Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 137



131 II 137

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Etat
de Genève contre G. et consorts ainsi que Commission fédérale d'estimation
du 1er arrondissement (recours de droit administratif)

    1E.1/2004 du 15 décembre 2004

Regeste

    Formelle Enteignung, Nachbarrecht, Einwirkungen aus dem Betrieb eines
Flugplatzes (Art. 5 EntG).

    Zulässigkeit der Anschlussbeschwerde (Art. 78 Abs. 2 EntG; E. 1.2).

    Voraussetzung der Unvorhersehbarkeit, welche für die Zusprechung
einer Enteignungsentschädigung wegen Lärmimmissionen bei Landesflughäfen
erfüllt sein muss; Zusammenfassung der Rechtsprechung, wonach diese
Voraussetzung nicht erfüllt ist, wenn die Liegenschaft des Enteigneten
nach dem 1. Januar 1961 erworben wurde (E. 2.1). Gleiches gilt, wenn die
öffentliche Beurkundung und der Eigentumsübergang nach diesem Datum erfolgt
sind, selbst wenn die Kaufsparteien bereits im Jahr 1960 im Hinblick auf
den Bau Verhandlungsgespräche aufgenommen und Vorbereitungshandlungen
getroffen hatten (E. 2.3).

    Zusammenfassung der Rechtsprechung zum Anspruch auf eine Entschädigung
aus formeller Enteignung beim Landeanflug über ein Grundstück
(E. 3.1). Eine solche Entschädigung entfällt in aller Regel, wenn das
Grundstück nur beim Start überflogen wird (E. 3.2).

Sachverhalt

    Par acte authentique du 6 avril 1961, des terrains détachés de trois
parcelles sises sur le territoire de la commune de Vernier ont été vendus,
par leurs propriétaires respectifs, à dames G. et P. (en copropriété,
chacune pour une moitié). Les trois biens-fonds vendus ont été réunis en
une seule parcelle, portant le numéro 1809. En 1960, G. et P. avaient
mandaté un architecte en vue d'étudier la construction de deux villas
jumelées sur ce terrain. Une demande préalable d'autorisation de construire
avait été déposée en été 1960 puis une demande d'autorisation définitive
le 16 mai 1961. Cette autorisation a été délivrée le 17 juillet 1961 et
les deux maisons ont ensuite été bâties. En 1996, la parcelle no 1809 a
été divisée en deux nouvelles parcelles, no 4101 et no 4102, qui ont été
vendues à des tiers.

    Le 30 août 1992, G. et P. ont écrit au département des travaux
publics de la République et canton de Genève pour demander une indemnité
d'expropriation de 630'000 fr., y compris le coût d'insonorisation des
fenêtres de leurs bâtiments. Cette demande avait un double fondement:
d'une part le classement de leur parcelle dans la zone B du plan
des zones de bruit de l'aéroport de Genève, entré en vigueur le 2
septembre 1987 (expropriation matérielle); d'autre part la compensation
de l'impossibilité d'exercer les droits de voisinage à l'encontre de
l'exploitant de l'aéroport (expropriation formelle). Le terrain concerné
(ancienne parcelle no 1809), classé dans la 5e zone du plan d'affectation
cantonal (zone de villas), se trouve en effet à environ 1.3 km de
l'extrémité sud-ouest de la piste de l'Aéroport International de Genève,
et à environ 200 m au sud de l'axe de celle-ci. Le 11 décembre 1992, le
département cantonal a proposé à G. et P. de suspendre l'instruction de
cette affaire, ce qu'elles ont accepté.

    Le 23 décembre 1999, l'Etat de Genève (ci-après: l'expropriant)
a communiqué la demande à la Commission fédérale d'estimation du 1er
arrondissement (ci-après: la Commission fédérale) en l'invitant à constater
que les expropriées n'avaient droit à aucune indemnité. Le Président de la
Commission fédérale a entendu les parties les 29 février et 28 juin 2000
(audience de conciliation avec inspection des lieux). Les expropriés -
en l'occurrence les héritiers de G. et de P., décédées respectivement en
1994 et 1999 - et l'expropriant ont ensuite précisé leurs argumentation
et conclusions par écrit. Les expropriés demandaient en définitive,
selon leur mémoire du 16 octobre 2000, le paiement de 293'029 fr. à titre
d'indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage, avec
intérêts compensatoires et moratoires, en raison des immissions de bruit
et du survol.

