Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 121



131 II 121

9. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Département fédéral de justice et police contre A. et Tribunal
administratif de la République et canton de Genève (recours de droit
administratif)

    1A.207/2004 du 13 décembre 2004

Regeste

    Hilfe an Opfer von Straftaten, Anwaltskosten; Art. 3 Abs. 4,
Art. 11 ff. OHG.

    Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde eines Departementes
gegen einen kantonalen Entscheid (E. 1).

    Unterscheidung zwischen Entschädigungen im Sinne von Art. 11 ff. OHG
und der Übernahme von Kosten durch die Beratungsstellen gemäss Art. 3
Abs. 4 OHG (E. 2.1-2.3). Die Kosten für einen Anwalt, der im Strafverfahren
für das Opfer ohne Gewährung der unentgeltlichen Rechtspflege handelt,
können gestützt auf Art. 3 Abs. 4 OHG übernommen werden; subsidiär können
sie als Schadensposten im Rahmen von Art. 11 ff. OHG entschädigt werden
(E. 2.4). In diesem Fall kann die Entschädigung auf den Betrag beschränkt
werden, welcher in Anwendung des Tarifs für die unentgeltliche Rechtspflege
zugesprochen worden wäre (E. 2.5).

Sachverhalt

    Par un arrêt rendu le 16 février 2000, la Cour correctionnelle avec
jury de la République et canton de Genève a condamné deux individus à
la peine de trois ans d'emprisonnement chacun, pour avoir participé à
une agression (art. 134 CP) au cours de laquelle un homme avait trouvé
la mort. Ces deux individus ont en outre été condamnés solidairement à
verser à la partie civile A., veuve de la victime décédée, une indemnité
de 30'000 fr. à titre de réparation du tort moral. Pour le surplus, la
Cour correctionnelle a réservé les droits de A. ainsi que ceux de ses
deux enfants, qu'elle représentait dans la procédure pénale. Des dépens,
par 3'000 fr., ont été alloués à la partie civile, à la charge des deux
condamnés, indemnité valant participation aux honoraires d'avocat. A. était
assistée durant la procédure pénale par son conseil de choix, l'avocat X.

