de recommandations de
spécialistes qui ne sauraient être remises en cause ni par l'assurance ni
par le juge, lesquels ne disposent pas des connaissances nécessaires pour
substituer leur propre appréciation à celle d'experts en la matière. Les
premiers juges considèrent, par ailleurs, que la solution adoptée par le DFI
n'est pas contraire au droit à la vie protégé par l'art. 2 par. 1 CEDH et
par l'art. 10 al. 1 Cst. Cette protection ne saurait fonder une obligation
pour l'Etat de mettre à la charge de l'assurance obligatoire les frais d'un
traitement nécessaire à la sauvegarde de la vie d'un patient. Du reste, la
recourante a bénéficié de l'opération nécessitée par son état de santé. La
prise en charge des coûts de cette opération ne peut pas être examinée sous
l'angle du droit constitutionnel.

  2.2  Pour la recourante, l'opération en cause remplissait toutes les
exigences fixées à l'art. 32 al. 1 LAMal. Comme en première instance, elle
invoque le droit constitutionnel à la vie en insistant sur le fait que
l'opération était pour elle vitale. Elle fait par ailleurs valoir qu'en
refusant la prise en charge de l'opération du 4 décembre 2001, l'assureur a
également refusé de rembourser tous les frais

médicaux post-opératoires que cette assurance aurait dû, en toute hypothèse,
assumer si l'opération avait pu être réalisée avec un greffon en provenance
d'une personne décédée.

  2.3  L'intimée, pour sa part, se rallie pour l'essentiel à l'argumentation
des premiers juges. Elle ajoute que si elle a refusé la prise en charge de
tous les frais consécutifs à la transplantation, c'est parce que l'on est en
présence d'un complexe thérapeutique, de sorte que les médicaments et autres
traitements prescrits postérieurement ou antérieurement à l'intervention par
donneur vivant ne peuvent être pris en charge par l'assurance obligatoire
des soins.

  2.4  De son côté, l'OFSP indique que la Commission fédérale des
prestations a examiné une nouvelle fois la question de la prise en charge de
la transplantation hépatique à partir d'un donneur vivant le 23 septembre
2004. Le 30 novembre suivant, le DFI a décidé provisoirement de maintenir le
régime en vigueur, sans pour autant s'opposer à une prise en charge
ultérieure des frais de la transplantation à condition qu'un seul centre
soit désigné en Suisse pour pratiquer l'opération. La situation pourrait
rapidement évoluer si les différents fournisseurs de prestations concernés
arrivaient à une entente sur les conditions à remplir, en particulier sur le
choix du centre désigné pour ce type d'intervention en Suisse. Dans l'état
actuel de la réglementation, la demande de remboursement de la recourante
n'est pas fondée.

Erwägung 3

  3.

  3.1  Le chiffre 1.2 de l'annexe 1 à l'OPAS a été modifié avec effet au 1er
juillet 2005 (RO 2005 p. 2876). Désormais, la transplantation du foie d'un
donneur vivant est prise en charge jusqu'au 30 juin 2008 et sous certaines
conditions. Il faut notamment qu'elle ait été réalisée dans un des centres
mentionnés, à savoir l'Hôpital universitaire de Zurich et l'Hôpital cantonal
universitaire de Genève. La prise en charge comprend les frais d'opération
du donneur, y compris le traitement des complications éventuelles et une
indemnité adéquate pour la perte de gain effective. Par ailleurs, les
fournisseurs de prestations doivent tenir un registre d'évaluation
uniformisé, incluant un rapport annuel établi à l'attention de l'OFSP
(monitoring: nombre de cas, indication, déroulement pour le receveur/le
donneur, coûts totaux pour le receveur et le donneur, calculés séparément).
Enfin, cette prestation est toujours accompagnée de la mention "en cours
d'évaluation".

  Quoi qu'il en soit, le présent litige doit toutefois être tranché à la
lumière de la réglementation en vigueur au moment de la survenance des faits
juridiquement déterminants (ATF 127 V 467 consid. 1). Aussi, la modification
apportée au chiffre 1.2 de l'annexe 1 à l'OPAS, entrée en vigueur le 1er
juillet 2005, n'est-elle pas applicable en l'espèce.

  3.2  Dans le cadre du contrôle de la légalité et de la constitutionnalité
des ordonnances du Conseil fédéral ou du DFI, le Tribunal fédéral des
assurances est en principe habilité à examiner le contenu d'une liste de
maladies à prendre en considération ou de prestations. Néanmoins, il
s'impose une grande retenue dans cet examen. D'une part, il ne dispose pas
des connaissances nécessaires pour se faire une opinion sur la question sans
recourir à l'avis d'experts. D'autre part, l'ordonnance, souvent révisée,
peut être corrigée à bref délai par le DFI (ATF 129 V 173 consid. 3.4 in
fine, 124 V 195 consid. 6). En revanche, le tribunal revoit librement une
disposition de l'ordonnance lorsqu'il apparaît que les commissions des
spécialistes - dont les avis sont à la base d'une décision du DFI - se
fondent non sur des considérations d'ordre médical, mais sur des
appréciations générales ou de nature juridique (ATF 114 V 263 consid. 4a,
160 consid. 4b in fine).