    La Commission fédérale a rendu sa décision le 28 novembre 2003. Elle
a condamné l'expropriant à verser aux expropriés une indemnité de 251'167
fr. 50, pour expropriation formelle des droits de voisinage en raison
de l'exploitation de l'Aéroport International de Genève, cette somme
portant intérêts, au taux usuel, dès le 1er janvier 1985. La Commission
fédérale a considéré, en substance, qu'étaient satisfaites les conditions
de l'imprévisibilité, de la spécialité et de la gravité, auxquelles la
jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité pour l'expropriation des
droits de voisinage à cause des immissions de bruit de l'aéroport. Elle
a en revanche refusé d'allouer une indemnité supplémentaire en raison
du survol.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Etat de
Genève a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission
fédérale et de rejeter la demande d'indemnité pour expropriation formelle
des droits de voisinage. Il reproche à cette autorité d'avoir retenu
à tort que la condition de l'imprévisibilité était réalisée. Après la
communication de ce recours, les expropriés ont déposé un recours joint
en demandant que l'expropriant soit condamné à leur verser une indemnité
de 251'167 fr. 50, avec intérêts au taux usuel dès le 1er janvier 1985,
pour expropriation formelle des droits de voisinage et en raison du survol
des parcelles nos 4101 et 4102. Le Tribunal fédéral a admis le recours
de droit administratif formé par l'expropriant et annulé la décision de
la Commission fédérale; en conséquence il a rejeté les prétentions des
expropriés. Le recours joint formé par les expropriés a par ailleurs été
déclaré irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227, 453
consid. 2 p. 456 et les arrêts cités).

    1.1  Le recours de droit administratif est recevable contre une
décision prise par une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1
LEx [RS 711], art. 115 al. 1 OJ). Les parties principales à la procédure
ont qualité pour recourir (art. 78 al. 1 LEx). Le recours (principal)
formé par l'expropriant satisfait manifestement aux conditions légales
de recevabilité et il y a lieu d'entrer en matière.

    1.2  Aux termes de l'art. 78 al. 2 LEx, la partie adverse peut,
dans le délai de dix jours dès la réception du recours (principal), se
joindre à celui-ci et prendre des conclusions comme si elle avait formé
un recours indépendant. Le législateur a institué ce recours joint en
s'inspirant de la procédure civile (ATF 101 Ib 217 consid. 1 p. 218; HEINZ
HESS/HEINRICH WEIBEL, Das Enteignungsrecht des Bundes, vol. I, Berne 1986,
n. 6 ad art. 78 LEx). Cette possibilité est en effet également offerte,
en droit fédéral, à l'intimé après le dépôt d'un recours en réforme
(art. 59 OJ). Par définition, le recours joint doit nécessairement tendre
à une modification du jugement au détriment du recourant principal et ne
peut comporter des conclusions identiques à celles prises par celui-ci,
ni conclure simplement à la confirmation de la décision attaquée
(cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SUZETTE SANDOZ-MONOD, Commentaire de la loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, p. 474).

    En l'espèce, les expropriés demandent au Tribunal fédéral, par la
voie du recours joint, de leur allouer une indemnité d'expropriation
d'un montant identique à celui fixé dans la décision attaquée. Leurs
conclusions diffèrent sur un seul point du dispositif de cette décision: la
Commission fédérale a condamné l'expropriant à verser une "indemnité pour
expropriation formelle des droits de voisinage en raison de l'exploitation
de l'Aéroport International de Genève" (ch. 1 du dispositif), tandis
que les expropriés demandent une "indemnité pour expropriation formelle
des droits de voisinage et pour le survol des parcelles n° 4101 et n°
4102 [...] en raison de l'exploitation de l'Aéroport International de
Genève". La différence porte ainsi sur la qualification juridique ou
le fondement de l'indemnité, les expropriés demandant que le jugement
mentionne dans son dispositif non seulement l'expropriation des droits
de voisinage (conséquence indirecte de l'exercice de la propriété sur un
fonds voisin), mais également le survol des terrains litigieux (ingérence
directe dans l'espace aérien d'un fonds).

