Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 I 153



131 I 153

19. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A.
Sàrl contre Ville de Genève ainsi que Tribunal administratif du canton
de Genève (recours de droit public)

    2P.157/2003 du 17 décembre 2004

Regeste

    Art. 9 und 29 BV; Art. 9 Abs. 3 BGBM; Art. 18 Abs. 2 IVoeB; Art. 32
Abs. 2 BoeB; öffentliche Beschaffung, Beschwerdelegitimation von
Mitgliedern eines übergangenen Konsortiums gegen einen Vergabeentscheid.

    Zulässigkeit der Beschwerde gegen einen Nichteintretensentscheid,
aktuelles Interesse (E. 1).

    Anspruch auf rechtliches Gehör (E. 3).

    Gutglaubensschutz, Rechtsmittelbelehrung (E. 4).

    Solange der Vertrag zwischen der Vergabebehörde und dem
berücksichtigten Anbieter nicht abgeschlossen ist, können die
Mitglieder eines übergangenen Konsortiums nur gemeinschaftlich gegen den
Vergabeentscheid Beschwerde führen, weil sie nur ein unteilbares Recht
der Gesellschaft geltend machen können, d.h. dasjenige, den Zuschlag für
die Beschaffung zu erhalten (E. 5).

    Sobald der Vertrag abgeschlossen ist, stellt sich die Frage anders,
ob ein einzelnes Mitglied in seinem eigenen Namen vorgehen kann, weil
die Beschwerde nurmehr auf die Feststellung der Rechtswidrigkeit des
Vergabeentscheids und den Erhalt von Schadenersatz hinzielt. Indem das
Genfer Verwaltungsgericht dies verneint hat, ist es nicht in Willkür
verfallen (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Les sociétés A. Sàrl, à X. (ci-après: A.), et B. SA, à
Y. (ci-après: B.), se sont réunies en consortium (ci-après: le Consortium)
pour présenter une soumission commune dans le cadre d'un appel d'offres
public lancé par la Ville de Genève. Soumis à la procédure sélective, le
marché portait sur l'acquisition de licences d'utilisation d'un progiciel
financier et sur les prestations nécessaires à son implémentation. Après
avoir passé avec succès la procédure de présélection aux côtés de deux
autres candidats, le Consortium a déposé son offre proprement dite le 24
septembre 2002, en y joignant une lettre d'accompagnement contenant les
lignes suivantes:

    "(...) D'autre part et comme vous l'avez demandé, vous serez en liaison

      avec un chef de file unique, en l'occurrence B., qui sera votre

      interlocuteur unique pour tout le projet et en assumera l'entière

      responsabilité contractuelle. De plus, il s'engage à mobiliser les

      ressources les plus pertinentes en provenance soit de A. soit de B.,

      et ceci de manière transparente pour la Ville de Genève. (...)"

    Après l'ouverture des offres, le 25 septembre 2002, et l'audition des
soumissionnaires, la Ville de Genève a prononcé la décision d'adjudication
le 22 octobre 2002. Le choix ne s'est pas porté sur le Consortium, mais
sur l'un des deux autres candidats.

    Le 24 octobre 2002, la Ville de Genève a communiqué au Consortium
une décision l'informant que son offre n'avait pas été retenue et qu'il
disposait d'un délai de dix jours, dès réception de la décision, pour
recourir auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le
Tribunal administratif). Cette décision a été notifiée par courrier séparé,
adressé à leur nom, à chacune des deux sociétés composant le Consortium.

    B.- Le 28 octobre 2002, B. a fait parvenir au pouvoir adjudicateur un
courriel, dans lequel, "tout en respectant" la décision d'adjudication,
elle exprimait le désir de "connaître plus de détails sur les points
négatifs" concernant la soumission qu'elle avait déposée en commun avec
A.; à cette fin, elle sollicitait la possibilité de consulter le tableau
comparatif des offres et d'obtenir un rendez-vous.

