Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 58



131 II 58

4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Conseil
d'Etat du canton du Valais contre WWF Suisse ainsi que Tribunal cantonal
du canton du Valais (recours de droit administratif)

    1A.145/2004 du 18 novembre 2004

Regeste

    Art. 103 lit. a OG; Art. 12 JSG; Art. 10 JSV; Abschussbewilligung
für einen Wolf.

    Das Kantonsgericht hat dem WWF die Beschwerdebefugnis zuerkannt zur
Anfechtung der Abschussbewilligung für einen Wolf. Die Kantonsregierung
ist nicht legitimiert, gegen diesen Entscheid Verwaltungsgerichtsbeschwerde
zu erheben (E. 1).

Sachverhalt

    Le loup (canis lupus) est une espèce protégée (Annexe II à la
Convention du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie
sauvage et du milieu naturel de l'Europe, entrée en vigueur pour la Suisse
le 1er juin 1982 [RS 0.455]; art. 2 de la loi fédérale du 20 juin 1986
sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages [LChP;
RS 922.0], mis en relation avec l'art. 7 al. 1 de la même loi). Aux termes
de l'art. 12 LChP, les cantons peuvent ordonner ou autoriser en tout temps
des mesures contre certains animaux protégés, lorsqu'ils causent des dégâts
importants; seuls des personnes titulaires d'une autorisation de chasser
ou des organes de surveillance peuvent être chargés de l'exécution de ces
mesures (al. 2). Le Conseil fédéral peut désigner des espèces protégées
pour lesquelles la compétence d'ordonner ces mesures appartient à l'Office
fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (ci-après: l'Office
fédéral; al. 2bis). A teneur de l'art. 10 al. 1 let. a de l'ordonnance du
29 février 1988 sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux
sauvages (OChP; RS 922.01), la Confédération prend à sa charge 80 %
des frais d'indemnisation pour les dégâts causés par des loups. L'Office
fédéral établit des conceptions applicables aux espèces animales visées
à l'al. 1; ces conceptions contiennent notamment des principes régissant
la protection, le tir ou la capture des animaux, la prévention et la
constatation des dégâts, ainsi que le versement d'indemnités pour les
mesures de prévention (art. 10 al. 6 OchP).

    En application de l'art. 12 al. 2bis LChP, l'Office fédéral a, le 8
avril 2002, élaboré un document intitulé "Concept Loup Suisse" (ci-après:
CLS). Il en a adopté une version mise à jour le 21 juillet 2004.

    Se fondant sur le constat qu'au cours des dernières années des loups
en provenance d'Italie et de France ont fait des incursions en Suisse et
causé parfois d'importants dommages aux troupeaux, le CLS a notamment pour
but de concilier la présence du loup comme espèce protégée et les besoins
de l'homme, notamment la protection de ses activités (agriculture, chasse,
loisirs, tourisme) et de ses troupeaux. Le CLS prévoit la mise sur pied de
commissions intercantonales et de groupes de travail. Lorsqu'un loup cause
des dommages insupportables, les autorités cantonales compétentes peuvent,
après consultation de la commission intercantonale concernée, accorder une
autorisation de tir spécifique. Pour faire abattre le loup, le service
cantonal compétent mandate un organisme de surveillance ou une personne
autorisée à chasser. Le tir doit être effectué à l'intérieur du périmètre
des dommages. La durée de l'autorisation est limitée à soixante jours;
elle peut être prolongée par périodes de trente jours (ch. 3.4.4 CLS dans
sa version du 8 avril 2002, ch. 4.4 dans sa version du 21 juillet 2004).

    Entre le 12 et le 27 juillet 2002, vingt-six moutons ont été
tués sur les alpages de Pontimia et d'Obers Irgeli, dans la vallée de
Zwischbergen. Le 9 août 2002, le Chef du service de la chasse, de la pêche
et de la faune du canton du Valais a ordonné le tir du "grand canidé"
(loup ou chien) qui avait causé ces dégâts.

    Le 21 mars 2003, un mouton a été tué dans la vallée de Zwischbergen
par le même animal. Le 7 mai 2003, l'autorité cantonale a maintenu
l'autorisation de tir du 9 août 2002.

