Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 I 386



131 I 386

39. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Ziegler contre Conseil d'Etat ainsi que Grand Conseil du canton de Genève
(recours de droit public)

    1P.80/2005 du 18 août 2005

Regeste

    Art. 85 lit. a OG; Art. 53A KV/GE; Referendum in Steuersachen.

    Mit der Stimmrechtsbeschwerde kann nicht gerügt werden, ein kantonales
Gesetz verletze die Kantonsverfassung (E. 2). Das in Art. 53A KV/ GE
vorgesehene Finanzreferendum ist auf eigentliche Steuern beschränkt (E.
3.1-3.4). Die von den Services industriels de Genève erhobene Gebühr
für die Benützung öffentlichen Grundes ist eine Kausalabgabe. Auch eine
massive Erhöhung lässt diese nicht zur Gemengsteuer werden (E. 3.5).

Sachverhalt

    Les Services industriels de Genève (ci-après: les SIG) sont un
établissement de droit public doté de la personnalité juridique et
d'autonomie, soumis à la surveillance du Conseil d'Etat et fondé sur les
art. 158 à 160 de la Constitution genevoise (Cst./GE). Leur but est de
fournir l'eau, le gaz, l'électricité, de l'énergie thermique, ainsi que
de traiter les déchets (art. 158 Cst./GE). Ils disposent d'un capital de
dotation de 100 millions de fr., auquel participent le canton (55 %), la
ville de Genève (30 %) et les autres communes. Selon l'art. 158C Cst./GE,
les SIG peuvent utiliser le domaine public genevois pour l'installation
de leurs réseaux de transport et de distribution contre redevances
annuelles (al. 1). La loi précise les conditions de cette utilisation
ainsi que le mode de calcul des redevances (al. 2). Selon l'art. 32
al. 2 de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève
(LSIG; RS/GE L 2 35), la redevance annuelle due à l'Etat est de 1 % des
recettes brutes de fourniture de l'énergie électrique encaissées pendant
l'exercice annuel considéré; la redevance due aux communes est de 7 %
(art. 32 al. 3 LSIG). Pour le surplus, les SIG sont exempts des impôts
cantonaux et communaux (art. 5 LSIG).

    Le 17 décembre 2004, le Grand Conseil du canton de Genève a adopté une
loi 9423-1, concernant l'adjonction d'un huitième alinéa aux dispositions
transitoires de l'art. 42 LSIG, dont la teneur est la suivante:

      Art. 42, al. 8 (nouveau) 8 En dérogation à l'article 32, alinéa 2,

      le pourcentage mentionné dans ce même article et ce même alinéa

      est porté à 5 % pour l'année 2005.

    Cette modification, soumise au référendum facultatif, est destinée à
dégager environ 20 millions de fr. en faveur de l'Etat. Elle fait suite
à un autre projet de loi, prévoyant le versement aux collectivités de
la moitié du bénéfice net d'exploitation des SIG, jugé contraire à la
constitution cantonale et abandonné en commission.

    Par arrêté du 22 décembre 2004, paru dans la Feuille d'Avis Officielle
du 24 décembre suivant, le Conseil d'Etat a publié la loi, précisant que
le délai référendaire expirait le 2 février 2005.

    Marco Ziegler, citoyen genevois, forme un recours de droit public
contre la loi du 17 décembre 2004. Il conclut à l'annulation de cette
loi, ou de l'arrêté publié le 24 décembre 2004 dans la Feuille d'Avis
Officielle, en tant qu'il soumet cette loi au référendum facultatif. Il
invoque son droit de vote, en soutenant, d'une part, que la loi attaquée ne
pourrait être adoptée qu'après modification de la Constitution genevoise,
soumise au référendum obligatoire et, d'autre part, que l'augmentation
de la redevance constituerait un impôt déguisé, lui aussi soumis au
référendum obligatoire.

    La loi attaquée a été promulguée le 16 février 2005, le délai
référendaire ayant expiré sans avoir été utilisé.

    Le Grand Conseil conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet
du recours. Le recourant a répliqué.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure ou il est
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Le recours prévu à l'art. 85 let. a OJ permet à l'électeur
de se plaindre d'une violation des dispositions cantonales légales
et constitutionnelles qui définissent le contenu et l'étendue des
droits politiques des citoyens (ATF 129 I 392 consid. 2.1 p. 394 et
les références).