    Estimant, pour sa part, que le marché n'avait pas été adjugé
conformément aux principes et aux règles applicables en matière de
marchés publics, A. a recouru le 4 novembre 2002 contre la décision
d'adjudication. Sous suite de frais et dépens, elle a conclu, à titre
principal, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause
à la Ville de Genève pour nouvelle adjudication et, subsidiairement,
à la constatation du caractère illicite de cette décision et à la
condamnation de la Ville de Genève à lui payer 350'000 fr. "au moins"
à titre de dommages et intérêts pour les dépenses qu'elle avait engagées
pour établir la soumission. Ayant appris que la Ville de Genève avait
déjà signé, le 7 novembre précédent, le contrat avec l'adjudicataire,
A. a abandonné sa conclusion principale. De son côté, la Ville de Genève
a conclu à l'irrecevabilité du recours, au motif que A. n'avait pas
la qualité pour recourir au sens de l'art. 60 de la loi genevoise du
12 septembre 1985 sur la procédure administrative (ci-après: LPA/GE ou
loi sur la procédure administrative), faute de procéder conjointement
avec B. avec laquelle elle s'était constituée en consortium pour déposer
son offre. A cette argumentation, A. a objecté qu'elle était en mesure
d'honorer seule le marché en cas d'admission de son recours et que, de
toute façon, dans la mesure où l'objet de la contestation se limitait à
faire constater le caractère illicite de la procédure d'adjudication en vue
d'obtenir la réparation de son dommage personnel, elle pouvait agir seule.

    Par arrêt du 29 avril 2003, le Tribunal administratif a déclaré
irrecevable le recours dont il était saisi, motif pris de l'absence de
qualité pour recourir de A.

    C.- Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public formé
par A. contre ce jugement.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1, 388 consid. 1
et les références).

    1.1  Formé pour violation des droits constitutionnels (art. 84
al. 1 let. a OJ), le présent recours de droit public n'est recevable,
en principe, qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance
cantonale qui revêtent un caractère final (cf. art. 86 al. 1 et 87
OJ). Tel est bien le cas de la décision attaquée (cf. art. 3 de la loi
genevoise du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'Accord
intercantonal sur les marchés publics [ci-après: la loi cantonale sur
les marchés publics], en relation avec l'art. 15 de cet accord, conclu
le 25 novembre 1994 [AIMPu; RS 172.056.4]).

    1.2  En vertu de l'art. 88 OJ, le recours de droit public exige,
en principe, un intérêt juridique actuel et pratique à l'annulation de la
décision attaquée, respectivement à l'examen des griefs soulevés. L'intérêt
au recours doit encore exister au moment où statue le Tribunal fédéral,
lequel se prononce sur des questions concrètes et non théoriques (ATF
127 III 41 consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a p. 397; 125 II 86
consid. 5b p. 97 et les références citées). Cette exigence vaut aussi
lorsqu'est invoqué, comme en l'espèce, un déni de justice formel: en ce
cas, le recourant doit au moins justifier d'un intérêt actuel à ce que
son grief (formel) soit examiné; cet intérêt s'apprécie en fonction des
effets et de la portée d'une éventuelle admission du recours (cf. ATF 118
Ia 488 consid. 2a p. 492). En l'espèce, A. a incontestablement intérêt à
ce que l'autorité intimée entre en matière sur son recours, car même si
le pouvoir adjudicateur a déjà conclu le contrat avec l'adjudicataire,
elle dispose encore d'un intérêt juridiquement protégé à faire constater
l'illicéité de la décision d'adjudication afin de pouvoir, le cas échéant,
agir en dommages-intérêts contre l'adjudicateur (cf. ATF 125 II 86
consid. 5b p. 97).

    (...)

Erwägung 3

    3.  La recourante reproche au Tribunal administratif de n'avoir pas
cherché à vérifier si, comme elle l'avait prétendu en procédure cantonale,
en cas d'admission de son recours et d'adjudication du marché, elle
disposait du personnel et du savoir-faire requis pour mener à chef seule le
mandat mis en soumission, sans l'aide de B. Elle se plaint d'une violation
de son droit d'être entendue tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.

    Cette garantie constitutionnelle comprend effectivement le droit
pour le justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de
preuves (cf. ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III 576 consid. 2c
p. 578). Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines
preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter
l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus
d'instruire ne viole leur droit d'être entendues que si l'appréciation
anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge
a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (cf. ATF 130 I 425 consid. 2.1
p. 428; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430;
124 I 208 consid. 4a p. 211 et les arrêts cités).