    La Fondation WWF Suisse (ci-après: la Fondation) a entrepris devant le
Conseil d'Etat du canton du Valais la décision du 7 mai 2003, dont elle
a demandé l'annulation, ainsi que la constatation que l'autorisation de
tir du 9 août 2002 était caduque. Le 10 décembre 2003, le Conseil d'Etat
a déclaré irrecevables le recours et la demande de constatation. Il
a considéré en bref que l'autorisation de tir ne constituait pas une
décision attaquable, mais une simple mesure d'exécution de l'art. 12 LChP.

    Par arrêt du 29 avril 2004, le Tribunal cantonal du canton du Valais
a admis le recours formé le 2 février 2004 par la Fondation contre le
prononcé du 10 décembre 2003 qu'il a annulé en renvoyant la cause au
Conseil d'Etat pour nouvelle décision au fond. Il a considéré, en bref,
que l'abattage du loup relevait d'une tâche fédérale au sens de l'art. 2
de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature
et du paysage [LPN; RS 451] l'autorisation y relative constituait une
décision au sens de l'art. 5 PA.

    Contre cet arrêt, le Conseil d'Etat a formé un recours de droit
administratif, que le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 249 consid. 2
p. 250, 302 consid. 3 p. 303/304, 306 consid. 1.1 p. 308, 321 consid. 1
p. 324, et les arrêts cités).

    1.1  Selon les art. 97 et 98 let. g OJ, mis en relation avec
l'art. 5 PA, la voie du recours de droit administratif est ouverte
contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance et
qui sont fondées sur le droit fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour
autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la
législation spéciale ne soit réalisée (ATF 129 II 183 consid. 3.1 p. 186;
128 I 46 consid. 1b/aa p. 49, et les arrêts cités).

    Le litige porte sur la question de savoir si l'autorisation de tir
selon le CLS est une décision au sens de l'art. 5 PA et si elle relève
des tâches fédérales au sens de l'art. 2 LPN, ce qui ouvrirait la voie
du recours aux organisations nationales de protection de la nature selon
l'art. 12 al. 1 LPN. En répondant par l'affirmative et en reconnaissant
à la Fondation intimée le droit de contester au fond l'autorisation
de tir, le Tribunal cantonal a statué en application du droit public
fédéral. L'arrêt attaqué détermine les droits de l'intimée dans la
procédure; il présente à cet égard les traits d'une décision au sens de
l'art. 5 PA, attaquable par la voie du recours de droit administratif
(cf. ATF 128 II 156 consid. 1a p. 158).

    1.2  Le Tribunal cantonal a annulé la décision du Conseil d'Etat qui
n'était pas entré en matière sur le recours de la Fondation et renvoyé la
cause à cette autorité pour qu'elle traite l'affaire au fond. Un arrêt de
renvoi qui contient des instructions impératives destinées à l'autorité
inférieure et met fin à la procédure sur les points tranchés dans les
considérants, doit être considéré comme une décision finale (ATF 129 II 286
consid. 4.2 p. 291; 120 Ib 97 consid. 1b p. 99; 118 Ib 196 consid. 1b p.
198; 117 Ib 325 consid. 1b p. 327, et les arrêts cités). Déposé dans le
délai de 30 jours dès la réception de la décision, le recours est ainsi
recevable au regard des art. 101 let. a et 106 al. 1 OJ.

    1.3  Aux termes de l'art. 103 OJ, la qualité pour agir par la voie du
recours de droit administratif est reconnue à quiconque est atteint par la
décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit
annulée ou modifiée (let. a); aux départements fédéraux ou à la division
compétente de l'administration fédérale, dans certains cas déterminés
(let. b); à toute autre personne, organisation ou autorité à laquelle
la législation fédérale accorde le droit de recours (let. c).

    Le Conseil d'Etat ne peut se prévaloir de l'art. 103 let. b OJ,
qui ne concerne que les autorités fédérales (cf. ATF 127 II 32 consid. 1
p. 35/36). Il ne prétend pas davantage que la LChP lui accorderait un
droit de recours contre les décisions de dernière instance cantonale
relatives à l'application de cette loi; il ne saurait partant fonder sa
qualité pour agir sur l'art. 103 let. c OJ (ATF 123 II 371 consid. 2a
p. 373/374, 425 consid. 2a et b p. 427).

