Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 300



131 III 300

40. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause A. AG contre B.
SA (recours en réforme)

    5C.183/2004 du 5 janvier 2005

Regeste

    Art. 837 Abs. 1 Ziff. 3 ZGB; Bauhandwerkerpfandrecht.

    Der Monteur des Baugerüsts kommt nicht in den Genuss des
Bauhandwerkerpfandrechts, unabhängig von der Qualifikation des Vertrages,
der ihn mit dem Bauherrn oder dem Unternehmer bindet, zumindest wenn das
Gerüst nicht für einen bestimmten Bau hergestellt worden ist (E. 2-4).

Sachverhalt

    B. SA, en qualité de maître de l'ouvrage, a conclu un contrat
d'entreprise générale avec C. SA, en qualité d'entrepreneur général,
pour la construction d'une usine. A la suite d'une offre formulée le 23
février 2001, C. SA a confié, le 18 avril suivant, à A. AG la réalisation
des travaux d'échafaudages d'après l'avancement du chantier. Au cours de
l'exécution, A. AG a sollicité de C. SA le versement de divers acomptes;
ceux-ci ont été honorés, à l'exception du dernier (10'000 fr.), demandé
le 19 décembre 2001. Le 27 juin 2002, A. AG a adressé à C. SA sa facture
finale, d'un montant total de 58'559 fr. 55, dont le solde s'élevait à
36'365 fr. 70, TVA incluse. Le 29 août 2002, un sursis concordataire
a été octroyé à C. SA; A. AG a produit sa créance le 11 septembre
2002. Ultérieurement, la débitrice est tombée en faillite.

    Donnant suite à la requête de A. AG, le Président du Tribunal civil du
district du Locle a ordonné le 10 septembre 2002 l'inscription provisoire
d'une hypothèque légale d'artisans et d'entrepreneurs à hauteur de 36'365
fr. 70, plus intérêts à 5 % dès le 9 septembre 2002, sur la parcelle de B.
SA; il a imparti à la requérante un délai de soixante jours pour ouvrir
action au fond et dit que l'inscription provisoire serait valable jusqu'à
l'expiration d'un délai de dix jours dès l'entrée en force du jugement
au fond.

    Par jugement du 6 juillet 2004, la IIe Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel a débouté A. AG des fins de son action
en inscription définitive de l'hypothèque légale.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de la demanderesse.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Après avoir rappelé l'état de la jurisprudence et de la doctrine
sur la qualification juridique de la convention ayant pour objet
l'installation d'un échafaudage, l'autorité cantonale a retenu que,
dans son offre du 23 février 2001 et sa facture finale du 27 juin 2002,
la demanderesse avait employé à plusieurs reprises les termes de "mise à
disposition" et "location", ce qui constituait à tout le moins un indice
en faveur d'un contrat de bail. En outre, il ressort du témoignage de E.,
qui a assuré l'ordonnance et le suivi des travaux, que l'échafaudage en
question se rapportait à la mise en oeuvre d'éléments standard autour
du bâtiment; l'intéressée ne s'est pas servie de matériel "sur mesure",
même si, d'après le témoignage de F., les échafaudages se sont élevés au
rythme du bâtiment, pour finir par envelopper celui-ci; cette circonstance
n'a rien de caractéristique, car il est dans la nature d'un échafaudage
de s'adapter à l'évolution de la construction. Enfin, les échafaudages ne
sont pas devenus partie intégrante de l'immeuble et ne lui ont, dès lors,
pas apporté de plus-value durable. Partant, les conditions du droit à
l'inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne
sont pas remplies.

    La demanderesse critique d'emblée la qualification du contrat conclu
avec C. SA. Ce qui est décisif, à son avis, c'est uniquement le "caractère
de la prestation", et non les termes que les parties ont utilisés. Or,
en l'espèce, l'échafaudage a non seulement été monté, mais encore adapté
au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Il s'agit là d'un contrat
d'entreprise, qui ouvre le droit à l'inscription d'une hypothèque légale.