    En l'espèce, du moment que, au stade de la procédure cantonale, le
contrat avait déjà été conclu entre une société tierce et l'adjudicateur,
le marché ne pouvait plus être attribué à A. Les premiers juges pouvaient
donc, sans arbitraire, considérer que le fait allégué, soit la possibilité
pour cette dernière d'exécuter seule le marché litigieux en cas d'admission
du recours, n'était pas un élément décisif pour apprécier sa qualité pour
recourir et n'avait, par conséquent, pas à être instruit. Au surplus,
ce fait était destiné à étayer un argument qui, ainsi qu'on le verra,
n'est juridiquement pas fondé (cf. consid. 5.7 infra).

    Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est ainsi
mal fondé.

Erwägung 4

    4.  La recourante soutient également qu'en vertu du droit à la
protection de la bonne foi, inscrit à l'art. 9 Cst., le justiciable qui
se fie à une indication erronée des voies de droit ne doit en subir aucun
préjudice. Cette assertion est exacte (cf. ATF 124 I 255 consid. 1a/aa
p. 258). On ne discerne cependant pas, en l'espèce, l'erreur qu'aurait
commise la Ville de Genève en indiquant à A. qu'elle pouvait recourir
contre la décision d'adjudication dans un délai de 10 jours dès sa
notification. Cette indication apparaît au contraire conforme à ce que
prévoit l'art. 46 al. 1 LPA/GE.

    Certes, la précision que le recours devait être exercé conjointement
avec B. est absente de la décision. Elle n'avait cependant pas à y figurer,
car il appartient au destinataire d'une telle décision de déterminer, à la
lumière de la loi et de la jurisprudence, si et dans quelle mesure il a la
qualité (la légitimation) pour la contester devant l'autorité de recours
(cf. arrêt 2P.176/2003 du 6 février 2004, consid. 3.1) et, notamment, s'il
peut recourir seul et en son propre nom ou s'il doit le faire conjointement
avec les autres membres du consortium auquel il appartient ou, du moins,
au nom de ceux-ci. A. était d'autant plus tenue d'examiner avec soin
ce problème qu'elle n'ignorait rien des difficultés de représentation
qui pouvaient survenir, ayant co-signé la lettre du 24 septembre 2002,
jointe à la soumission, par laquelle B. était désignée comme "le chef de
file unique" et "l'interlocuteur unique pour tout le projet".

    Quoi qu'il en soit, la recourante ne prétend pas - et a fortiori
n'établit pas - que, si le Tribunal administratif lui avait donné
l'occasion de réparer le vice de procédure prétendument causé par une
mauvaise indication des voies de droit, B. se serait jointe à son recours
ou lui aurait donné le pouvoir de la représenter. Du reste, comme l'a
constaté le Tribunal administratif, cette dernière a expressément indiqué
qu'elle entendait respecter la décision d'adjudication (cf. son courriel
du 28 octobre 2002).

    Le grief s'avère donc également mal fondé.

Erwägung 5

    5.  Dans un dernier moyen, la recourante fait valoir que le Tribunal
administratif lui a dénié de manière arbitraire la qualité pour recourir.

    5.1  Notion fondamentale de la procédure contentieuse, la qualité
pour recourir ne fait pas l'objet d'une réglementation particulière
dans l'Accord intercantonal sur les marchés publics, mais relève du
droit cantonal de procédure. Aussi bien le Tribunal fédéral ne peut
revoir l'interprétation de cette notion que sous l'angle restreint
de l'arbitraire, à moins que ne soit en jeu sa conformité avec les
principes et les règles applicables en matière de marchés publics
(cf. arrêt 2P.261/2002 du 8 août 2003, consid. 4.1 et 4.2, résumé in DC
2003 p. 158 ad S58); en cette dernière éventualité, le Tribunal fédéral
peut, en principe, examiner librement l'interprétation et l'application
des dispositions concordataires faites par les autorités cantonales
(cf. ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98 in initio et les références).

    5.2  Conformément à l'art. 3 al. 4 de la loi cantonale sur les marchés
publics, la procédure en matière de marchés publics est réglée, dans le
canton de Genève, dans la loi sur la procédure administrative, dont l'art.
60 a la teneur suivante:

    "Ont qualité pour recourir:

      a) les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée;

      b) toute personne qui est touchée directement par une décision et a

      un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée;

      (...)."

