Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 I 145



131 I 145

18. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. et
B. contre Service des contributions et Tribunal cantonal du canton du
Jura ainsi que Service des contributions du can- ton de Bâle-Campagne
(recours de droit administratif)

    2A.247/2004 du 10 février 2005

Regeste

    Art. 73 StHG, Art. 127 Abs. 3 BV; Rechtsmittelweg bei interkantonaler
Doppelbesteuerung; Bestimmung des Steuerdomizils.

    Sprache des bundesgerichtlichen Entscheids (E. 1). Eine Verletzung des
Doppelbesteuerungsverbots ist grundsätzlich weiterhin mit staatsrechtlicher
Beschwerde geltend zu machen (E. 2). Inhalt des Doppelbesteuerungsverbots
(E. 3). Begriff des Steuerdomizils allgemein (E. 4.1) und bei
alternierendem Wohnsitz (E. 4.2). Steuerdomizil eines Rentnerehepaars,
das seine Zeit teilweise in einem ihm gehörenden Haus im Kanton Jura,
teilweise in einer Wohnung der Tochter im Kanton Basel-Landschaft verbringt
(E. 5). Einrede der Verjährung des Steueranspruchs (E. 6).

Sachverhalt

    Les époux A. et B. sont retraités. A la fin 1994, ils ont acquis une
maison à X. (JU). Ils se sont annoncés au contrôle des habitants de cette
commune avec effet au 1er mai 1995. En mai 1996, ils ont communiqué leur
départ pour Y. (BL), où ils séjournent régulièrement auprès de leur fille.
Ils ont cependant continué à résider également dans leur maison de X.

    Par décision du 27 septembre 2000, le Service des contributions du
canton du Jura (ci-après: le Service des contributions) a déclaré les
époux A. et B. personnellement assujettis à l'impôt dans le canton du Jura
à partir de l'année 2001. Cette décision a été confirmée sur réclamation
puis sur recours, successivement par la Commission cantonale des recours
et le Tribunal cantonal du canton du Jura.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, A. et
B. demandent au Tribunal fédéral principalement d'annuler l'arrêt cantonal
et de retourner le dossier à l'autorité intimée, en l'enjoignant de
constater que le canton du Jura n'est pas compétent pour les imposer;
à titre subsidiaire, ils demandent au Tribunal de céans de dire où se
trouve leur domicile fiscal principal et, cas échéant, dans quelle mesure
ils y sont assujettis à l'impôt, d'annuler toute taxation entrée en force
qui se trouverait en contradiction avec ce prononcé et d'ordonner que les
montants d'impôt acquittés sur la base de celle-ci leur soient remboursés,
le tout sous suite de frais et dépens.

    L'autorité intimée et le Service des contributions concluent au
rejet du recours, tandis que le Service des contributions du canton de
Bâle-Campagne propose de l'admettre.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  La décision attaquée étant rédigée en français, le présent arrêt
est rendu dans la même langue (art. 37 al. 3 OJ).

Erwägung 2

    2.  Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 388 consid. 1 p. 389, 321
consid. 1 p. 324 et la jurisprudence citée).

    2.1  Lorsqu'une personne conteste son assujettissement à l'impôt
dans un canton, ce dernier doit, en règle générale, prendre une décision
préjudicielle sur l'assujettissement avant de poursuivre la procédure
de taxation. La décision fixe le domicile fiscal du contribuable; elle
peut être attaquée directement auprès du Tribunal fédéral par la voie
du recours de droit public, sans qu'il soit nécessaire d'épuiser les
instances cantonales de recours (cf. art. 86 al. 2 OJ; cf. également ATF
125 I 54 consid. 1a p. 55 et les arrêts cités). En matière de recours
pour conflit de compétence entre cantons - notamment en cas de recours
pour double imposition -, le délai de recours de trente jours ne court
qu'après que les deux cantons ont pris des décisions pouvant être l'objet
d'un recours de droit public (art. 89 al. 3 OJ). Cette disposition permet
de s'en prendre aux taxations du "premier" canton, même si celles-ci sont
déjà entrées en force (PETER LOCHER, Einführung in das interkantonale
Steuerrecht, 2e éd., Berne 2003, p. 167; WALTER RYSER/BERNARD ROLLI,
Précis de droit fiscal suisse, 4e éd., Berne 2002, p. 146).

    La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts
directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14), entrée en vigueur
le 1er janvier 2001, a ouvert la voie du recours de droit administratif
contre les décisions cantonales de dernière instance qui portent sur une
matière réglée dans ses titres 2 à 5 et 6, chapitre 1 (art. 73). Certains
auteurs considèrent que ce recours devrait se substituer largement au
recours de droit public - qui est subsidiaire - dans les affaires de
double imposition intercantonale (cf. p. ex. ERNST HÖHN/PETER MÄUSLI,
Interkantonales Steuerrecht, 4e éd., Berne/Stuttgart/Vienne 2000, p.
564 ss; THOMAS MEISTER, Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung. Der
Rechtsschutz nach StHG und DBG, thèse St-Gall 1994, p. 228 ss, 299).

