Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 IV 78



131 IV 78

10. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre Y. et Z., Procureur général et Chambre d'accusation du canton de
Genève (recours de droit public et pourvoi en nullité)

    6P.137/2004 / 6S.374/2004 du 20 janvier 2005

Regeste

    Art. 2 Abs. 1 OHG in Verbindung mit Art. 261bis Abs. 4 erster Satzteil
und Abs. 5 StGB; Art. 6 des internationalen Übereinkommens vom 21. Dezember
1965 zur Beseitigung jeder Form von Rassendiskriminierung.

    Voraussetzungen, unter welchen der angeblich durch eine strafbare
Handlung gemäss Art. 261bis Abs. 4 erster Satzteil und Abs. 5 StGB
Geschädigte als Opfer im Sinne von Art. 2 Abs. 1 OHG zu betrachten ist
(E. 1.2).

    Art. 6 des internationalen Übereinkommens vom 21. Dezember 1965 zur
Beseitigung jeder Form von Rassendiskriminierung erfordert für den Bereich
der Rassendiskriminierung keine weiter gehende Auslegung von Art. 2 OHG
(E. 1.3).

Sachverhalt

    Le 24 mai 2004, X., membre du mouvement raëlien, a déposé plainte
pénale contre Z. et Y., du chef de discrimination raciale. Il exposait
que, le soir du 2 avril 2004, alors qu'il se trouvait avec 15 à 20
de ses coreligionnaires au restaurant A., Z., "assistant manager" de
l'établissement, avait refusé de lui servir une bière au motif qu'il
était raëlien, en précisant qu'il agissait sur instruction du "manager", Y.

    Par décision du 25 juin 2004, le Procureur général du canton de Genève,
estimant que le mouvement raëlien n'est pas une religion, a classé la
plainte pour défaut de prévention d'une infraction pénale.

    Saisie d'un recours de X., la Chambre d'accusation genevoise l'a rejeté
par ordonnance du 25 août 2004, confirmant le classement. A l'instar du
Procureur général, elle a considéré que le mouvement raëlien ne constitue
pas une religion au sens de l'art. 261bis CP.

    X. forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au
Tribunal fédéral. Se plaignant, dans le premier, d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves, d'une violation de son droit d'être entendu
et d'une violation de la liberté de conscience et de croyance et, dans
le second, d'une violation de l'art. 261bis CP, il conclut à l'annulation
de l'ordonnance attaquée.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public dans la mesure
où il était recevable et déclaré le pouvoi en nullité irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

    I. Recours de droit public

Erwägung 1

    1.  Le recourant déduit sa qualité pour recourir de l'art. 2 al. 1
LAVI, alléguant qu'il en remplit les conditions et revêt donc le statut
de victime au sens de cette disposition.

    1.1  Au vu des faits dénoncés dans la plainte, seules pourraient entrer
en considération en l'espèce les infractions réprimées par l'art. 261bis
al. 4 1er membre de phrase CP - qui sanctionne le comportement de "celui
qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par
des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une
façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe
de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de
leur religion" - et l'art. 261bis al. 5 CP - qui réprime le comportement
de "celui qui aura refusé à une personne ou à un groupe de personnes,
en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, une
prestation destinée à l'usage public". En particulier, l'art. 261bis al. 4
2e membre de phrase CP, qui vise la négation, la minimisation grossière
ou la tentative de justification d'un génocide ou d'autres crimes contre
l'humanité, n'entre manifestement pas en ligne de compte.

    La question de savoir si le recourant revêt la qualité de victime
au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI doit dès lors être examinée au regard des
deux infractions précitées.

    1.2  Selon la jurisprudence, celui qui se prétend lésé par le
comportement réprimé par l'art. 261bis al. 4 1er membre de phrase CP
peut revêtir la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI si
l'atteinte dont il se plaint est liée à des voies de fait ou si elle
constitue un autre délit, tel que les lésions corporelles, l'incendie
intentionnel, etc. A ce défaut, l'admission de la qualité de victime
n'entre en considération que dans les cas particulièrement graves,
ainsi lorsque des propos raciaux sont tenus à l'encontre d'un ancien
détenu d'un camp de concentration, chez lequel ces propos réveillent
un traumatisme induisant une grave atteinte à son intégrité psychique
(ATF 128 I 218 consid. 1.5 p. 223 s.).