    Dans les considérants de sa décision, la Commission fédérale a exposé
que les expropriés n'avaient pas droit à une "indemnité supplémentaire en
raison du survol". Les expropriés contestent cette argumentation. Dans
la procédure de recours de droit administratif, le Tribunal fédéral
est lié par les conclusions des parties - il ne saurait, en d'autres
termes, statuer ultra petita - mais non par les motifs qu'elles invoquent
(art. 114 al. 1 OJ, art. 77 al. 2 LEx). Il pourrait donc confirmer le
montant de l'indemnité d'expropriation fixé en première instance tout
en adoptant une autre argumentation, prenant en considération non pas
les immissions de bruit mais le survol du terrain litigieux. Lorsqu'un
propriétaire foncier demande à être indemnisé pour l'"expropriation des
droits de voisinage", il soumet en réalité au juge de l'expropriation des
prétentions de droit public résultant de la privation des moyens de défense
que le droit privé offrirait aussi bien contre les immissions excessives,
en particulier le bruit, que le cas échéant contre le survol, ingérence
directe dans l'espace aérien du fonds. Si les conditions, prévues par la
jurisprudence, pour indemniser le propriétaire d'un terrain survolé sont
réalisées (cf. infra, consid. 3), l'indemnité d'expropriation due au titre
du survol doit être fixée de manière à réparer entièrement le dommage subi
du fait de l'exploitation de l'aéroport dans le voisinage, y compris à
cause du bruit du trafic aérien (ATF 129 II 72 consid. 4 p. 81). Dans une
telle situation, il n'y aurait pas deux indemnités distinctes, en dépit
des fondements juridiques différents (ATF 129 II 72 consid. 2.6 p. 78;
arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B.,
consid. 2.2.2 et 2.3). Il s'ensuit que les conclusions du recours joint ne
tendent pas à autre chose qu'à la confirmation de la décision attaquée. Ce
recours est partant irrecevable. L'argumentation des expropriés au sujet
du survol sera toutefois examinée dans le cadre du recours principal,
comme les autres moyens qu'ils ont fait valoir dans leur réponse.

Erwägung 2

    2.  L'expropriant conteste l'octroi d'une indemnité fondée sur les
immissions de bruit excessives de l'aéroport car, selon lui, la condition
de l'imprévisibilité n'est pas réalisée. Il se plaint dans cette mesure
d'une violation du droit fédéral, à savoir des règles fixées par la
jurisprudence sur la base de l'art. 5 LEx.

    2.1  D'après la jurisprudence, la collectivité publique, en sa qualité
d'expropriante, peut être tenue d'indemniser le propriétaire foncier voisin
d'une route nationale, d'une voie de chemin de fer ou d'un aéroport s'il
subit, à cause des immissions de bruit, un dommage spécial, imprévisible
et grave. S'agissant du bruit du trafic aérien dans le voisinage d'un des
aéroports nationaux, le Tribunal fédéral a posé en 1995 la règle selon
laquelle on ne tient pas compte de la condition de l'imprévisibilité quand
le bien-fonds exposé au bruit a été acquis par l'exproprié avant le 1er
janvier 1961; en revanche, si l'exproprié a acquis son bien-fonds à partir
du 1er janvier 1961, on doit considérer que les effets de l'exploitation
de l'aéroport, avec le développement du trafic aérien, étaient prévisibles
voire connus, ce qui exclut l'octroi d'une indemnité d'expropriation fondée
sur l'art. 5 LEx (ATF 121 II 317 consid. 6b-c p. 334 ss; cf. ATF 129 II 72
consid. 2.1 p. 74; 128 II 231 consid. 2.2 p. 234, 329 consid. 2.1 p. 331).

    Dans certaines situations particulières, le propriétaire d'un
bien-fonds acquis après le 1er janvier 1961 peut néanmoins se prévaloir
de l'imprévisibilité des immissions de l'aéroport. Ainsi, d'après la
jurisprudence, la date d'acquisition (avant 1961) de l'immeuble par le
précédent propriétaire est déterminante quand la demande d'indemnité
d'expropriation est présentée par son héritier, actuel propriétaire
- à savoir lorsque celui-ci a acquis l'immeuble plus récemment par
la dévolution de la succession -, ou encore lorsque le transfert de
propriété à celui qui prétend à une indemnité d'expropriation résulte
d'une libéralité entre vifs faite à titre d'avancement d'hoirie (ATF 128
II 231 consid. 2.3 p. 234, 329 consid. 2.2 p. 331 et les arrêts cités).

    2.2  La Commission fédérale a rappelé cette jurisprudence dans sa
décision. Elle a considéré que la date déterminante, de ce point de vue,
était celle de l'acquisition de la parcelle n° 1809 (provenant de la
réunion des parcelles n° 5023B, n° 5031B et n° 5806B) par G. et P.