    5.3  Selon le Tribunal administratif, les lettres a et b de l'art. 60
al. 1 LPA/GE doivent se lire en parallèle, en ce sens que la seule
qualité de partie à la procédure ayant abouti à la décision attaquée
n'est pas suffisante pour conférer la qualité pour recourir; il faut
encore que la partie concernée soit touchée directement par la décision
attaquée et qu'elle ait un intérêt personnel digne de protection à ce que
cette décision soit annulée ou modifiée. A cet égard, les premiers juges
relèvent que l'art. 60 let. b LPA/GE a la même portée que l'art. 103 let. a
OJ. Citant un arrêt rendu sur la base de cette disposition du droit fédéral
(ATF 111 Ib 159), ils exposent que, pour être recevable à recourir, un
justiciable doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus
grande que quiconque, de façon spéciale et directe, et avoir un intérêt
étroitement lié à l'objet du litige.

    A la lumière de ces principes, le Tribunal administratif a dénié la
qualité pour recourir à A., au motif que le consortium qu'elle formait
avec B., bien que dépourvu de la personnalité juridique en sa qualité
de société simple au sens des art. 530 ss CO, n'en créait pas moins
"un rapport de consorité nécessaire entre les associés au point que les
consorts ne peuvent agir ou être actionnés qu'ensemble". Or, constatent
les premiers juges, B. a expressément déclaré à la Ville de Genève
qu'elle acceptait la décision d'adjudication, tandis que, de son côté,
A. n'a nullement prétendu agir au nom et pour le compte de son associée,
mais a, au contraire, procédé seule, en son propre nom, sans même faire
référence au consortium qu'elle formait avec cette dernière.

    5.4  D'après la recourante, la référence des premiers juges à la
notion de consorité nécessaire est "sans pertinence" et donc arbitraire,
car cette notion n'est connue qu'en procédure civile.

    Il est vrai que la notion n'existe pas, à proprement parler, en
procédure administrative. Il n'empêche que les principes qui la fondent
jouent également, dans une certaine mesure, un rôle dans cette matière,
notamment sous l'angle de la qualité pour recourir (cf. BENOÎT BOVAY,
Procédure administrative, Berne 2000, p. 138 ss; ALFRED KÖLZ/ISABELLE
HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes,
Zurich 1998, n° 533; voir aussi ATF 116 Ib 447 consid. 2 p. 449 ss;
119 Ib 56 consid. 1a p. 58).

    En particulier, il est généralement admis, en matière de marchés
publics, que les membres d'un consortium, propriétaires en main commune
des créances de la société envers les tiers (art. 544 al. 1 CO), sont
touchés non pas individuellement par une décision de non-adjudication, mais
uniquement en leur qualité d'associés. Aussi bien, le droit de recourir
contre une telle décision afin d'obtenir le marché ne leur appartient
qu'en commun et doit être exercé conjointement, à l'instar de consorts
nécessaires dans un procès civil (cf. DENIS ESSEIVA, in DC 1999 p. 149 ad
S52, DC 2000 p. 127 ad S37 et DC 2001 p. 161 ad S52; PETER GALLI/ANDRÉ
MOSER/ ELISABETH LANG, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts:
eine systematische Darstellung der Rechtsprechung des Bundes und der
Kantone, Zurich 2003, n° 640 p. 330 s.; VINCENT CARRON/JACQUES FOURNIER,
La protection juridique dans la passation des marchés publics, Fribourg
2002, p. 65 s.; JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY/CORINNE MAILLARD/NICOLAS MICHEL,
Droit des marchés publics, Présentation générale, éléments choisis et
code annoté, Fribourg 2002, p. 135). Rien n'empêche cependant les membres
d'un consortium, conformément aux règles de la représentation (cf. art
543 al. 2 CO), de donner une procuration à l'un d'entre eux pour agir
seul, au nom et pour le compte de tous (ESSEIVA, in DC 2000 p. 127 ad
S37). Contrairement à ce que laisse entendre l'auteur précité (ESSEIVA,
in DC 1999, p. 149 ad S52), cette faculté n'a pas valeur d'exception,
mais n'est qu'une conséquence de la règle voulant que les associés doivent
entreprendre conjointement une décision d'adjudication.

