Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 528



131 III 528

67. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Hilton
Inter-national Co. et Hilton International (Switzerland) GmbH contre
Société anonyme du Grand Cygne et Immobergues SA (recours en réforme)

    5C.252/2004 du 30 mai 2005

Regeste

    Art. 18 Abs. 1 und Art. 261, 275 und 290 OR; Hotel-Managementvertrag;
Wirkung des Zuschlags der Liegenschaften in einer Zwangsversteigerung
auf diesen Vertrag.

    Bei Vorliegen eines gemischten oder zusammengesetzten Vertrags
muss jede Streitfrage entsprechend den auf sie je zutreffenden
Gesetzesvorschriften und Rechtsgrundsätzen beantwortet werden, ausgehend
vom Schwerpunkt des Vertrags, der als einheitliche Gesamtvereinbarung zu
erfassen ist (E. 7.1).

    Anwendung dieser Grundsätze auf die Frage, ob ein
Hotel-Managementvertrag auf die Ersteigerer der Liegenschaften übergegangen
ist (E. 7.2).

Sachverhalt

    A.- En 1972, la Société Anonyme du Grand Casino (ci-après: la SA du
Grand Casino) a acquis un droit de superficie distinct et permanent sur la
parcelle n° 6936, propriété de la Ville de Genève, en vue d'y construire un
complexe hôtelier et immobilier; sur ce fonds sera édifiée la partie dite
"avant" du complexe connu sous le nom de "Noga Hilton", qui comprend,
en particulier, un hôtel, une salle de spectacle et de congrès, des
locaux occupés par un casino, des appartements, un parking souterrain,
des restaurants et des arcades commerciales. A la fin des années 1970,
la SA du Grand Casino a acquis trois lots (nos 1, 3 et 4) de la propriété
par étages aménagée sur le droit de superficie distinct et permanent (n°
7049) grevant la parcelle contiguë n° 7007, propriété de Nessim Gaon;
ces lots constituent la partie dite "arrière" du complexe hôtelier,
comprenant notamment des parkings souterrains et des chambres d'hôtel.

    Le 20 juillet 1978, la SA du Grand Casino a conclu, pour la partie
"avant" du complexe hôtelier, un contrat intitulé "Management Agreement"
(ci-après: le contrat de management) avec la société américaine Hilton
International Co., à laquelle s'est jointe par la suite la filiale
suisse Hilton International (Switzerland) AG, devenue en 1999 Hilton
International (Switzerland) GmbH (ci-après: Hilton). En vertu de cette
convention, la SA du Grand Casino s'engageait dans un premier temps à
financer, construire, aménager et équiper l'hôtel, et la société Hilton
s'engageait à assister la SA du Grand Casino pour la planification, la
construction et l'aménagement de l'hôtel; après l'ouverture de l'hôtel,
Hilton devait assurer la gestion et l'exploitation de celui-ci. Depuis
l'achèvement et l'ouverture de l'hôtel en mai 1980, Hilton assure ainsi son
exploitation. En 1990, le contrat de management a été étendu à la partie
"arrière" du complexe, terminée entre-temps.

    B.- Au début des années 1990, des créanciers gagistes de la SA du
Grand Casino, dont l'UBS SA et le Crédit Suisse, ont entamé des poursuites
en réalisation de gage immobilier, portant sur les parties "avant" et
"arrière", en raison du non-remboursement de prêts hypothécaires consentis
à la SA du Grand Casino pour la construction du complexe hôtelier.

    Le 25 mai 2001, l'office des poursuites a procédé à la vente aux
enchères du droit de superficie et des trois lots de propriété par
étages. L'état des charges et les conditions de vente indiquaient dans
la description des immeubles que la chaîne Hilton exploitait un hôtel
dans les murs des bâtiments, aucun bail en sa faveur n'étant cependant
mentionné, alors que la description de la partie "avant" faisait état de
baux en faveur des exploitants de restaurants et du casino. Les conditions
de vente prévoyaient que la prise de possession des biens adjugés aurait
lieu lors de la réquisition d'inscription du transfert de propriété au
registre foncier. En préambule à la vente, le préposé de l'office des
poursuites a donné lecture d'une lettre que Hilton lui avait adressée le
2 avril 2001, sans se prononcer sur son contenu, pour l'informer que le
"Management Agreement" serait opposable à tout nouvel acquéreur.