    Pour la Commission fédérale, il faut alors tenir compte non pas de
la date de la conclusion du contrat de vente immobilière, mais de celle
de la décision de G. et de P. d'acquérir l'immeuble; or cette décision
est antérieure au 1er janvier 1961. L'expropriant soutient que sur ce
point, la Commission fédérale a fait une mauvaise application des critères
jurisprudentiels au sujet de l'imprévisibilité (cf. infra, consid. 2.3). Il
ne conteste en revanche pas qu'une indemnité pourrait être allouée, le
cas échéant (si la condition de l'imprévisibilité était réalisée), aux
héritiers de G. et P., soit A., C. et B., auxquels la qualité d'expropriés
a été reconnue par la Commission fédérale nonobstant un transfert de
propriété postérieur à 1961. Les actuels propriétaires du terrain litigieux
(divisé en 1996 en deux nouvelles parcelles), qui l'ont acquis plusieurs
années après l'annonce des prétentions des expropriés le 30 août 1992
- acte ayant provoqué l'ouverture de la procédure d'expropriation -,
n'ont pas eux-mêmes demandé une indemnité; il n'a pas été question de
reconnaître à ces derniers la qualité d'expropriés et l'expropriant ne
s'oppose pas à ce que les précédents propriétaires continuent à agir dans
la présente procédure (arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause
Etat de Genève c. B., consid. 2.1). Dès lors, pour résoudre la question
de l'imprévisibilité, la Commission fédérale était fondée à examiner les
circonstances de l'acquisition du terrain par G. et P.

    2.3  Dans la décision attaquée, la Commission fédérale fait une
distinction entre d'une part la conclusion du contrat de vente, par acte
notarié du 6 avril 1961, et d'autre part les démarches et décisions
relatives à cette vente - la détermination des parties au contrat,
le prix de vente au mètre carré, la surface vendue, l'établissement
d'un tableau de mutation foncière et cadastrale, la formulation d'une
offre ferme acceptée par l'ensemble des vendeurs, l'étude d'un projet de
construction concret avec le dépôt d'une demande préalable d'autorisation
de construire -, datant toutes de l'année 1960. Comme l'acquisition de
l'immeuble avait été décidée et convenue avant le 1er janvier 1961, puis
simplement concrétisée par un acte authentique quelques mois plus tard,
la condition de l'imprévisibilité était réalisée.

    L'expropriant fait valoir que la Commission fédérale ne pouvait
pas, sur la base des faits constatés et sans compléter l'instruction
de l'affaire, retenir que toutes les conditions de la vente avaient
été convenues entre les futurs cocontractants en 1960 déjà. A titre
subsidiaire, il soutient que seule la date de la signature de l'acte de
vente, voire celle de la réquisition d'inscription au registre foncier,
est déterminante sous l'angle de la condition de l'imprévisibilité.

    En décidant que l'on ne tient pas compte de la condition de
l'imprévisibilité quand le bien-fonds exposé au bruit a été acquis
avant le 1er janvier 1961, les effets de l'exploitation de l'aéroport
étant en revanche prévisibles pour celui qui a acquis son bien-fonds à
partir de cette date (cf. supra, consid. 2.1), le Tribunal fédéral a fixé
une règle générale, qui doit être appliquée dans toutes les procédures
d'expropriation des droits de voisinage en relation avec l'exploitation
des aéroports nationaux. La solution jurisprudentielle est rigoureuse:
cette règle ne doit en effet pas être adaptée de cas en cas, ni faire
l'objet de dérogations, en fonction des caractéristiques concrètes de la
localité voire de circonstances subjectives, telles les connaissances des
propriétaires fonciers concernés à propos de l'évolution des nuisances du
trafic aérien (ATF 121 II 317 consid. 6b/ bb p. 337; cf. également ATF 123
II 481 consid. 7b p. 491). Ce dernier élément a été pris en compte dans
la fixation de la règle, puisqu'il s'agissait de déterminer le moment à
partir duquel on pouvait, selon toute vraisemblance, attendre de chacun
en Suisse - en d'autres termes du "citoyen moyen", et non seulement du
spécialiste de l'aviation ou de la personne habitant dans le voisinage
d'un aéroport - qu'il connaisse l'importance des nuisances provoquées
par le trafic aérien (ATF 121 II 317 consid. 6a p. 333 et consid. 6b/bb
p. 337). A fortiori, le dommage était déjà prévisible avant le 1er janvier
1961 pour certaines catégories de personnes mais, d'après la jurisprudence,
cela ne devait pas influencer le droit à une indemnité d'expropriation.

    Dès lors, le moment décisif est soit celui de l'engagement formel,
selon les règles du droit civil, et définitif des parties au contrat de
vente de transférer la propriété de l'immeuble, soit éventuellement celui
du transfert de propriété. L'observation de la forme authentique est une
condition de validité du contrat (art. 657 CC et art. 216 al. 1 CO, en
relation avec l'art. 11 CO; cf. ATF 127 II 248 consid. 3c p. 254). Dans
le cas particulier, c'est ainsi en présence du notaire, le 6 avril
1961, que les cocontractants ont manifesté valablement leur volonté
de transférer la propriété de l'immeuble. L'acquisition est intervenue
ultérieurement, également après le 1er janvier 1961, lors de l'inscription
au registre foncier (cf. art. 656 al. 1 CC). La conclusion du contrat
et l'inscription étant toutes deux postérieures à la date déterminante,
il n'y a pas lieu d'examiner plus avant, en l'espèce, lequel de ces deux
actes doit en définitive être retenu pour l'application de la condition
de l'imprévisibilité. En revanche, les opérations préalables et les
pourparlers, sans promesse formelle de contracter au sens de l'art. 22 CO
(promesse également soumise à la forme authentique dans les cas de vente
immobilière, en vertu de l'art. 216 al. 2 CO), ne sont pas déterminants à
ce propos. La Commission fédérale ne pouvait donc pas considérer, sur la
base des diverses démarches accomplies en 1960, que le moment décisif pour
l'acquisition de l'immeuble litigieux était antérieur au 1er janvier 1961.
Sur ce point, les griefs de l'expropriant au sujet de la condition de
l'imprévisibilité sont fondés.

    Il apparaît donc que l'une des conditions (cumulatives) auxquelles
la jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité d'expropriation,
en raison des immissions de bruit de l'aéroport, n'est pas réalisée. Cela
n'entraîne cependant pas nécessairement l'admission du recours de droit
administratif de l'expropriant car il faut encore examiner si la décision
de la Commission fédérale peut être maintenue après une substitution de
motifs, concernant le fondement de l'indemnité.

Erwägung 3

    3.  Selon les expropriés, l'indemnité fixée par la décision attaquée
devrait leur être allouée en raison du survol régulier, au décollage,
des deux parcelles litigieuses. Ils invoquent donc un autre fondement
juridique pour cette indemnité (cf. supra, consid. 1.2). Cette question n'a
pas été examinée en détail par la Commission fédérale, qui a rejeté les
prétentions des expropriés à ce sujet parce que le dossier ne contenait
aucun élément permettant de retenir un survol des parcelles concernées à
une "altitude proche de celle des cas où le Tribunal fédéral [avait] admis
l'existence d'une atteinte directe" à l'espace aérien des biens-fonds.

    3.1  Dans quatre arrêts rendus à partir de 1996, le Tribunal fédéral a
reconnu à des propriétaires fonciers voisins de l'Aéroport International
de Genève le droit à une indemnité d'expropriation formelle en raison du
survol de leur bien-fonds à l'atterrissage (ATF 122 II 349; 129 II 72;
arrêt 1E.8/2000 du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B.;
arrêt E.22/1992 du 24 juin 1996 dans la cause Etat de Genève c. hoirie
S.-H.). Dans ce cadre jurisprudentiel, la notion de survol a été définie
de manière relativement précise (survol stricto sensu - ATF 129 II 72
consid. 2.3 p. 75).

    3.1.1  Il faut d'abord, selon cette jurisprudence, que le terrain
se trouve dans l'axe de la piste, plus précisément dans le "couloir
d'approche" ("Glide Path") correspondant au "plan d'alignement" des
avions à l'atterrissage (ou: "zone survolée à l'atterrissage"). Cet
espace est délimité - en plan, au niveau du sol - en fonction des
contraintes de l'exploitation de l'aéroport, les approches s'effectuant
selon les règles de vol aux instruments. Les avions se posant à Genève
doivent, dans la phase finale d'atterrissage (notamment au-dessus de
Vernier, en cas d'utilisation de la piste 05 orientée vers le nord-est),
suivre l'axe de la piste; d'après un rapport de l'Aéroport figurant au
dossier, l'écart latéral admissible est au maximum de 1.25° par rapport
à l'origine de l'axe (origine qui se trouve vers le seuil de piste ou la
"zone de touché des roues") mais les procédures fixées par les compagnies
aériennes prévoient généralement des écarts maxima plus faibles (+/- 0,5°
par rapport à l'origine de l'axe).