Erwägung 4

  4.  La transplantation du foie constitue l'intervention médicale
permettant de traiter efficacement les patients atteints d'une insuffisance
hépatique aiguë ou d'une affection chronique du foie au stade terminal.

  La greffe d'un lobe du foie d'un donneur vivant sur son fils a été
pratiquée avec succès pour la première fois en 1989. L'intervention
appartient aux opérations de routine en Asie depuis les années 1990 et elle
est plus fréquente aux Etats-Unis depuis 1998. Elle a été réalisée en Suisse
une vingtaine de fois depuis 1999 (données au 22 octobre 2003) dans les
centres de transplantation de Genève et de Zurich (voir Transplantation de
lobe du foie provenant de donneurs vivants: la question du financement,
prise de position n° 5/03 de la Commission nationale d'éthique pour la
médecine humaine, in: Bulletin des médecins suisses 2004 p. 334). La
transplantation du foie constitue aujourd'hui une opération courante,
largement reconnue et approuvée par la communauté scientifique. Afin de
faire bénéficier davantage de patients d'une greffe hépatique, on pratique
de plus en plus la division des foies à transplanter (technique dite du
"split liver"), de même que le prélèvement de parties du

foie sur des donneurs vivants. Une autre technique - mais qui en est encore
au stade expérimental - consiste à infuser des cellules isolées à partir du
foie de donneurs. Cette technique devrait permettre notamment de satisfaire
avec un seul foie les besoins de plusieurs patients (sur ces divers points:
Message concernant la loi fédérale sur la transplantation d'organes, de
tissus et de cellules [Loi sur la transplantation] du 12 septembre 2001, FF
2002 28 ch. 1.1.1.2.3).

Erwägung 5

  5.

  5.1  De fait, il n'est pas contesté que la transplantation du foie à
partir d'un donneur vivant - tout comme la transplantation du même organe à
partir d'un donneur décédé - est une mesure efficace, appropriée et
économique (art. 32 al. 1 LAMal).

  5.2  En réalité, la non-admission de cette transplantation dans le
catalogue des prestations a été motivée, dans un premier temps tout au
moins, par des facteurs d'ordre éthique liés au risque encouru par le
donneur et à la pression morale que l'urgence d'une transplantation peut
susciter au sein de la famille. Dans une lettre du 25 novembre 2003 à
l'intention du mandataire de la recourante, l'Office fédéral des assurances
sociales (OFAS) a fourni des indications sur l'état des discussions à ce
sujet au sein des commissions compétentes. Il en ressort que la Commission
fédérale des principes de l'assurance-maladie (CFP) et la Commission
fédérale des prestations générales (CFPG) ont débattu, les 10 et 15 octobre
2002, de l'obligation de prise en charge par l'assurance-maladie obligatoire
de la transplantation de foies de donneurs vivants. Ces deux commissions
estimaient alors qu'il fallait étudier minutieusement les aspects éthiques
de ce type de transplantation avant que la CFP n'établisse la recommandation
à l'intention du DFI. Tous ces aspects n'ont pas été suffisamment pris en
compte dans la demande remise en 2002 à la CFP, ce qui a incité cette
dernière à demander à la Commission nationale d'éthique pour la médecine
humaine et à la CFPG de prendre position. La CFP a traité le sujet le 23
octobre 2003. Elle a recommandé à la CFPG de discuter le problème dans un
contexte transdisciplinaire afin de protéger la dignité humaine, la
personnalité et la santé des patients.

  5.3  Les considérations éthiques ne sont pas absentes du raisonnement du
juge lorsqu'il doit se prononcer sur la prise en charge de certains
traitements qui touchent parfois aux sentiments les plus intimes des êtres
humains. Le juge appelé à se prononcer en ce

domaine sera donc naturellement porté à demander l'aide des spécialistes, le
plus souvent les médecins (voir SPIRA, Le juge et l'éthique, in: L'éthique
et le droit dans le domaine des assurances sociales, Colloque de Lausanne
1996, publication de l'IRAL, Lausanne 1996, p. 42 s.; voir par exemple ATF
121 V 289 et 302 [à propos de l'insémination artificielle homologue]).

  5.4  L'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a établi, en 1995,
des directives d'éthique médicale pour les transplantations d'organes. Ces
directives, qui reprennent dans une large mesure les principes du Conseil de
l'Europe et de l'Organisation mondiale de la santé, règlent notamment le
prélèvement d'organes chez les donneurs vivants et l'attribution de ces
organes. Chez une personne vivante, majeure et capable de discernement, le
prélèvement est possible pour autant qu'elle ait donné librement son
consentement; en ce qui concerne l'attribution des organes, tout patient
dont la maladie peut être guérie ou atténuée au moyen d'une greffe d'organe
pour un laps de temps prolongé a droit à recevoir un organe devenu
disponible (voir le message relatif à un article constitutionnel sur la
médecine de la transplantation du 23 avril 1997, FF 1997 III 627 ch. 114.1).
Les directives de l'ASSM consacrent le consensus qui prévaut dans le milieu
de la médecine scientifique sur la politique de la santé. Elles servent
aussi de référence aux tribunaux et aux législateurs (cantonaux ou fédéral)
en matière de comportement médical (message cité, p. 629 ch. 114.4; voir
également ATF 123 I 128 consid. 7c/aa, à propos du renvoi du législateur
cantonal genevois aux directives de l'ASSM pour la détermination du moment
de la mort).

  5.5  Dans les grandes lignes, ces directives ont été reprises dans la loi
sur la transplantation du 8 octobre 2004 (FF 2004 5115), qui autorise le
prélèvement sur des personnes majeures et capables de discernement, si elles
ont donné, par écrit, leur consentement libre et éclairé, et qu'il n'en
résulte pas de risques sérieux pour leur vie ou pour leur santé et que le
receveur ne puisse pas être traité avec une efficacité comparable par une
autre méthode thérapeutique (art. 12).

  5.6  Enfin, la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine a
répondu à la demande de l'OFAS par une prise de position du 22 octobre 2003,
déjà mentionnée (supra consid. 4), approuvée à l'unanimité de ses membres.
Il ressort de sa prise de

position qu'aucune raison morale ne s'oppose à ce que la transplantation de
lobes du foie provenant de donneurs vivants figure dans le catalogue des
prestations. La prise de position de la commission nationale est ainsi
résumée (voir Bulletin des médecins suisses 2004, p. 334):

    1. Des arguments éthiques substantiels plaident en faveur de l'admission
       des dons de foie de donneurs vivants dans le catalogue des
       prestations de l'assurance-maladie sociale.

    2. La réalisation responsable d'une transplantation hépatique à partir
       d'un donneur vivant présuppose l'offre de mesures d'accompagnement,
       permettant aux personnes concernées - en premier lieu le donneur et
       le receveur - de prendre une décision fiable, sincère et réfléchie.

    3. Le coût de la préparation, du traitement et du suivi adéquat du
       donneur - y compris le traitement de conséquences tardives liées au
       don - devrait être pris en charge par l'assurance-maladie du
       receveur.

  5.7  Au vu de l'ensemble de ces considérations, force est d'admettre que
des motifs d'ordre éthique ne s'opposent pas à la prise en charge par
l'assurance-maladie obligatoire d'une transplantation du foie à partir d'un
donneur vivant.

Erwägung 6

  6.

  6.1  Dans ses déterminations sur le recours de droit administratif, l'OFSP
déclare que le DFI n'est pas opposé à la prise en charge à l'avenir de la
transplantation hépatique à partir d'un donneur vivant pour autant qu'un
seul centre soit désigné en Suisse pour fournir cette prestation.
D'ailleurs, la question a été réexaminée depuis lors par la Commission
fédérale des prestations, ce qui a abouti à la modification de l'OPAS déjà
mentionnée (consid. 3.1).

  6.2  Actuellement, il n'existe pas de critères légaux d'accréditation pour
les centres hospitaliers qui pratiquent des transplantations d'organes (cf.
DUMOULIN/GUILLOD, L'organisation administrative des transplantations
d'organes en Suisse, rapport de l'Institut du droit de la santé n° 5, Genève
2003, p. 24). La planification hospitalière est une tâche qui relève des
cantons (voir GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, Approche
d'une définition des soins nécessaires, thèse Neuchâtel 2002, p. 158; SPIRA,
Les compétences des cantons en matière d'assurance obligatoire des soins,
in: LAMal-KVG:

Recueil de travaux en l'honneur de la Société suisse de droit des
assurances, Lausanne 1997, p. 72 ss). La planification intercantonale est
certes de nature à influer sur le coût et la qualité des transplantations.
Cette planification - comme le souligne l'OFSP - ne peut actuellement
reposer que sur des conventions entre les fournisseurs de prestations. La
nécessité d'un accord entre les parties intéressées sera du reste, dans une
large mesure, maintenue avec l'entrée en vigueur de la loi sur la
transplantation. L'art. 27 de cette loi prévoit que le Conseil fédéral peut
limiter le nombre des centres de transplantation après avoir consulté les
cantons et en tenant compte des développements dans le domaine de la
médecine de la transplantation. Dans son message, le Conseil fédéral relève
toutefois que cette mesure extrême ne sera prise que si les efforts de
coordination de la médecine de pointe ne permettent pas d'obtenir les
résultats espérés (FF 2002  154). C'est dire que même sous le régime futur
de la loi sur la transplantation, la planification intercantonale passera en
priorité par des accords entre les cantons ou les établissements
hospitaliers intéressés.

