Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 173



131 III 173

22. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre B.,
C. et Tribunal arbitral CNUDCI (recours de droit public)

    4P.236/2004 du 4 février 2005

Regeste

    Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Rechtsmittelverzicht (Art. 192
IPRG).

    Voraussetzungen eines gültigen Verzichts auf die Beschwerde im Sinne
von Art. 85 lit. c OG (Präzisierung von BGE 116 II 639; E. 4.2). Gültigkeit
des Verzichts im beurteilten Fall bejaht (E. 4.2.3.2).

Sachverhalt

    A.- Le 4 décembre 2002, B. et C. ont ouvert une procédure
arbitrale dirigée notamment contre A. aux fins d'obtenir le paiement de
dommages-intérêts pour violation d'un contrat conclu le 8 mars 1998. Aucune
des parties n'est domiciliée en Suisse. Le contrat contient une clause
arbitrale prévoyant que tous les différends pouvant en résulter seront
soumis à un tribunal arbitral, composé de trois membres, qui siégera à
Zurich et appliquera le règlement d'arbitrage de la Commission des Nations
Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI/UNCITRAL). L'anglais
a été choisi comme langue de l'arbitrage.

    Un Tribunal arbitral ad hoc, composé de trois membres, a été constitué.

    A. a soulevé une exception d'incompétence vis-à-vis de C. en invoquant
le fait que celui-ci n'était pas partie au contrat. La compétence
ratione materiae du Tribunal arbitral a également été mise en cause par
la défenderesse.

    Après avoir instruit la question de sa compétence, le Tribunal arbitral
a rendu, le 31 août 2004, une sentence incidente au terme de laquelle il a
admis sa compétence à l'égard de C. et a rejeté l'exception d'incompétence
ratione materiae.

    B.- A. a formé un recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c
OJ. Invoquant le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP,
elle demande au Tribunal fédéral d'annuler la sentence attaquée.

    Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.

    4.1  Aux termes de l'art. 192 al. 1 LDIP, si les deux parties n'ont
ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles
peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou
un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du
tribunal arbitral; elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un
ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190, 2e alinéa.

    La renonciation est autorisée à l'égard de toutes les sentences,
y compris celles au sujet de la composition et de la compétence du
tribunal arbitral, et non seulement de la sentence finale (PIERRE
LALIVE/JEAN-FRANÇOIS POUDRET/CLAUDE REYMOND, Le droit de l'arbitrage
interne et international en Suisse, n. 3 in fine ad art. 192 LDIP; KURT
SIEHR, Commentaire zurichois, n. 20 ad art. 192 LDIP; THOMAS RÜEDE/REIMER
HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 376, ch. 5).

    4.2  Outre la condition d'extranéité, qui n'est pas litigieuse dans le
cas présent, une seconde condition cumulative qui, elle, divise les parties
doit être réalisée pour que l'art. 192 al. 1 LDIP soit applicable. Il
s'agit de l'existence d'une déclaration expresse portant exclusion de
tout recours contre les sentences du tribunal arbitral.

    4.2.1  Le Tribunal fédéral a examiné dans une dizaine d'arrêts la
question de la renonciation au recours, sans jamais admettre que les
parties aient manifesté de manière suffisamment claire leur volonté
concordante d'exclure tout recours contre la sentence attaquée devant lui.

    Il s'est exprimé pour la première fois sur cette question dans un arrêt
du 19 décembre 1990 (ATF 116 II 639 consid. 2c) quand bien même l'intimée
au recours ne soutenait pas que les parties avaient renoncé à entreprendre
la sentence contestée. Selon cet arrêt, la déclaration expresse exigée
par la loi doit exprimer clairement la volonté des parties et mentionner
le moyen de droit auquel celles-ci renoncent. Ainsi, le renvoi par les
parties à un règlement d'arbitrage comportant une renonciation à tout
recours n'est pas suffisant pour constituer une renonciation valable,
non plus que l'indication d'après laquelle les parties considèrent la
sentence à intervenir comme définitive ("sans appel").