    5.5  Pour l'essentiel, la recourante cherche à démontrer que cette
règle n'est pas absolue mais souffre d'exceptions, en se référant à la
jurisprudence de la Commission suisse de recours en matière de marchés
publics (ci-après: la Commission), ainsi qu'à un avis de doctrine
(ZUFFEREY/MAILLARD/MICHEL, op. cit., p. 135) qui refléterait la
jurisprudence du Tribunal fédéral.

    5.6  Il est exact que la Commission estime qu'un soumissionnaire
peut recourir seul contre une décision d'adjudication rejetant l'offre
du consortium dont il est partie, motif pris qu'il a un intérêt digne de
protection à obtenir l'annulation ou la modification de cette décision
afin de sauvegarder les droits et les intérêts de la société simple, et
que son recours, s'il est admis, bénéficie directement à tous les autres
membres du consortium (décision du 16 août 1999 consid. 1b, publiée in
JAAC 64/2000 n° 29 p. 392, confirmée en dernier lieu par décision du 8
janvier 2004 consid. 1e/bb, publiée in JAAC 68/2004 n° 66 p. 834. Ce
point de vue semble s'inspirer de la doctrine et de la jurisprudence
qui reconnaissent aux membres d'une hoirie la qualité pour agir seuls
contre des mesures imposant des charges ou créant des obligations
à l'égard de la communauté. Une décision d'adjudication n'entraîne
cependant aucune conséquence de cet ordre pour le consortium évincé;
elle lui donne au contraire un avantage, consistant dans l'obtention de
l'adjudication ou dans le droit de participer à la suite de la procédure
sélective (cf. ESSEIVA, in DC 2000 p. 127 ad S37; arrêt du Tribunal
administratif zurichois du 1er février 2000, consid. 3c, publié in
Baurechtsentscheide Kanton Zürich [BEZ] 2000 p. 22, lequel relève encore
la nature "indivisible" de cette prestation). Il ne se justifie donc pas
de transposer en droit cantonal la jurisprudence de la Commission. Du
moins les premiers juges pouvaient-ils sans arbitraire s'en écarter.

    Dans ses décisions précitées au reste, la Commission réserve le
cas où un ou plusieurs associés auraient quitté le consortium, auraient
expressément approuvé la décision d'adjudication litigieuse et se seraient
à ce point distancés du recourant qu'ils auraient ainsi manifesté ne plus
avoir l'intention d'exécuter le marché en consortium si celui-ci devait
leur être attribué à l'issue du recours. De l'avis de la Commission en
effet, une admission du recours reviendrait alors à adjuger le marché
à un nouveau soumissionnaire, différent de celui ayant pris part à la
procédure de passation par le dépôt d'une offre. Dans son résultat,
la pratique de la Commission n'est donc pas si éloignée de la solution
choisie par le Tribunal administratif (cf. ROBERT WOLF, Die Beschwerde
gegen Vergabeentscheide - Eine Übersicht über die Rechtsprechung zu den
neuen Rechtsmitteln, in ZBl 104/2003 p. 1 ss, spéc. p. 16).