    2.1  Le premier grief du recourant concerne la conformité de la loi
à la constitution cantonale. Invoquant les principes de la suprématie de
la loi et du parallélisme des formes, le recourant rappelle que la seule
charge financière imposée aux SIG en faveur de l'Etat serait le versement
d'intérêts sur le capital de dotation (art. 158A Cst./GE). Au terme d'une
interprétation téléologique et systématique, il soutient que cette mention
serait exhaustive. Il estime ensuite que la redevance prévue à l'art. 158C
Cst./GE serait exclusivement liée à l'utilisation du domaine public; il
s'agirait ainsi d'une taxe causale, soumise au principe constitutionnel
de l'équivalence. Le nouvel art. 42 al. 8 LSIG, limité à une année et au
seul bénéfice de l'Etat de Genève, à l'exception des communes elles aussi
bénéficiaires selon l'art. 158C Cst./GE, ne serait justifié par aucune
modification de l'utilisation du domaine public. Comme cela ressort des
travaux préparatoires, il s'agirait en fait d'une manière déguisée, pour
l'Etat de Genève, de percevoir une participation sur les bénéfices des SIG.

    2.2  Certes, lorsqu'il est prétendu qu'une loi viole la constitution
cantonale, il est implicitement aussi reproché au législateur d'avoir
fait l'économie d'une révision constitutionnelle soumise au référendum
obligatoire. Cela ne saurait toutefois suffire pour permettre au recourant
d'agir par la voie de l'art. 85 let. a OJ. Dans ce cas, la voie du recours
pour violation du droit de vote serait ouverte chaque fois qu'un acte
normatif en viole un autre, soumis à un régime différent du point de
vue des droits politiques. La jurisprudence considère ainsi que seule
est ouverte la voie du recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a OJ) lorsque le recourant, invoquant
une violation du principe de la séparation des pouvoirs, reproche au
gouvernement cantonal d'avoir pris des mesures ressortissant au pouvoir
législatif et qui auraient dû, à ce titre, être soumises au référendum
facultatif (ATF 104 Ia 305 consid. 1b p. 308 et 105 Ia 349 consid. 4b
p. 360 ss; arrêt P.1091/1987 du 21 septembre 1988, publié in SJ 1989
p. 338; ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46; arrêt 1P.523/2003 du 12 mai 2004,
consid. 2.1 non publié à l'ATF 130 I 140).

    La solution n'est pas différente lorsque le recours est dirigé
contre une loi cantonale prétendument contraire à la constitution
cantonale: toute norme cantonale ne peut pas faire l'objet d'un recours
pour violation des droits politiques au motif qu'elle aurait des effets
indirects sur ces droits. L'atteinte au droit de vote doit au contraire
résulter directement de l'acte lui-même, comme c'est le cas lorsque la
loi contient des dispositions relatives au droit de vote, ou lorsque
le parlement omet de soumettre au référendum un acte qui, en vertu
de la constitution, devrait y être soumis, par exemple en matière de
dépenses (E. GRISEL, Initiative et référendum populaires, Berne 2004, n°
360). Lorsqu'en revanche la violation du droit de vote n'est qu'indirecte,
l'inconstitutionnalité alléguée doit faire l'objet du recours prévu à
l'art. 84 al. 1 let. a OJ (ATF 130 I 226 consid. 1.2 p. 228; 123 I 41
consid. 6b; HILLER, Die Stimmrechtsbeschwerde, Zurich 1990, p. 176).

    2.3  En l'occurrence, la norme attaquée n'a matériellement
aucun rapport direct avec les votations ou élections cantonales
(cf. ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46 et les références). En outre,
l'argumentation du recourant est exclusivement fondée sur une violation
de règles constitutionnelles qui sont, elles aussi, sans rapport avec la
définition des droits politiques. Le premier moyen du recourant relève
donc exclusivement du recours pour violation des droits constitutionnels
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Dans ce cadre, le recourant ne saurait fonder
sa légitimation sur sa simple qualité de citoyen: il doit satisfaire aux
conditions de recevabilité plus restrictives posées à l'art. 88 OJ.