    Un deuxième arrêt, rendu le 9 avril 1991, reprend mot pour mot
le considérant topique du premier arrêt pour exclure, lui aussi, la
possibilité d'une renonciation indirecte (consid. 3, publié in Bulletin
ASA 1991 p. 160 ss, 162 s.).

    Dans un troisième arrêt, daté du 18 août 1992, le Tribunal fédéral, se
fondant derechef sur le précédent publié, a jugé insuffisante la référence,
faite dans l'acte de mission, à une clause arbitrale indiquant simplement
que les différends soumis aux arbitres seraient tranchés définitivement
par eux ("endgültig"; arrêt 4P.48/1992, consid. 2, non publié à l'ATF
118 II 359).

    Par identité de motif, le Tribunal fédéral, dans un quatrième arrêt
rendu le 15 novembre 1993, n'a pas vu une renonciation valable dans une
clause arbitrale stipulant que le litige serait "définitivement tranché"
par le tribunal arbitral saisi (arrêt 4P.99/1993, consid. 2).

    Un cinquième arrêt, rendu le 2 juillet 1997 à la suite d'une demande
de révision, portait sur une clause compromissoire indiquant que les
sentences arbitrales seraient finales et s'imposeraient aux parties; ladite
clause contenait en outre la précision suivante: "the application to the
State Courts are (sic) excluded". Après avoir exprimé des doutes quant à
l'applicabilité de l'art. 192 LDIP à une demande de révision, le Tribunal
fédéral a jugé que les conditions d'application de cette disposition
n'étaient de toute façon pas réalisées en l'espèce pour le motif suivant:
"... l'utilisation d'un terme aussi générique que celui d'"application"
ne satisfait en rien l'exigence posée par la jurisprudence susmentionnée
[i.e. l'ATF 116 II 639], d'après laquelle les parties doivent indiquer
le moyen de droit auquel elles renoncent. La dernière phrase de la clause
arbitrale précitée, qu'elle soit considérée isolément ou en relation avec
la précédente, ne révèle pas si les parties ont entendu exclure tout
recours, révision comprise, contre la sentence future ou si elles ont
simplement voulu exclure la voie judiciaire au profit de l'arbitrage pour
régler leurs différends éventuels. Elle n'exprime donc pas clairement
la volonté des parties à ce sujet..." (arrêt 4P.265/1996, consid. 1a;
cf. Bulletin ASA 1997 p. 494 ss, 497 s.).

    Trois arrêts subséquents rappellent incidemment qu'il ne suffit
pas de qualifier la sentence à venir de définitive pour la soustraire à
tout recours (arrêt 4P.207/2002 du 10 décembre 2002, consid. 1, publié in
Bulletin ASA 2003 p. 585 ss, 588; arrêt 4P.64/2004 du 2 juin 2004, consid.
2.1, publié in Bulletin ASA 2004 p. 782 ss, 786), mais que la volonté
de renoncer à recourir doit ressortir clairement de la déclaration des
parties (ATF 129 III 657 consid. 2.3 p. 681).

    Enfin, dans le dernier arrêt en date, le Tribunal fédéral, dans
le droit fil de sa jurisprudence établie en 1990, a refusé d'admettre
la validité d'une renonciation indirecte par soumission à un règlement
d'arbitrage prévoyant que les parties renonçaient à tout recours et/ou
que la sentence serait définitive (arrêt 4P.62/2004 du 1er décembre 2004,
consid. 1.2).

    4.2.2  La doctrine se contente, pour l'essentiel, de rappeler les
conditions posées dans l'ATF 116 II 639 pour l'exclusion valable de
tout recours contre une sentence arbitrale et de mettre en évidence le
caractère restrictif de cette jurisprudence, en approuvant la retenue
avec laquelle le Tribunal fédéral examine les conventions d'exclusion
(cf., parmi d'autres: JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SÉBASTIEN BESSON, Droit
comparé de l'arbitrage international, n. 839, p. 829; CHRISTOPH MÜLLER,
International Arbitration, p. 208; PAOLO MICHELE PATOCCHI/ CESARE JERMINI,
International Arbitration in Switzerland, n. 14 ad art. 192 LDIP; CESARE
JERMINI, Die Anfechtung der Schiedssprüche im internationalen Privatrecht,
thèse Zurich 1997, n. 748; GERHARD WALTER/WOLFGANG BOSCH/JÜRGEN BRÖNNIMANN,
Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, p. 255; KLAUS
PETER BERGER, Internationale Wirtschaftsschiedsgerichtsbarkeit, p. 504;
VALENTINE GÉTAZ KUNZ, Rechtsmittelverzicht in der internationalen
Schiedsgerichtsbarkeit der Schweiz, thèse Berne 1993, p. 88;
RÜEDE/HADENFELDT, op. cit., p. 376, ch. 3a; ROBERT BRINER, Anfechtung
und Vollstreckung des Schiedsentscheides, in Die Internationale
Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz [II], p. 102; HANS PETER WALTER,
Praktische Probleme der staatsrechtlichen Beschwerde gegen internationale
Schiedsentscheide (Art. 190 IPRG), in Bulletin ASA 2001 p. 2 ss, 6; ROBERT
KARRER, Bemerkungen zu den Art. 192/193, in Bulletin ASA 1992 p. 86;
BERNARD CORBOZ, Le recours au Tribunal fédéral en matière d'arbitrage
international, in SJ 2002 II p. 1 ss, 9; SIEHR, op. cit., n. 18 ad art. 192
LDIP; le même, Das Internationale Privatrecht der Schweiz, p. 724 s.;
BERNARD DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987,
4e éd., n. 1 ad art. 192; FRANÇOIS KNOEPFLER/PHILIPPE SCHWEIZER/SIMON
OTHENIN-GIRARD, Droit international privé suisse, 3e éd., n. 777; PAOLO
MICHELE PATOCCHI/ELLIOTT GEISINGER, Code de droit international privé
suisse annoté, n. 1 ad art. 192 LDIP).

    4.2.3

    4.2.3.1  La recourante paraît vouloir subordonner la renonciation
valable au recours de l'art. 85 let. c OJ à la mention expresse, dans
la clause d'arbitrage, de l'art. 190 LDIP. Cependant, l'art. 192 LDIP
ne pose pas une telle exigence, laquelle ne ressort pas non plus de la
jurisprudence et de la doctrine susmentionnées.

    Sans doute la référence, faite dans le texte même de la clause
arbitrale, à l'art. 190 LDIP et/ou à l'art. 192 LDIP constitue-t-elle la
meilleure façon de couper court à toute discussion quant à la portée de la
renonciation, puisqu'elle permet d'identifier à coup sûr le moyen de droit
auquel il est renoncé. Pour cette raison, elle est recommandable (dans
ce sens, cf. PIERRE A. KARRER/PETER STAUB, in Practitioner's Handbook
on International Arbitration, p. 1079, n. 232; voir aussi la clause
d'exclusion proposée in ASA Special Series n° 21, p. 20). De là à faire
d'une telle référence la condition sine qua non d'une renonciation valable
au recours de droit public contre une sentence arbitrale internationale, il
y a un pas que l'on ne saurait franchir. Cela reviendrait déjà à exclure
toute renonciation faite avant le 1er janvier 1989, date d'entrée en
vigueur de la LDIP; pareille exclusion ne devrait certes pas revêtir une
importance pratique considérable à l'avenir, vu l'écoulement du temps,
d'autant que la validité même des clauses d'exclusion adoptées avant la
date précitée - question laissée ouverte dans l'ATF 116 II 639 consid. 2c
in fine - est controversée (en faveur de cette solution: JERMINI, op. cit.,
n. 749; PATOCCHI/JERMINI, op. cit., n. 15 ad art. 192 LDIP; d'un avis
contraire: BRINER, ibid.; KARRER, ibid.). Mais cela impliquerait surtout,
s'agissant des conventions d'arbitrage conclues après ladite date, de
faire abstraction, pour un motif purement formel, de la volonté commune
des parties, dûment exprimée, de renoncer à tout recours contre une
sentence arbitrale. Il va sans dire qu'un très grand nombre de clauses
d'exclusion, sinon la majorité d'entre elles, deviendraient alors lettre
morte. De plus, ainsi que le relève un auteur, les parties pourraient
difficilement faire l'économie de la mise en oeuvre d'un spécialiste en
matière de LDIP si elles entendent exclure de manière valable tout recours
contre les sentences futures (KARRER, ibid.). Aussi semblable formalisme
n'est-il pas de mise. Comme l'on a affaire, par définition, à des parties
n'ayant pas de rattachement territorial avec la Suisse (cf. l'art. 192
al. 1 LDIP), qui proviennent d'horizons les plus divers et dont la culture
juridique est souvent fort différente de celle qui est propre à ce pays,
rien ne justifie de paralyser la manifestation claire et concordante de
leur volonté de renoncer à tout recours contre une sentence arbitrale au
seul motif qu'elles n'ont pas fait référence expresse à une disposition
légale dont elles ignoreront souvent jusqu'à l'existence même.

    Il est vrai que l'arrêt publié aux ATF 116 II 639 consid. 2c a pu jeter
la confusion dans les esprits en tant qu'il exige que les parties "auf das
Rechtsmittel Bezug nehmen und darauf verzichten". Tel qu'énoncé et pris à
la lettre, ce membre de phrase pourrait en effet signifier l'obligation
faite aux parties - tenues d'indiquer le moyen de droit auquel elles
renoncent - de mentionner l'art. 190 LDIP et/ou l'art. 192 LDIP, voire
l'art. 85 let. c OJ, dans la clause arbitrale. Pourtant, ce n'est pas
là ce qu'a voulu dire le Tribunal fédéral car, si tel avait été le cas,
il lui aurait suffi de formuler expressis verbis cette exigence dans
ses arrêts ultérieurs, ce qu'il s'est abstenu de faire. Au demeurant,
cette exigence n'est nullement posée par l'auteur qu'il cite après le
membre de phrase sus-indiqué (BRINER, ibid.). En réalité, par ce membre
de phrase, qui figure d'ailleurs dans un obiter dictum, le Tribunal
fédéral a simplement voulu préciser que la déclaration expresse dont
il est question à l'art. 192 al. 1 LDIP doit faire ressortir de manière
claire et nette la volonté commune des parties de renoncer à attaquer les
sentences du tribunal arbitral par le moyen de droit prévu à l'art. 190
al. 2 LDIP. Or, il n'est pas indispensable, pour établir semblable volonté,
que les parties aient cité telle ou telle disposition, ni qu'elles aient
utilisé telle ou telle expression (sur ce dernier point, cf. l'arrêt
rendu le 1er septembre 2000 par une Cour d'appel australienne, publié in
Bulletin ASA 2001 p. 335 ss, 348 s., et commenté par FRANÇOIS KNOEPFLER,
in François Knoepfler/Philippe Schweizer, Arbitrage international, p. 494
s., n. 4). Il est nécessaire, mais suffisant, que la déclaration expresse
des parties manifeste, sans conteste, leur commune volonté de renoncer à
tout recours. Savoir si tel est bien le cas est affaire d'interprétation
et le restera toujours, de sorte qu'il est exclu de poser à cet égard
des règles applicables à toutes les situations envisageables.

    En revanche, si les parties ne souhaitent exclure le recours que
pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP - ce qui
est possible (cf. art. 192 al. 1 in fine LDIP) -, on ne voit pas qu'elles
puissent le faire sans mentionner expressément le ou les motifs exclus dans
la clause arbitrale, que ce soit par l'indication de la ou des lettres
correspondantes de l'art. 190 al. 2 LDIP, la reprise du texte légal ou
toute autre formulation permettant d'identifier à coup sûr le motif exclu.

    4.2.3.2  L'art. 21.5 du contrat du 8 mars 1998, en tant qu'il a trait
à la question litigieuse, énonce ce qui suit: "All and any awards or other
decisions of the Arbitral Tribunal shall be made in accordance with the
UNCITRAL Rules and shall be final and binding on the parties who exclude
all and any rights of appeal from all and any awards insofar as such
exclusion can validly be made..." (passage en italique mis en évidence
par le Tribunal fédéral).

    Quoi qu'en dise la recourante, le texte du passage précité de la clause
arbitrale, si on l'examine à la lumière des principes jurisprudentiels
et des avis doctrinaux susmentionnés, constitue une exclusion valable de
tout recours, au sens de l'art. 192 al. 1 LDIP.

    A titre liminaire, il convient d'observer, d'un point de vue
terminologique, que, contrairement à ce qu'écrit l'intéressée dans sa
requête en second échange d'écritures, le mot "right" n'est pas utilisé
au singulier mais au pluriel dans la susdite clause, ce qui n'est pas la
même chose.

    Cette remarque préalable étant faite, il y a lieu de concentrer
l'analyse sur le terme "appeal". La recourante soutient que "la traduction,
ou plutôt la transposition de ce terme anglais (...) dans le système
juridique suisse, n'est pas 'Rechtsmittel', mais 'Berufung', 'recours
ordinaire', ou encore 'ordentliches Rechtsmittel'". On ne saurait la suivre
dans cette voie. D'abord, la démarche consistant à transposer le terme
"appeal" dans le système juridique suisse apparaît critiquable dans son
principe. Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que l'on est en présence
de parties qui n'ont aucun lien avec la Suisse et qui ont choisi l'anglais
comme langue aussi bien du contrat que de l'arbitrage. La logique veut
donc que soit donnée à ce terme la signification que de telles parties,
provenant d'horizons juridiques différents et étrangers au droit suisse,
lui ont attribuée - si leur volonté commune à cet égard peut être établie -
ou pouvaient raisonnablement lui attribuer dans les circonstances et le
contexte où elles l'ont utilisé.

    Le mot "appeal", considéré sous l'angle du droit, a au moins deux
acceptions. Au sens large, il s'agit d'un terme générique qui embrasse
les moyens de droit les plus divers et qui correspond au "recours" ou au
"Rechtsmittel" des langues française et allemande. Dans cette acception,
les dictionnaires bilingues anglais-allemand, plus explicites que les
dictionnaires bilingues anglais-français, en font le synonyme, tout à
la fois, de "Berufung", de "Revision", de "Beschwerde", d'"Einspruch"
ou encore de "Rechtsbehelf" (voir, parmi d'autres: Langenscheidts
Grosswörterbuch, "Der Kleine Muret-Sanders", Englisch-Deutsch, sous
"appeal"; ALFRED ROMAIN/ HANS ANTON BADER/B. SHARON BYRD, Wörterbuch
der Rechts- und Wirtschaftssprache, 5e éd., sous "appeal"; CLARA-ERIKA
DIETL/EGON LORENZ, Wörterbuch für Recht, Wirtschaft und Politik, Teil
I, Englisch-Deutsch, 6e éd., sous "appeal"). C'est la même acception
qu'avaient à l'esprit les auteurs qui ont traduit en anglais l'art. 192
LDIP dont il est ici question. Ainsi, PAOLO MICHELE PATOCCHI et CESARE
JERMINI (op. cit., p. 597) rendent-ils la note marginale de cette
disposition ("Renonciation au recours"/"Verzicht auf Rechtsmittel")
par l'expression "Waiver to file an Appeal" et les termes "recours",
resp. "Anfechtung", figurant au premier alinéa de la disposition citée, par
"right to file an appeal". Quant à CHRISTOPH MÜLLER (op. cit., p. 207),
il traduit de la même manière la note marginale et remplace les termes
"tout recours", dans le corps du texte, par "any appeal". Cependant, le
mot "appeal" a encore une autre acception, plus restrictive, lorsqu'il
est utilisé pour désigner l'appel proprement dit, à savoir une voie
de recours ordinaire qui est généralement suspensive, dévolutive et
réformatoire (sur les différents éléments de cette définition, cf.,
parmi d'autres: FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome II, n. 3047 ss;
dans ce sens, grosso modo, cf., par ex., la définition du mot "appeal"
dans le Black's Law Dictionary, 8e éd., ou dans The 'Lectric Law Library's
Legal Lexicon [http://www.lectlaw.com/def], sous "appeal", dernier §). On
a alors affaire à un "appeal on the merits" par opposition à une "action
for setting aside" (sur cette distinction, cf. FRANK-BERND WEIGAND,
in Practitioner's Handbook on International Arbitration, p. 50 s.,
n. 113 à 115). Toutefois, l'irrecevabilité de cet appel stricto sensu,
qui permet à la juridiction étatique de procéder à une révision au fond
de la décision dont est appel, constitue la règle en matière d'arbitrage
international (PHILIPPE FOUCHARD/EMMANUEL GAILLARD/BERTHOLD GOLDMANN,
Traité de l'arbitrage commercial international, p. 930, n. 1597). Force
est enfin de souligner que le mot français "appel", loin d'être univoque,
ne sert pas toujours à qualifier le moyen de droit que l'on a coutume de
désigner par ce vocable. C'est ainsi, par exemple, que, dans le domaine
considéré, l'art. 1502 du Nouveau code de procédure civile français (NCPC)
ouvre la voie de l'appel contre une décision accordant la reconnaissance ou
l'exécution d'une sentence, mais dans des cas bien définis et comparables
aux motifs de recours prévus à l'art. 190 al. 2 LDIP.