    2.1  Selon la doctrine, le contrat d'échafaudage indépendant - à savoir
conclu entre un monteur en échafaudages et un maître de l'ouvrage ou un
constructeur - revêt deux formes. Dans le contrat d'échafaudage atypique,
le monteur en échafaudages s'engage à transférer à son cocontractant la
propriété de l'échafaudage monté avec son propre matériel ou à monter un
échafaudage avec le matériel fourni par son cocontractant; ce contrat est
un contrat d'entreprise (art. 363 ss CO), autant qu'il a été conclu à titre
onéreux. Dans le contrat d'échafaudage typique, le monteur en échafaudages
s'engage, contre rémunération, à monter un échafaudage avec son propre
matériel, à céder l'usage de l'échafaudage à son cocontractant et à le
démonter à la fin des travaux; la mise à disposition de l'installation
(contrat de bail) l'emporte ici sur son montage et son démontage, qui ne
constituent que des obligations accessoires, relevant, le cas échéant, du
contrat d'entreprise (HÜRLIMANN, Bemerkungen zum Gerüstbauvertrag, in DC
1989 p. 73 ss; GAUCH/ CARRON, Le contrat d'entreprise, Zurich 1999, n. 356
ss; TERCIER, Les contrats spéciaux, 3e éd., Zurich 2003, n. 3871/3872).

    Le Tribunal fédéral, de son côté, a qualifié de contrat d'entreprise
la convention ayant pour objet l'installation d'un échafaudage tubulaire
destiné à la construction d'un pont en béton (ATF 113 II 264 consid. 2a p.
266); cet arrêt ne traite, toutefois, que la distinction entre le contrat
de mandat (art. 394 ss CO) et le contrat d'entreprise, sans examiner si
les dispositions relatives au bail pourraient s'appliquer. La qualification
retenue dans cet arrêt a été critiquée en doctrine (HÜRLIMANN, op. cit., p.
75; GAUCH/CARRON, op. cit., n. 359; BÜHLER, Zürcher Kommentar, 3e éd., n.
153 ad art. 363 CO; JEANPRÊTRE, note in JdT 1998 I p. 20).

    2.2  La question de la qualification du contrat peut demeurer indécise
en l'espèce, car elle n'apparaît pas déterminante pour définir le cercle
des ayants droit à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs
(cf. SCHUMACHER, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 2e éd., Zurich 1982,
n. 141; voir également: ATF 105 II 264 consid. 2 p. 266/267; 104 II
348 consid. II/2 p. 352). Comme le montre la jurisprudence, l'art. 837
al. 1 ch. 3 CC ne suppose pas nécessairement la présence d'un contrat
d'entreprise, condition que ne pose d'ailleurs pas le texte légal; aussi
a-t-elle admis que les prestations fournies sur la base d'un contrat de
livraison d'ouvrage profitent de la garantie légale (ATF 97 II 212; 104 II
348 consid. II/1 p. 351; 125 III 113 consid. 2a p. 115 [béton frais]; 103
II 33 [fers à béton préparés pour une construction spéciale]; 105 II 264
[garage préfabriqué]; 106 II 333 [réservoir d'acier posé sur des socles
en béton]). A l'inverse, les architectes et ingénieurs n'y ont pas droit
(ATF 65 II 1; 119 II 426), lors même qu'ils auraient agi - en particulier
pour l'établissement des plans (cf. à ce sujet: ATF 114 II 53 consid. 2b
p. 55/56) - en vertu d'un contrat d'entreprise. D'autres considérations
dictent la solution de la présente cause.