    Le 30 mars 2001, A. et ses deux filles ont adressé à l'Instance
d'indemnisation prévue par la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions (autorité cantonale, instituée par un règlement du Conseil
d'Etat du 11 août 1993, chargée d'appliquer les art. 11 à 17 de la loi
fédérale précitée [LAVI; RS 312.5]; ci-après: l'instance LAVI), une requête
tendant à l'octroi d'une indemnité à divers titres (réparation du dommage
matériel, perte de soutien, frais funéraires, réparation morale, frais
d'avocat). S'agissant du "dommage matériel en relation avec les honoraires,
frais et dépens", A. et ses enfants concluaient au paiement par l'Etat
de Genève de la somme de 29'875 fr., correspondant au montant de la note
d'honoraires du 29 mars 2001 établie par Me X. en tant que conseil de la
partie civile de l'ouverture de la procédure pénale jusqu'au jugement de
la Cour correctionnelle (26'875 fr.), montant auquel étaient ajoutés les
dépens alloués par ce tribunal (3'000 fr.). L'instance LAVI a statué sur
la demande d'indemnisation pour les frais d'avocat dans une ordonnance
du 11 mars 2004. Un montant de 11'990 fr. a été alloué à ce titre, comme
"poste du dommage résultant de l'infraction" (art. 11 ss LAVI). L'instance
LAVI a appliqué le tarif de l'assistance juridique (200 fr./heure pour un
chef d'étude, 65 fr./heure pour un stagiaire), tout en retenant le nombre
d'heures de travail annoncé par l'avocat (58 heures pour le chef d'étude,
6 heures pour le stagiaire). A. a recouru contre cette ordonnance auprès
du Tribunal administratif de la République et canton de Genève; selon
elle, les honoraires facturés auraient dû intégralement être pris en
considération. Le Tribunal administratif a admis le recours par un arrêt
rendu le 5 août 2004. Il a annulé l'ordonnance du 11 mars 2004 "en ce
qu'elle a réduit la note d'honoraires du 29 mars 2001 à 11'990 fr." puis a
dit que A. avait "droit au montant total de la note d'honoraires d'avocat
du 29 mars 2001". Selon cet arrêt, il n'était pas contesté que A. avait
besoin d'être assistée par un avocat, dans la procédure pénale, pour
la défense de ses droits ainsi que ceux de ses filles. Il a aussi été
constaté que l'activité déployée par l'avocat (modalités d'intervention,
nombre d'heures) n'avait pas été discutée par l'instance LAVI. Comme
A. avait en principe droit, en raison de sa situation financière, à la
prise en charge intégrale du dommage subi (voir les critères de l'art. 3
de l'ordonnance sur l'aide aux victimes d'infractions [OAVI; RS 312.51]),
l'indemnisation devait correspondre au montant de la note d'honoraires.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Département
fédéral de justice et police a demandé au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt du Tribunal administratif et de renvoyer l'affaire à cette
juridiction pour nouvelle décision. Il s'est plaint d'une violation du
droit fédéral en faisant principalement valoir que les art. 11 ss LAVI ne
permettraient pas d'obtenir le remboursement des frais d'avocat en tant que
poste du dommage indemnisé sur cette base. Si la victime d'une infraction
a besoin de l'assistance d'un avocat, cette prestation peut en revanche
être prise en charge par un centre de consultation, en application de
l'art. 3 al. 4 LAVI, cela pour autant que la situation personnelle de la
victime le justifie. Ces prestations d'aide immédiate ou à plus long terme
devraient, selon le département fédéral, être clairement distinguées de
l'indemnisation selon les art. 11 ss LAVI. A titre subsidiaire, l'autorité
recourante soutient que si les frais d'avocat sont considérés comme un
poste du dommage, l'indemnisation selon les art. 11 ss LAVI ne devrait
pas permettre d'allouer à la victime un montant supérieur à celui qui
aurait été pris en charge en vertu de l'art. 3 al. 4 LAVI, en d'autres
termes au montant prévu par le tarif cantonal de l'assistance judiciaire.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif,
annulé l'arrêt attaqué et renvoyé l'affaire au Tribunal administratif
pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  La décision attaquée, prise en dernière instance cantonale,
est fondée sur le droit public fédéral, en l'occurrence sur les
art. 11 ss LAVI qui fixent les conditions d'indemnisation des victimes
d'infractions. Elle arrête de façon définitive, au niveau cantonal, le
montant de l'indemnisation pour les frais d'avocat. Elle peut donc faire
l'objet d'un recours de droit administratif (art. 97 al. 1 OJ en relation
avec l'art. 5 PA, art. 98 let. g OJ; cf. ATF 126 II 237 consid. 1a p. 239;
125 II 169 consid. 1 p. 171; 123 II 548 consid. 1b p. 550).

    Le Département fédéral de justice et police, qui est le département
compétent en cette matière, a qualité pour recourir contre une décision
prise en dernière instance cantonale, conformément à l'art. 103 let. b OJ.
L'exercice de ce droit de recours n'est pas subordonné à l'existence
d'un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée
(cf. art. 103 let. a OJ, pour le recours des particuliers) ni d'un
autre intérêt public spécifique (cf. ATF 129 II 11 consid. 1.1 p. 13;
128 II 193 consid. 1 p. 195; 123 II 425 consid. 2 p. 427). Les autres
conditions de recevabilité énoncés aux art. 97 ss OJ sont manifestement
satisfaites. Il y a lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.  Le département recourant conteste principalement que les frais
d'avocat puissent être remboursés au titre de l'indemnisation selon les
art. 11 ss LAVI car cette loi fédérale prévoit déjà la prise en charge de
ces frais à un autre titre (art. 3 al. 4 LAVI). A titre subsidiaire, il
fait valoir qu'une indemnisation pour ce poste du dommage ne devrait pas
permettre d'allouer à la victime un montant supérieur à celui qui serait
octroyé en cas d'application du régime de l'assistance judiciaire gratuite.