    Il reste à examiner ce qu'il en est au regard de l'art. 103
let. a OJ. Même si cette disposition concerne au premier chef les
personnes privées, la jurisprudence reconnaît exceptionnellement aux
autorités et collectivités publiques la qualité pour agir au regard de
cette disposition, lorsqu'elles sont touchées par la décision attaquée
directement et de la même manière qu'un particulier, dans sa situation
matérielle ou juridique (ATF 125 II 192 consid. 2a/aa p. 184; 124 II
409 consid. 1e/bb p. 417; 123 II 371 consid. 2b p. 374, 425 consid. 3a
p. 427/428, 542 consid. 2d p. 544/545). Tel est le cas notamment lorsque
l'autorité ou la collectivité concernée agit pour la sauvegarde de
son patrimoine administratif ou financier (ATF 125 II 192 consid. 2a/aa
p. 194; 124 II 409 consid. 1e/bb p. 417/418; 123 II 371 consid. 2b p. 374,
425 consid. 3a p. 427/428, 542 consid. 2d p. 545).

    Peut également agir selon l'art. 103 let. a OJ la collectivité qui,
agissant dans le cadre de la puissance publique, est touchée dans son
autonomie et dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou
à la modification de la décision attaquée (ATF 125 II 192 consid. 2a/aa
p. 194; 124 II 409 consid. 1e/bb p. 418; 123 II 371 consid. 2b p. 374,
425 consid. 3a p. 427/428, 542 consid. 2d p. 545), par exemple en
tant que créancière d'un émolument (ATF 119 Ib 389 consid. 2e p. 391),
bénéficiaire d'une subvention (ATF 122 II 382 consid. 2b p. 383), titulaire
d'une compétence en matière de police des constructions (ATF 117 Ib 111
consid. 1b p. 113), lorsqu'elle prévoit de créer une installation sportive
ou une décharge, ou lorsqu'elle ordonne des mesures de protection des eaux
(ATF 123 II 371 consid. 2c p. 374/375, 425 consid. 3a p. 428).

    L'intérêt financier de l'Etat ne suffit pas, à lui seul, pour lui
conférer la qualité pour recourir au sens de l'art. 103 let. a OJ. De même,
l'intérêt à une application correcte et uniforme du droit fédéral n'est pas
déterminant (ATF 125 II 192 consid. 2a/aa p. 194/195; 124 II 409 consid.
1e/bb p. 418; 123 II 371 consid. 2d p. 375/376, 425 consid. 3b p. 428,
542 consid. 2e p. 545). L'autorité déboutée dans la procédure de recours
n'est ainsi pas recevable à agir (ATF 124 II 409 consid. 1e/bb p. 418; 123
II 371 consid. 2d p. 375). Partant, la collectivité ne saurait prétendre
défendre une conception juridique déterminée, dans un domaine de sa
compétence, qui contredit celle de l'autorité de recours (ATF 124 II 409
consid. 1e/bb p. 418; 123 II 371 consid. 2d p. 375/376, 542 consid. 2f
p. 545, et les arrêts cités). Dans une affaire ayant trait à l'égalité
des salaires entre employés de l'administration cantonale, le Tribunal
fédéral a admis exceptionnellement que le canton en tant qu'employeur
agisse par la voie du recours de droit administratif contre une décision
du tribunal cantonal supérieur (ATF 124 II 409 consid. 1e/dd p. 419).

    Le Conseil d'Etat tire son droit de recourir du fait que le canton
est tenu de réparer une partie des dommages causés par le loup (soit
20 %, le solde étant mis à la charge de la Confédération; art. 10 al. 1
let. a OChP), qu'il est destinataire de l'autorisation de tir et chargé de
certaines mesures à l'encontre des animaux protégés provoquant des dégâts,
selon la LChP.

    L'arrêt attaqué porte uniquement sur une question de procédure, par
rapport à laquelle les intérêts allégués ne sont pas déterminants. La
démarche du Conseil d'Etat vise en effet à soumettre au Tribunal fédéral
la question de la nature juridique de l'autorisation de tir et de l'étendue
des tâches fédérales au sens de l'art. 2 LPN, dans le but de faire infirmer
la solution retenue par le Tribunal cantonal et rétablir la décision
rendue en première instance cantonale. Ce litige porte sur l'application
du droit fédéral, en relation avec laquelle le Conseil d'Etat ne peut
faire valoir aucun intérêt à recourir au sens de l'art. 103 let. a OJ,
sur le vu de la jurisprudence qui vient d'être rappelée. Que le canton
soit chargé de l'exécution du droit fédéral ne lui confère pas, ipso facto,
la qualité pour agir.