Erwägung 3

    3.  Le principe à la base de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC est que la
plus-value créée par la construction doit garantir les créances des
entrepreneurs et artisans dont les prestations sont à l'origine de cette
plus-value. Ce privilège est d'autant plus de mise que, à la suite de
leur incorporation à l'immeuble, dont ils sont devenus partie intégrante,
les matériaux ne peuvent plus être séparés. Les artisans et entrepreneurs,
qui sont en principe tenus de s'exécuter d'abord, ne peuvent exercer un
droit de rétention sur les matériaux intégrés à l'ouvrage ni stipuler une
réserve de propriété (cf. notamment: STEINAUER, Les droits réels, vol. III,
3e éd., Berne 2003, n. 2855 ss; ATF 97 II 212 consid. 1 p. 214/215; 103 II
33 consid. 2a p. 35; 116 II 677 consid. 4a p. 682). En revanche, celui qui
fournit des choses fongibles qu'il a fabriquées lui-même ne profite pas
de l'hypothèque légale; il peut se prémunir contre l'insolvabilité de son
partenaire contractuel en refusant de livrer et conserve la possibilité
de disposer autrement de la marchandise (ATF 103 II 33 consid. 2a p. 35;
97 II 212 consid. 1 p. 215).

    Le Tribunal fédéral a cependant apporté deux exceptions à ces
règles issues des droits réels. D'une part, il ne faut pas s'en tenir
strictement à la forme juridique qu'ont revêtue les relations entre
les parties, mais appréhender ces rapports dans leur ensemble; lorsque
les prestations découlent d'un "seul travail spécifique", l'artisan ou
l'entrepreneur est en droit de faire inscrire l'hypothèque légale pour
le montant total de sa facture (ATF 106 II 123 consid. 5b p. 128; 104 II
348 consid. II/2 p. 352). D'autre part, peut prétendre à l'hypothèque
légale, l'artisan ou l'entrepreneur ayant fourni des choses fabriquées
spécialement pour l'immeuble et qui sont ainsi difficilement utilisables,
voire inutilisables, ailleurs (ATF 103 II 33 consid. 2a p. 35; 97 II 212
consid. 1 p. 215 et les références citées). L'origine de cette pratique
est l'arrêt Bétonfrais Lausanne SA contre Inverni, dans lequel le Tribunal
fédéral a jugé que celui qui fabrique et livre du béton frais a droit
à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (ATF 97 II 212; sur
l'ensemble du sujet, voir notamment: MATILE, L'hypothèque légale pour la
fabrication et la fourniture de béton frais, in DC 1985 p. 74 ss, ainsi
que les critiques de GASSER/MÄUSLI/WEBER, Bauhandwerkerpfandrecht, in
Beraten und Prozessieren in Bausachen, Bâle/Genève/Munich 1998, p. 540/
541 ch. 13.13); à l'appui de cette solution, il a exposé que le béton
frais n'est pas une chose fongible, préparée à l'avance et prélevée sur un
stock, mais qu'il est au contraire fabriqué selon des données précises,
et devient rapidement inutilisable, car il se durcit deux heures après
sa fabrication (ATF 97 II 212 consid. 1 p. 215).

Erwägung 4

    4.

    4.1  Le point de savoir si le monteur en échafaudages peut prétendre
à une hypothèque légale fondée sur l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC fait l'objet
de controverses dans la doctrine, au demeurant rare (pro: SCHUMACHER,
op. cit., n. 260; TRAUFFER, Bauhandwerkerpfandrecht: Die Rechtslage,
in St. Galler Baurechtstagung 2004, p. 211; contra: SIMONIUS/SUTTER,
Schweizerisches Immobiliarsachenrecht, vol. II, Bâle/Francfort 1990,
p. 239 ch. 42). La jurisprudence cantonale y est, en principe, opposée (VD,
Chambre des recours, in RNRF 37/1956 p. 222 ss; ZH, Tribunal supérieur, in
ZR 29/1930 p. 302 ss [gage inscrit parce que le montage de l'échafaudage
avait été considéré comme une partie des travaux de peinture]; SO, Tribunal
supérieur, in Solothurnische Gerichtspraxis [SOG] 1998 n° 6 = BR 1999
p. 161 n° 293, commenté par SCHUMACHER [dans la mesure où le montage de
l'échafaudage n'est pas inclus dans une prestation spécifique globale
de l'entrepreneur]). Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion
de trancher la question (cf. Archives 48 p. 199 ss, qui portait sur les
seules incidences fiscales du contrat liant l'entreprise de construction
d'échafaudages à ses clients).