    Dans les cas où les décisions en cause n'ont pas - toutes - été prises
en dernière instance cantonale et pour autant qu'il n'y ait pas lieu -
par exception - de se prononcer également sur des éléments de la taxation
elle-même, seul le recours de droit public entre en ligne de compte
(DANIELLE YERSIN, Harmonisation fiscale: La dernière ligne droite, in
Archives 69 p. 328). Cela vaut d'autant plus lorsque, comme en l'espèce,
les recourants ne soutiennent pas que la notion de domicile selon le droit
de l'un ou de l'autre des cantons ne serait pas conforme à l'art. 3 de la
loi sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes,
mais se plaignent exclusivement d'une violation des règles de conflit
tendant à éviter la double imposition. Ainsi, les recourants auraient dû
procéder par la voie du recours de droit public. Le fait que leur recours
soit appelé "recours de droit administratif" n'empêche pas qu'il soit
recevable comme recours de droit public, car l'intitulé erroné du mémoire
de recours ne saurait nuire aux recourants, pour autant que cette écriture
remplisse les conditions formelles de la voie de droit qui est ouverte
(ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 124 I 223 consid. 1a p. 224 et les
arrêts cités).

    2.2  En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours
doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi
consiste la violation.

    En l'occurrence, les recourants dénoncent la violation des règles
de droit fédéral sur la détermination du domicile fiscal principal, en
se prévalant du principe de l'interdiction de la double imposition, tel
qu'il est consacré à l'art. 127 al. 3 Cst. Ainsi, le recours satisfait
aux exigences de motivation posées par la disposition précitée.

    2.3  Au surplus, déposé en temps utile contre une décision qui touche
les recourants dans leurs intérêts juridiquement protégés, le présent
recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ.

    2.4  Saisi d'un recours en matière de double imposition intercantonale,
le Tribunal fédéral dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en
droit (arrêt 2P.289/2000 du 8 janvier 2002, RDAF 2001 II p. 506, Archives
71 p. 416, RF 57/2002 p. 184, StE 2002 A 24.32 no 6, consid. 1c;
LOCHER, op. cit., p. 159 et les références citées; MARTIN ARNOLD,
Der steuerrechtliche Wohnsitz natürlicher Personen im interkantonalen
Verhältnis nach der neueren bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in Archives
68 p. 449 ss, 488).

Erwägung 3

    3.  Le principe de l'interdiction de la double imposition déduit de
la Constitution fédérale (cf. art. 46 al. 2 aCst. et 127 al. 3 1re phrase
Cst.) s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux
ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des
impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un canton excède
les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit
jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de
la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle; cf. ATF
125 I 54 consid. 1b p. 55/56, 458 consid. 2a p. 466/467 et l'arrêt cité).

    Ces conditions sont réalisées en l'espèce, dans la mesure où les
recourants, assujettis dans le canton du Jura dès l'année 2001, estiment
que ce canton outrepasse sa souveraineté fiscale au détriment du canton
de Bâle-Campagne. Il appartient donc au Tribunal fédéral de déterminer
quel est le canton compétent pour leur imposition dès l'année 2001.

Erwägung 4

    4.

    4.1  Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à
l'interdiction de la double imposition intercantonale (cf. art. 127
al. 3 1re phrase Cst. et art. 46 al. 2 aCst.), l'imposition du revenu
et de la fortune mobilière d'une personne revient au canton où cette
personne a son domicile fiscal. Par domicile fiscal, on entend en
principe le domicile civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside
avec l'intention de s'y établir durablement (cf. art. 23 al. 1 CC), ou le
lieu où se situe le centre de ses intérêts. Le domicile politique ne joue,
dans ce contexte, aucun rôle décisif: le dépôt des papiers et l'exercice
des droits politiques ne constituent, au même titre que les autres
relations de la personne assujettie à l'impôt, que des indices propres
à déterminer le domicile fiscal. Le lieu où la personne assujettie a le
centre de ses intérêts personnels se détermine en fonction de l'ensemble
des circonstances objectives, et non en fonction des déclarations de cette
personne; dans cette mesure, il n'est pas possible de choisir librement
un domicile fiscal (ATF 125 I 458 consid. 2b p. 467 et les arrêts cités).

    Ces considérations demeurent valables sous l'empire de la loi fédérale
sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes,
qui, à son art. 3 al. 2, contient une définition analogue du domicile
de la personne physique, laquelle correspond également à celle de la loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11;
cf. art. 3 al. 2).

    4.2  Si une personne séjourne alternativement à deux endroits, son
domicile fiscal se trouve au lieu avec lequel elle a les relations les
plus étroites (ATF 125 I 458 consid. 2d p. 467 et les arrêts cités).