  6.3  Indépendamment de ces considérations générales, certaines
dispositions du droit de l'assurance-maladie permettent cependant d'exclure
le remboursement par l'assurance de certaines prestations fournies par un
établissement qui n'entrerait pas dans une planification hospitalière; en
cela elle correspondent à des normes de planification (DUMOULIN/GUILLOD,
loc. cit., p. 24). C'est ainsi que selon l'art. 58 al. 3 let. b LAMal, le
Conseil fédéral peut prévoir que des mesures diagnostiques ou thérapeutiques
particulièrement coûteuses ou difficiles ne seront prises en charge par
l'assurance obligatoire des soins que lorsqu'elles sont pratiquées par des
fournisseurs de prestations qualifiés en la matière; il peut désigner ces
fournisseurs de prestations. Le Conseil fédéral a délégué cette compétence
au DFI (art. 77 al. 4 OAMal). Aussi bien l'annexe 1 à l'OPAS contient-elle,
sous ch. 1.2, des indications relatives à la prise en charge de certains
actes chirurgicaux de transplantation qui mettent en oeuvre l'art. 58 al. 3
let. b LAMal. Par exemple, la transplantation isolée du foie ne peut être
exécutée que dans un centre qui dispose de l'infrastructure nécessaire et de
l'expérience adéquate (supra consid. 1.3 in fine). La transplantation isolée
du poumon d'un donneur non vivant ne peut être prise en charge que si elle
est pratiquée à l'Hôpital universitaire de Zurich, à l'Hôpital cantonal
universitaire de Genève en collaboration avec le Centre

hospitalier universitaire vaudois, si le centre participe au registre de
SwissTransplant.

  6.4  S'agissant de la transplantation hépatique à partir d'un donneur
vivant, le DFI n'avait pas encore fait usage de cette possibilité au moment
déterminant pour trancher le présent litige (cf. consid. 3.1). Dans le cas
particulier, on doit donc se référer, pour ce qui est de la garantie de la
qualité des prestations, aux règles générales posées pour l'admission des
hôpitaux à l'art. 39 LAMal. Une déclaration d'intention du DFI de limiter le
nombre de fournisseurs de prestations pour un traitement déterminé ne suffit
pas pour admettre que ce traitement - pratiqué jusqu'alors par un
établissement qui répond aux critères d'admission - n'est pas remboursé par
l'assurance-maladie sociale. En l'occurrence, il est constant que
l'intervention a été pratiquée dans un établissement qui offre toutes les
garanties nécessaires. L'absence d'une décision du DFI fondée sur la
délégation de compétence en cascade des art. 58 al. 3 let. b LAMal et 77 al.
4 OAMal ne fait pas obstacle à la prise en charge du traitement litigieux.

Erwägung 7

  7.  Il apparaît ainsi que l'on ne peut opposer des motifs médicaux ou
éthiques ou encore des raisons pertinentes de planification hospitalière à
la prise en charge par l'assurance-maladie d'une transplantation hépatique à
partir d'un donneur vivant. Par ailleurs, il est incontestable que cette
opération constitue une mesure efficace, appropriée et économique au sens de
l'art. 32 al. 1 LAMal (cf. consid. 5.1). Aussi, malgré la grande retenue qui
s'impose au Tribunal fédéral des assurances dans le contrôle de la légalité
et de la constitutionnalité des ordonnances du Conseil fédéral ou du DFI
(ATF 129 V 173 consid. 3.4 in fine, 124 V 195 consid. 6), convient-il, dans
le cas particulier, de s'écarter de l'appréciation du DFI consignée au
chiffre 1.2 (dans sa version valable jusqu'au 30 juin 2005) de l'annexe 1 à
l'OPAS et d'admettre la prise en charge, par l'assurance obligatoire des
soins, d'une transplantation hépatique - et de ses suites - à partir d'un
donneur vivant.

  Le recours de droit administratif se révèle ainsi bien fondé. Il
appartiendra à la caisse de fixer le montant des prestations auxquelles a
droit la recourante.

Erwägung 8

  8.  (Frais et dépens)