    4.2  Le montage d'échafaudages a ceci de commun avec les travaux de
construction mentionnés ci-dessus (consid. 2.2 et 3) qu'il contribue
à créer une plus-value pour l'immeuble. D'autres techniques seraient,
certes, envisageables, mais l'échafaudage représente dans la plupart des
cas le moyen le plus simple, rationnel et économique. Sous cet angle, il
pourrait sembler injuste de traiter le monteur en échafaudages différemment
d'un entrepreneur ou d'un artisan ordinaire. Mais il existe d'autres
prestations qui, en dépit de leur caractère nécessaire à l'édification
de la construction, ne jouissent d'aucune garantie hypothécaire: tel
est le cas pour les prestations intellectuelles, notamment celles des
architectes et ingénieurs (ATF 65 II 1; 119 II 426 et les citations);
il en est également ainsi pour les livraisons de choses fongibles,
comme les briques, tuiles, peintures, portes et fenêtres préfabriquées,
installations sanitaires, etc., à tout le moins lorsqu'elles n'ont pas été
incorporées à la construction par le fournisseur (SCHUMACHER, op. cit.,
n. 162 ss). Or, des arguments d'équité pourraient pareillement plaider
ici en faveur de l'octroi d'une hypothèque légale; le Tribunal fédéral
ne les a cependant jamais suivis.

    Au regard de la réglementation des droits réels, le droit du monteur
en échafaudages à l'hypothèque légale n'apparaît pas justifié, du moins
lorsqu'il s'agit, comme dans le cas présent, d'un échafaudage qui n'a
pas été fabriqué en vue d'une construction déterminée et qui peut,
dès lors, être remployé sur un autre chantier. L'échafaudage constitue
une chose mobilière, indépendamment de son ancrage à la construction;
il est démonté à la fin des travaux et ne devient pas partie intégrante
de l'immeuble (sur cette notion: ATF 106 II 333 consid. 2 ss p. 335 ss
et les références citées). Contrairement aux équipements, l'échafaudage
n'est pas affecté par le principe de l'accession et, à la différence de
l'activité classique des artisans et entrepreneurs, celle du monteur
en échafaudages ne s'accomplit pas directement sur la construction,
mais sur l'échafaudage. Il découle de ce qui précède que l'échafaudage
ne constitue pas une partie - spécialement une partie intégrante - de
la construction elle-même, mais une installation de chantier. Or, de
telles installations ne profitent pas de la garantie hypothécaire, même
si elles sont fixées au sol ou ont été érigées pour une longue période,
comme c'est le cas à l'occasion de la construction de ponts, d'autoroutes,
de téléphériques, de tunnels, etc. (cf. SCHUMACHER, op. cit., n. 255;
LIVER, in RJB 104/1968 p. 28/29 et RJB 117/ 1981 p. 116/117).

    Une approche économique aboutit au même résultat. Dès lors que
l'échafaudage n'est pas incorporé (physiquement) à la construction et
qu'il est soustrait d'emblée au principe de l'accession, le monteur en
échafaudages peut reprendre son installation en cas d'insolvabilité de
son cocontractant et l'utiliser ailleurs; c'est, au reste, la vocation
de ce type d'installation une fois les travaux terminés. Ce matériel
n'est donc pas perdu et peut être réutilisé sur d'autres chantiers,
du moins quand il n'a pas été conçu "sur mesure". De ce point de vue,
la situation du monteur en échafaudages est ainsi comparable à celle du
fournisseur de choses fongibles, auquel la jurisprudence a constamment
refusé le bénéfice de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs.