Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 601



Urteilskopf

131 III 601

  78. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Etat du Valais
et Commune de Nendaz contre Eglise nationale protestante de Genève (recours
en réforme)
  5C.29/2005 des 14 juillet et 1er septembre 2005

Regeste

  Ungültigerklärung eines eigenhändigen Testaments (Art. 505 und 520 ZGB).

  Auslegung eines eigenhändigen Testamentes, welches teils vom Bankier der
Erblasserin mit Maschine, teils von der Erblasserin in Gegenwart eines
Zeugen eigenhändig verfasst worden ist (E. 3).

Sachverhalt

  A.- Au mois de mars ou avril 1995, Madeleine Arthaud, domiciliée alors en
Valais, à Nendaz, a contacté la Banque Darier Hentsch & Cie à Genève, auprès
de laquelle elle disposait d'un portefeuille de plusieurs centaines de
milliers de francs. Elle a sollicité et obtenu un rendez-vous. Le 5 avril
1995, elle a pris le repas de midi auprès de la famille du Dr N., dont la
mère était une de ses amies d'école. A sa demande, le Dr N. a accepté de
l'accompagner à la banque, où elle fut accueillie par D. Elle a pris place
en face de celui-ci, installé à son bureau. Le Dr N. s'est assis dans un
fauteuil à l'arrière et a entendu toute la conversation. Madeleine Arthaud a
clairement laissé entendre à D. qu'elle voulait remettre, à son décès, tous
ses avoirs auprès de la banque à l'Eglise nationale protestante de Genève
pour le fonds de la cathédrale. Au dire du banquier, sa cliente avait
clairement exprimé la volonté de rédiger un testament; il n'y avait
absolument aucun doute à ce sujet. Comme il savait que Madeleine Arthaud
souffrait de graves problèmes de vue, il avait fait dactylographier par sa
secrétaire un document libellé comme suit:

   "Madeleine Arthaud

    Messieurs DARIER HENTSCH & Cie

    Banquiers

    4, rue de Saussure

    1204 - GENEVE

    Messieurs,

    En cas de décès, je désire que la totalité de mes avoirs soit répartie
    comme suit:

    [espace laissé en blanc]

    Fait et signé à Genève, le"

  D. a déclaré à sa cliente qu'il était nécessaire qu'elle rédige à la main
la seconde partie de la lettre. L'intéressée a alors écrit dans l'espace en
blanc le texte suivant: "En totalité à l'Eglise protestante pour fond
Cathédrale". Elle a daté et signé le document de sa main:

"5.4.95 M. Arthaud". Au dire du banquier, sa cliente avait mis beaucoup de
temps pour écrire le texte manuscrit en raison de ses problèmes de vue.
Comme la testatrice avait écrit la date du 5.4.95 sur le mot "Cathédrale",
il avait pris le soin de la retranscrire au-dessous, afin de "confirmer la
date difficilement lisible". Il avait en outre pris la précaution de lire le
testament à haute voix afin de s'assurer que son contenu corresponde bien à
la volonté de la testatrice.

  Madeleine Arthaud est décédée le 26 octobre 2000 sans laisser d'héritier.
Ses avoirs bancaires représentaient alors quelque 3'200'000 fr. et ses
immeubles 2'000'000 fr. Elle possédait également de nombreux biens
mobiliers. Ses avoirs auprès de la Banque Darier Hentsch & Cie se
chiffraient à 668'573 fr. et à 702'163 fr. avant leur transfert à l'UBS de
Haute-Nendaz en date du 22 février 2001.

  B.- Le 27 février 2002, l'Etat du Valais et la commune de Nendaz, auxquels
devait être dévolue la succession par moitié chacun à défaut d'héritiers en
application des art. 466 CC et 137 de la loi valaisanne d'application du
code civil (LACC), ont introduit contre l'Eglise protestante de Genève une
action en annulation du testament du 5 avril 1995.

  Par jugement du 17 décembre 2004, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté l'action et a décidé que les avoirs de Madeleine Arthaud
auprès de la Banque Darier Hentsch & Cie, alors consignés auprès de l'UBS
SA, devaient être remis à la défenderesse.

  C.- Les demandeurs ont formé, le 28 janvier 2005, un recours en réforme
tendant à l'annulation du testament litigieux. Le Tribunal fédéral a admis
le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  Les recourants contestent la décision attaquée en tant qu'elle admet
la validité de la disposition pour cause de mort litigieuse malgré le
non-respect de la forme du testament olographe prescrite à l'art. 505 CC.
Ils invoquent donc la violation de cette disposition ainsi que des art. 519
ss CC, notamment l'art. 520 CC.

  3.1  Aux termes de l'art. 505 al. 1 CC, le testament olographe est écrit
en entier, daté et signé de la main du testateur; la date consiste dans la
mention de l'année, du mois et du jour où l'acte a été dressé. L'art. 520
al. 1 CC prévoit que les dispositions entachées d'un vice de forme sont
annulées.

