Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 61



131 III 61

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Municipalité
de A. et Bourgeoisie de A. contre M. et consorts (recours en réforme)

    5C.88/2004 du 26 octobre 2004

Regeste

    Art. 27 Abs. 1 des Bundesgesetzes über explosionsgefährliche Stoffe.

    Begriff des Inhabers im Sinne von Art. 27 Abs. 1 SprstG (E. 2).

    Art. 60 Abs. 1 OR; Verjährung, Kenntnis des Ersatzpflichtigen.

    Der Begriff der Kenntnis hängt an sich nicht vom Vorhandensein eines
Beweismittels ab. Aber unter gewissen aussergewöhnlichen Umständen, wenn
der natürliche Kausalzusammenhang zwischen dem schädigenden Ereignis und
dem Schaden nur durch ein wissenschaftliches Gutachten feststellbar ist,
hat der Geschädigte erst mit Empfang dieses Gutachtens sichere Kenntnis
von der verantwortlichen Person (E. 3).

Sachverhalt

    Par convention du 20 novembre 1995, la Bourgeoisie de A. et la
Municipalité de A. (ci-après: les défenderesses) ont convenu d'exploiter en
commun la carrière de "X.", feuillet n. 901 du ban de A. Cette convention
prévoyait que l'exploitation de la carrière serait confiée par contrat à
un bureau d'ingénieurs, les défenderesses restant toutefois maîtres de
l'ouvrage. Le bureau d'ingénieurs mettrait en soumission l'extraction
et la mise en valeur de la pierre. La convention prévoyait en outre que
le financement des installations ainsi que les charges d'exploitation
seraient à la charge des défenderesses, à part égale, et que les
revenus ou pertes seraient répartis entre elles selon la même clé de
répartition. Enfin, la vente des produits de la carrière relèverait
exclusivement des défenderesses.

    Le 9 avril 1996, les défenderesses ont conclu un contrat avec
l'entreprise B., portant notamment sur l'exploitation de la carrière.

    L'entreprise B. a dressé un cahier des charges pour l'exploitation
de la carrière, sur la base duquel un appel d'offres a été lancé. Les
travaux de génie civil concernant l'exploitation de la carrière ont été
attribués à l'entreprise C. par contrat conclu le 23 avril 1996 entre
cette dernière et les défenderesses, en qualité de maîtres d'ouvrage,
représentées par l'entreprise B. Il ressort des annexes de ce contrat que,
n'étant pas spécialisée en matière de minage, l'entreprise C. confierait
cette tâche à l'entreprise D.

    Entre le 21 mars 1996 et le 7 juillet 1998, l'entreprise D. a procédé
à 75 tirs de mines dans la carrière. Ces tirs ont été ressentis par les
habitants du village de Y., en particulier par quatre familles (ci-après:
les demandeurs), dont les habitations étaient situées à environ 500 mètres
au nord de la carrière.

    A la demande de l'entreprise D., l'entreprise E. a mesuré la vitesse
d'ébranlement de diverses maisons (dont celles des demandeurs) sises à
Z. et Y. entre le 30 mai 1996 et le 4 novembre 1997. Cette entreprise est
arrivée à la conclusion que l'on pouvait exclure tout risque de danger
pour les habitations contrôlées, compte tenu des vitesses et fréquences
enregistrées et sur la base de la norme SN 640 312a.

    L'entreprise F. a également mesuré, le 1er septembre 1997, les
vibrations engendrées par les travaux de minage et a constaté que
celles-ci ne dépassaient pas les valeurs maximales admissibles selon la
norme précitée.

    Par différents courriers adressés soit à la commune, soit à
l'entreprise B. entre décembre 1996 et août 1997, ainsi que par différentes
interpellations, les demandeurs se sont plaints de l'apparition de fissures
dans leurs bâtiments suite aux tirs de mines. Ils contestaient en outre
la validité des mesures prises par l'entreprise E. ainsi que le classement
de leurs habitations en classe 3, et exigeaient réparation de leur dommage.

    Deux séances d'information ont eu lieu les 14 mai et 25 août 1997,
réunissant les demandeurs, des représentants des défenderesses ou de leur
assurance, ainsi que l'entreprise B. Les représentants de l'assurance des
défenderesses ont refusé d'entrer en matière sur une quelconque réparation,
considérant que les demandeurs n'avaient pas apporté la preuve de leur
dommage ni d'un lien de causalité entre le dommage allégué et les minages.

    Par courrier du 30 août 1997, les demandeurs ont déposé une requête de
preuve à futur auprès du Président du Tribunal de district de W., tendant
à la nomination d'un expert afin de déterminer l'origine des fissures,
les mesures à prendre pour la réfection des bâtiments, leur coût ainsi
que la personne devant les assumer.

    Le Président du Tribunal de district a fait droit à cette requête et a
chargé un expert de répondre à ces questions. Toutefois, au vu des montants
importants engagés pour les premières investigations de l'expertise, son
mandat a été réduit à la première question, à savoir la détermination de
l'origine des fissures.

    L'expert a rendu son rapport le 23 mai 2000. Il estime que les
fissures apparues pendant la période des minages ne sont pas dues aux
sollicitations dynamiques causées par les tirs, les ébranlements mesurés
étant trop faibles pour cela. En revanche, les ébranlements dus aux
minages ont pu réduire la résistance des sols argileux lorsque les tirs
étaient fréquents. Ils ont pu également déstabiliser d'anciennes mines
situées dans la région des tirs. Selon l'expert, une partie des fissures
résulte donc bien des tirs de mines, qui ont déstabilisé puis entraîné
le glissement du terrain.

    Le 30 avril 2001, les demandeurs ont déposé une requête en conciliation
tendant à la condamnation des défenderesses à payer à chacun d'eux un
montant supérieur à 20'000 fr. avec intérêts à 5 % dès l'échéance.

    Suite à l'échec de la conciliation, les demandeurs ont introduit
leur demande le 21 février 2002, concluant à la condamnation solidaire
des défenderesses à verser à chacun d'eux un montant à dire de justice,
supérieur à 20'000 fr., avec intérêts à 5 % dès l'échéance, ainsi qu'à
leur rembourser les frais déjà engagés.

    Les défenderesses ont conclu au rejet de la demande. En outre, par
courrier du 28 mai 2002, elles ont dénoncé le litige aux entreprises
B., C. et D. L'entreprise C. a conclu au déboutement des demandeurs,
l'entreprise D. est tombée en faillite et l'entreprise B. n'a pas répondu
dans le délai imparti.

    Par décision du 21 octobre 2003, la Cour civile du Tribunal cantonal
jurassien a restreint la procédure aux questions de la prescription, de la
légitimation passive et de la responsabilité de principe des défenderesses.

    Par arrêt du 1er mars 2004, cette autorité a jugé que la responsabilité
de principe des défenderesses était engagée et que le montant exact du
dommage ferait l'objet d'un arrêt ultérieur.

    Contre l'arrêt de la Cour civile, les défenderesses ont déposé un
recours en réforme que le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où
il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Les défenderesses contestent avoir la qualité d'exploitantes au
sens de l'art. 27 de la loi fédérale du 25 mars 1977 sur les substances
explosibles (LExpl; RS 941.41). Elles estiment que la responsabilité
objective aggravée instituée par cette disposition ne saurait viser les
personnes qui n'ont pas la maîtrise effective de l'activité dangereuse,
même si elles engrangent les bénéfices en résultant et en supportent le
risque économique. Les défenderesses rappellent avoir en l'espèce confié,
contre rémunération, la direction technique des travaux à l'entreprise
B. et leur réalisation à l'entreprise C. et s'être entièrement fondées
sur les avis de ces deux entreprises pour prendre les décisions relatives
à l'exploitation de la carrière. Elles soutiennent que l'entreprise
B. dirigeait effectivement le chantier et assumait par conséquent la
responsabilité de l'ensemble de l'exploitation de la carrière.

    2.1  A teneur de l'art. 27 LExpl, l'exploitant d'une entreprise
ou d'une installation où sont fabriqués, entreposés ou utilisés des
matières explosibles ou des engins pyrotechniques répond des dommages
occasionnés par leur explosion. Les dispositions générales du code des
obligations traitant des actes illicites sont au surplus applicables
(al. 1). Celui qui prouve que le dommage est dû à la force majeure ou à
la faute grave du lésé ou d'un tiers, est libéré de sa responsabilité
(al. 2). La responsabilité de la Confédération, des cantons et des
communes est également soumise à ces dispositions (al. 3).

    2.2  La loi s'interprète pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre,
son esprit et son but, ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle
repose, conformément à la méthode téléologique. Le juge s'appuiera sur
la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions
subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur.

    Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point
de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et d'aboutir à
un résultat satisfaisant fondé sur la ratio legis. Ainsi, une norme dont
le texte est à première vue clair peut être étendue par analogie à une
situation qu'elle ne vise pas ou, au contraire, si sa teneur paraît trop
large au regard de sa finalité, elle ne sera pas appliquée à une situation
par interprétation téléologique restrictive (ATF 128 III 113 consid. 2a p.
114 et les arrêts cités).

    Si la prise en compte d'éléments historiques n'est pas déterminante
pour l'interprétation, cette dernière doit néanmoins s'appuyer en
principe sur la volonté du législateur et sur les jugements de valeur
qui la sous-tendent de manière reconnaissable, tant il est vrai
que l'interprétation des normes légales selon leur finalité ne peut
se justifier par elle-même, mais doit au contraire être déduite des
intentions du législateur qu'il s'agit d'établir à l'aide des méthodes
d'interprétation habituelles (ATF 128 I 34 consid. 3b p. 40 s.; 121 III
219 consid. 1d/aa p. 224 s.).

    2.3  La notion "d'exploitant d'une entreprise ou d'une installation"
doit être déduite de la ratio legis de l'art. 27 LExpl. Cette norme de
responsabilité n'a été introduite qu'au cours des travaux parlementaires
dans une loi destinée principalement à mettre sous contrôle l'ensemble du
commerce civil des matières explosives et accessoirement à favoriser la
prévention des accidents (BO 1976 CE p. 170/171), après que les Chambres
eurent renoncé à l'obligation générale d'assurance responsabilité civile
prévue dans le projet du Conseil fédéral, considérée comme difficilement
praticable (sur la genèse de cette règle, cf. WIDMER, Fonction et évolution
de la responsabilité pour risque, RDS 96/1977 I p. 435 s.; TERCIER, Une
nouvelle règle de responsabilité: l'art. 27 de la loi sur les explosifs,
RSJ 76/1980 p. 341 ss, spécialement p. 341/342).

    Selon l'intention du législateur, le dommage inéluctable résultant de
la manipulation d'explosifs doit être supporté par celui qui profite de
cette activité particulièrement dangereuse et néanmoins tolérée (BO 1976
CN p. 945 et 947). L'art. 27 al. 1 LExpl institue ainsi une responsabilité
objective aggravée (Gefährdungshaftung) en raison du danger particulier
qu'entraîne l'exercice d'une activité liée à l'utilisation d'explosifs
(DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité civile, 2e éd., Berne 1982,
§ 17 n. 120 s.; TERCIER, op. cit., p. 342; REY, Ausservertragliches
Haftpflichtrecht, 3e éd., Zurich 2003, n. 1257; KELLER, Haftpflicht im
Privatrecht, T. I, 6e éd., Berne 2002, p. 335 s.; HONSELL, Schweizerisches
Haftpflichtrecht, 3e éd., Zurich 2000, § 22 n. 48 s.; idem, Die Reform
der Gefährdungshaftung, RDS 116/ 1997 I p. 300/301).

    Selon la jurisprudence, la responsabilité causale à raison du risque
doit être supportée, en vertu du principe d'intérêt ou d'utilité,
par celui qui tire un avantage particulier et direct de l'activité
dangereuse (ATF 129 III 102 consid. 2.2 p. 104 et les références). En
effet, dans les cas où une situation ou une activité présentant un
risque élevé est tolérée par la loi, l'entrepreneur ou le bénéficiaire
doit, en compensation du privilège qui lui est accordé d'exercer ou
d'exploiter cette activité dangereuse, en assumer les conséquences
lorsque le risque se réalise et cause un préjudice à autrui. Le critère
d'imputation est essentiellement économique, mais l'avantage tiré peut
également être idéal (WIDMER, Privatrechtliche Haftung, in Münch/ Geiser
[éd.], Schaden-Haftung-Versicherung, Bâle/Genève/Munich, 1999, n. 2.11;
WIDMER/WESSNER, Révision et unification du droit de la responsabilité
civile, Rapport explicatif, Office fédéral de la justice [éd.] 1999,
n. 1.2.2.1.3 et n. 2.4.4.5).

    L'exploitant au sens de l'art. 27 al. 1 LExpl est donc celui qui,
en contrepartie du privilège qui lui est accordé d'exercer une activité
comprenant un degré élevé de risque, en tire avantage et a un pouvoir de
disposition réel direct, en ce sens qu'il peut décider d'exercer cette
activité à tout moment en fonction de ses propres besoins et dans son
propre intérêt (cf. aussi dans ce sens: OFTINGER/STARK, Schweizerisches
Haftpflichtrecht, T. II, partie spéciale, Zurich 1987, § 31 n. 73/74;
TERCIER, op. cit., p. 344).

    S'agissant de l'utilisation d'explosifs dans l'exploitation d'une
carrière, activité présentant un danger particulièrement élevé, le
responsable au sens de la loi est ainsi celui qui tire un avantage
économique de la carrière et qui a le pouvoir de décider en tout temps
d'effectuer des tirs d'explosifs ou de les faire cesser selon ses propres
besoins et dans son propre intérêt.

    Lorsque celui qui assume les frais et les risques recourt à un
spécialiste, le critère du pouvoir de disposition et de la compétence
de donner des instructions techniques ne l'emporte pas sur le critère
économique, contrairement à ce que semblent affirmer OFTINGER et STARK
(op. cit., § 31 n. 75). Le responsable demeure celui qui tire avantage
de l'activité dangereuse conformément au principe de la compensation
"utilité-risque" (Prinzip der "Nutzen-Risiko"-Kompensation) qui est à
la base de la responsabilité objective aggravée de la LExpl; les tiers
auxquels il a été fait appel ne sont que des auxiliaires de l'exploitant.

    2.4  En l'espèce, la cour cantonale a retenu que les défenderesses
supportaient les risques économiques et encaissaient les bénéfices
résultant de l'exploitation de la carrière. Elles avaient confié la
direction technique des travaux et leur réalisation à des entreprises,
agissant ainsi en qualité de maîtres de l'ouvrage. Elles assumaient la
direction générale du chantier, devaient ratifier les appels d'offres,
être informées des travaux qui seraient confiés à des sous-traitants,
se réservant le droit de les accepter. Elles devaient procéder pendant
toute la durée du chantier à différents contrôles. Elles pouvaient
à tout moment interrompre les tirs, car elles étaient responsables de
l'ensemble du chantier. Elles avaient le contrôle de l'activité dangereuse
et exerçaient la surveillance générale.

    Dans ces circonstances, les défenderesses tirent avantage de l'activité
dangereuse et disposent réellement et directement de celle-ci en ce sens
qu'elles peuvent décider en tout temps d'effectuer des tirs d'explosifs
ou de les faire cesser selon leurs propres besoins et dans leur propre
intérêt. C'est donc à raison que la cour cantonale a qualifié les
défenderesses d'exploitantes au sens de l'art. 27 LExpl.

Erwägung 3

    3.  Les défenderesses soutiennent que l'action en responsabilité
des demandeurs est prescrite, puisque ceux-ci avaient une connaissance
suffisante du dommage et de la personne qui en était l'auteur au mois de
septembre 1998 au plus tard et qu'ils n'ont ouvert action que le 30 avril
2001. En d'autres termes, ils ne pouvaient attendre le rapport d'expertise
du 23 mai 2000 et agir ensuite dans le délai d'un an.

    3.1  La prescription de l'action en responsabilité fondée sur l'art. 27
LExpl est régie par les dispositions générales du code des obligations
relatives aux actes illicites (art. 27 al. 1 in fine LExpl).

    A teneur de l'art. 60 al. 1 CO, l'action en dommages-intérêts ou
en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation du tort moral se
prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance
du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur et, dans tous
les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit.

    3.1.1  Selon la jurisprudence relative à l'art. 60 al. 1 CO, le
créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son
existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et
à motiver une demande en justice; le créancier n'est pas admis à différer
sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de
son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42
al. 2 CO (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57 s. et les arrêts cités).

    3.1.2  Quant à la connaissance de la personne auteur du dommage au
sens de l'art. 60 al. 1 CO, il s'agit plus précisément de la personne
contre laquelle l'action en responsabilité pourrait être engagée. Cette
connaissance n'est pas acquise dès l'instant où le lésé présume que la
personne en cause pourrait devoir réparer le dommage, mais seulement
lorsqu'il connaît les éléments propres à fonder et à motiver une demande
en justice contre elle (cf. ATF 96 II 39 consid. 2a p. 41; 111 II 55
consid. 3a p. 57; 112 II 118 consid. 4 p. 122 s.; 114 II 253 consid. 2a
p. 255 s.). En revanche, il n'est pas nécessaire qu'il connaisse également
le fondement juridique de l'action (ATF 82 II 43 consid. 1a p. 44 s.;
arrêt 4C.234/1999 du 12 janvier 2000, consid. 5c/cc, publié in SJ 2000
I p. 421 s.; arrêt 4C.43/1993 du 7 avril 1994, consid. 5c, publié in SJ
1995 p. 167 s.).