    Exceptionnellement, la jurisprudence a admis l'existence d'un domicile
alternant, c'est-à-dire de deux domiciles fiscaux d'importance égale,
lorsqu'un contribuable a des liens d'égale intensité avec les deux lieux où
il séjourne. Tel est le cas lorsque le contribuable transfère à intervalles
réguliers son domicile d'un lieu dans un autre puis à nouveau au premier
endroit, de telle manière qu'en additionnant ces périodes, la durée
de la résidence à chacun des deux endroits soit à peu près équivalente
sur une année. L'existence d'un domicile alternant entraîne en principe
le partage de la souveraineté fiscale entre les deux cantons concernés,
les facteurs fiscaux étant répartis par moitié (ATF 100 Ia 242 consid. 2b
p. 243; arrêt 2P.201/1996 du 4 décembre 1998, Pra 88/1999 no 87 p. 484,
consid. 2b; HÖHN/MÄUSLI, op. cit., § 7 n. 44 s. et la jurisprudence citée).

Erwägung 5

    5.  Dans le cas particulier, les recourants sont propriétaires de leur
maison de X. depuis environ dix ans. Il s'agit d'une maison individuelle
faisant partie d'une série de maisons contiguës ("Reiheneinfamilienhaus"),
sise sur une parcelle de 300 m2 et qui comporte cinq pièces pour une
surface habitable de 150 m2. Les locaux sont comme neufs.

    Les recourants affirment passer chaque semaine environ trois à quatre
jours (et nuits) auprès de la famille de leur fille, à Y., et en partie
aussi auprès de celle de leur fils, à Z. (SO). A Y., ils ont d'abord
apparemment sous-loué une pièce dans l'appartement de cinq pièces qui
appartient en propriété par étages à leur fille et à son mari. Le loyer de
500 fr. par mois n'aurait toutefois pas été déclaré au fisc bâlois. Depuis
septembre 2002, leur fille et son mari louent à leur intention à la
communauté des propriétaires d'étages un local pouvant servir d'atelier
("Atelierraum"), situé au sous-sol ("kleiner Allgemeinraum UG") et équipé
d'une douche et d'un WC. En abattant un mur - ce qu'ils ont apparemment
fait -, les locataires peuvent faire en sorte que ce local communique
directement avec leur appartement. Le loyer est de 300 fr. par mois. A
Z., les recourants disposent également d'une chambre dans la maison de
leur fils.

    Les recourants font valoir qu'ils ont tous leurs contacts sociaux
(activités associatives: sport, jass; rencontres avec des amis) durant
leurs séjours à Y. C'est de là aussi qu'ils se rendraient chez le médecin
et chez le physiothérapeute.

    Les conditions d'habitation à X., d'une part, et à Y. ainsi qu'à Z.,
d'autre part, ne sont pas comparables. A Y. et Z., ils ne disposent que
d'un pied-à-terre chez leurs enfants, de dimensions plutôt modestes et plus
ou moins précaire. Qu'ils offrent un défraiement à leur fille n'y change
rien. A X., au contraire, ils sont propriétaires d'une maison offrant
toutes les commodités et où ils sont véritablement chez eux. La différence
marquée existant entre les deux "cadres de vie" donne à penser que c'est
là que se trouve le centre de leurs intérêts personnels. S'agissant de la
durée du séjour, ils affirment passer environ la moitié de la semaine à
X. et l'autre moitié à Y. ou, parfois également, à Z., ce qui diminue la
durée du séjour à Y. De plus, quoiqu'ils en disent, il est probable que
les recourants ont noué des contacts aussi à X., ne serait-ce qu'avec les
voisins qui prennent soin de leur maison et de leur jardin durant leurs
absences. Il convient aussi de relever que les visites ne se font pas à
sens unique: non seulement les recourants vont trouver leurs enfants et
petits enfants à Y. et Z., mais aussi ceux-ci passent des week-ends et
des vacances dans la maison de X.

    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que le centre
des intérêts personnels et, partant, le domicile fiscal principal
des recourants se trouvent à X., sans qu'il soit besoin de trancher
la controverse portant sur la consommation d'eau. Compte tenu de la
différence des conditions d'habitation, un domicile alternant n'entre pas
en considération. Il en va ici différemment du cas tranché par l'arrêt
2P.201/1996, précité, où la contribuable partageait son temps entre sa
maison de Soleure et son appartement de 3 pièces et demie à Zurich.

Erwägung 6

    6.  Les recourants évoquent l'éventualité que le droit du canton du
Jura de les imposer soit périmé. La question n'a pas à être examinée,
du moment que l'exception de péremption ne peut pas être soulevée par le
contribuable, mais seulement par le canton concurrent (LOCHER, op. cit.,
p. 172 s. et la jurisprudence citée). Or, dans sa détermination du 23
juillet 2004, le Service juridique du canton de Bâle-Campagne n'excipe
pas de la péremption.