    2.4  Selon cette disposition, seul peut former un recours de droit
public pour violation des droits constitutionnels celui qui est touché
par l'acte attaqué dans ses intérêts propres, personnels et juridiquement
protégés. La protection peut résulter du droit cantonal ou fédéral, voire
directement du droit fondamental spécifique qui est invoqué. Il en va de
même lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale. Il
suffit toutefois que le recourant subisse une atteinte virtuelle, qui
puisse être envisagée avec une certaine vraisemblance (ATF 130 I 26
consid. 1.2.1 p. 29, 82 consid. 1.3 p. 85, 306 consid. 1 p. 309 et les
références citées). L'invocation de purs intérêts de fait, ou d'intérêts
d'ordre général est insuffisante (ATF 131 I 198 consid. 2.1). Cela vaut
également lorsque le recours est formé pour violation du principe de
la séparation des pouvoirs (ATF 123 I 41 consid. 5b p. 43 et les arrêts
cités).

    2.5  Le recourant s'en prend à une modification législative augmentant
pour une année le taux de la redevance d'utilisation du domaine public.
Seuls les SIG sont débiteurs de cette redevance et à ce titre, touchés dans
leurs intérêts juridiques. En revanche, le recourant ne dispose que d'un
intérêt indirect, dans la mesure - non établie - où cette augmentation
de la redevance pourrait être répercutée sur le prix des prestations
facturées aux usagers. Il ne s'agit toutefois en aucun cas d'un intérêt
juridique, mais d'un intérêt économique, reposant au surplus sur de simples
conjectures. Le recours est par conséquent irrecevable de ce point de vue.

Erwägung 3

    3.  Le recours pour violation des droits politiques est en
revanche ouvert dans la mesure où le recourant allègue que la loi
attaquée consacrerait un nouvel impôt qui aurait dû être soumis au
référendum obligatoire en vertu de l'art. 53A Cst./GE. La violation
constitutionnelle est en effet en rapport direct avec les droits
politiques. En tant que citoyen genevois, le recourant a indéniablement
qualité pour agir. Contrairement à ce que soutient le Grand Conseil,
le grief, même s'il est plus brièvement développé par le recourant que
l'argument précédent, est suffisamment motivé au regard de l'art. 90 OJ:
la question de savoir si la loi attaquée institue un nouvel impôt, soumis
à ce titre au référendum obligatoire, doit être traitée sur le fond.

    3.1  Pour le recourant, le relèvement temporaire du taux de la
redevance domaniale ne reposerait sur aucune raison objective liée à
l'utilisation du domaine public. Sa limitation à une année, ainsi qu'à un
unique bénéficiaire (le canton, à l'exclusion des communes) démontrerait
l'impossibilité de toute justification. Par conséquent, il s'agirait d'un
impôt déguisé qui tomberait sous le coup de l'art. 53A Cst./GE. Cette
disposition a la teneur suivante:

      Art. 53A Référendum obligatoire en matière d'impôt Les lois qui

      ont pour objet un nouvel impôt ou la modification du taux ou de

      l'assiette d'un impôt sont soumises obligatoirement à l'approbation

      du Conseil général (corps électoral).

    3.2  Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le
Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application
du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que
des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au
droit de vote ou en précisent le contenu et l'étendue (ATF 129 I 185
consid. 2 p. 190). Il n'examine en revanche que sous l'angle restreint
de l'arbitraire l'interprétation d'autres règles du droit cantonal (ATF
123 I 175 consid. 2d/aa p. 178; 121 I 1 consid. 2 p. 3, 357 consid. 3
p. 360 et les arrêts cités). En présence de deux interprétations également
défendables, il s'en tient en général à celle retenue par la plus haute
autorité cantonale (ATF 121 I 334 consid. 2c p. 339).

    En l'occurrence, la contestation porte sur l'application d'une
disposition constitutionnelle cantonale en relation directe avec les
modalités d'exercice des droits politiques, ce qui impose un libre
pouvoir d'examen.