    La partie "avant" a été adjugée à la SA du Grand Cygne et la partie
"arrière" à Immobergues SA. Les adjudicataires ont autorisé, à bien plaire,
la société Hilton à poursuivre l'exploitation de l'hôtel dans l'attente
de la décision relative à la validité de la vente aux enchères et jusqu'à
leur inscription en tant que propriétaires au registre foncier, tout en
précisant que le contrat de management ne leur était pas opposable et
que cette prorogation ne valait pas reconnaissance de l'existence d'un
quelconque contrat entre elles.

    C.- Le 13 juin 2002, la SA du Grand Casino a introduit contre
la SA du Grand Cygne et Immobergues SA une action en constatation de
l'existence d'un bail tacite portant sur les parties "avant" et "arrière"
du complexe. La demande a été rejetée le 26 février 2003 par le Tribunal
des baux et loyers du canton de Genève. La procédure d'appel contre ce
jugement a été suspendue par la Cour de justice le 24 février 2004 à la
suite de la faillite - le 8 janvier précédent - de la SA du Grand Casino.

    D.- Le 8 octobre 2002, Immobergues SA et la SA du Grand Cygne
ont ouvert action en revendication contre Hilton International Co. et
Hilton International (Switzerland) GmbH devant le Tribunal de première
instance de Genève, concluant à ce qu'il soit dit qu'elles sont seules
et uniques propriétaires des trois lots de propriété par étages et du
droit de superficie et à ce que les défenderesses soient condamnées à
leur restituer ces immeubles en les évacuant de leurs biens et de leurs
organes, employés ou auxiliaires.

    Par jugement du 10 septembre 2003, le Tribunal de première instance
a débouté les demanderesses; il a qualifié le contrat de management de
contrat de bail à ferme, opposable aux nouveaux propriétaires.

    Statuant le 8 octobre 2004 sur recours des demanderesses, la Cour
de justice du canton de Genève a annulé ce jugement et condamné les
défenderesses à évacuer les lots de propriété par étages et le droit
de superficie de leurs biens, organes, employés ou auxiliaires; elle
a considéré que le "Management Agreement" n'était pas un bail à ferme,
sans qu'il soit nécessaire de décider s'il devait être qualifié de mandat
ou de contrat innommé.

    Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité,
le recours en réforme des défenderesses.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 7

    7.  Toujours au chapitre de la qualification du contrat de
management, les défenderesses soutiennent que l'autorité cantonale a
violé les art. 275 et 290 CO, ainsi que l'art. 261 CO, en niant que ce
contrat présentait un élément prépondérant de bail à ferme. La convention
litigieuse contiendrait, en effet, tous les éléments essentiels du bail,
et toutes les prestations du propriétaire auraient trait exclusivement à
l'immeuble et à la cession de l'usage de l'hôtel; il aurait ainsi passé
aux acquéreurs conformément aux art. 290 et 261 CO.

    7.1

    7.1.1  Lorsque, en vertu de la volonté des parties, les divers
rapports qui les lient ne constituent pas des contrats indépendants,
mais représentent des éléments de leur convention liés entre eux et
dépendant l'un de l'autre, on est en présence d'un contrat mixte ou
composé, qui doit être appréhendé comme un seul et unique accord (ATF
118 II 157 consid. 3a p. 162). On parle de contrat composé lorsque la
convention réunit plusieurs contrats distincts, mais dépendants entre
eux (arrêt 4C.160/1997 du 28 octobre 1997, consid. 4b, publié in SJ 1998
p. 320); il y a contrat mixte lorsque la convention comprend des éléments
relevant de contrats nommés (ATF 120 V 299 consid. 4a p. 304/305; 109 II
462 consid. 3d p. 466).

