Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 169



131 II 169

14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Abacha et consorts contre Office fédéral de la justice (recours de droit
administratif)

    1A.215/2004 du 7 février 2005

Regeste

    Art. 29 Abs. 1 BV, Art. 6 Ziff. 1 EMRK und Art. 14 UNO-Pakt II;
Art. 59 Ziff. 3 StGB; Art. 74a und Art. 80h lit. b IRSG.

    Derjenige, welcher unter falschem Namen ein Konto eröffnet, ist
grundsätzlich nicht zur Beschwerdeführung gegen den Entscheid über die
Herausgabe von auf diesem Konto deponierten Guthaben berechtigt; diese
Lösung ist mit der in Art. 29 Abs. 1 BV enthaltenen Garantie eines fairen
Prozesses vereinbar (E. 2.2).

    Voraussetzungen der Herausgabe von Guthaben während einem hängigen
Strafverfahren im Ausland gemäss Art. 74a Abs. 3 IRSG; Bestätigung der
Grundsätze (E. 6).

    Anwendung im vorliegenden Fall (E. 7).

    Die Gewinne aus Geschäften, welche unter Ausnutzung von Geldern
deliktischen Ursprungs getätigt wurden, sind den unrechtmässigen Vorteilen
im Sinn von Art. 74a Abs. 2 lit. b IRSG gleichgestellt (E. 7.3.1).

    Gelder, die wahrscheinlich aus korrupten, im ersuchenden Staat
strafrechtlich nicht verfolgten Geschäftstätigkeiten stammen, können
zumindest im jetzigen Zeitpunkt nicht weitergeleitet werden (E. 7.3.2,
7.4.2, 7.5 und 7.6).

    Wenn das ausländische Gesuch sich auf die Herausgabe von Geldern
bezieht, welche von der Tätigkeit einer kriminellen Organisation herrühren,
ist die Regel von Art. 59 Ziff. 3 StGB (einschliesslich der Vermutung
gemäss dem zweiten Satz dieser Bestimmung) auf die Herausgabe im Sinn
von Art. 74a Abs. 3 IRSG anwendbar (E. 9).

Sachverhalt

    La République fédérale du Nigeria a demandé l'entraide à la Suisse pour
les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria au sujet des détournements de
fonds dont se seraient rendus coupables feu Sani Abacha, chef de l'Etat
de novembre 1993 à juin 1998, ainsi que ses proches (dont son épouse
Maryam et ses fils Ibrahim, Mohammed et Abba). En exécution de cette
demande, l'Office fédéral de la justice avait ordonné la transmission de
la documentation relative à trente-quatre comptes bancaires et polices
d'assurance saisis en Suisse. Par arrêt du 23 avril 2003, le Tribunal
fédéral avait admis partiellement, au sens des considérants, les recours
de droit administratif formés contre les décisions de clôture notamment
par Maryam, Mohammed et Abba Abacha (ATF 129 II 268).

    Le 2 octobre 2003, la République fédérale du Nigeria a demandé la
remise des avoirs déposés sur dix-sept comptes et polices saisis.

    Le 18 août 2004, l'Office fédéral a ordonné la remise à l'Etat
requérant des fonds déposés sur seize de ces comptes et polices, pour un
montant total de 398'536'865 USD, 47'802'483 GBP, 7'210'170.80 euros et
3'466'418 CHF.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement, au sens du considérant 7.6
et dans la mesure où il était recevable, le recours de droit administratif
formé contre cette décision par Mohammed, Abba et Maryam Abacha, ainsi
que par six sociétés. Il l'a rejeté pour le surplus.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.2  A qualité pour agir quiconque est personnellement et directement
touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 80h let. b de la loi sur l'entraide
pénale internationale du 20 mars 1981 [EIMP; RS 351.1]).

    2.2.1  S'agissant de la remise des avoirs déposés sur des comptes
dont elles sont titulaires, les personnes morales suivantes ont qualité
pour agir (ATF 123 II 134 consid. 1c p. 136; arrêt 1A.49/2002 du 23 avril
2003, consid. 2.3.1 non publié à l'ATF 129 II 268; arrêt 2A.116/1999 du
25 août 2000, consid. 1b non publié à l'ATF 126 II 452): Sulgrave pour
les comptes nos 5, 6 et 7; Olmar pour la police n° 14; Peltora pour les
polices nos 15 et 16; Barven pour les comptes nos 17, 18 et 19. Peltora
a également qualité pour agir en relation avec la police n° 11, souscrite
initialement par TNL, qui lui a été transférée.