    3.1.2  Il faut ensuite que, dans cette phase d'approche, les avions
traversent l'espace aérien du bien-fonds survolé. Les avions en vol
se trouvent généralement au-delà de cette limite et une ingérence dans
l'espace aérien d'un fonds ne se produit que lorsque le passage s'effectue
à faible altitude. Le droit civil n'a pas fixé une fois pour toutes cette
altitude car, d'après l'art. 667 al. 1 CC, c'est l'intérêt que présente
l'exercice du droit de propriété - notamment l'intérêt à s'opposer
aux ingérences de tiers, en fonction de la situation de l'immeuble et
d'autres circonstances concrètes - qui définit dans chaque cas l'extension
verticale de la propriété foncière. La jurisprudence du Tribunal fédéral
en matière d'expropriation n'a pas davantage arrêté une hauteur limite,
mais a néanmoins considéré qu'à une altitude de vol de 600 m, l'espace
aérien des biens-fonds n'était plus touché (ATF 123 II 481 consid. 8
p. 495). Le droit à une indemnité a cependant été reconnu, dans les
environs de l'aéroport de Genève, dans des cas où l'altitude de survol à
l'atterrissage était inférieure ou égale à 125 m au-dessus du niveau du
sol (75 m, 108 m et 125 m, pour des biens-fonds situés respectivement à
environ 1 km, 1.5 km et 2.5 km de l'extrémité de la piste - cf. ATF 129
II 72 consid. 3 p. 80; 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355; arrêt 1E.8/2000
du 12 décembre 2002 dans la cause Etat de Genève c. B., consid. 5; arrêt
E.22/1992 du 24 juin 1996 dans la cause Etat de Genève c. hoirie S.-H.,
consid. 9c). L'altitude de survol est déterminée en fonction de la pente
de descente fixée pour l'approche de l'aéroport (angle de 3°, avec une
légère variation admise, jusqu'au seuil de piste).

    3.1.3  Il ressort des considérants précédents que le périmètre dans
lequel les propriétaires fonciers peuvent prétendre à une indemnité
d'expropriation en raison du survol stricto sensu à l'atterrissage est
défini selon des critères relativement précis. Il s'agit des terrains qui,
de part et d'autre de l'aéroport, se trouvent dans le plan d'alignement
(délimité en fonction des variations latérales admises par rapport à
l'axe de la piste) et qui sont suffisamment proches de l'aéroport de
telle sorte que, suivant la pente de descente imposée, le passage des
avions s'effectue déjà à l'intérieur de l'espace aérien des bien-fonds
et non pas au-delà (un passage à altitude supérieure n'étant en effet
plus une intrusion ou ingérence directe). Si des critères relativement
précis peuvent être appliqués à ce propos, c'est parce que le tracé dans
la phase finale d'atterrissage est bien déterminé, en vertu des règles
de vol aux instruments qui, en quelque sorte, placent chaque avion sur un
"rail" le dirigeant vers le tronçon de la piste où il doit se poser (zone
de touché des roues). La jurisprudence assimile le dédommagement pour le
survol stricto sensu à l'indemnité due pour la constitution forcée d'une
servitude, de passage ou de survol, par voie d'expropriation (ATF 129 II
72 consid. 2.8 p. 80). A cause des contraintes aéronautiques pour la phase
finale d'atterrissage, l'assiette de cette "servitude" peut être clairement
délimitée et elle représente une bande de terrain relativement étroite
(moins de 100 m de largeur à 1 km du seuil de piste, moins de 150 m de
largeur à 2 km du seuil de piste). Dans des conditions d'exploitation
normale, toutes les trajectoires de survol (vol aux instruments) se
situent à l'intérieur de cette bande.

    3.1.4  A propos du fondement de l'indemnité d'expropriation en cas
de survol stricto sensu à l'atterrissage, le Tribunal fédéral a rappelé
que, selon le régime du droit civil - qui serait en principe applicable
dans le voisinage d'un aérodrome privé -, un propriétaire foncier peut
toujours s'opposer à ce que son bien-fonds soit survolé à faible altitude
par des aéronefs. Si ce survol est nécessaire au regard de la situation ou
des conditions d'exploitation de l'aérodrome, il incombe au propriétaire
de cette installation d'acquérir préalablement le droit de passer dans
l'espace aérien du bien-fonds voisin (droit de survol). A défaut d'un tel
droit, l'usurpation que représente le survol peut être repoussée sur la
base de l'art. 641 al. 2 CC. Demeure éventuellement réservé le passage
nécessaire, que le voisin pourrait être tenu de céder au propriétaire de
l'aéroport "moyennant pleine indemnité", conformément aux conditions de
l'art. 694 al. 1 CC (ATF 129 II 72 consid. 2.3 p. 75 et les arrêts cités).