    Lorsqu'on se trouve confronté à un certain genre de contrat mixte ou
composé, il n'est généralement pas possible d'en dégager un contrat-type
aux éléments spécifiques clairs, ni de dire une fois pour toutes à quelles
normes légales il doit être soumis. Dans chaque cas, il faut déterminer
quelles règles doivent s'appliquer eu égard aux particularités de l'accord
en cause. Il ne sera que rarement possible de le soumettre entièrement à un
contrat réglé par la loi (contrat-type nommé), dès lors qu'en principe les
éléments d'un contrat nommé ne l'emportent pas au point d'absorber tous les
éléments qui lui sont étrangers. Il faudra donc examiner précisément quelle
est la question juridique posée et quels sont les dispositions légales ou
les principes juridiques auxquels il y a lieu de recourir pour la trancher.
Dans la mesure où les éléments du contrat sont de nature différente,
il se justifie de les soumettre à des règles de divers contrats nommés
(par exemple contrat de travail, contrat de société, contrat de livraison,
contrat de mandat, contrat de bail; ATF 118 II 157 consid. 2c p. 160/161
et les citations). Cela signifie que les différentes questions à résoudre
- par exemple la résiliation du contrat - doivent être régies par les
normes légales ou les principes juridiques qui sont adaptés à chacune
d'elles; chaque question doit être toutefois soumise aux dispositions
légales d'un seul et même contrat (ATF 118 II 157 consid. 3a p. 162;
110 II 380 consid. 2 p. 382; 109 II 462 consid. 3d p. 466); en effet,
vu la dépendance réciproque des différents éléments du contrat mixte
ou composé, il n'est pas possible que la même question soit réglée de
manière différente pour chacun d'eux (ATF 118 II 157 consid. 3a p. 162).

    Pour déterminer quelles règles légales sont applicables à la question
litigieuse, il convient de rechercher le "centre de gravité des relations
contractuelles", appréhendées comme un accord global unique. Il faut
dès lors examiner quelle est la portée de chacun des éléments du contrat
mixte ou composé eu égard à la situation juridique globale. L'intérêt des
parties, tel qu'il se déduit de la réglementation contractuelle qu'elles
ont choisie, est déterminant pour décider de l'importance de tel ou tel
élément par rapport à l'ensemble de l'accord (ATF 118 II 157 consid. 3a
et les arrêts cités).

    7.1.2  Les contrats de management d'hôtel, qui peuvent revêtir des
formes variées, présentent des éléments de plusieurs contrats (bail,
société, mandat, licence); il s'agit dès lors de contrats mixtes (dans
ce sens: arrêt 4C.24/1989 du 24 avril 1990, consid. 2b; sur l'ensemble
du sujet: SCHLUP, Der Hotel-Managementvertrag, Zurich 2000, p. 173
ss). Il s'impose donc, pour chaque question litigieuse, de rechercher
le "centre de gravité" du contrat global: si, par exemple, l'élément de
bail prédomine parce que la mise à disposition des locaux apparaît comme
l'élément prépondérant, il y aura lieu d'appliquer les règles du bail;
si, en revanche, la cession de l'usage de l'immeuble n'est qu'un élément
accessoire et secondaire, l'application des dispositions relatives au
bail sera exclue (ATF 118 II 157 consid. 3a p. 162; 115 II 452 consid. 3a
p. 454; arrêt 4C.160/1997, précité, consid. 4b).

    7.2  Dans le cas présent, la question à débattre est celle de l'effet
de l'adjudication des immeubles lors des enchères forcées sur le contrat de
management conclu entre l'ancien propriétaire et Hilton: cette convention
a-t-elle ou non passé à l'adjudicataire? Il s'agit de rechercher quel
est, en rapport avec cette question, le centre de gravité du contrat,
appréhendé comme un accord global.

    Il résulte des constatations de fait de l'autorité cantonale - qui
lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) - que, dans une première
phase, la propriétaire des immeubles (i.e. la SA du Grand Casino)
s'engageait à financer, construire, aménager et équiper l'hôtel, et que
Hilton lui fournissait des services d'assistance technique, moyennant
honoraires; dans la seconde phase - actuelle -, la propriétaire des
immeubles exploitait à ses risques et périls l'entreprise hôtelière
située dans ses locaux, dont les recettes et les charges figuraient dans
sa comptabilité, et devenait formellement l'employeur du personnel de
l'hôtel; elle avait chargé les sociétés défenderesses de la gestion de
l'hôtel pour une longue durée (de 20 ans, renouvelable pour deux fois 10
ans) et leur avait octroyé dans ce but d'importants pouvoirs de décision,
comme de maintenir des comptes bancaires et d'encaisser les factures de
l'hôtel portant la mention "Noga Hilton, pour le compte de la SA du Grand
Casino", d'engager le personnel, de fixer les conditions d'admission,
le prix des chambres, la restauration et la politique du travail. Une
telle gestion impliquait évidemment l'utilisation des locaux, dont la
SA du Grand Casino s'engageait, en particulier, à demeurer propriétaire
et à payer les réparations importantes, garantissant aux défenderesses
de pouvoir les posséder paisiblement; celles-ci s'engageaient, pour
leur part, à utiliser les locaux exclusivement pour une exploitation
hôtelière et à prendre en charge l'entretien courant et les réparations
ordinaires de l'hôtel. Pour leur activité, les défenderesses percevaient
des honoraires de gestion, la SA du Grand Casino touchant le solde du
bénéfice d'exploitation brut après déduction de ces honoraires.

    Il est indéniable que le contrat de management comporte des clauses
qui auraient pu figurer dans un contrat de bail à ferme. La situation est,
toutefois, différente de celle - invoquée par les défenderesses - de la
mise en gérance libre d'un restaurant, dans laquelle le Tribunal fédéral a
vu un bail à ferme (arrêt 4C.378/2000 du 5 mars 2001, publié in SJ 2001 I
p. 445). Ici, l'élément déterminant, ou - pour reprendre les termes de la
jurisprudence - le centre de gravité de l'accord global, eu égard au sort
du contrat de management après adjudication des immeubles, est l'entreprise
hôtelière exercée à ses risques et périls par l'ancien propriétaire, la SA
du Grand Casino. Celle-ci a, par ailleurs, introduit une procédure devant
le Tribunal des baux et loyers - suspendue à la suite de sa faillite -
pour faire reconnaître en sa faveur l'existence d'un bail tacite, qui
lui aurait permis de continuer son activité. Les défenderesses ne peuvent
pas simplement se substituer à l'ancien propriétaire et reprendre à leur
compte l'exploitation de son entreprise, et prétendre pour elles-mêmes à
l'existence d'un bail. De la même manière qu'on ne saurait admettre que
l'entrepreneur ayant perdu la propriété de son immeuble à la suite de la
réalisation forcée puisse continuer à exercer son activité dans les locaux
de cet immeuble, il n'est pas possible de reconnaître à un auxiliaire
(directeur, cadre ou simple employé) de cet entrepreneur, qui entendrait
reprendre à son compte l'entreprise de celui-ci - qui, en l'occurrence, est
tombé en faillite entre-temps -, le droit de demeurer dans les locaux et
d'y poursuivre en son nom la précédente activité par l'artifice juridique
d'un pseudo-bail. Le transfert de l'entreprise, dont les immeubles étaient
un élément indispensable, aurait pu être prévu conventionnellement entre
l'ancien entrepreneur-propriétaire et les acquéreurs (cf. art. 333 CO),
voire décidé par l'office des faillites chargé de liquider la faillite
de l'entrepreneur-propriétaire antérieur. En l'espèce, cependant, un
tel transfert n'est pas intervenu; la réalisation forcée des immeubles
a précédé l'ouverture de la faillite de l'entrepreneur-propriétaire,
et les adjudicataires n'ont acquis que la propriété des immeubles. A
ce titre, on ne saurait leur imposer ni la reprise de l'entreprise,
ni la conclusion d'un nouveau contrat avec un reprenant de celle-ci. Du
reste, on peut relever que les parties au «Management Agreement» avaient
envisagé une telle conséquence dans une situation similaire: la durée
d'exploitation stipulée (de 20 ans, renouvelable deux fois pour 10 ans)
prend fin "en cas d'expropriation publique, d'acquisition obligatoire
ou de toute autre procédure similaire par une autorité en vue d'usage ou
utilisation publique ou quasi-publique" (art. X).

    Au demeurant, si les défenderesses ont adressé à l'office des
poursuites, le 2 avril 2001, une lettre l'avisant que le contrat de
management serait opposable à tout nouvel acquéreur - lettre que le
préposé a lue avant de procéder à la vente aux enchères -, elles n'ont
pas déposé plainte aux autorités de surveillance contre les conditions de
vente, qui faisaient simplement mention de l'exploitation de l'hôtel par
la chaîne Hilton dans la description des immeubles, pour réclamer qu'un
bail en leur faveur soit porté à l'état des charges.

    Même si les nouveaux propriétaires sont disposés à négocier un nouveau
contrat avec les défenderesses et qu'ils n'ont aucune objection à élever
à leur égard en tant que parties cocontractantes, ils n'entendent pas
assumer le risque d'entreprise aux conditions financières stipulées avec
le précédent propriétaire, puisqu'ils agissent en expulsion. Malgré ce
que soutiennent les défenderesses, le fait d'avoir introduit une telle
action ne constitue pas un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

    7.3  En conclusion, le contrat de management n'a pas passé aux
adjudicataires des immeubles, et aucune disposition d'un contrat nommé
prévoyant un pareil transfert - à l'image de l'art. 261 CO - ne peut être
considérée comme adaptée pour résoudre le point litigieux.