Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 649



131 II 649

51. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X.
contre Y. et Département de l'économie, de l'emploi et des affaires
extérieures ainsi que Tribunal administratif du canton de Genève (recours
de droit administratif)

    2A.220/2005 du 7 septembre 2005

Regeste

    Art. 20 Abs. 2 lit. a BewG; zur Legitimation des Mieters, Beschwerde
gegen eine Verfügung zu erheben, mit welcher der Verkauf der von ihm
belegten Wohnung an eine Person im Ausland bewilligt worden ist, um damit
die Kündigung seines Mietverhältnisses zu verhindern.

    Der Begriff des schutzwürdigen Interesses in Art. 20 Abs. 2 lit. a
BewG ist im gleichen Sinne zu verstehen wie in Art. 48 lit. a VwVG und
Art. 103 lit. a OG (E. 3.1).

    Der Mieter erfüllt die für Drittbetroffene strengen Voraussetzungen der
Beschwerdeberechtigung nicht, weil er kein besonderes und beachtenswertes,
unmittelbares und zum Streitgegenstand in naher Beziehung stehendes
Interesse hat (E. 3.2-3.5).

Sachverhalt

    X. est locataire depuis le mois de janvier 1980 d'un appartement à
Genève dont Y. a acquis la propriété le 1er juillet 2002. Le 13 décembre
2002, Y. a résilié le bail de X. pour le 31 janvier 2004, en invoquant
son besoin personnel.

    X. a demandé au Département genevois de l'économie, de l'emploi et
des affaires extérieures (ci-après: le Département) de constater que Y.,
de nationalité italienne, était devenu propriétaire de son appartement
en violation de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition
d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41).

    Par décision du 23 juin 2004, le Département a constaté que Y. avait
certes fait l'acquisition litigieuse en violation des dispositions légales
applicables aux personnes à l'étranger, dans leur teneur en vigueur
au moment des faits pertinents, mais que l'action en rétablissement de
l'état antérieur était prescrite (le transfert de propriété s'était fait
par le truchement de parts sociales d'un syndicat immobilier acquises
par Y. en 1972).

    X. a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision précitée du
Département. Il exposait qu'il avait engagé une procédure civile en vue
de faire annuler ou constater la nullité de la résiliation du bail, sous
le prétexte que, faute d'avoir régulièrement acquis l'immeuble litigieux,
Y. ne pouvait pas être considéré comme son bailleur. Durant l'instruction
du recours, Y. a formellement retiré le congé qu'il avait signifié au
locataire, en invitant le Tribunal administratif à statuer sur la qualité
pour recourir de ce dernier. X. a soutenu qu'en dépit du retrait du
congé, il conservait un intérêt personnel, direct et actuel à recourir,
car l'admission de son recours "le mettrait à l'abri de l'exercice, par
M. Y., des prérogatives appartenant au 'bailleur' qu'il n'est pas". Il
invoquait également un "intérêt public évident" à ce que la loi fédérale
en cause fût correctement appliquée.

    Par arrêt du 8 mars 2005, le Tribunal administratif a, en application
de l'art. 20 al. 2 let. a LFAIE, déclaré irrecevable le recours dont il
était saisi, au motif que X. ne pouvait plus se prévaloir d'un intérêt
actuel à recourir depuis que Y. était revenu sur la résiliation du contrat
de bail.

    Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable,
le recours formé par X. contre l'arrêt d'irrecevabilité précité.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.

    3.1  Aux termes de l'art. 20 al. 2 let. a LFAIE, ont qualité pour
recourir contre les décisions des autorités de première instance,
l'acquéreur, l'aliénateur et toute autre personne ayant un intérêt
digne de protection à ce que la décision soit annulée ou modifiée. Cette
disposition a la même portée que les art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ,
même si, contrairement à ces normes, elle ne précise pas expressément que
la qualité pour recourir suppose, en plus de l'existence d'un intérêt
digne de protection, que l'intéressé soit "atteint" ou "touché" par
la décision attaquée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.284/1993 du 23
décembre 1994, consid. 3, et 2P.49/1990 du 5 décembre 1990, consid. 2a;
URS MÜHLEBACH/HANSPETER GEISSMANN, Kommentar zum Bundesgesetz über den
Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland, Brugg/Baden 1986,
n. 3 ad art. 20 LFAIE).

