Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 121



131 III 121

16. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Société des
produits Nestlé SA contre Masterfoods AG (recours en réforme)

    4C.311/2004 du 10 décembre 2004

Regeste

    Art. 2 lit. a und b MSchG. Klage auf Nichtigerklärung einer Marke,
die in der Form einer als enge Röhre ausgestalteten Verpackung für mit
einem Zuckerguss überzogene Schockoladepastillen besteht.

    Verhältnis zwischen Art. 2 lit. a MSchG, der allgemein zum Gemeingut
gehörige Zeichen betrifft, und Art. 2 lit. b MSchG, der gewisse Formen
vom Markenschutz ausschliesst (E. 2).

    Bei der Verpackung von Schockoladepastillen macht die enge Röhrenform
nicht das Wesen der Ware aus. Ebenso wenig ist sie technisch notwendig
(E. 3).

    Die Form einer engen Röhre ist ein banales Zeichen. Zur Verpackung der
beanspruchten Ware besteht für sie kein absolutes Freihaltebedürfnis; sie
ist gegebenenfalls als im Verkehr durchgesetzte Marke schutzfähig (E. 4).

    Begriff der durchgesetzten Marke (E. 6).

    Ob sich die Marke im Verkehr durchgesetzt hat, ist nach den Ergebnissen
einer durchgeführten demoskopischen Untersuchung zu ermitteln, wie auch
auf Grund der Umsatzzahlen und Werbekampagnen, welche die Markeninhaberin
unter Verwendung der engen Röhrenform realisiert hat (E. 7 und 8).

Sachverhalt

    Le groupe Nestlé est actif dans l'industrie des denrées alimentaires
et il commercialise notamment, sous la marque "smarties", des pastilles
de chocolat recouvertes d'un glaçage coloré, produites dans des teintes
variées. Elles sont vendues dans des emballages en forme de tube de 40 g
ou de 150 g. Les deux emballages sont des cylindres étroits, en carton,
fermés à un bout par une rondelle scellée et à l'autre par un couvercle
en plastique. Ils portent le nom "smarties" en grandes lettres, avec
l'image de pastilles multicolores. De 1990 à 1999, la vente de ce produit
en Suisse a atteint, en moyenne, 450 t par an; elle a procuré un chiffre
d'affaires annuel moyen de 5'800'000 fr.

    La Société des produits Nestlé SA a déposé une marque de forme
auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle, consistant
dans un emballage en forme de tube étroit, destinée à des pastilles ou
dragées fourrées de chocolat. L'enregistrement de cette marque avec la
mention "marque imposée" est intervenu le 29 mai 1995, sous le n° 416'341.
L'inscription reproduit la photographie d'un emballage en forme de cylindre
étroit, ouvert à un bout et fermé à l'autre par une rondelle scellée.

    Une société du groupe concurrent Mars, Masterfoods AG, a ouvert action
contre la titulaire de cette marque devant le Tribunal cantonal du canton
de Vaud. Sa demande tendait à faire constater la nullité de la marque de
forme n° 416'341. Par jugement du 30 janvier 2004, le Tribunal cantonal
a constaté la nullité de la marque pour les produits auxquels celle-ci
est destinée. Parmi d'autres motifs, il a retenu que la forme du cylindre
étroit doit rester à la libre disposition de tous les concurrents.

    Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en réforme de
la défenderesse; il a annulé le jugement et renvoyé la cause au Tribunal
cantonal.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  L'art. 1er al. 1 de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la
protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11)
définit la marque comme un signe propre à distinguer les produits ou les
services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. L'art. 2 let. a
LPM exclut de la protection légale les signes appartenant au domaine public
(consid. 4.1 ci-dessous), sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les
produits ou les services concernés. L'art. 2 let. b LPM vise spécialement
les marques de forme, c'est-à-dire les signes réalisés directement par la
forme donnée au produit lui-même ou à son emballage. Cette disposition
exclut de la protection légale les formes constituant la nature même
du produit, ainsi que les formes du produit ou de l'emballage qui sont
techniquement nécessaires.

    L'art. 2 let. b LPM circonscrit, dans le domaine des marques de
forme, les signes pour lesquels il existe une besoin absolu de libre
disposition. Cette règle n'a pas de portée propre par rapport à la clause
générale de l'art. 2 let. a LPM, dans la mesure où ce qui ressort déjà de
cette dernière y est simplement répété pour les marques de forme. La portée
propre de l'art. 2 let. b LPM consiste en ce que les formes inhérentes
à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l'emballage
qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection
légale même si leur utilisation comme marque a pu s'imposer dans le
commerce. A la différence des autres signes appartenant au domaine public,
une utilisation même prolongée et exclusive d'une forme de ce genre ne
permet pas d'en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques
(ATF 129 III 514 consid. 2.3 p. 517).