    2.1  Aux termes de l'art. 11 al. 1 LAVI - premier article de la
quatrième section de la loi, intitulée "indemnisation et réparation
morale" -, toute victime d'une infraction commise en Suisse peut demander
une indemnisation ou une réparation morale dans le canton dans lequel
l'infraction a été commise. La qualité de victime de l'intimée, agissant
pour elle-même et pour ses filles, n'est pas mise en doute (cf. art. 2
LAVI). L'art. 12 al. 1 LAVI fixe des conditions d'octroi de l'indemnité,
en fonction des revenus de la victime; la réalisation de ces conditions
n'est en l'espèce pas contestée. La première question soulevée par le
recours est celle de savoir si les frais d'avocat encourus par la victime
peuvent constituer un poste du dommage à indemniser dans ce cadre.

    L'art. 13 al. 1 LAVI dispose que l'indemnité (au sens de l'art. 11
LAVI) est fixée en fonction du montant du dommage et des revenus de la
victime. Si les revenus ne dépassent pas le montant supérieur destiné
à la couverture des besoins vitaux fixé dans la loi fédérale sur les
prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité (LPC; RS 831.30), l'indemnité couvrira intégralement le
dommage; s'ils sont supérieurs à ce montant, le montant de l'indemnité
est réduit. L'art. 13 al. 2 LAVI prescrit encore une réduction en cas
de comportement fautif de la victime et l'art. 13 al. 3 LAVI prévoit un
plafonnement des indemnités. Le principe de la couverture intégrale du
dommage était énoncé dans le message du Conseil fédéral concernant le
projet de LAVI (FF 1990 II 924; cf. ATF 123 II 425 consid. 4b/bb p. 431).

    La notion juridique de dommage, dans cette loi, correspond en
principe à celle du droit de la responsabilité civile (ATF 129 II 49
consid. 4.3.2 p. 53). Dans ce cadre-là, peuvent constituer un élément ou
un poste du dommage les frais engagés par la victime pour la consultation
d'un avocat, lorsque celle-ci était nécessaire et adéquate pour défendre
la cause en justice - en particulier quand la victime agit en tant que
partie civile dans la procédure pénale, contre l'auteur de l'infraction -,
pour autant toutefois que ces frais n'aient pas été inclus dans les dépens
(cf. notamment ATF 117 II 101 consid. 2 et 5 p. 104 et 106, 394 consid. 3a
p. 395 et les arrêts cités; arrêt 4C.51/2000 du 7 août 2000 in SJ 2001 I
153; ROLAND BREHM, Berner Kommentar, vol. VI/1-3/1, Berne 1998, n. 88 ss ad
art. 41 CO; KARL OFTINGER/EMIL W. STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht,
vol. I, 5e éd., Zurich 1995, p. 79/80; PETER GAUCH, Der Deliktanspruch
des Geschädigten auf Ersatz seiner Anwaltkosten, recht 12/1994 p. 189 ss,
197; HUGO CASANOVA, Die Haftung der Parteien für Prozessuales Verhalten,
thèse Fribourg 1982, p. 80).

    2.2  Cela étant, le législateur fédéral n'a pas choisi de reprendre
en tous points, dans le système des art. 11 ss LAVI, le régime du droit de
la responsabilité civile. Cette procédure d'indemnisation distincte fondée
sur le droit public et financée par le budget de l'Etat est subsidiaire par
rapport aux autres possibilités d'obtenir réparation que la victime possède
déjà (ATF 123 II 425 consid. 4b/bb p. 430). Des solutions spécifiques
sont donc possibles. La loi elle-même a fixé des conditions d'octroi en
fonction du revenu (art. 12 al. 1 LAVI), l'indemnisation pouvant être
réduite au-delà d'un certain niveau de ressources équivalant au minimum
vital (art. 13 al. 1 LAVI; cf. Message du Conseil fédéral concernant le
projet de LAVI, FF 1990 II 924). Il est aussi prévu un montant maximum
pour les indemnités (100'000 fr., selon l'art. 4 al. 1 OAVI, adopté en
application de l'art. 13 al. 3 LAVI). Au regard des particularités de ce
système d'indemnisation, le Tribunal fédéral a relevé que le législateur
n'avait en somme pas voulu assurer à la victime une réparation pleine,
entière et inconditionnelle du dommage qu'elle a subi (ATF 129 II 312
consid. 2.3 p. 315; 125 II 169 consid. 2b/aa p. 173/174).