    5.7  Contrairement à l'opinion exprimée par la doctrine (ZUFFEREY/
MAILLARD/MICHEL, op. cit., p. 135) à laquelle la recourante se réfère en
croyant qu'elle reproduit la jurisprudence du Tribunal fédéral (alors qu'il
s'agit de celle de la Commission; cf. sa décision du 1er septembre 2000,
consid. 1b/cc, publiée in JAAC 65/2001 n° 78 p. 825), un soumissionnaire
ayant déposé une offre commune ne doit pas être admis à recourir seul et
en son propre nom sous prétexte qu'il pourrait accomplir le marché sans
le concours de ses associés. Comme les auteurs précités en conviennent
(op. cit., p. 113), une modification de la composition d'un consortium
s'apparente en effet à un changement essentiel de la soumission qui n'est,
en principe, plus admissible après le délai imparti pour déposer les offres
(cf. CARRON/FOURNIER, op. cit., p. 66; voir aussi la décision précitée de
la Commission du 16 août 1999 et l'arrêt du Tribunal cantonal valaisan
du 9 juillet 1998, publié in Revue valaisanne de jurisprudence [RVJ]
1999 p. 83). Il n'est certes pas exclu que des circonstances tout à
fait exceptionnelles puissent, au regard notamment du principe de la
proportionnalité, justifier une autre solution dans certains cas, par
exemple si une entreprise soumissionnaire ne jouant qu'un rôle marginal
au sein d'un grand consortium n'est, pour une raison ou une autre, plus en
mesure d'exécuter le mandat ou se retire du consortium (dans ce sens, cf.
ZUFFEREY/MAILLARD/MICHEL, op. cit., p. 113). La recourante n'a toutefois
invoqué aucune circonstance de cette nature; au demeurant, aussi bien
la taille réduite du Consortium que le rôle important dévolu à B. ("chef
de file unique" et "interlocuteur unique pour tout le projet") excluent
d'envisager une telle hypothèse qui n'a dès lors pas à être examinée plus
avant ici.

    5.8  En résumé, aussi longtemps que le contrat entre le pouvoir
adjudicateur et l'adjudicataire n'est pas conclu, les membres d'un
consortium sont tenus d'entreprendre de manière conjointe une décision
d'adjudication qui leur est défavorable, car ils ne peuvent faire valoir
qu'un droit indivisible de la société, soit celui d'obtenir l'attribution
du marché (cf. arrêt 2P.111/2003 du 21 janvier 2004, consid. 1.1 in medio).

Erwägung 6

    6.  Une fois le contrat entre le pouvoir adjudicateur et
l'adjudicataire conclu, les choses se présentent sous un jour sensiblement
différent, car le recours ne tend alors plus à l'attribution du marché,
mais à la constatation de l'illicéité de la décision d'adjudication
et à l'obtention de dommages et intérêts (cf. art. 9 al. 3 de la loi
fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur [LMI; RS 943.02] et
art. 18 al. 2 AIMPu; voir aussi art. 32 al. 2 de la loi fédérale du 16
décembre 1994 sur les marchés publics [LMP; RS 172.056.1]). A cette fin,
il va de soi que les membres d'un consortium peuvent procéder ensemble ou
se faire représenter par l'un d'eux pour faire valoir leurs droits. Est
plus délicate la question de savoir si l'un d'entre eux dispose encore de
la qualité pour recourir devant la juridiction cantonale lorsqu'il agit
isolément et en son propre nom. Pour les motifs qui suivent, la décision
du Tribunal administratif, consistant à dénier cette qualité à un tel
associé, ne souffre pas d'arbitraire.

    6.1  Certes, le Tribunal fédéral a-t-il considéré qu'un soumissionnaire
évincé, bien qu'ayant déposé une offre commune avec des associés,
pouvait néanmoins, après la conclusion du contrat, recourir seul contre
un arrêt cantonal confirmant la décision d'adjudication qu'il contestait,
aux fins d'obtenir la constatation de l'illicéité de celle-ci (arrêt
2P.111/2003 du 21 janvier 2004, consid. 1.1 in fine et arrêt 2P.4/2000
du 26 juin 2000, consid. 1c, publié in ZBl 102/2001 p. 217 et SJ 2001 I
p. 172. Cette jurisprudence concernait toutefois la qualité pour recourir
au sens de l'art. 88 OJ; elle n'empêche pas, à elle seule, les cantons
d'adopter des solutions plus restrictives à l'échelle de leurs propres
juridictions. Contrairement au cas d'espèce de surcroît, le contrat avait
déjà été passé au moment du dépôt du recours (cf. consid. 6.5 infra).

    6.2  Les avis de doctrine ne suffisent pas davantage à dénoncer
un arbitraire dans l'obligation faite aux membres d'un consortium
d'entreprendre conjointement une décision d'adjudication en vue de faire
constater son illicéité. En effet, si certains auteurs considèrent
que les associés disposent individuellement de la qualité pour
recourir sur ce point (ESSEIVA, loc. cit., selon lequel l'intérêt des
recourants se fonde sur une créance en dommages et intérêts divisible;
ZUFFEREY/MAILLARD/MICHEL, op. cit., p. 135), un auteur au moins penche
vers une opinion opposée, motif pris que l'action en dommages et intérêts
appartient à la société simple, et non à ses membres isolés (WOLF,
op. cit., p. 16 et note 87).

    6.3  Par ailleurs, la restriction en cause demeure compatible avec
la protection juridique voulue et garantie tant par l'art. 9 LMI que
par l'art. 15 AIMPu. Ces dispositions se bornent en effet à obliger
les cantons à prévoir une voie de recours contre les décisions prises
en matière de marchés publics, y compris lorsque le contrat a déjà été
passé. Elles ne dictent pas, en revanche, de conditions relatives à la
qualité pour agir des recourants, qui demeure régie par le droit cantonal
de procédure (arrêt 2P.42/2001 du 8 juin 2001, consid. 2d, publié in
ZBl 103/2002 p. 146; GALLI/MOSER/LANG, op. cit., n° 634 p. 327). Ainsi,
elles n'empêchent pas les cantons de limiter cette qualité, pour autant
que ces restrictions ne reviennent pas à paralyser l'exercice du droit
de recours. Une obligation d'agir conjointement n'entraîne toutefois pas
d'effet aussi radical.

    6.4  Le fait que le Tribunal administratif calque la qualité pour
recourir prévue à l'art. 60 LPA/GE sur celle découlant de l'art. 103
let. a OJ et de la jurisprudence y relative (supra consid. 5.3), ne rend
pas davantage insoutenable la limitation litigieuse. Certes, l'art. 103
let. a OJ se satisfait d'un simple intérêt de fait, y compris lorsque
celui-ci est, comme en l'espèce, d'ordre purement économique ou financier
(cf. ATF 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43, 171 consid. 2b p. 174 et les
arrêts cités). Cela ne signifie toutefois pas encore qu'un associé soit
habilité à agir seul pour obtenir la constatation de l'illicéité de la
décision d'adjudication.

    6.5  Enfin, accorder aux membres d'un consortium la qualité pour
recourir isolément en leur nom propre en vue d'obtenir de la juridiction
cantonale la constatation de l'illicéité d'une décision d'adjudication
se heurte à un obstacle non négligeable:

    Lorsqu'un soumissionnaire évincé saisit l'autorité cantonale de
recours, la conclusion du contrat n'est en principe pas encore survenue. En
effet, le maître d'ouvrage est tenu d'attendre l'écoulement du délai de
recours avant d'y procéder (art. 14 AIMPu). Le contrat n'étant pas passé,
le recours doit tendre à l'annulation de la décision d'adjudication;
le soumissionnaire évincé n'est pas autorisé, si ce n'est à titre
subsidiaire, à requérir d'emblée la constatation de l'illicéité de
celle-ci (cf. EVELYNE CLERC, in Pierre Tercier/Christian Bovet, Droit de la
concurrence, Commentaire romand, Bâle 2002, n. 92 ad art. 9 LMI). Or, une
telle requête en annulation doit être formulée conjointement par tous les
membres du consortium, sauf circonstances exceptionnelles (cf. consid. 5.8
supra). Par conséquent, si le recourant consiste en un membre isolé,
son recours est irrecevable au moment du dépôt, faute de légitimation
suffisante. Autoriser un tel recourant, une fois le contrat conclu, à
agir seul en constatation de l'illicéité de la décision d'adjudication
reviendrait ainsi, d'une part, à admettre que la qualité pour agir peut
être acquise subséquemment au dépôt du recours et, d'autre part, qu'elle
dépend finalement de l'éventuelle passation du contrat pendant la procédure
de recours. Or, si le premier point suscite déjà quelques doutes (cf. WOLF,
op. cit., p. 16), le second prête plus encore le flanc à la critique,
puisqu'il suffit alors au maître de l'ouvrage, pour éviter la procédure,
d'attendre la décision de non-entrée en matière avant de passer le contrat.

    6.6  Vu ce qui précède, le Tribunal administratif n'est pas tombé dans
l'arbitraire en déclarant irrecevable le recours formé isolément par la
recourante en son nom propre aux fins d'obtenir l'annulation de la décision
d'adjudication, subsidiairement la constatation de l'illicéité de celle-ci.