    Selon la jurisprudence, l'intérêt digne de protection consiste en
l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant,
en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale,
matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il
implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et
dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des
administrés. En outre, l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement
un intérêt juridiquement protégé, mais peut être un intérêt de fait
(cf. ATF 127 II 132 consid. 2a p. 136) - doit se trouver, avec l'objet
de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être
pris en considération (cf. ATF 130 V 196 consid. 3 p. 202/203; 128 V 34
consid. 1a p. 36 et les arrêts cités). Le recours d'un particulier formé
dans l'intérêt général ou dans l'intérêt d'un tiers est exclu. Cette
exigence a été posée de manière à empêcher l'action populaire au niveau
de la juridiction administrative fédérale, notamment quand un particulier
conteste une autorisation donnée à un autre particulier (cf. ATF 124 II 293
consid. 3b p. 304; 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43, 171 consid. 2b p. 174;
120 Ib 48 consid. 2a p. 51 et les arrêts cités). D'une manière générale,
la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement
stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire
recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (cf. ATF 124
II 499 consid. 3b p. 504/505 et les nombreuses références citées). Enfin,
à moins de circonstances spéciales (cf. ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286;
111 Ib 56 consid. 2b p. 59, 182 consid. 2 p. 184/185), la qualité pour
recourir suppose l'existence d'un intérêt actuel à obtenir l'annulation
de la décision attaquée (ATF 128 II 34 consid. 1b p. 36, 156 consid. 1c
p. 159).

    3.2  Le Tribunal administratif a considéré que le seul intérêt pratique
du recourant à l'admission du recours résidait dans la perspective de
pouvoir faire annuler la résiliation du bail. Du moment que le bailleur
avait retiré le congé durant la procédure, le recours était ainsi devenu
sans objet. Que le contrat de bail pût, à l'avenir, faire l'objet d'un
nouveau congé, était une circonstance reposant, selon les premiers juges,
"sur un fondement purement hypothétique, incompatible avec la notion
d'intérêt actuel".

    Selon le recourant, Y. n'est revenu sur le congé que pour les besoins
de la cause, afin que les procédures engagées contre lui aux plans civil
et administratif deviennent sans objet et que, par voie de conséquence,
la décision rendue en sa faveur par le Département acquière l'autorité de
la chose jugée. Mais le recourant prétend qu'une fois ce but atteint par
le bailleur, il s'expose à une nouvelle résiliation, car l'appartement
que ce dernier occupe ne lui permet pas d'accueillir chez lui, comme il
en avait manifesté le désir en procédure cantonale, son épouse malade
qui vit, semble-t-il, en Italie, ainsi que de recevoir les visites de
ses enfants et petits-enfants qui sont également établis à l'étranger. Le
recourant en déduit qu'il bénéficie encore d'un intérêt actuel et pratique
à l'admission du recours, car la constatation que le bailleur n'est pas
devenu le légitime propriétaire de son appartement ne pourra que consacrer,
"par relation de cause à effet", l'inexistence d'un contrat de bail entre
lui et Y. et, partant, le mettre à l'abri d'un nouveau congé de la part
de ce dernier.

    Y. réfute cette argumentation, en exposant qu'il a trouvé un
appartement présentant "les mêmes caractéristiques que celui du recourant",
de sorte qu'il ne peut en tout cas pas invoquer un besoin personnel
pour renouveler le congé. A son sens, le locataire encourt un risque de
résiliation plus important en cas de vente aux enchères de l'immeuble,
car le nouveau propriétaire pourra alors mettre fin au bail de manière
anticipée aux conditions de l'art. 261 al. 2 CO.

    3.3  Contrairement à l'opinion du Tribunal administratif, on peut
admettre que, nonobstant le retrait du congé, le recourant dispose
encore, comme locataire, d'un certain intérêt à ce que son appartement
ne reste pas entre les mains de l'actuel bailleur. En dépit de ses
dénégations, rien n'empêche en effet ce dernier de renouveler le congé,
d'autant que les raisons pour lesquelles il a résilié le bail ne sont pas
claires. Certes, il allègue que sa motivation résidait dans le projet,
aujourd'hui prétendument révolu, d'occuper l'appartement pour ses besoins
personnels. Le recourant a toutefois soulevé de nombreux éléments qui
mettent en doute cette assertion et qui mériteraient à tout le moins
d'être examinés avant de privilégier la version du bailleur.

    Quoi qu'il en soit, l'existence d'un intérêt, fût-il actuel, n'est
pas une condition suffisante pour fonder la qualité pour recourir. Il faut
encore que le recourant soit touché de manière directe et concrète par la
décision attaquée et que l'intérêt en cause s'inscrive dans un rapport
étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de
la contestation.