    S'agissant de l'infraction réprimée par l'art. 261bis al. 5 CP,
on ne voit pas que le comportement incriminé, consistant à refuser une
prestation destinée à l'usage public, puisse provoquer une atteinte directe
à l'intégrité corporelle ou sexuelle de la personne visée. L'admission de
la qualité de victime, au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, de l'infraction
en cause n'entre donc en considération que si les circonstances étaient
suffisamment graves pour entraîner une atteinte à l'intégrité psychique
du lésé. Il doit au reste être rappelé que, pour fonder la qualité de
victime au sens de l'art. 2 LAVI, l'atteinte psychique doit revêtir
une certaine gravité et, cela, d'un point de vue objectif, non pas en
fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé (ATF 120
Ia 157 consid. 2d/bb et cc p. 163 s.). Il n'y a au demeurant pas de
raison de se montrer moins exigeant quant à la gravité de l'atteinte
psychique requise dans le cas de l'art. 261bis al. 5 CP que dans celui de
l'art. 261bis al. 4 1er membre de phrase CP. N'est donc une victime, au
sens de l'art. 2 LAVI, de l'infraction réprimée par l'art. 261bis al. 5 CP
que celui qui a subi en raison de cette infraction une atteinte psychique
objectivement importante, telle qu'illustrée par l'exemple cité plus haut,
laquelle doit être établie ou du moins rendue vraisemblable.

    1.3  Au vu de l'infraction dénoncée par le recourant, il convient
encore d'examiner l'impact éventuel de la Convention internationale du
21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (CERD; RS 0.104), entrée en vigueur pour la Suisse le 29 décembre
1994 (RO 1994, p. 1164 ss), sur le statut de victime et, partant, sur
la qualité pour recourir de celui qui se prétend lésé par cette infraction.

    La convention précitée vise toute distinction, exclusion, restriction
ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine
nationale ou ethnique (art. 1 ch. 1 CERD). On peut dès lors s'interroger
sur son application à un cas où, comme en l'espèce, c'est exclusivement
de discrimination religieuse, non pas de discrimination raciale au sens
strict, dont se plaint le recourant. La question peut toutefois demeurer
indécise.

    Selon la jurisprudence du Comité des Nations Unies pour l'élimination
de la discrimination raciale, les termes de l'art. 6 de la convention -
relatif au devoir des Etats signataires d'assurer à toute personne soumise
à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives contre
les actes de discrimination raciale - "n'imposent pas aux Etats parties
l'obligation de mettre en place un mécanisme de recours successifs,
allant jusqu'à et y compris la Cour suprême, dans les cas présumés de
discrimination raciale" (CERD/ C/36/D/1/1984, affaire Dogan c. Pays-Bas,
communication n° 1/ 1984 du 10 août 1988 par. 9.4; CERD/C/63/D/27/2002,
affaire Quereshi c. Danemark, communication n° 27/2002 du 19 août 2003
par. 7.5). La convention, plus précisément son art. 6, qui est à cet égard
déterminant, n'implique donc pas d'admettre plus largement la qualité
pour recourir ni, par conséquent, d'interpréter plus largement l'art. 2
LAVI dans le domaine de la discrimination raciale.

    1.4  En l'espèce, les conditions auxquelles celui qui se prétend lésé
par les infractions réprimées à l'art. 261bis al. 4 1er membre de phrase
et al. 5 CP revêt la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI ne sont
manifestement pas réalisées.

    Des voies de fait ne sont ni établies ni d'ailleurs alléguées et
le comportement dénoncé n'est pas non plus constitutif d'une autre
infraction, telle que des lésions corporelles, etc. Une atteinte à
l'intégrité psychique du recourant, qui soit d'une gravité comparable
à celle résultant de l'exemple cité par la jurisprudence (cf. supra,
consid. 1.1) n'est au reste pas démontrée ni même rendue vraisemblable. A
cet égard, il ne suffit pas que le lésé, comme le fait le recourant,
affirme avoir été "durement touché" ou" profondément heurté" par l'atteinte
qu'il dénonce. Il faut - et il appartient au lésé de l'établir ou du moins
de le rendre vraisemblable - que l'existence d'une atteinte psychique
grave puisse être inférée objectivement des circonstances concrètes. Or,
en l'occurrence, cela n'est ni établi ni même rendu vraisemblable. On ne
voit au demeurant pas que le refus de servir une consommation au recourant
en raison de son appartenance au mouvement raëlien ait pu lui causer une
atteinte psychique de la gravité requise pour l'admission de la qualité
de victime.

    Le recourant n'est par conséquent pas une victime au sens de
l'art. 2 al. 1 LAVI.