    Il y a donc lieu d'examiner si, compte tenu de ces caractéristiques
du système légal, le poste du dommage constitué par les frais d'avocat
de la partie civile peut être indemnisé au titre des art. 11 ss LAVI et,
le cas échéant, si une solution spécifique doit s'appliquer au calcul de
cet élément du dommage. Pour résoudre la première question, il faut d'abord
analyser la portée de l'art. 3 LAVI en matière d'assistance judiciaire.

    2.3  Dans des dispositions précédant celles consacrées à la procédure
d'indemnisation et de réparation morale (art. 11 ss LAVI), la loi fédérale
prévoit que des conseils (titre de la section 2, en allemand: Beratung)
puissent être donnés aux victimes, dans des centres de consultation
(Beratungsstellen) institués par les cantons en application de l'art. 3
LAVI. Aux termes de l'art. 3 al. 2 let. a LAVI, ces centres sont chargés
en particulier de fournir à la victime, eux-mêmes ou en faisant appel à des
tiers, une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique.
Certaines prestations sont fournies directement par les centres de
consultation, à titre d'aide immédiate, et sont gratuites (art. 3 al. 4,
1re phrase LAVI). En vertu de l'art. 3 al. 4, 2e phrase LAVI, d'autres
frais sont pris en charge par ces centres, comme les frais médicaux, les
frais d'avocat et les frais de procédure, dans la mesure où la situation
personnelle de la victime le justifie (aide à plus long terme).

    Indépendamment de la LAVI, lorsque la victime entend intervenir
comme partie civile dans la procédure pénale ouverte contre l'auteur
de l'infraction, elle peut demander l'assistance judiciaire gratuite -
en particulier la désignation d'un avocat d'office - en se prévalant
de la réglementation du droit cantonal de procédure à ce sujet, voire
directement des garanties minimales de l'art. 29 al. 3 Cst. D'après la
jurisprudence du Tribunal fédéral, ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'on
applique l'art. 3 al. 4 LAVI, s'agissant de la désignation d'un avocat
et de la prise en charge des frais de défense. Lorsque l'assistance
judiciaire est octroyée à la victime, une intervention étatique fondée
sur l'art. 3 al. 4 LAVI ne se justifie plus. En revanche, lorsque la
victime n'obtient pas l'assistance judiciaire gratuite - y compris la
désignation d'un avocat d'office - selon le droit cantonal, il appartient
au centre de consultation d'examiner si sa situation personnelle justifie
le remboursement des frais d'avocat (ATF 123 II 548 consid. 2a p. 551;
122 II 315 consid. 4c/bb p. 324; 121 II 209 consid. 3b p. 212). La prise
en charge de ces frais sur la base de l'art. 3 al. 4 LAVI, qui requiert
une appréciation de la "situation personnelle de la victime", n'est pas
nécessairement soumise à des conditions aussi restrictives que l'octroi
de l'assistance judiciaire gratuite, notamment quant au caractère décisif
des ressources de l'intéressé (cf. ATF 122 II 315 consid. 4c/bb p. 324; EVA
WEISHAUPT, Finanzielle Ansprüche nach Opferhilfegesetz, RSJ 98/2002 p. 352;
PIERMARCO ZEN-RUFFINEN, Article 4 Cst. féd.: Le point sur l'évolution de
la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire,
in De la Constitution, Etudes en l'honneur de Jean-François Aubert,
Bâle 1996, p. 701).