    3.3  Le référendum en matière fiscale a été institué récemment
(l'art. 53A Cst./GE est entré en vigueur le 1er janvier 2002) en tant
que contreprojet à une initiative populaire. Celle-ci prévoyait de
soumettre au corps électoral tout impôt nouveau ainsi que tout droit
ou taxe assimilable. Le Conseil d'Etat avait estimé que la formulation
de l'initiative était trop floue et qu'il convenait de la limiter aux
contributions non causales, à l'exception des taxes et émoluments. La
commission fiscale chargée d'examiner les différentes variantes proposées
avait retenu un texte supprimant toute référence aux taxes (Mémorial des
séances du Grand Conseil, séance du 17 mai 2001, p. 4562). Le rapporteur
de la commission devant le Grand Conseil a fourni les mêmes explications,
en relevant que la soumission de toute taxe au vote populaire n'était
pas praticable. Les débats devant le Grand Conseil confirment cette
manière de voir (cf. notamment l'intervention de Micheline Calmy-Rey,
Mémorial, p. 4574): le texte constitutionnel se rapporte exclusivement
aux contributions publiques non causales, à l'exception des taxes.

    3.4  A la lumière de ces travaux préparatoires, l'interprétation
retenue par le Grand Conseil ne prête pas le flanc à la critique: le
référendum fiscal apparaît limité aux impôts proprement dits. Constituent
un impôt les prestations pécuniaires fournies par les administrés à la
collectivité publique, prélevées en fonction d'une situation économique
réalisée dans la personne ou le patrimoine du contribuable, et non en
raison d'une activité étatique déterminée (OBERSON, Droit fiscal suisse,
Bâle 2002, p. 4 ss; A. GRISEL, Droit administratif, vol. 2, p. 605).

    3.5  Le recourant admet lui-même que la redevance concernée par la
loi n° 9423 est une taxe causale. Il prétend toutefois que lorsque le taux
d'une telle taxe dépasse la valeur que l'on peut raisonnablement attribuer
à la prestation de l'Etat, on se trouve en présence d'un impôt mixte
soumis au même régime juridique que les impôts stricto sensu (cf. OBERSON,
op. cit., p. 6). Le recourant perd de vue que cette distinction a été
développée essentiellement en rapport avec les exigences de base légale
(ATF 126 I 180 consid. 2a/bb p. 183). Rien ne permet d'affirmer qu'elle
devrait également s'appliquer en droit constitutionnel genevois, lorsqu'il
s'agit de distinguer entre les contributions soumises au référendum
obligatoire et celles qui ne le sont pas.

    Par ailleurs, en dépit des arguments du recourant, il n'est pas
démontré que l'on se trouverait effectivement en présence d'un impôt
déguisé: le montant de la taxe d'utilisation du domaine public (1 % en
faveur du canton et 7 % en faveur des communes) ne paraît pas correspondre
mathématiquement à l'avantage économique retiré de l'utilisation du domaine
public: comme l'explique le Grand Conseil, le législateur s'est contenté,
lors de l'adoption de la LSI, de reprendre la teneur des conventions
passées jusque-là avec les communes; pour la taxe due à l'Etat, il a
considéré que le taux applicable "pouvait être de 1 %", simplement parce
que l'assiette était déterminée sur l'ensemble des recettes brutes de
la fourniture d'électricité (Mémorial 1969, p. 2590). Dans la mesure où
la valeur de la prestation de l'Etat n'a pas été déterminée de manière
précise, l'augmentation - même massive - de la taxe ne permet pas à elle
seule de considérer cette dernière comme un impôt déguisé. Le fait que
l'augmentation ait eu lieu sans modification apparente des conditions
d'utilisation du domaine public ne modifie donc pas la nature de la
redevance, sous l'angle de l'art. 53A Cst./GE.

    La taxe ne vise par ailleurs pas un ensemble de contribuables
mais un établissement public déterminé, de la même manière qu'un
concessionnaire. Il y a lieu à ce sujet de relever que les Services
industriels, établissement de droit public détenu par l'Etat, sont de par
la loi exemptés de tous impôts, cantonaux et communaux (art. 5 LSI). Il
ne s'agit donc pas d'un sujet fiscal à proprement parler, de sorte que
l'augmentation de la taxe, décidée pour une durée limitée, ne saurait
dans tous les cas constituer un impôt mixte. Il s'agit bien d'une taxe
d'utilisation du domaine public (A. GRISEL, op. cit., p. 609).

    Dans ces conditions, l'art. 53A Cst./GE ne s'applique pas et le second
grief du recourant doit être écarté.