    3.4  Le recourant veut exciper un tel intérêt de sa qualité de
cocontractant (locataire) de la personne prétendument soumise au régime
de l'autorisation (le bailleur); il renvoie à l'ATF 101 Ib 383. Dans
cet arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que la qualité pour recourir
au sens de l'art. 103 let. a OJ appartient, en première ligne, à
l'acheteur d'un immeuble soumis au régime de l'autorisation, mais que le
vendeur a également un intérêt digne de protection à faire annuler une
décision de refus d'autorisation. Bien qu'il soit également en relation
contractuelle avec l'acheteur, le recourant ne se trouve cependant pas
dans une situation comparable au vendeur. Au contraire de ce dernier,
son recours n'est en effet pas destiné à lui permettre de finaliser
le contrat en cause, mais vise à obtenir de l'autorité compétente une
décision de refus d'autorisation, afin - et c'est le réel but recherché -
de faire constater la nullité du contrat de bail et de pouvoir en conclure
un nouveau avec un propriétaire supposé plus sûr ou plus accommodant que
l'actuel. C'est donc seulement de manière indirecte que le succès de sa
démarche peut permettre au recourant de retirer l'avantage convoité. De
plus, cet avantage apparaît relativement incertain, dans la mesure où,
l'acquéreur potentiel n'étant pas connu, rien n'autorise de penser que
celui-ci se montrera plus conciliant avec l'intéressé que le propriétaire
actuel. Au vrai, la situation du recourant se rapproche des états de fait à
la base des arrêts non publiés 2A.261/1990 (du 6 juin 1991) et 2A.284/1993
(du 23 décembre 1994). Dans la première affaire, le Tribunal fédéral
avait considéré que, n'étant qu'indirectement intéressé à l'opération
soumise à autorisation, le créancier finançant l'acquisition d'un immeuble
n'avait pas la qualité pour demander la révocation d'une charge (dans le
même sens, cf. MÜHLEBACH/GEISSMANN, op. cit., n. 30 ad art. 20 LFAIE;
contra: JEAN-CHRISTOPHE PERRIG, L'acquisition d'immeubles en Suisse par
des personnes à l'étranger, thèse Lausanne 1990, p. 112). Dans la seconde
affaire, il avait jugé que des justiciables qui faisaient seulement
valoir des motifs de convenance personnelle à se porter acquéreurs d'un
terrain voisin de leur parcelle, n'avaient pas la qualité pour recourir
contre la décision approuvant la vente de ce terrain à un étranger, car
ils n'avaient pas démontré un intérêt direct suffisant à l'admission de
leur recours. Dans le même ordre d'idées, la jurisprudence a tranché qu'un
actionnaire détenant près de la moitié du capital-actions d'une société
anonyme à laquelle l'autorisation d'acquérir un immeuble avait été refusée
n'était pas suffisamment (directement) touché par la décision et n'était
donc pas légitimé à recourir (cf. ATF précité 101 Ib 383); il ne devrait
pas en aller autrement pour l'actionnaire unique, même si le Tribunal
fédéral s'est prononcé dans un sens différent dans un obiter dictum
(cf. ATF 110 Ib 105 consid. 1d p. 110; MÜHLEBACH/ Geissmann, loc. cit.)
qu'il a par la suite remis en cause (cf. ATF 116 Ib 331 consid. 1c p.
335/336).

    En dépit de la relation contractuelle qui l'unit au destinataire de la
décision, force est donc d'admettre que le recourant n'est pas autorisé
à contester celle-ci, faute de pouvoir justifier d'un intérêt direct et
concret suffisant au sens de la jurisprudence restrictive applicable aux
tiers recourants (pour un exemple récent où l'intérêt digne de protection
d'un tiers n'a pas été admis malgré les effets que la décision contestée
pouvait avoir sur les obligations contractuelles de l'intéressé, cf. ATF
130 V 560 consid. 4 p. 566 ss).

    A cela s'ajoute que le but recherché par le recourant sort
manifestement des objectifs de la loi invoquée qui vise "à prévenir
l'emprise étrangère sur le sol suisse" (art. 1er LFAIE). Que, d'une manière
incidente ou accessoire, cette loi puisse également, le cas échéant, comme
le relève le recourant en citant un avis de doctrine (cf. JOSEPH VOYAME,
L'acquisition d'immeubles par des étrangers et la société immobilière,
in Etrangers en Suisse: recueil de travaux publié par la faculté de droit
à l'occasion de l'assemblée de la Société suisse des juristes, Lausanne,
1982, p. 113), avoir pour but - ou plutôt pour effet - de faciliter
l'accession des Suisses à la propriété en maintenant le prix du sol à
un niveau raisonnable, voire de contribuer dans une certaine mesure à
la stabilisation des loyers, ne saurait se confondre avec l'objectif du
recourant de se défaire de son bailleur afin de pouvoir conserver l'usage
de la chose louée. Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le
bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales
du code des obligations en matière de droit du bail (cf. art. 253 ss
CO, spéc. art. 271 ss CO s'agissant de la protection contre les congés
abusifs) complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public
cantonal. Dans cette mesure, l'intérêt invoqué par le recourant n'est
pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en
considération avec l'objet de la contestation.

    3.5  Par conséquent, la décision attaquée n'a, dans son résultat,
pas violé l'art. 20 al. 2 let. a LFAIE, en déniant au recourant la qualité
pour recourir.