Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 535



131 III 535

68. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Banque X.
contre A. (recours en réforme)

    4C.110/2005 du 6 juillet 2005

Regeste

    Art. 336 OR; missbräuchliche Kündigung; im Gesetz nicht ausdrücklich
genannter Missbrauchsfall.

    Entlassung einer Kaderperson, welcher kein Vorwurf gemacht werden kann,
um das Ansehen des Arbeitgebers zu wahren, welches durch widerrechtliche
Handlungen eines Mitarbeiters im von der entlassenen Kaderperson geleiteten
Dienst beeinträchtigt wurde (E. 4).

Sachverhalt

    Depuis 1976, A. travaillait pour la Banque X. Après avoir commencé
son activité en qualité de simple employé, A. a bénéficié régulièrement
de promotions et, en 1999, il a été nommé directeur général adjoint,
responsable de la gestion, de la supervision et du contrôle de tout
le service administratif de la succursale genevoise, dont il était le
numéro deux.

    Le 31 décembre 2000, A. a obtenu - à sa requête, car l'avenir de
la banque était incertain - un certificat de travail intermédiaire très
positif du directeur général.

    Dès le 1er janvier 2002, le salaire annuel brut de A. a été porté à
357'012 fr. Un bonus de 112'000 fr. lui a également été versé avec son
salaire d'avril 2002, en reconnaissance de sa performance réalisée durant
l'exercice 2001.

    A la fin de l'année 2001, certains responsables de la banque ont
eu des soupçons concernant des activités illicites commises par B.,
un employé occupé dans le service dirigé par A. Il s'est avéré que,
pendant au moins dix ans, B. s'était présenté comme un gestionnaire de
la banque pour obtenir des fonds de la part de ses victimes. Au total,
une trentaine de personnes ont été lésées, pour un montant total dépassant
les onze millions de francs.

    Le 15 janvier 2002, A. a été mis au courant des agissements de B. et a
aussitôt entrepris des démarches. Le directeur général, absent à ce moment,
a déclaré à son retour que les mesures appropriées avaient été prises.

    L'enquête interne menée par la banque n'a signalé aucune faute relevant
de la compétence de A., alors qu'elle s'est révélée plus critique envers
le supérieur direct de B., qui était lui-même sous les ordres de A.

    Le 29 avril 2002, A. a été licencié avec effet au 31 juillet 2002. La
lettre de licenciement indiquait que "suite aux graves événements qui se
sont produits au début de cette année au sein de notre établissement, à la
suite d'actions commises par l'un de nos anciens collaborateurs dont vous
assumiez la responsabilité, nous devons constater que le lien de confiance
qui vous liait à notre banque n'existe plus". Cette lettre ne comportait
aucune référence à une violation précise des règles de la banque.

    Avant cette lettre de licenciement, A. avait toujours obtenu des
états de service élogieux et la banque n'avait jamais formulé de reproche
à son encontre.

    Il a été retenu que A. avait été licencié en raison de sa position
hiérarchique supérieure, afin de sauvegarder l'image de la banque ternie
par l'affaire B., alors que les reproches allégués contre le directeur
général adjoint n'ont pu être établis. Ce dernier avait ainsi tenu le
rôle du "fusible".

    Au moment de son licenciement, A. avait accompli 26 ans et 7 mois au
service de la Banque X. et était âgé de 52 ans.

    En temps utile, A. s'est opposé par écrit à son licenciement et a
réclamé le versement des indemnités contractuelles prévues. La Banque X. a
répondu qu'un licenciement sans indemnité était justifié, car A. avait
failli à son devoir de surveillance.

    A. a assigné la Banque X. auprès de la Juridiction des prud'hommes du
canton de Genève. En première instance, la Banque X. a été condamnée à
payer à A. 584'016 fr. 70 brut à titre d'indemnité de départ et 29'750
fr. net correspondant à un mois de salaire à titre d'indemnité pour
résiliation abusive. Ce jugement a été confirmé en appel.

    La Banque X. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral en
concluant à ce que A. soit débouté de toutes ses conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.  En dernier lieu, la défenderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir violé le droit fédéral, en particulier l'art. 336 al. 1 let. c CO,
en considérant qu'elle avait mis fin au contrat de travail du demandeur
de manière abusive.

    4.1  Selon le principe posé à l'art. 335 al. 1 CO, le contrat
de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par
chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de la
résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe
pas besoin de reposer sur un motif particulier (arrêt du Tribunal fédéral
4C.174/2004 du 5 août 2004, consid. 2.1; cf. ATF 127 III 86 consid. 2a). Le
droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin
au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif
(art. 336 ss CO; ATF 130 III 699 consid. 4.1), notamment par l'art. 336
al. 1 let. c CO qui qualifie d'abusif le congé donné par une partie
seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de
l'autre partie résultant du contrat de travail.

    Bien que l'arrêt attaqué ne soit pas très clair à ce sujet, il semble
que les juges aient, à juste titre, écarté l'application de cette dernière
disposition. En effet, il a été retenu que la défenderesse n'avait pas
résilié le contrat en vue d'empêcher la naissance de l'indemnité de
licenciement. Le demandeur, employé de la banque depuis 26 ans, y avait
d'ailleurs en principe droit en cas de licenciement ordinaire. Ce cas
de figure ne correspond donc pas à la situation visée à l'art. 336 al. 1
let. c CO, ni du reste à aucun autre état de fait mentionné expressément
à l'art. 336 CO. Il reste donc à examiner si le licenciement du demandeur
peut être tenu pour abusif pour un autre motif que ceux découlant
expressément de cette disposition.

    4.2  L'énumération prévue dans la loi n'est pas exhaustive (cf. ATF
125 III 70 consid. 2a; 123 III 246 consid. 3b). Elle concrétise avant tout
l'interdiction générale de l'abus de droit et en aménage les conséquences
juridiques pour le contrat de travail. D'autres situations constitutives
de congé abusif sont donc également admises par la pratique (cf.
REHBINDER/PORTMANN, Commentaire bâlois, n. 22 ss ad art. 336 CO). Elles
doivent toutefois comporter une gravité comparable aux cas expressément
mentionnés à l'art. 336 CO (arrêt 4C.174/2004 précité, consid. 2.1 et
les arrêt cités).

    L'abus de la résiliation peut découler non seulement des motifs du
congé, mais également de la façon dont la partie qui met fin au contrat
exerce son droit (ATF 118 II 157 consid. 4b/bb p. 166, confirmé in ATF
125 III 70 consid. 2b). Lorsqu'une partie résilie de manière légitime
un contrat, elle doit exercer son droit avec des égards. Elle ne peut en
particulier jouer un double jeu, contrevenant de manière caractéristique
au principe de la bonne foi (ATF 125 III 70 consid. 2b; 118 II 157
consid. 4b/cc p. 167). Ainsi, un comportement violant manifestement
le contrat, par exemple une atteinte grave au droit de la personnalité
dans le contexte d'une résiliation, peut faire apparaître cette dernière
comme abusive. En revanche, un comportement qui ne serait simplement
pas convenable ou indigne des relations commerciales établies ne suffit
pas. Il n'appartient pas à l'ordre juridique de sanctionner une attitude
seulement incorrecte (arrêt 4C.174/2004 précité, consid. 2.1 in fine). Par
exemple, le fait pour l'employeur d'avoir affirmé à son collaborateur
qu'il ne serait pas licencié et de lui notifier son congé une semaine plus
tard est un comportement qui n'est certes pas correct, mais qui ne rend
pas à lui seul le congé abusif (arrêt 4C.234/2001 du 10 décembre 2001,
consid. 3b non publié à l'ATF 128 III 129, traduit in SJ 2002 I p. 389).

    Il faut souligner que l'interdiction de l'abus de droit au sens de
l'art. 2 al. 2 CC réprime bien davantage que de simples chicanes; elle ne
suppose en revanche pas que celui qui abuse de son droit ait l'intention
de nuire ni que le procédé utilisé soit lui-même immoral (MAYER-MALY,
Commentaire bâlois, éd. 1996, n. 8 ad art. 2 CC). Il peut ainsi y avoir
abus de droit en cas de disproportion évidente des intérêts en présence,
en particulier lorsque la norme applicable a justement pour but de mettre
en place une certaine balance des intérêts (MERZ, Commentaire bernois,
n. 371 ss ad art. 2 CC). Tel est le cas de l'art. 336 CO, dès lors que la
résiliation abusive du contrat de travail exprime une limitation légale à
la liberté contractuelle de celui qui met fin au contrat, afin de protéger
le cocontractant qui a, pour sa part, un intérêt au maintien de ce même
contrat (VISCHER, Commentaire zurichois, n. 2 ad art. 336 CO). L'idée
sous-jacente est avant tout d'offrir une protection sociale au salarié
licencié abusivement, dès lors que la protection du congé n'a pas de
portée pratique pour l'employeur (VISCHER, op. cit., n. 4 ad art. 336 CO;
REHBINDER, Commentaire bernois, n. 3 ad art. 336 CO).

    Hormis les cas de disproportion des intérêts, l'abus peut aussi
résulter de l'exercice d'un droit contrairement à son but (cf. BAUMANN,
Commentaire zurichois, n. 354 ad art. 2 CC; MERZ, Commentaire bernois,
n. 316 ad art. 2 CC). Pour déterminer quel est le but poursuivi par
une disposition légale, il convient notamment de tenir compte des
intérêts protégés. Chacun peut s'attendre à ce que les droits dont il
doit supporter l'exercice n'aillent pas à l'encontre du but visé par la
disposition légale qui les met en oeuvre (MERZ, op. cit., n. 51 ad art. 2
CC; MEIER-HAYOZ, Commentaire bernois, n. 192 ss ad art. 1 CC). Sous cet
angle également, l'intérêt légitime du salarié au maintien du contrat
doit donc être pris en compte lors de l'examen du caractère abusif du
congé donné par l'employeur. Ainsi, un licenciement pour simple motif de
convenance personnelle peut être qualifié d'abusif (cf. AUBERT, L'abus
de droit en droit suisse du travail, in L'abus de droit, Saint-Etienne
2001, p. 101 ss, 109). Le fait qu'en droit suisse, l'existence d'une
résiliation abusive ne conduise en principe pas à son invalidation,
mais seulement à une indemnisation versée à celui qui en est victime ne
change pas l'appréciation du point de savoir si le licenciement s'est
exercé conformément à son but.

    Il convient donc d'examiner, à l'aune de ces principes, si le
licenciement du demandeur peut être qualifié d'abusif compte tenu des
circonstances d'espèce (cf. ATF 121 III 60 consid. 3d p. 63).

    4.3  Comme il l'a déjà été indiqué, les motifs du congé relèvent du
fait et ne peuvent être revus dans le cadre de la présente procédure (ATF
130 III 699 consid. 4.1 p. 702 et les arrêts cités). Il ne sera donc pas
entré en matière sur l'argumentation de la défenderesse dans la mesure où
celle-ci prétend que le licenciement ne serait pas abusif en se fondant
sur d'autres motifs de congé que ceux retenus dans l'arrêt attaqué.

    Si l'on s'en tient aux constatations cantonales, il apparaît que le
demandeur a été licencié en regard de sa position hiérarchique supérieure,
pour sauvegarder l'image de la défenderesse ternie par l'affaire B., parce
qu'il fallait un responsable, un "fusible". La banque n'est en revanche pas
parvenue à démontrer l'existence de manquements de la part de son directeur
général adjoint. Les juges ont relevé au contraire que le demandeur,
employé pendant plus de 26 ans par la défenderesse, avait obtenu de longs
et élogieux états de service et que la banque n'avait jamais formulé de
reproche à son encontre avant la lettre de licenciement. La défenderesse
a du reste remis au demandeur, un certificat de travail intermédiaire au
31 décembre 2000 mettant en évidence ses compétences de direction et le
directeur général a lui-même admis que les mesures appropriées avaient
été prises dès le moment où le demandeur avait été mis au courant des
agissements de l'employé escroc. Enfin, le rapport interne de la banque
ne signalait aucune faute relevant de la compétence du directeur adjoint.

    Contrairement à ce que soutient la défenderesse, un tel licenciement
apparaît comme abusif. En effet, en congédiant le demandeur, la banque a
exclusivement cherché à préserver ses propres intérêts et à sauvegarder
son image auprès des tiers, ternie par les détournements commis par l'un
de ses employés. Pour atteindre cet objectif, il fallait qu'elle donne
l'impression d'avoir pris les mesures adéquates, afin d'éviter que de
telles irrégularités ne se reproduisent, c'est pourquoi elle a licencié le
demandeur, en sa qualité de supérieur hiérarchique. La coïncidence entre
les événements implique que, dans les milieux bancaires de la place,
le demandeur n'a pu qu'inévitablement apparaître lié, d'une manière ou
d'une autre, aux irrégularités commises par l'employé escroc, alors qu'il
a précisément été retenu qu'aucun reproche ne pouvait lui être adressé
à cet égard. Un tel procédé constitue une atteinte à la personnalité du
demandeur de la part de la défenderesse qui, en sa qualité d'employeur,
se devait au contraire de la protéger (art. 328 CO). En définitive, la
défenderesse a agi par pure convenance personnelle, faisant abstraction
de l'intérêt légitime du demandeur à conserver un emploi qu'il occupait
depuis plus de 26 ans à l'entière satisfaction de la banque, sans hésiter
à ternir de manière imméritée la réputation personnelle et professionnelle
de ce cadre auprès d'autres employeurs potentiels. Un congé donné dans
ce contexte ne saurait être couvert par la liberté du licenciement.

    Dans ces circonstances, on ne voit pas que la cour cantonale ait
violé l'art. 336 CO en qualifiant la résiliation du contrat de travail
en cause d'abusive.

    Enfin, l'indemnité allouée en vertu de l'art. 336a CO, qui n'est
du reste pas remise en cause dans la présente procédure, a été fixée
conformément au droit fédéral (cf. ATF 123 III 246 consid. 6a, 391
consid. 3).

    Le recours doit par conséquent être rejeté.