    2.2.2  Dans l'arrêt 129 II 268, le Tribunal fédéral a relevé que
certains comptes étaient détenus par trois ressortissants nigérians non
identifiés. Il s'agissait notamment des comptes ouverts par les dénommés
Sani Mohammed (compte n° 9); Abba Muhammad Sani et Ibrahim Muhammad Sani
(compte n° 25); Ibrahim Muhammed Sani et Abba Sani (compte n° 26); Sani
Abdu Mohammed et Sani Ibrahim (compte n° 27); Ibrahim Muhammad et Sani
Abba Muhammad (compte n° 28), ainsi que Ibrahim Muhammad et Sani Abdu
Muhammad (compte n° 29). Les recourants avaient affirmé être titulaires
de ces comptes, sans toutefois avancer le moindre élément permettant de
vérifier cette assertion. Il était possible que les trois fils de Sani
Abacha aient ouvert ces comptes, sur la présentation de pièces d'identité
indiquant de faux noms (qui évitaient soigneusement toute référence au
nom d'Abacha). Il demeurait toutefois à ce propos une incertitude que les
recourants n'avaient pas levée. Le Tribunal fédéral a dès lors considéré
que celui qui ouvre un compte bancaire sous un faux nom n'a pas qualité
pour agir contre la décision de clôture portant sur la transmission
à l'Etat requérant de la documentation y relative. Il a réservé la
possibilité de faire une exception à cette règle pour celui qui fournirait
la preuve qu'il est effectivement titulaire du compte, ainsi que des
indications pouvant, selon les circonstances, expliquer (voire justifier)
l'utilisation d'un faux nom (ATF 129 II 268 consid. 2.3.3 p. 269/270).

    La question de la qualité pour agir en rapport avec les comptes
nos 9, 25, 26, 27, 28 et 29 ayant été tranchée au stade antérieur de la
procédure, il n'y aurait pas lieu d'y revenir. Par souci de complétude et
afin d'éviter toute équivoque à ce sujet, le Tribunal fédéral examinera
néanmoins les arguments nouveaux soulevés par les recourants à ce propos.

    Les recourants prétendent que Mohammed Sani Abacha, Abba Muhammad Sani
Abacha et feu Ibrahim Muhammad Sani Abacha auraient ouvert les comptes nos
9, 25, 26, 27, 28 et 29; la qualité pour agir devrait leur être reconnue
(ainsi qu'à Maryam Abacha, en tant qu'héritière de son fils Ibrahim) sous
cet aspect. Ils exposent que dans la tradition des familles musulmanes du
Nord du Nigeria dont ils sont originaires, leur véritable nom serait Sani;
au surplus, il serait usuel d'inverser le prénom et le nom ou d'user de
surnoms pour distinguer les personnes portant le même prénom (parfois à
l'intérieur de la même fratrie). Le prénom Mohammed se traduirait aussi
Muhammad. La valeur probante de l'avis de droit auquel ils se réfèrent sur
ce point a été mise en doute par l'Office fédéral, parce qu'il émane d'une
personne proche des recourants. A cela s'ajoute qu'aussi intéressantes
que soient les considérations que fait l'expert sur les usages en vigueur
dans l'Etat requérant quant à la désignation des personnes, celles-ci ne
sont pas de nature à expliquer le fait que trois individus ont ouvert
les comptes en question sous des identités différentes, en présentant
à chaque fois des passeports différents. Ils ont en outre utilisé le
prénom d'"Abdu" au sujet duquel ils ne disent rien. Il apparaît ainsi que
les personnes qui ont ouvert les comptes en question ont non seulement
utilisé de faux noms, mais cherché sciemment à tromper les établissements
bancaires auxquels ils se sont adressés en semant la confusion sur leur
identité réelle. Les recourants n'indiquent pas, au demeurant, auxquels
d'entre eux correspondent concrètement les différents noms et prénoms
utilisés par combinaison lors de chaque opération d'ouverture de compte.
Enfin, les recourants ne contestent pas qu'ils sont désignés, dans la
procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant, sous le nom d'Abacha qui
est celui qu'ils portent habituellement. Ils n'ont ainsi pas apporté la
preuve exigée selon la jurisprudence qui vient d'être rappelée et dont
ils se prévalent. Le recours est partant irrecevable, faute de qualité
pour agir, s'agissant des comptes nos 9, 25, 26, 27, 28 et 29.

    2.2.3  Les recourants tiennent cette solution pour incompatible
avec le droit au procès équitable garanti par les art. 6 par. 1 CEDH,
29 al. 1 Cst. et 14 du Pacte ONU II.

    La garantie du procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. vaut
pour toute procédure judiciaire ou administrative. Elle va au-delà de
celle de l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 14 par. 1 Pacte ONU II, qui se
limitent aux procédures judiciaires relatives à une accusation en matière
pénale ou à des contestations portant sur des droits ou obligations
de nature civile (ATF 130 I 269 consid. 2.3 p. 272/273). Il est dès
lors superflu de réexaminer le point de savoir si, comme l'affirme la
jurisprudence, la procédure interne à la Suisse comme Etat requis n'entre
pas dans le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 120 Ib
112 consid. 4 p. 119; 118 Ib 436 consid. 4a p. 440).