    Les moyens de défense du droit privé ne sont cependant plus disponibles
si les atteintes aux biens-fonds du voisinage - survol stricto sensu ou
immissions - proviennent de l'utilisation, conforme à sa destination,
d'un aéroport public pour la réalisation et l'exploitation duquel le droit
fédéral prévoit l'octroi au concessionnaire du droit d'expropriation. La
prétention au versement d'une indemnité d'expropriation se substitue aux
actions du droit privé mais les conditions de l'indemnisation ne sont
pas identiques lorsque le fonds concerné est uniquement exposé au bruit
- les immissions étant une conséquence indirecte que l'exercice de la
propriété sur un fonds peut avoir sur les fonds voisins -, d'une part,
ou lorsqu'il y a survol stricto sensu, soit une intrusion ou une ingérence
directe dans l'espace aérien d'une parcelle, d'autre part.

    3.1.5  Sur plusieurs points, le même régime juridique s'applique
à l'expropriation des droits de voisinage en raison des immissions de
bruit et en raison du survol (notamment à propos de la prescription
des prétentions - ATF 129 II 72 consid. 2.9 p. 80). Néanmoins, selon la
jurisprudence, la condition de l'imprévisibilité (cf. supra, consid. 2.1)
n'entre pas en considération en matière d'indemnisation pour le survol
stricto sensu. Il s'ensuit qu'une indemnité à ce titre peut être allouée
au propriétaire d'un bien-fonds situé dans l'axe de la piste, même si
ce bien-fonds a été acheté à une époque où il était déjà survolé par
les avions dans la phase d'approche. L'antériorité de l'exploitation
de l'aéroport peut toutefois être prise en compte lors de la fixation
de l'indemnité, pour des motifs d'équité (ATF 129 II 72 consid. 2.6-2.7
p. 78).

    Il est par ailleurs admissible d'allouer cette indemnité à l'ancien
propriétaire du bien-fonds survolé qui a été revendu en cours de
procédure, lorsque ce propriétaire maintient ses prétentions et que le
nouveau propriétaire n'intervient pas dans cette procédure (cf. supra,
consid. 2.2). L'indemnité pour survol ne peut cependant être allouée
qu'une seule fois et un nouveau propriétaire ne saurait, ensuite, demander
lui aussi une compensation de la moins-value subie par l'immeuble (ATF
129 II 72 consid. 2.8 p. 80).

    3.2  Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que le terrain
litigieux ne se trouve pas dans la zone survolée à l'atterrissage,
définie selon les critères précités. Les expropriés demandent cependant
une indemnité en raison du survol au décollage car les écarts latéraux,
par rapport à l'axe de la piste, sont alors nettement plus importants;
il arriverait donc régulièrement que des avions passent à la verticale
des parcelles n° 4101 et 4102.

    3.2.1  Dans la jurisprudence en matière d'expropriation, le Tribunal
fédéral n'a jamais traité de manière spécifique la question du survol,
au décollage, des terrains voisins de l'aéroport. Or la situation est
différente de celle du survol à l'atterrissage. L'axe de la piste doit
certes également être suivi, en principe, mais des écarts latéraux beaucoup
plus importants sont admissibles. L'angle de la trajectoire, par rapport
au sol, est en outre nettement supérieur à 3°. Par ailleurs, le point de
départ de cette trajectoire est situé normalement au milieu de la piste,
dont la longueur totale est de 3.9 km; dans des circonstances ordinaires,
au moment de quitter le périmètre de l'aéroport, les avions ont donc
déjà parcouru en vol une distance de l'ordre de 2 km et ont déjà pris
de l'altitude. Les pilotes s'en tiennent au cap fixé et aux règles de
décollage prescrites par l'aéroport mais, pour la sécurité du vol, les
variations n'ont pas de véritables conséquences. En outre, la pente et
la direction du vol au décollage peuvent être influencées par différents
facteurs physiques ou climatiques (régime des vents, température, etc.),
qu'il n'y a pas lieu d'analyser plus précisément ici. En résumé, les
trajectoires - en plan (dispersion horizontale) et en altitude (dispersion
verticale) - des avions au décollage sont sensiblement différentes de
celles suivies dans la phase finale d'atterrissage (où le système de
vol aux instruments place quasiment les avions sur un rail - cf. supra,
consid. 3.1.3).

    3.2.2  Les données statistiques produites par l'expropriant dans
la présente procédure montrent clairement l'importance de la dispersion
horizontale et de la dispersion verticale au décollage. Il ressort de ces
documents que la majorité des trajectoires des grands avions sont proches
de l'axe de la piste (c'est-à-dire, à Vernier, à moins de 100 m de part
et d'autre dudit axe) mais que les deux parcelles litigieuses sont aussi
survolées occasionnellement car elles se trouvent dans la zone des écarts
latéraux usuels. L'altitude de ces survols occasionnels par des grands
avions (quelques pourcents du total des vols) est généralement, selon ces
statistiques, supérieure à 400 m au dessus du niveau du sol. Il est évident
qu'à cette altitude, on ne saurait retenir une ingérence dans l'espace
aérien des biens-fonds. Il n'est cependant pas exclu que certains passages
s'effectuent à une altitude inférieure, éventuellement à 220 ou 250 m. Il
ressort néanmoins des documents précités que les avions à réaction ou à
turbopropulseurs du trafic commercial ou de lignes passent généralement
à une altitude nettement supérieure à celle des petits aéronefs, dont
les trajectoires sont plus dispersées mais dont les nuisances sont sans
comparaison avec celles des grands avions.

    3.2.3  Dans la jurisprudence en matière civile relative à l'exigence de
la constitution d'un "droit de survol" en cas d'ingérence dans l'espace
aérien d'un fonds (cf. supra, consid. 3.1.4), le Tribunal fédéral
ne fait pas la distinction entre le survol des terrains voisins d'un
aérodrome privé à l'atterrissage et au décollage. Les contestations qui
lui ont été soumises se rapportaient toutefois à des terrains attenants
à ces aérodromes, survolés à basse altitude par de petits avions tant
à l'atterrissage qu'au décollage (cf. ATF 95 II 397 consid. 4a p. 404,
survol à "une altitude si basse que les hommes et les choses soient mis
en danger"; ATF 103 II 96 consid. 3 p. 100, à propos de l'obstacle que
pouvait constituer un bâtiment de 12.45 m de haut, vu la proximité de la
piste; ATF 104 II 86, survol à une altitude de 50 m).

    Dans la présente affaire concernant l'octroi d'une indemnité
d'expropriation, il se justifie de traiter différemment le survol à
l'atterrissage, d'une part, et le survol au décollage, d'autre part. A
l'emplacement litigieux, malgré la production par l'expropriant de
données statistiques fondées sur des relevés de trajectoires durant
plusieurs semaines, l'instruction n'a pas permis d'établir l'existence
ni la fréquence de cas de survol stricto sensu au décollage, c'est-à-dire
d'ingérences dans l'espace aérien des parcelles. En raison de la dispersion
horizontale, le passage des avions à la verticale de ces biens-fonds est
aléatoire et il se produit en définitive rarement. Contrairement à la
situation dans la phase finale d'atterrissage, l'espace survolé ne peut
pas être comparé à l'assiette d'une servitude de passage bien délimitée, où
sont concentrés tous les mouvements d'avion (cf. supra, consid. 3.1.3). Le
cas échéant, l'altitude de survol usuelle (au moins 400 m, par rapport
au niveau du sol) est à l'évidence nettement supérieure à la limite de
l'espace aérien des biens-fonds - limite qu'il n'y a pas non plus lieu,
dans cet arrêt, de définir plus exactement (cf. supra, consid. 3.1.2).

    Dans ces conditions, le survol stricto sensu au décollage, s'il se
produit effectivement, est une atteinte trop occasionnelle pour fonder,
en tant que tel, un droit à une indemnité d'expropriation. Ce risque,
dû à la proximité de l'aéroport, est un inconvénient que l'on ne
peut pas distinguer, de ce point de vue, de l'ensemble des immissions
provoquées par le trafic aérien (cf. art. 684 CC), qui peuvent justifier
une indemnisation des voisins aux conditions prévues par la jurisprudence
rendue en application de l'art. 5 LEx (spécialité, imprévisibilité, gravité
- cf. supra, 2.1). Comme cela a déjà été exposé, une telle indemnisation
est en l'espèce exclue, la condition de l'imprévisibilité n'étant pas
satisfaite (supra, consid. 2.3). Les expropriés ne sont donc pas fondés
à prétendre à une indemnité en raison du survol. Sur ce point, la décision
de la Commission fédérale n'est pas critiquable dans son résultat, en tant
qu'elle refuse d'entrer en matière sur les prétentions des expropriés à
ce sujet.