  Le testament peut revêtir, comme en l'espèce, la forme d'une lettre (ATF
57 II 15; 88 II 67 consid. 2; 117 II 142 consid. 2a). Il doit être écrit du
début à la fin de la main du testateur. Selon la doctrine et la
jurisprudence, lorsqu'un tiers prête assistance au testateur pour écrire un
testament olographe, les passages écrits par une main étrangère sont nuls.
Toutefois, l'acte demeure valable si le testateur a écrit lui-même les
éléments essentiels des dispositions (désignation des personnes gratifiées,
objet et montant des libéralités), ainsi que l'indication du lieu et de la
date, de même que sa signature, et que les adjonctions de la main du tiers
n'ont trait qu'à des éléments d'importance secondaire ou au rétablissement
d'une lettre que le testateur aurait omise et que tout lecteur rétablirait
de lui-même. Un testament rédigé en partie par le testateur et en partie par
un tiers n'est frappé de nullité totale que si le texte écrit de la main du
testateur n'a en lui-même aucun sens ou s'il y a lieu d'admettre que le
testateur n'aurait pas pris les dispositions qu'il a écrites à la main en
l'absence des parties ajoutées par le tiers (art. 20 al. 2 CO applicable par
analogie, vu l'art. 7 CC; ATF 98 II 73 consid. 3b/cc p. 83 ss; BREITSCHMID,
in Commentaire bâlois, n. 4 ad art. 505 CC).

  Une forme n'est pas prescrite pour elle-même; la forme olographe du
testament a notamment pour fin de manifester la volonté du testateur, son
animus testandi, soit son intention de disposer de ses biens pour après sa
mort (ATF 88 II 67 consid. 2 p. 71), condition indispensable de l'existence
et de la validité du testament (ATF 116 II 117 consid. 7c p. 128). Cette
volonté doit ressortir du testament lui-même, soit de ce que le testateur a
écrit. Toutefois, si les dispositions testamentaires manquent de clarté au
point qu'elles peuvent être comprises aussi bien dans un sens que dans un
autre, le juge peut interpréter les termes dont le testateur s'est servi en
tenant compte de l'ensemble du testament, voire d'éléments extrinsèques,
mais dans la mesure seulement où ils permettent d'élucider ou de corroborer
une indication contenue dans le texte, d'éclairer la volonté manifestée dans
les formes légales par le testateur (ATF 131 III 106 consid. 1.1; 124 III
414 consid. 3; 117 II 142 consid. 2a p. 144; 115 II 323 consid. 1a).

  3.2  La cour cantonale a considéré en substance ce qui suit: la volonté de
tester de dame Arthaud était évidente; la phrase écrite de sa main est
certes incomplète, mais l'intention de la prénommée est parfaitement établie
lorsqu'on la lit avec la partie dactylographiée "en cas de décès, je désire
que la totalité de mes avoirs soit répartie

comme suit:". Le texte dactylographié est nul en soi, parce que l'écriture
de la main de la testatrice fait défaut; mais, estiment les juges cantonaux,
il sert d'élément extrinsèque pour interpréter la volonté de la défunte
exprimée dans le texte manuscrit; or, il ressort de ce texte, rapproché de
la phrase initiale dactylographiée, que Madeleine Arthaud a entendu léguer
ses avoirs auprès de la Banque Darier Hentsch & Cie à l'Eglise protestante
pour le fonds de la Cathédrale, la véritable substance du testament ne se
trouvant pas dans sa partie dactylographiée, qui constitue une phrase tout à
fait standard transposable dans la plupart des dispositions pour cause de
mort, mais bien dans le texte apposé manuellement. Même s'il fallait faire
totalement abstraction du texte dactylographié, conclut la cour cantonale,
la volonté de Madeleine Arthaud de disposer de ses avoirs auprès de la
banque en question en faveur de l'Eglise protestante de Genève est établie
par le témoignage des personnes présentes lors de la rédaction de la phrase
manuscrite, à savoir le banquier D. et le Dr N.

  3.3  Il est constant que, à l'exception de la désignation du bénéficiaire
de la libéralité, tous les autres éléments essentiels du testament litigieux
ne sont pas écrits de la main de la testatrice. Les termes utilisés par
celle-ci sur la lettre préparée par le banquier, à part la date et la
signature, soit les mots "en totalité à l'Eglise protestante pour fond
Cathédrale", n'ont pas de sens pour eux-mêmes et ne manifestent pas une
volonté de disposer selon les formes légales. Outre qu'elle ne mentionne pas
l'objet des libéralités, la testatrice n'exprime même pas dans son écrit
qu'il s'agit de ses dernières volontés et que le transfert de la "totalité"
(des seuls avoirs auprès de la banque concernée?) devra intervenir après son
décès. Son animus testandi ne ressort que de la partie du testament écrite à
la machine qui, comme on l'a relevé, est nulle, et des témoignages
recueillis. En l'absence de volonté manifestée selon les formes légales, une
interprétation à la lumière de ces autres éléments n'est pas possible. Il
s'ensuit que le testament litigieux doit être annulé en application de la
jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 3.1).