    Par ailleurs, il n'y a pas encore de "connaissance" au moment où le
lésé aurait pu découvrir la personne de l'auteur en faisant preuve de
l'attention commandée par les circonstances, et ce à tout le moins s'il
n'est pas renseigné sur les éléments essentiels de sa prétention (cf. ATF
111 II 55 consid. 3a p. 57 s.; à propos de l'art. 67 al. 1 CO, ATF 109 II
433 consid. 2 p. 434 s.). La notion de "connaissance" ne dépend pas, en
soi, de l'existence d'un moyen de preuve (BREHM, Commentaire bernois, n. 61
ad art. 60 CO; contra: OSER/ SCHÖNENBERGER, Commentaire zurichois, n. 13
ad art. 60 CO). Toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles,
lorsque le rapport de causalité naturelle ne peut être établi que par
une expertise scientifique, le lésé n'aura une connaissance certaine de
la personne responsable qu'à réception de cette expertise.

    L'introduction par le lésé d'une procédure de preuve à futur (qui
n'a pas pour effet d'interrompre la prescription, cf. art. 135 ch. 2
CO et ATF 93 II 498 consid. 3 p. 502 s.) n'impose pas de conclure à la
connaissance de la personne de l'auteur.

    3.2  Les défenderesses affirment que la simultanéité entre les tirs de
mines et l'apparition des fissures a permis aux demandeurs d'établir un
lien de causalité entre l'exploitation de la carrière et leurs dommages,
de sorte qu'ils étaient en mesure d'intenter une action en justice bien
avant la réception du rapport d'expertise, le 23 mai 2000. La question de
la responsabilité des défenderesses avait en outre été évoquée lors des
séances d'information organisées les 14 mai et 25 août 1997. Le dommage
ayant cessé d'évoluer en septembre 1998 au plus tard, le délai d'une
année avait commencé à courir à cette date.

    3.3  D'après les faits retenus par l'autorité cantonale, il apparaît
que les demandeurs ont d'emblée supposé que les tirs de mines effectués
dans la carrière étaient à l'origine des fissures qui lézardaient leurs
murs. Ils ont en effet rapidement sollicité que soient effectuées des
mesures d'intensité des vibrations lors des tirs et écrit plusieurs
courriers aux défenderesses à ce sujet. Les résultats des mesures se
sont toutefois révélés inférieurs aux limites admissibles, permettant
notamment aux défenderesses de nier, le 25 août 1997, tout lien de
causalité entre les fissures et l'exploitation de la carrière. Souhaitant
connaître l'origine exacte de ces dégâts, les demandeurs ont alors requis
du tribunal de district, le 30 août 1997, l'ouverture d'une procédure de
preuve à futur.

    L'expertise effectuée dans le cadre de cette procédure a conclu qu'une
partie des fissures résultait des tirs de mines, qui avaient déstabilisé
le terrain puis entraîné le glissement de celui-ci. L'expert a en outre
relevé qu'il était difficile pour un profane d'établir un lien de causalité
entre les tirs et les fissures, étant donné la distance de 500 mètres
séparant les bâtiments endommagés et la carrière, le respect de la norme
SN 640 312a, ainsi que la faible intensité des vibrations enregistrées lors
des tirs. L'autorité cantonale a par conséquent retenu que les demandeurs
n'avaient disposé d'éléments suffisants pour agir en responsabilité contre
les défenderesses qu'à réception du rapport d'expertise établissant le
rapport de causalité naturelle entre les tirs et les fissures.

    Dans ces circonstances, qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2
OJ), l'autorité cantonale a correctement appliqué la jurisprudence relative
à l'art. 60 al. 1 CO en considérant que le délai de prescription d'une
année n'avait commencé à courir qu'au moment où les demandeurs avaient
été informés, par le biais de l'expertise, des causes relativement
complexes de l'apparition des fissures dans leurs maisons. En effet,
jusqu'à la réception de l'expertise, les demandeurs en étaient réduits
à supposer que l'exploitation de la carrière était à l'origine de leur
dommage. Or selon la jurisprudence, une supposition du lésé quant à la
personne responsable ne suffit pas pour que le délai de prescription
relatif d'une année commence à courir. Le grief sera donc rejeté.