    2.4  Il ressort du dossier que l'intimée a demandé en vain l'assistance
judiciaire gratuite sur la base du droit cantonal (cf. art. 143A de la
loi cantonale sur l'organisation judiciaire). Elle n'allègue pas avoir
requis ensuite directement du centre de consultation, avant l'issue de
la procédure pénale, la prise en charge de ses frais d'avocat. Elle a en
revanche, après le jugement pénal, demandé le remboursement de ces frais
au titre de l'indemnisation du dommage selon les art. 11 ss LAVI.

    2.4.1  Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif se réfère,
à propos de ces questions, à un arrêt non publié du Tribunal fédéral,
l'arrêt 1A.169/2001 du 7 février 2002. Dans un arrêt antérieur, le Tribunal
fédéral avait considéré que les frais visés par l'art. 3 al. 4, 2e phrase
LAVI - frais médicaux, frais d'avocat, frais de procédure - pouvaient
également constituer un poste du dommage couvert par l'indemnité de
l'art. 12 LAVI, si les conditions d'octroi prévues par cette disposition
étaient réalisées (ATF 126 II 228 consid. 2c/bb p. 234). Auparavant,
s'agissant de frais d'assistance, il avait aussi jugé que leur prise en
charge pouvait être considérée soit comme une aide au sens de l'art. 3
LAVI, soit comme une indemnité au sens des art. 11 ss LAVI (ATF 125 II
230 consid. 2d p. 234). Pour les frais d'avocat qui n'ont pas déjà été
pris en charge ou remboursés, l'arrêt 1A.169/2001 ne remet pas en cause
ces principes et admet donc qu'ils puissent être couverts au titre des
art. 11 ss LAVI (cf. notamment consid. 2.3 et 3 dudit arrêt). Certes,
après un refus de l'assistance judiciaire, la victime diligente devrait
en principe s'adresser immédiatement au centre de consultation, afin
que la question de l'application de l'art. 3 al. 4 LAVI soit résolue
d'emblée. On ne saurait toutefois déduire de l'absence d'une telle
démarche la péremption du droit au remboursement des frais d'avocat dans
le cadre des art. 11 ss LAVI; tout au plus la victime prend-elle alors
le risque d'engager des frais dont elle n'obtiendra pas nécessairement
le remboursement (cf. arrêt 1A.169/2001, consid. 2.3).

    2.4.2  La solution selon laquelle les frais d'avocat peuvent constituer
un poste du dommage indemnisé sur la base des art. 11 ss LAVI n'est pas
discutée en doctrine. Un auteur, résumant la jurisprudence au sujet de
l'indemnisation, se borne à signaler que cette solution a été retenue
dans l'arrêt 1A.169/2001 du 7 février 2002 (CÉDRIC MIZEL, La qualité
de victime LAVI et la mesure actuelle des droits qui en découlent, JdT
2003 IV p. 76). Un autre auteur admet qu'une provision soit accordée à
la victime pour la couverture de ses frais d'avocat, en application de
l'art. 15 LAVI qui fait partie des dispositions de la section 4 de la loi
sur l'indemnisation et la réparation morale; cela va donc dans le sens de
la solution ci-dessus (PETER GOMM, Einzelfragen bei der Ausrichtung von
Entschädigung und Genugtuung nach dem Opferhilfegesetz, in Solothurner
Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1998, p. 677).

    2.4.3  Dans son recours de droit administratif, le département fédéral
formule certaines objections à l'encontre de cette solution. Il remarque
que si les frais d'avocat sont indemnisés au titre des art. 11 ss LAVI,
ils sont payés par le canton du lieu de commission de l'infraction (art. 11
al. 1 LAVI), tandis que dans le cadre de l'art. 3 al. 4 LAVI, ils sont
pris en charge par le centre de consultation choisi par la victime (art. 3
al. 5 LAVI), éventuellement dans un autre canton. Cet élément n'est pas
pertinent pour limiter, le cas échéant, les prestations auxquelles peut
prétendre la victime. Quoi qu'il en soit, comme cela a déjà été relevé
(cf. supra, consid. 2.4.1), la victime qui ne s'adresse pas d'emblée au
centre de consultation mais attend la procédure d'indemnisation pour
demander le remboursement de frais d'avocat qu'elle a déjà engagés,
prend un risque financier; elle a donc en règle générale un intérêt à
solliciter leur prise en charge immédiate au titre de l'art. 3 al. 4 LAVI.

    Le département fédéral relève encore que, compte tenu du plafond de
100'000 fr. (art. 4 al. 1 OAVI - cf. supra, consid. 2.2), une partie non
négligeable de l'indemnité risquerait d'être absorbée par la couverture
des frais d'avocat, au détriment des autres besoins essentiels de la
victime (perte de gain, perte de soutien). Or, comme cela sera exposé
plus bas (consid. 2.5), l'indemnisation des frais d'avocat au titre des
art. 11 ss LAVI est limitée et elle ne correspond en principe pas au
montant des honoraires facturés selon le tarif ordinaire. Par ailleurs,
c'est bien parce que le risque évoqué par le département fédéral existe
que la victime est censée requérir de manière prioritaire la prise en
charge préalable de ses frais d'avocat par un centre de consultation,
dans le cadre de l'art. 3 al. 4 LAVI. Le système légal permet donc de
parer aux conséquences indésirables mentionnées dans le recours.

    2.4.4  En définitive, la victime doit être admise à faire valoir,
dans le cadre des art. 11 ss LAVI, des prétentions pour les différents
postes du dommage qui entreraient en considération selon l'art. 41 CO, en
particulier pour les frais d'avocat lorsque l'intervention du mandataire
était nécessaire et adéquate. Le système donne il est vrai la primauté à
l'assistance judiciaire gratuite, selon le droit cantonal, par rapport à
la prise en charge des frais selon l'art. 3 al. 4 LAVI. Cette prestation
a elle-même un caractère prioritaire par rapport à l'indemnisation selon
les art. 11 ss LAVI. Or l'éventualité de rembourser les frais d'avocat
comme poste du dommage à indemniser, en l'absence d'une prise en charge
à un autre titre, ne modifie en rien ces régimes de priorités et ne porte
pas atteinte à la cohérence du système.

    Il s'ensuit que le Tribunal administratif n'a pas violé le droit
fédéral en admettant le principe de l'octroi, par l'instance LAVI, d'une
indemnisation pour les frais d'avocat de la victime intervenant comme
partie civile dans la procédure pénale contre l'auteur de l'infraction.

    2.5  Le département fédéral fait alors valoir que l'indemnisation
des frais d'avocat au titre des art. 11 ss LAVI ne devrait pas permettre
d'allouer à la victime un montant supérieur à celui résultant d'une
application du régime de l'assistance judiciaire gratuite.

    2.5.1  Cette solution était celle adoptée par l'instance LAVI dans
le cas particulier, qui avait décidé de rembourser les frais d'avocat au
tarif cantonal de l'assistance judiciaire. Or le Tribunal administratif
a annulé l'ordonnance de cette autorité au motif que pareille solution
serait contraire à la jurisprudence, ou plutôt parce que l'instance LAVI
aurait fait sur ce point une "lecture erronée" de l'arrêt du Tribunal
fédéral 1A.169/2001 du 7 février 2002, déjà cité. La note d'honoraires
(calculés au tarif ordinaire) de l'avocat mandaté par la victime ne
devrait pas être "réduite au tarif de l'assistance juridique".

    Si, dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a relevé que l'indemnisation
de la victime sur la base de l'art. 11 al. 1 LAVI couvrait en principe
"l'intégralité du dommage" résultant de l'infraction (consid. 2.3 de
l'arrêt 1A.169/2001), et que la note d'honoraires "représentait a priori
le montant du dommage à prendre intégralement en considération dans le
calcul de l'indemnité, selon l'art. 13 al. 1 LAVI" (consid. 3.1), il a
également fait les considérations suivantes à propos des frais d'avocat:
d'une part, il ne serait guère conforme au système de la loi d'accorder à
la victime le paiement de ses frais d'avocat sur la base de l'art. 12 LAVI,
alors que cela ne serait pas justifié par sa "situation personnelle" au
sens de l'art. 3 al. 4 LAVI (consid. 2.3); d'autre part, l'indemnisation
des frais d'avocat ne devrait en tout cas pas permettre d'obtenir plus
que ce qui aurait été alloué à la victime en vertu de l'art. 3 al. 4
LAVI, ce qui implique que l'on prenne en compte les besoins de celle-ci
(consid. 3.2). Contrairement à l'interprétation du Tribunal administratif,
ces considérants n'excluent pas, en réalité, l'application d'une solution
spécifique.

    2.5.2  S'agissant de l'assistance d'un avocat, les prestations prises
en charge par un centre de consultation en application de l'art. 3
al. 4 LAVI correspondent à celles qui seraient assurées dans le cadre
de l'assistance judiciaire gratuite selon le régime du droit cantonal
ou les garanties minimales de l'art. 29 al. 3 Cst. En d'autres termes,
la victime ne peut pas prétendre à des prestations plus étendues (ATF 121
II 209 consid. 3b p. 212; cf. WEISHAUPT, op. cit., p. 352). On peut en
déduire que l'avocat intervenant dans ce cadre sera généralement rémunéré
au tarif de l'assistance judiciaire gratuite; à tout le moins, une telle
solution ne serait pas contraire au droit fédéral.

    Comme cela a déjà été relevé (supra, consid. 2.3), la prise en charge
des frais d'avocat au titre de l'art. 3 al. 4 LAVI est subsidiaire à
l'octroi de l'assistance judiciaire selon le droit cantonal (gratuité de la
procédure, désignation d'un défenseur d'office) et le remboursement de ces
frais au titre de l'indemnisation selon les art. 11 ss LAVI a un caractère
encore plus subsidiaire. Il se justifie donc d'adopter, dans ce cadre,
une solution spécifique. La cohérence du système veut que la victime -
ou son mandataire - n'obtienne pas, par le biais de l'indemnisation a
posteriori, un dédommagement plus important que si les solutions prévues
à titre prioritaire avaient été choisies. C'est bien ce que le Tribunal
fédéral a en définitive considéré dans l'arrêt 1A.169/2001 du 7 février
2002 car c'est le résultat auquel il est alors parvenu en confirmant
une décision de la juridiction cantonale ayant appliqué les règles sur
la rémunération du défenseur d'office. L'indemnisation pour le poste
du dommage "frais d'avocat" peut en effet être limitée, sans violation
des art. 11 ss LAVI, au montant qui aurait été alloué en application du
tarif de l'assistance judiciaire. Cette solution, spécifique au régime
de la LAVI et s'écartant donc dans une certaine mesure des règles du
droit de la responsabilité civile, tient compte de la nature du système
d'indemnisation de cette loi fédérale (cf. supra, consid. 2.2).

    2.6  Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a fait
une interprétation erronée des art. 11 ss LAVI en considérant que ces
dispositions imposaient le remboursement intégral de la note d'honoraires
présentée par l'avocat de la victime. Le grief de violation du droit
fédéral (art. 104 let. a OJ) est donc fondé.

Erwägung 3

    3.  Le recours de droit administratif doit en conséquence être admis
et l'arrêt attaqué doit être annulé, l'affaire devant être renvoyée au
Tribunal administratif pour nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ). Il
appartiendra à cette juridiction cantonale de statuer à nouveau sur
l'ensemble des prétentions de la victime en relation avec ses frais
d'avocat, compte tenu des principes exposés ci-dessus.

    Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire, la procédure
de recours de droit administratif étant gratuite dans ce domaine (ATF 122
II 211 consid. 4b p. 219). Ni l'intimée, qui succombe, ni les collectivités
publiques parties à la procédure n'ont droit à des dépens (art. 159 OJ).