    En l'espèce, le terme "appeal", tel qu'il figure à l' art. 21.5 du
contrat du 8 mars 1998, doit manifestement être compris dans son acception
générique. D'abord, la question d'un éventuel appel interne ne se posait
pas dès lors que le règlement d'arbitrage choisi par les parties exclut
cette possibilité (cf. l'art. 32 al. 2 du règlement d'arbitrage de la
CNUDCI: "The award ... shall be final and binding on the parties..."; plus
explicite encore, le texte français de la même disposition: "... Elle [la
sentence] n'est pas susceptible d'appel devant une instance arbitrale...";
voir aussi: ROLF TRITTMANN/CHRISTIAN DUVE, in Practitioner's Handbook on
International Arbitration, p. 360, n. 2). Ensuite, un appel proprement
dit, à soumettre à une juridiction étatique, n'entrait pas non plus en
ligne de compte dans la mesure où, comme on l'a déjà relevé plus haut,
la faculté d'attaquer une sentence par une telle voie de droit est tout à
fait exceptionnelle en matière d'arbitrage international. Enfin et surtout,
par l'utilisation du pluriel "rights of appeal" à la suite de l'expression
redondante "all and any", les parties ont marqué clairement qu'elles
avaient en vue tous les moyens de recours possibles et imaginables dont
les sentences à venir - quelles qu'elles soient ("all and any awards")
- pourraient être l'objet, ce qui incluait le recours de droit public au
sens des art. 85 let. c OJ et 190 LDIP.

    Quant à leur volonté commune de renoncer d'avance à user d'un
quelconque moyen de recours à l'encontre de toute sentence future, les
parties l'ont exprimée de manière expresse par l'utilisation du verbe
"exclude". Qu'elles aient ajouté "insofar as such exclusion can validly
be made" n'y change rien. Cette précision confirme, au contraire, que les
parties ont bien eu conscience d'exclure tout recours contre les sentences
du Tribunal arbitral et qu'elles ont voulu le faire pour autant que cela
fût possible. Il s'agit là, au demeurant, d'une réserve tautologique,
s'apparentant à une clause de style, qui est usuelle dans les clauses
d'exclusion et que l'on retrouve dans nombre de règlements d'arbitrage
(cf., par ex., l'art. 28 § 6 in fine du Règlement d'arbitrage de la
Chambre de commerce internationale [CCI]; pour d'autres ex., voir: PAUL
D. FRIEDLAND, Arbitration clauses for international contracts, Berne 2004,
p. 77).

    4.3  Il résulte de cet examen que les parties ont valablement exclu
tout recours contre les sentences du Tribunal arbitral, en conformité
avec l'art. 192 al. 1 LDIP. Le présent recours s'en trouve frappé
d'irrecevabilité, qui méconnaît cette volonté commune, manifestée par une
déclaration expresse, de ne point soumettre de telles sentences à l'examen
de la juridiction étatique du siège de l'arbitrage. Par conséquent,
il n'est pas possible d'entrer en matière.