    La garantie du procès équitable ne donne pas à la personne touchée
un droit illimité et inconditionnel de porter le litige devant un
juge. L'accès au tribunal, s'il doit être garanti, ne signifie pas que
la procédure de recours ne pourrait être soumise au respect d'exigences
de forme, ayant trait notamment aux délais ou, comme en l'occurrence,
à la qualité pour agir. Ces limitations ne sauraient cependant être
à ce point restrictives que le droit d'accès au tribunal soit atteint
dans sa substance même. Il faut qu'elles poursuivent un but légitime et
soient proportionnées (ATF 124 I 322 consid. 4d p. 325, 336 consid. 4b
p. 338-340, et les arrêts cités; arrêts de la Cour européenne des droits de
l'homme dans les causes Acimovic contre Croatie du 9 octobre 2003, par. 29;
Zvolsky et Zvolska contre République tchèque du 12 novembre 2002, par. 47;
Kreuz contre Pologne du 9 juin 2001, par. 53; Platakou contre Grèce du
11 janvier 2001, par. 35, et les arrêts cités). Ces principes développés
sous l'angle du droit au procès équitable selon l'art. 6 par. 1 CEDH
valent aussi pour la garantie analogue offerte par l'art. 29 al. 1 Cst.

    La qualité pour agir au sens de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation
avec l'art. 74a de la même loi, a été reconnue au titulaire du compte sur
lequel avaient été déposés des avoirs dont l'Office fédéral avait ordonné
la remise à l'Etat requérant en vue de confiscation (arrêt 1A.136/1998 du
3 septembre 1998, consid. 2a). Ce principe doit être confirmé. Cela n'a
toutefois pas pour conséquence que celui qui a ouvert les comptes saisis
sous une fausse identité se voie reconnaître le droit de recourir contre
la remise des avoirs saisis. A cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer
entre le recours dirigé contre la transmission de la documentation bancaire
(où la qualité pour agir des recourants a été déniée; ATF 129 II 268
consid. 2.3.3 p. 269/270) et celui dirigé, comme en l'occurrence, contre
la remise de fonds. Le fait que la mesure contestée touche aux droits
patrimoniaux des recourants, dans une mesure importante, est indifférent à
cet égard. En effet, le sens de la jurisprudence précitée est de prévenir
les situations dans lesquelles le détenteur de fonds ouvre un compte
bancaire sous un faux nom afin d'en cacher la provenance délictueuse et
de contourner les règles relatives à l'identification de l'ayant droit
économique (cf. art. 4 LBA [RS 955.0]). Il serait en outre choquant de
refuser à ce dernier la qualité pour agir contre la remise de fonds, alors
que celui qui ouvrirait le compte sous un faux nom serait autorisé à le
faire, comme le réclament les recourants. En effet, celui qui se comporte
de la sorte ne se trouve pas dans une situation différente de celui qui
fait ouvrir le compte par un intermédiaire ou une société qu'il domine.

    En conclusion, cette conception de l'art. 80h let. b EIMP, mis en
relation avec l'art. 74a de la même loi, constitue une restriction
justifiée au droit de saisir le juge, qui découle de la garantie du
procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. Elle n'est pas davantage
disproportionnée puisque, comme cela vient d'être rappelé, la qualité
pour agir du titulaire du compte est reconnue.

    (...)

Erwägung 6

    6.  Aux termes de l'art. 74a EIMP, à la demande de l'autorité
étrangère compétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire
peuvent lui être remis au terme de la procédure d'entraide, en vue de
confiscation ou de restitution à l'ayant droit (al. 1). Ces objets ou
valeurs comprennent notamment le produit ou le résultat de l'infraction,
la valeur de remplacement et l'avantage illicite (al. 2 let. b). La remise
peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle
générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant (al. 3).

    Lorsque la remise est demandée en exécution d'une décision
définitive et exécutoire dans l'Etat requérant, la question de savoir
si les objets ou valeurs réclamés proviennent de l'infraction doit être
considérée comme tranchée, ainsi que celle de savoir si les objets ou
valeurs en question doivent être restitués ou confisqués (ATF 123 II 595
consid. 4e p. 604/605), à moins qu'il n'apparaisse d'emblée que tel n'est
manifestement pas le cas (ATF 129 II 453).

    Lorsque, comme en l'occurrence, la demande porte sur la remise des
fonds avant la fin de la procédure pénale, l'autorité d'exécution décide
après avoir pris en compte toutes les particularités du cas (ATF 123
II 595 consid. 4e p. 605/606). Si la situation est limpide tant pour ce
qui concerne l'identification des objets ou valeurs que leur provenance
délictueuse, l'autorité ordonne la remise (ATF 123 II 595 consid. 4f
p. 606; 123 II 134 consid. 5c et d p. 140 ss, 268 consid. 4a p. 274). En
pareil cas, l'intérêt de l'Etat requis se limite au respect des garanties
élémentaires d'une procédure conforme aux exigences de la CEDH ou du Pacte
ONU II (ATF 123 II 595 consid. 4f p. 606). Il convient également de tenir
compte, sous cet aspect, de l'intérêt essentiel de la Suisse, au sens de
l'art. 1a EIMP, de ne pas servir de refuge aux montants considérables
détournés illégalement par les représentants de régimes dictatoriaux
(ATF 123 II 595 consid. 5a p. 606/607).

    Lorsque la provenance délictueuse des objets ou valeurs réclamés est
douteuse, il convient de renoncer à la remise jusqu'à la clarification
des faits dans le cadre d'une procédure judiciaire dans l'Etat requérant
(ATF 123 II 595 consid. 4f p. 606, 268 consid. 4b p. 274; cf. également
l'arrêt 1A.136/1998, précité).

Erwägung 7

    7.  L'Office fédéral a considéré que "pour une partie prédominante des
fonds saisis", il avait "acquis un degré suffisant de certitude" de leur
origine délictuelle et de leur connexité avec les faits poursuivis dans
l'Etat requérant. Les recourants contestent cette appréciation. Le grief
de violation de l'art. 74a al. 3 EIMP qu'ils soulèvent doit être examiné
uniquement pour ce qui concerne les comptes nos 5, 6, 7, 17, 18 et 19,
ainsi que les polices nos 11, 14, 15 et 16, qui forment désormais le seul
objet du recours. Tel qu'il est formulé, le grief tiré de l'art. 8 CEDH
n'a pas de portée propre à cet égard.

    7.1  Au titre des faits poursuivis, l'Etat requérant a cité le pillage
de la Banque centrale du Nigeria. Les demandes des 20 décembre 1999 et
2 octobre 2003 évoquent également des opérations liées à la création
de l'aciérie d'Ajaokuta et à l'acquisition de vaccins. La demande du 2
octobre 2003 mentionne en outre d'autres opérations de corruption.

    7.1.1  Le rapport du SIP, l'annonce du 30 septembre 1999, la demande
du 20 décembre 1999 et celle du 2 octobre 2003 se réfèrent au pillage de la
Banque centrale du Nigeria. Ces documents concordent, pour ce qui concerne
le mode opératoire, consistant en des versements en espèces, à l'émission
de chèques en blanc et à des virements bancaires. Ils divergent toutefois
pour ce qui concerne les montants détournés. En effet, les auteurs du
rapport du SIP ont omis de déduire de la récapitulation finale des montants
dont ils avaient eux-mêmes signalés l'affectation licite. Cette erreur
a été reproduite dans les documents subséquents qui s'y réfèrent. Or, il
n'y a pas lieu de douter de la valeur des conclusions du rapport établi
par le SIP. Le dommage allégué en relation avec la remise d'espèces et
de chèques, ainsi que les virements bancaires, effectués sans droit au
détriment de la Banque centrale doit ainsi être fixé au montant total de
1'491'083'288 USD et 416'400'000 GBP.

    7.1.2  Les recourants allèguent avoir restitué tous les fonds visés
par la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant. Ils se fondent à
ce propos sur le rapport du SIP, relaté dans l'arrêt du 23 avril 2003,
selon lequel Mohammed Abacha et Bagudu avaient restitué un montant de
635'263'187.19 USD et de 75'306'884.93 GBP.

    On ne saurait cependant déduire de cette indication qu'aurait été
réparé intégralement le dommage allégué par l'Etat requérant. En effet,
les montants cités sont très nettement inférieurs au préjudice subi par
la Banque centrale du Nigeria. Les recourants prennent de surcroît en
compte les remboursements effectués par Bagudu. Or, ceux-ci concernent
des fonds qui ne sont pas visés par la décision attaquée.

    7.1.3  A l'appui de la demande du 2 octobre 2003, l'Etat requérant
a joint l'acte d'accusation établi le 15 septembre 2000 par le Procureur
Molokwu. Cent quarante-sept chefs d'accusation ("counts") ont été soulevés,
qui se rapportent à soixante-deux opérations délictueuses, portant sur le
détournement, au détriment de la Banque centrale du Nigeria, d'un montant
total de 1'253'857'850 USD et 572'633'000 GBP. Cet acte d'accusation a été
complété le 22 janvier 2001. Soixante-huit chefs d'accusation ("counts")
ont été retenus, qui se rapportent à trente-quatre opérations délictueuses,
portant sur le détournement, au détriment de la Banque centrale du Nigeria,
d'un montant total de 133'253'900 USD et 850'000 GBP. A défaut d'autres
indications plus précises quant à l'objet de la procédure pénale ouverte
dans l'Etat requérant, il faut admettre que seuls entrent en compte pour
une éventuelle remise anticipée au sens de l'art. 74a al. 3 EIMP, les fonds
qui proviendraient des détournements effectués au préjudice de la Banque
centrale du Nigeria, à l'exclusion de toute autre opération délictueuse
qui aurait été dévoilée notamment dans le cadre des investigations menées
en Suisse, soit au titre de la procédure pénale nationale, soit au titre de
l'exécution de la demande d'entraide. Il est possible (voire même probable)
que Sani Abacha, les membres de sa famille et leurs affidés aient reçu des
pots-de-vin pour d'autres affaires de corruption. Mais ces faits ne font
apparemment pas l'objet de poursuites dans l'Etat requérant ou, du moins,
le contraire n'est pas suffisamment démontré sur le vu de la demande et de
la relation qui en est faite des procédures ouvertes au Nigeria. Il suit de
là que la remise d'autres fonds actuellement saisis en Suisse pourrait être
envisagée en exécution d'une demande complémentaire, compte tenu également
des développements futurs de la procédure pénale dans l'Etat requérant.

    7.2  R., ressortissant suisse et français né en 1942, a été employé
par la société des Iles Vierges britanniques S. de 1988 à 2000. Durant
cette période, il a dirigé notamment les sociétés SA., SB. et SC. O.,
ressortissant suisse né en 1964, était le bras droit de R. au Nigeria. Il
a expliqué que pour faire des affaires avec le gouvernement et les sociétés
nationales au Nigeria, il était nécessaire de verser des pots-de-vin. Dans
ce cadre, il avait noué des liens avec T., placé par Sani Abacha à la
tête de la société U., filiale de la société V. Pour rendre service à
celui-ci, il avait accepté de faire transférer en Suisse, en 1996 et 1997,
d'importants montants pour le compte de Sani Abacha. P., ressortissant
suisse né en 1954, est homme d'affaires au Nigeria, où il réside depuis
1980 et dirige plusieurs sociétés. Il procédait à des opérations de change
et de compensations. Dans ce cadre, il a fait transférer en Suisse,
en espèces et par des chèques, un montant total de 73'892'869.63 USD,
reçu de O., pour le compte de Mohammed et Abba Abacha, dont un montant de
6'523'000 USD viré sur le compte n° x détenu par T. auprès de la banque
C. (en quatre versements: 1'000'000 USD le 20 novembre 1996; 2'000'000
USD le 20 novembre 1996; 1'523'000 le 26 novembre 1996; 2'000'000 USD le
27 novembre 1996).

    7.2.1  P. a viré sur le compte n° 4, entre le 17 décembre 1996 et le 11
mars 1997, soit directement, soit au travers de la société W. qu'il domine,
le montant total de 32'640'001 USD (en quatorze versements: 480'000 USD
le 17 décembre 1996; 2'750'800 USD le 8 janvier 1997; 1'675'350 USD le 9
janvier 1997; 686'700 USD le 13 janvier 1997; 975'350 USD le 13 janvier
1997; 1'435'100 USD le 13 janvier 1997; 732'700 USD le 14 janvier 1997;
1'695'000 USD le 11 février 1997; 2'135'299 USD le 12 février 1997;
1'875'345 USD le 14 février 1997; 1'365'202 USD le 18 février 1997;
2'785'353 USD le 18 février 1997; 2'047'802 USD le 19 février 1997;
12'000'000 USD, en coupures de 100 USD neuves, directement au guichet
de la banque, le 11 mars 1997). Le compte n° 4 a reçu de T. (soit par le
truchement du compte n° x qu'il détenait auprès de la banque C., soit par
celui du compte no y qu'il détenait auprès de la banque GG.) le montant
total de 8'566'350 USD (en cinq versements: 200'000 USD le 19 novembre
1996; 6'823'000 USD le 4 décembre 1996; 882'400 USD le 14 janvier 1997;
480'950 USD le 15 janvier 1997; 180'000 USD le 13 février 1997). S. a viré
le montant total de 1'000'000 USD sur le compte n° 4 (en deux versements
de 500'000 USD, les 16 décembre 1996 et 1er avril 1997).

    Au total, le compte n° 4 a reçu de T. et de P., directement ou
indirectement, le montant de 42'196'351 USD. De ce compte, un montant total
de 41'216'000 USD a été viré sur le compte n° 5 (en deux virements des 13
et 14 août 1997), ainsi qu'un montant de 236'937.32 CHF (le 14 août 1997)
et de 158'400 DEM (le 5 septembre 1997).

    Sur le compte n° 20, P. a versé un montant total de 5'076'000 USD
(en trois versements: 2'150'000 USD le 22 janvier 1997; 1'798'000 USD
le 24 janvier 1997; 1'128'000 USD le 27 février 1997). De ce compte, un
montant de 5'223'954 USD a été viré sur le compte n° 17, le 19 août 1997.

    7.2.2  Les comptes nos 4 et 20 présentent les traits de comptes dits
"de passage" ne correspondant à aucune activité économique identifiable.
Cela ressort aussi de la fréquence (quelques jours d'intervalle) de
paiements pour des montants importants, sans rapport avec une quelconque
contre-prestation. Ces comptes ont servi à faire acheminer les montants
remis en chèques et en espèces, soit par T. lui-même, soit par le
truchement de R., O. et P. Que ces montants proviennent des prélèvements
opérés sur les fonds de la Banque centrale du Nigeria ne fait guère de
doute. Il en va de même de l'implication de T. Dans son audition du 15 août
2000, O. a explicité le lien existant entre T. et Sani Abacha, d'une part,
et le sens des services qu'il avait accepté de rendre en faveur de T. De
même, il est établi que le compte n° x ouvert auprès de la Banque C. au
nom de T. par R. a servi au transfert de fonds provenant d'Abacha. R. l'a
confirmé expressément lors de son audition du 25 octobre 2000.

    7.3  Sulgrave, société des Iles Vierges britanniques, est titulaire des
comptes nos 5, 6 et 7, ouverts en 1997, sur lesquels R. et O. détenaient
une procuration.

    7.3.1  O. a versé un montant de 1'200'000 GBP sur le compte n° 5.

    Celui-ci a reçu du compte n° 4 un montant total de 41'216'000 USD
(en deux virements: 24'900'000 USD le 13 août 1997 et 16'316'000 USD le
14 août 1997), ainsi qu'un montant de 236'937.32 CHF (le 14 août 1997)
et de 158'400 DEM (le 5 septembre 1997). S. a versé sur le compte n°
5 un montant total de 1'200'000 GBP (en trois versements: 500'000 GBP
le 2 septembre 1997; 500'000 GBP le 29 septembre 1997 et 200'000 GBP le
2 décembre 1997). Le compte n° 5 a en outre été approvisionné par le
versement d'un montant de 27'450'000 USD effectué le 17 décembre 1997
par la société AA. et d'un montant de 940'000 USD provenant d'un compte
ouvert par T. auprès de la banque Z., le 20 novembre 1997. En y ajoutant
le montant de 700'000 GBP viré le 21 août 1997 depuis le compte n° 17,
le montant total versé sur le compte n° 5 est ainsi de 72'855'056.18 USD.

    Le compte n° 6 a reçu du compte n° 5 un montant de 600'000 GBP et de
13'000'000 USD (en deux virements effectués les 15 et 16 décembre 1997).
Quant au compte n° 7, il a reçu du compte n° 5 un montant total de
6'400'000 USD (en trois virements: 2'200'000 USD le 1er décembre 1997;
400'000 USD le 15 décembre 1997; 3'800'000 USD le 23 janvier 1998).

    Les comptes nos 5, 6 et 7 sont des comptes de passage. Outre
les virements indiqués ci-dessus, ils ont servi à l'engrangement de
bénéfices liés à l'achat et la vente de titres, à la perception de
dividendes, ainsi qu'à des opérations de change. Les bénéfices de ces
transactions doivent être assimilés à des avantages illicites au sens
de l'art. 74a al. 2 let. b EIMP (cf. ATF 110 IV 8; PAOLO BERNASCONI,
Internationale Amts- und Rechtshilfe, in Niklaus Schmid, Kommentar
Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. II, Zurich 2002,
n. 526-530; NIKLAUS SCHMID, Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen,
Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, n. 17 ad art. 59 CP; MAURICE HARARI,
Remise internationale d'objets et valeurs: réflexions à l'occasion de
la modification de l'EIMP, in Etudes en l'honneur de Dominique Poncet,
Genève 1997, p. 167 ss, 177-179).

    En l'occurrence, il convient d'admettre que les montants déposés sur
les comptes nos 5, 6 et 7 proviennent des fonds détournés au détriment de
la Banque centrale du Nigeria ou en représentent le produit. Ils doivent
dès lors être remis à l'Etat requérant.

    7.3.2  Il reste à examiner ce qu'il en est du versement provenant
de AA. A ce propos, l'Etat requérant fait valoir que celle-ci avait
conclu avec le gouvernement nigérian, en 1995, un contrat portant sur la
réfection du réseau ferré national, pour un montant total de 528'000'000
USD. Or, ce contrat aurait notoirement donné lieu au versement de
pots-de-vin. L'Office fédéral a tenu pour crédible cette affirmation qui
repose sur une information diffusée par la presse. Cette appréciation ne
peut être partagée. S'il est possible que AA. ait dû corrompre des agents
publics nigérians pour obtenir le contrat en question, les éléments avancés
à ce propos sont trop superficiels pour admettre que les conditions de
l'art. 74a EIMP soient remplies à cet égard. Au demeurant, la procédure
ouverte dans l'Etat requérant ne l'est pas à raison des faits évoqués
en relation avec le versement effectué par AA., quoi que suspect qu'il
puisse paraître. Le montant de 27'450'000 USD doit ainsi être déduit de
celui remis à l'Etat requérant.

    7.4  Barven, société des Iles Vierges britanniques, est titulaire des
comptes nos 17, 18 et 19, sur lesquels R. et O. détenaient une procuration.

    7.4.1  Le compte n° 17 a reçu de S. un montant de 700'000 GBP, le 13
août 1997 et un montant de 5'223'954 USD provenant du compte n° 20, le
19 août 1997. De P. (y compris par le truchement des sociétés BB. qu'il
domine), le compte n° 17 a reçu un montant total de 22'118'796 USD (en
cinq virements: 2'820'000 USD le 6 octobre 1997; 2'200'000 USD le 9 octobre
1997; 7'543'796 USD le 5 novembre 1997; 5'500'000 USD le 22 janvier 1998;
4'000'000 USD le 27 janvier 1998). Ces montants, provenant directement ou
indirectement de la Banque centrale du Nigeria, sont le produit d'activités
délictueuses. Ils doivent être remis à l'Etat requérant.

    7.4.2  La société Y. a versé sur le compte n° 17 un montant total
de 1'000'000 USD (en quatre versements: 250'000 USD le 29 octobre 1997;
250'000 USD le 30 octobre 1997; 290'000 USD le 10 novembre 1997 et 210'000
USD le 13 novembre 1997). La société FF. a versé sur le compte n° 17
le montant total de 85'402 USD (en deux virements: 41'0173.50 USD le 17
octobre 1997 et 44'228.50 USD le 31 octobre 1997). La société X. a versé
sur le même compte le montant de 280'000 USD, le 17 octobre 1997. AA. a
versé 50'000 USD le 28 novembre 1997.

    Pour les motifs déjà indiqués (cf. consid. 7.3.2 ci-dessus), le montant
provenant de AA. ne doit pas être remis à l'Etat requérant, du moins pour
l'heure. Il en va de même pour ce qui concerne les fonds versés par Y.,
car celle-ci est impliquée dans le même contrat ferroviaire que celui
concernant AA. et le montant litigieux provient de la même source. En
revanche, il n'y a pas lieu de refuser la remise des fonds virés par
FF. et X. Les ordres relatifs aux virements effectués par ces sociétés se
réfèrent en effet à W., société dominée par P., ce qui laisse supposer que
ces fonds ont suivi le même circuit fictif mis en place par l'organisation
dirigée par T. pour le compte de Sani Abacha.

    7.4.3  Le compte n° 18 a reçu un montant total de 5'200'000
USD provenant du compte n° 17 (en deux virements: 5'000'000 USD le
15 décembre 1997; 200'000 USD le 15 décembre 1997). De celui-ci, un
montant total de 3'150'000 USD a été versé sur le compte n° 19 (en trois
virements: 1'000'000 USD le 2 décembre 1997; 200'000 USD le 15 décembre
1997; 1'950'000 USD le 23 janvier 1998). L'origine et la provenance
délictueuses de ces fonds peuvent être considérées comme établies. Les
montants saisis doivent être remis à l'Etat requérant, y compris le
produit des transactions effectuées en utilisant les fonds détournés.

    7.5  Les fonds qui ont servi au financement des polices nos 11,
14, 15 et 16 proviennent, selon les éléments retenus dans la décision
attaquée, d'opérations de corruption en lien avec la construction d'une
usine pour la fabrication d'aluminium (affaire dite CC.), la fourniture
de matériel informatique à l'armée nigériane (affaire dite DD. et EE.) et
l'acquisition d'aéronefs pour le compte de la République fédérale. Or,
ces faits ne semblent pas couverts par l'acte d'accusation qui est à la
base du procès pénal ouvert dans l'Etat requérant. Du moins, les éléments
qui établiraient le contraire ne sont pas établis clairement (cf. consid.
7.1.3 ci-dessus). La remise des fonds placés sur les polices nos 11,
14, 15 et 16 ne peut dès lors être admise pour l'instant. Au titre des
détournements effectués au préjudice de la Banque centrale du Nigeria,
l'Office fédéral a évoqué qu'une partie du produit de ces délits (pour
un montant indéterminé) aurait abouti sur les polices litigieuses, par le
truchement d'un dénommé Financial Investment Establishment, qui aurait fait
transiter les fonds en question par les comptes des sociétés Technical
Management Services et Financial Investment Establishment. Toutefois,
comme le signale l'Office fédéral lui-même, les documents relatifs à
ces transferts font défaut, ce qui empêche, en l'état, d'en établir
l'origine exacte.

    7.6  En conclusion sur ce point, les fonds déposés sur les comptes nos
5, 6 et 7 doivent être remis à l'Etat requérant, sous réserve du montant
de 27'450'000 USD provenant de AA. Les fonds déposés sur le compte n° 17
doivent être remis à l'Etat requérant, sous réserve du montant total de
1'050'000 USD provenant de AA. et de Y. Les fonds déposés sur les comptes
nos 18 et 19 doivent être remis. Tel n'est pas le cas en revanche, des
avoirs relatifs aux polices nos 11, 14, 15 et 16.

    (...)

Erwägung 9

    9.  Il appartiendra à l'Office fédéral de se prononcer sur le sort
des fonds encore saisis et de décider de leur éventuelle remise ultérieure
à l'Etat requérant, au regard des principes suivants.

    9.1  Selon l'art. 59 ch. 3 CP, le juge ordonnera la confiscation
de toutes les valeurs sur lesquelles une organisation criminelle exerce
un pouvoir de disposition; les valeurs appartenant à une personne qui a
participé ou apporté son soutien à une organisation criminelle au sens de
l'art. 260ter CP sont présumées soumises, jusqu'à preuve du contraire,
au pouvoir de disposition de l'organisation. Il doit être établi que
la personne en cause a participé ou accordé son soutien à une telle
organisation. Il n'est en revanche pas nécessaire de prouver que cette
personne ou cette organisation ont commis une infraction déterminée, ni
que les valeurs proviennent d'un crime. On ne renoncera à la confiscation
que si la personne en cause a été acquittée, en Suisse ou à l'étranger,
des fins de la poursuite; est toutefois réservé le cas où la procédure de
confiscation en Suisse ferait apparaître de nouveaux indices attestant
le rôle joué par la personne concernée dans l'organisation en question
(FLORIAN Baumann, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, n. 58 ss ad art. 59
CP; NIKLAUS SCHMID, op. cit., n. 130 ss ad art. 59 CP). Par organisation
criminelle, on entend, selon l'art. 260ter CP, celle qui tient sa structure
et son effectif secrets et qui poursuit le but notamment de se procurer
des revenus par des moyens criminels. Est punissable celui qui aura
soutenu cette organisation (ch. 1), y compris pour le cas où l'infraction
est commise à l'étranger, à condition que l'organisation exerce ou doit
exercer son activité criminelle en tout ou partie en Suisse (ch. 3).

    La question de savoir si une confiscation pourrait être ordonnée en
Suisse en application des art. 59 ch. 3 CP (cf. à ce propos ATF 128 IV
145) n'a pas à être tranchée dans le cadre du présent recours. Se pose
en revanche celle de savoir si l'art. 74a al. 3 EIMP ne doit pas être
interprété à la lumière de cette disposition.

    Dans son Message du 30 juin 1993 concernant la modification du
code pénal qui a conduit à l'introduction du ch. 3 de l'art. 59 CP,
selon la loi du 18 mars 1994, en vigueur depuis le 1er août suivant,
le Conseil fédéral a souligné que cette nouvelle disposition avait pour
but de déroger à la règle prévalant tant en droit interne que de celui
de l'entraide judiciaire internationale, selon laquelle une valeur ne
peut être confisquée que s'il est possible d'établir l'infraction dont
elle provient. Relativement à l'organisation criminelle, la confiscation
s'étend à toutes les valeurs dont elle dispose. Cela s'explique par le
fait que si les avoirs en question dépendent d'une organisation criminelle,
c'est qu'ils proviennent selon toute probabilité d'une activité également
criminelle (FF 1993 III 269 ss, p. 308). Le Conseil fédéral a justifié
l'adoption d'une règle spécifique à cet égard, notamment par le besoin
de faciliter l'entraide judiciaire et l'exécution de confiscations
étrangères portant sur des valeurs patrimoniales acheminées en Suisse
par des organisations criminelles (idem, p. 309). Il suit de là - même
si le Message ne le dit pas - que l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP,
s'applique aussi dans le domaine de l'entraide judiciaire (dans ce sens
également: HARARI, op. cit., p. 185, n. 78; BAUMANN est plus réticent;
tout en soulignant que l'art. 74a EIMP vise la remise du produit de
l'infraction et non pas les valeurs soumises au pouvoir de disposition
d'une organisation criminelle, il admet une telle remise pour autant que
les droits des tiers de bonne foi soient sauvegardés, op. cit., n. 77
ad art. 59 CP). Subséquemment, les fonds dépendant d'une organisation
criminelle sont présumés d'origine délictueuse à moins que les détenteurs
n'apportent la preuve du contraire. Faute pour eux d'avoir renversé
la présomption de l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP, la remise est
ordonnée en application de l'art. 74a al. 3 EIMP, sans autre examen de
la provenance des fonds réclamés. Or, la structure mise en place par
Sani Abacha et ses complices constitue une organisation criminelle au
sens de l'art. 59 ch. 3 CP, puisqu'elle avait pour but de détourner à
des fins privées des fonds provenant de la Banque centrale du Nigeria,
ainsi que le profit d'opérations de corruption (cf. BERNARD CORBOZ,
Les infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2002, ad art. 260ter CP).

    9.2  Dans le cadre des décisions qu'il lui incombera de prendre pour
la remise des fonds encore saisis, l'Office fédéral offrira aux détenteurs
des comptes visés la possibilité de faire valoir les arguments propres
à renverser la présomption posée à l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP,
c'est-à-dire de démontrer que les fonds saisis ne sont pas d'origine
criminelle.