    En l'espèce, il est nécessaire d'examiner si la forme de tube étroit,
destinée à des pastilles ou dragées fourrées de chocolat, est exclue de
la protection légale alors même que, par hypothèse, la défenderesse est
parvenue à l'imposer dans le commerce comme marque de son propre produit.

Erwägung 3

    3.  La juridiction cantonale a retenu à tort chacun des deux cas
d'exclusion spécialement prévus à l'art. 2 let. b LPM.

    3.1  Elle a d'abord constaté que cette forme est techniquement
nécessaire pour l'emballage de pastilles de chocolat enrobées de sucre
coloré. Selon sa propre appréciation, les concurrents de la défenderesse
ne sont aucunement contraints d'utiliser un emballage en forme de cylindre
étroit pour la vente de produits de ce type. Elle considère que le tube
se définit notamment comme un emballage cylindrique rigide, destiné à
contenir des solides ou d'autres matières, qu'il s'agit d'un emballage
courant dont le commerce ne peut pas se passer et que, par conséquent,
sa forme cylindrique ne peut être l'objet d'aucun monopole protégé par
le droit des marques.

    Son approche ne correspond pas à la notion de la forme techniquement
nécessaire selon l'art. 2 let. b LPM. Ce cas d'exclusion de la protection
légale est réalisé seulement lorsque, pour des raisons techniques, aucune
autre forme n'est disponible ou ne peut être raisonnablement utilisée (ATF
129 III 514 consid. 3.2.1 p. 522 et 3.2.2 p. 523). La forme techniquement
nécessaire correspond à la seule possibilité de réaliser un produit
ou un emballage doté des fonctions et aptitudes voulues (même arrêt,
consid. 3.2.3 p. 523). Une forme est techniquement nécessaire aussi s'il
existe, certes, une autre possibilité, mais que celle-ci implique une
exécution moins commode, moins résistante ou plus onéreuse: on ne peut
alors pas raisonnablement attendre des concurrents qu'ils renoncent à la
forme la plus évidente et adéquate (consid. 3.2.4 p. 524).

    Contrairement à l'opinion de la demanderesse, un monopole de
l'emballage en forme de tube ne l'oblige pas à utiliser elle-même des
formes d'emballage moins commodes, moins robustes ou plus coûteuses à
fabriquer. Au contraire, elle peut recourir à une variété pratiquement
illimitée de formes diverses, hormis le cylindre caractérisé par
certaines proportions. De toute évidence, la forme cylindrique n'est
pas indispensable pour des emballages solides et aptes à se refermer;
les développements que cette partie consacre aux inconvénients des
sachets ou d'autres emballages instables sont, par conséquent, dépourvus
de pertinence. On ne discerne aucune nécessité technique de conditionner
des pastilles de chocolat dans des emballages cylindriques. La juridiction
cantonale n'a d'ailleurs retenu aucune nécessité de ce genre à l'appui de
son jugement; celui-ci n'est fondé que sur le caractère banal de la forme
cylindrique et sur l'opinion que celle-ci doit rester librement disponible
pour les besoins du commerce. En réalité, pour les produits en cause, cette
forme n'est pas techniquement nécessaire aux termes de l'art. 2 let. b LPM.

    3.2  L'exclusion des formes constituant la nature même du produit,
prévue également par l'art. 2 let. b LPM, a pour but d'empêcher qu'une
entreprise puisse se réserver le monopole d'un produit par le biais
d'un enregistrement, à titre de marque, de la forme propre de ce
produit. Une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des
marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles
ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par
de telles caractéristiques n'est pas susceptible de protection et elle
demeure, au contraire, à la libre disposition de tous les concurrents
(ATF 129 III 514 consid. 2.4.1 p. 518 et 3.1.1 p. 520, avec références;
RUTH ARNET, Markenschutz für Formen: Theorie und Praxis zu den spezifischen
Schutzausschlussgründen für die Formmarke gemäss Art. 2 lit. a und b MSchG,
sic! 11/2004 p. 829, p. 835 ss).

    D'ordinaire, la forme de l'emballage n'est pas dictée par
les caractéristiques du produit; l'emballage n'est d'ailleurs pas
mentionné, à l'art. 2 let. b LPM, dans la proposition "les formes qui
constituent la nature même du produit". La demanderesse soutient avec
raison qu'exceptionnellement, l'emballage peut être fonctionnellement
lié au produit de telle façon que la forme de l'emballage doit être
assimilée à celle du produit. Cette situation particulière est réalisée
lorsque l'emballage sert de manière indispensable à l'utilisation ou à la
consommation du produit (CHRISTOPH WILLI, Kommentar zum Markenschutzgesetz,
Zurich 2002, n. 212 ad art. 2 LPM, qui mentionne les exemples de
l'atomiseur ou du bâton applicateur).

    L'emballage de pastilles de chocolat, ou de sucreries analogues,
doit permettre la garde, le transport et la présentation du produit
jusqu'à sa consommation. Au delà de ces fonctions classiques de n'importe
quel emballage, il doit éventuellement, pour faciliter une consommation
graduelle du contenu, se prêter à plusieurs ouvertures et fermetures
successives. En dépit de cette dernière particularité, on ne constate
aucun rapport de connexité particulièrement étroit entre les fonctions
de l'emballage et la consommation du produit.

    La demanderesse se réfère en vain à la jurisprudence de la Cour de
justice des communautés européennes selon laquelle la forme de l'emballage
doit être assimilée à celle du produit lorsque ce dernier, en raison de
son état granuleux, pulvérulent ou liquide, est dépourvu de forme propre
(arrêt de la CJCE du 12 février 2004, Henkel, C-218/01, point 33). Selon le
même arrêt, l'assimilation de la forme de l'emballage à celle du produit
ne se justifie pas lorsque celui-ci, bien que généralement commercialisé
dans un emballage, est doté d'une forme propre; sur ce point, la Cour de
justice cite en exemple les clous (ibidem, point 32). Or, les pastilles
ou dragées de chocolat sont elles aussi des objets petits mais néanmoins
solides et, en conséquence, dotés d'une forme propre; elles diffèrent,
de ce point de vue, des produits fabriqués en granules, en poudre ou à
l'état liquide. Il en résulte que même s'il fallait transposer au droit
suisse la jurisprudence précitée concernant ces produits, celle-ci ne
serait pas concluante en faveur de la demanderesse.

    Faute d'un rapport fonctionnel suffisamment étroit entre les pastilles
de chocolat et leur emballage en forme de tube, cette forme ne constitue
pas non plus la nature même du produit aux termes de l'art. 2 let. b LPM.

Erwägung 4

    4.  La juridiction cantonale a aussi retenu qu'indépendamment des
cas d'exclusion de l'art. 2 let. b LPM, la forme du cylindre étroit
est tellement banale qu'elle doit demeurer à la libre disposition de
tous. Cette appréciation n'est pas conforme au droit fédéral.

    4.1  Les signes appartenant au domaine public, à ce titre exclus
de la protection légale, se caractérisent par le fait qu'ils sont
a priori dépourvus de force distinctive ou assujettis au besoin de
libre disposition. Un signe du domaine public n'acquiert la force
distinctive que si une entreprise parvient à l'imposer comme marque dans
le commerce. Ce signe devient alors susceptible de protection en faveur
de cette entreprise, pour autant qu'il ne soit pas assujetti au besoin
de libre disposition; dans cette dernière hypothèse, il demeure exclu de
la protection légale. Les signes indispensables à tous les concurrents
sont soumis à un besoin de libre disposition absolu; pour d'autres
signes, selon que ce besoin est plus ou moins intense, les exigences
dont dépend le caractère de marque imposée dans le commerce, telles
que l'ancienneté de l'usage, sont plus ou moins sévères (LUCAS DAVID,
Commentaire bâlois, 2e éd., n. 38 et 40 ad art. 2 LPM; WILLI, op. cit.,
n. 34, 153, 156 et 164 ad art. 2 LPM; ARNET, op. cit. p. 830 ss; JÜRG
MÜLLER, Unterscheidungskraft, Freihaltebedürfnis, Verkehrsdurchsetzung, in
Marke und Marketing, Berne 1990, p. 205 ss; EUGEN MARBACH, Markenrecht,
in Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. III,
Bâle 1996, p. 33 ss, 54 ss).

    Les signes du domaine public sont généralement répartis en trois
ou quatre catégories: il s'agit d'abord des signes banals ou communs,
soit les chiffres ou lettres isolés, les couleurs ou formes géométriques
simples; un autre groupe est constitué des signes descriptifs et des
désignations génériques, c'est-à-dire les références à la nature, aux
propriétés, à la composition ou à l'emploi d'un produit; le troisième
est celui des signes libres ou dégénérés, soit ceux qui, distinctifs à
l'époque de leur création, sont devenus des désignations génériques en
raison d'un usage généralisé; il y a enfin les indications géographiques
(MARBACH, op. cit., p. 33; KAMEN TROLLER, Précis du droit suisse des
biens immatériels, Bâle 2001, p. 97; ARNET, op. cit., p. 830; MÜLLER,
op. cit., p. 205; ATF 114 II 171 consid. 2a p. 172).

    4.2  Les signes libres, par définition, ont perdu leur force
distinctive et ils ne peuvent guère la recouvrer; la question du besoin
de libre disposition ne se pose donc pas à leur sujet. Ainsi, en 1988,
la locution "Eile mit Weile" (hâte-toi lentement) était un signe libre
pour des jeux et jouets; elle s'était imposée dans le commerce comme
désignation générique et elle n'avait plus de force distinctive en faveur
d'une entreprise en particulier (ATF 114 II 171 consid. 3 p. 174; voir
aussi ATF 130 III 113 consid. 3.1 p. 116).

    Pour les signes descriptifs et les désignations génériques,
la jurisprudence reconnaît le besoin de libre disposition pour les
expressions attribuant certaines qualités à la marchandise, telles que,
en français ou transposées dans cette langue, beau, bel, belle, super,
bon, fin, pour autant que ces désignations soient descriptives en relation
avec le produit concerné (ATF 100 Ib 250 consid. 1 p. 251; voir aussi ATF
128 III 447 consid. 1.5 p. 450; 127 III 160 consid. 2b/aa p. 166). Dans
l'arrêt ATF 64 II 244, le Tribunal fédéral a reconnu un besoin de libre
disposition absolu pour les désignations telles que pain, chaussure,
vêtement, laine, coton; il a toutefois admis, à titre de marque imposée
dans le commerce, le signe "Wollen-Keller" composé de l'une d'elles
et d'un patronyme très courant (consid. 3 p. 251). Le mot descriptif
"touring" a été jugé librement disponible pour tous les concurrents, donc
absolument exclu de la protection légale, dans le domaine des fournitures
ou services concernant l'automobile et les voyages en automobile (ATF
117 II 199 consid. 2b p. 203). L'expression "trois plants", destinée à
des vins, était descriptive; la question du besoin de libre disposition
fut laissée indécise parce que, de toute manière, l'expression ne s'était
pas imposée comme marque (ATF 84 II 221 consid. 2b p. 225 ss).

    Le jugement attaqué mentionne plusieurs de ces précédents et,
en outre, d'autres cas où un besoin de libre disposition n'a pas été
envisagé. Ainsi, la marque "yeni raki" (vieux raki), descriptive en langue
turque, était éventuellement susceptible de protection en vertu du droit
international, selon sa notoriété dans le milieu concerné en Suisse (ATF
120 II 144 consid. 3c p. 151). La protection obtenue dans certains Etats
européens pour "masterpiece" (chef d'oeuvre), descriptif en anglais,
ne permettait pas de revendiquer un monopole en Suisse (ATF 129 III
225). Enfin, l'indication géographique "Appenzeller" a été reconnue à
titre de marque imposée (ATF 128 III 441 consid. 1 p. 443).

    Le besoin de libre disposition n'a pas toujours été clairement
distingué de l'absence de force distinctive. Quoi qu'il en soit,
contrairement à l'opinion des précédents juges, la jurisprudence relative
aux signes libres, aux signes descriptifs ou aux indications géographiques
ne permet pas de retenir un besoin de libre disposition absolu pour
l'emballage en forme de tube étroit.

    4.3  Selon plusieurs auteurs, les signes banals sont l'objet d'un
emploi indispensable dans le commerce et ils sont donc assujettis au
besoin de libre disposition; cependant, on n'exclut pas rigoureusement
qu'une éventuelle utilisation à titre de marque, imposée dans le commerce,
puisse être prise en considération (MÜLLER, op. cit. p. 206; WILLI,
op. cit., n. 148 à 151, 156 et 157 ad art. 2 LPM; DAVID, op. cit.,
n. 31 et 34 ad art. 2 LPM; MARBACH, op. cit., p. 49 ss).

    Le cas échéant, c'est en tenant compte du contexte de l'affaire que
le Tribunal fédéral constate l'assujettissement d'un signe banal à un
besoin de libre disposition absolu, sur lequel une utilisation imposée à
titre de marque ne peut en aucun cas prévaloir; à lui seul, le caractère
intrinsèquement banal du signe concerné n'est pas décisif. Par exemple,
la marque verbale "red & white" était susceptible de protection alors même
que les couleurs fondamentales doivent demeurer librement disponibles
(ATF 103 Ib 268 consid. 2a p. 270). Destinée à des cigarettes, cette
marque n'était pas descriptive, cela également si les couleurs indiquées
figuraient sur l'emballage (consid. 3b p. 274). De même, la couleur
rouge et la forme géométrique simple d'un anneau sont l'une et l'autre
banales et librement disponibles; néanmoins, la marque verbale "rotring"
était valable pour de l'outillage (ATF 106 II 245 consid. 2d p. 248). Le
signe verbal "duo" était descriptif pour des jeux et jeux de société et il
devait rester librement disponible; l'hypothèse d'une utilisation imposée
à titre de marque a toutefois été réservée (ATF 118 II 181 consid. 2b et
c p. 182). Au sujet du signe figuratif consistant dans un petit rectangle
rouge à apposer sur des pantalons, le Tribunal fédéral a jugé que le
rectangle et le rouge sont l'un et l'autre des signes banals et que leur
combinaison était elle-même banale; l'exploitante n'était pas parvenue à
prouver une utilisation imposée à titre de marque et le besoin de libre
disposition n'a pas été examiné (arrêt A.536/1982 du 30 novembre 1982,
publié in RSPI 1984 p. 120, consid. 3 et 5).

    En ce qui concerne spécialement les formes banales, le Tribunal
fédéral a admis qu'une marque de forme, dotée de la force distinctive
et donc susceptible de protection légale, peut éventuellement être
créée par la combinaison d'éléments géométriquement simples qui sont
individuellement dépourvus de cette force; la protection est cependant
exclue lorsque le résultat de la combinaison coïncide avec la forme
propre du produit (ATF 120 II 307 consid. 3b et c p. 310; voir aussi ATF
129 III 514 consid. 2.3 in fine p. 518). Cette forme-ci est assujettie
au besoin de libre disposition (consid. 2 ci-dessus). La Commission
fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle a jugé que le
parallélépipède rectangle, dont une entreprise voulait le monopole pour
le conditionnement du beurre et des préparations au beurre, est une forme
géométrique banale et soumise au besoin de libre disposition absolu. Il
en résultait que la preuve de l'imposition dans le commerce ne pouvait pas
être apportée. Ce cas n'a pas été examiné au regard de l'art. 2 let. b LPM
(décision du 7 décembre 1999 "Buttermödeli"; sic! 2/2000 p. 101).

    4.4  L'assujettissement d'un signe à un besoin de libre disposition
absolu, sur lequel une utilisation imposée à titre de marque ne peut
en aucun cas prévaloir, ne peut être retenu que si l'emploi du signe
concerné est nécessaire dans le commerce. Cette condition ne peut pas
être examinée de façon générale pour certains signes mais seulement en
relation avec les produits ou services auxquels ils sont destinés. On
doit sans doute envisager que, parmi les signes banals, certains
se révéleront indispensables aux besoins du commerce dans presque
n'importe quel contexte. L'aptitude à constituer une marque valable
ne peut néanmoins pas être déniée en tout état de cause pour des signes
paraissant au premier abord banals, quand, dans un contexte spécifique,
ces signes ne sont pas nécessaires au commerce compte tenu qu'ils ne
sont pas généralement utilisés et qu'ils peuvent être remplacés par de
nombreux signes équivalents. Le caractère banal d'un signe n'autorise pas
à conclure, indépendamment du contexte dans lequel ce signe est utilisé
et pour lequel la protection est requise, qu'il doit demeurer librement
disponible pour le commerce sans égard à la force distinctive qu'il a
pu acquérir. L'existence d'un besoin de libre disposition absolu pour
les formes banales, auquel une forme déterminée serait éventuellement
assujettie alors qu'elle ne constitue pas la forme même du produit et
qu'elle n'est pas non plus techniquement nécessaire, besoin qui excéderait
ainsi celui régi par l'art. 2 let. b LPM, est donc douteuse.

    Quoi qu'il en soit, en l'occurrence, un besoin de libre disposition
absolu ne peut pas être retenu. Le cylindre ou tube étroit peut bien sûr
être considéré comme une forme géométrique fondamentale. Il faut cependant
prendre en considération qu'à la différence d'une sphère ou d'un cube,
cette forme n'a pas de proportions fixes; celles-ci, de même que les
dimensions absolues, sont indéterminées. Les proportions varient d'après
le rapport du diamètre à la longueur, or ces deux caractéristiques peuvent
être librement choisies. Le choix des proportions influence l'apparence du
cylindre, de sorte que leur modification aboutit à la création de formes
différentes. Dans le commerce des pastilles ou dragées de chocolat, des
proportions particulières ne paraissent pas nécessaires. La demanderesse
n'est donc pas fondée à prétendre que la marque litigieuse lui interdira
l'emploi de toute forme cylindrique pour l'emballage des confiseries ou
sucreries. La forme à examiner ici, exclusivement, n'est pas généralement
utilisée pour l'emballage du produit concerné et il existe, à cette
fin, un grand nombre d'autres solutions, réalisables à partir de formes
fondamentales différentes ou de proportions différentes. Contrairement
à l'opinion des précédents juges, le caractère originellement banal de
la forme cylindrique litigieuse, dont les proportions sont toutefois
spécifiées, n'entraîne donc pas un besoin de libre disposition absolu. Il
est ainsi possible d'apporter, le cas échéant, la preuve que cette forme
est une marque imposée dans le commerce aux termes de l'art. 2 let. a LPM.

Erwägung 5

    5.  Dans le cadre du recours en réforme, le Tribunal fédéral applique
les critères prescrits par le droit fédéral pour déterminer si, dans le
commerce, le signe en cause s'est imposé à titre de marque. Il statue sur
la base des constatations de fait de la juridiction cantonale, sous réserve
des cas - qui ne concernent pas la présente affaire - d'inadvertance
manifeste ou de violation des règles de droit fédéral en matière de
preuve (art. 43 et 63 OJ; ATF 130 III 328 consid. 1 p. 330). Le Tribunal
fédéral est ainsi lié par les constatations de l'arrêt attaqué relatives
aux circonstances que la défenderesse invoque pour établir le caractère
de marque imposée, tandis qu'il vérifie librement si, à partir de ces
constatations, la juridiction cantonale a correctement appliqué le droit.

Erwägung 6

    6.  Un signe s'est imposé dans le commerce à titre de marque dès
le moment où une part importante des destinataires du produit ou des
services concernés le perçoivent comme une référence à une entreprise
déterminée. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit nommément connue
mais le signe doit être assimilé à une marque dans toute la Suisse. Pour
les marques de forme comme pour les signes verbaux ou figuratifs, le
caractère de marque imposée peut être constaté sur la base de faits qui,
selon l'expérience, autorisent des déductions relatives à la perception du
signe dans le public. De tels faits consistent notamment dans un volume
d'affaires très important et réalisé au cours d'une longue période avec
le signe en cause, ou dans des efforts publicitaires intenses. Il est
aussi possible de déterminer directement, par un sondage représentatif
dans le public visé, si un mot, une figure ou une forme y est perçu
comme la marque de produits ou de services particuliers (ATF 130 III 328
consid. 3.1 p. 332, avec références à de nombreux auteurs; voir aussi
ATF 128 III 441 consid. 1.2 p. 444; 127 III 33 consid. 2 p. 35).

    La juridiction cantonale a constaté que les pastilles de chocolat
"smarties" sont vendue en Suisse depuis 1959, en particulier dans les
kiosques et les centres commerciaux, dans des tubes de 40 g ou de 150
g. Un volume de 500 t a ainsi été écoulé en 1999; de 1990 à 1999, le
volume annuel moyen s'établit à 450 t. Les tubes sont l'objet d'une
publicité intense depuis des décennies, notamment à la télévision;
ils sont constamment présentés avec des couvercles de couleurs variées,
l'inscription "smarties" et l'image de pastilles multicolores. Ces réclames
sont diffusées aussi en Suisse.

    Par ailleurs, selon les mêmes constatations, la défenderesse a
chargé l'Institut MIS Trend SA, à Lausanne, de deux études consacrées à
la notoriété des tubes de "smarties". A cette fin, des sondages furent
exécutés dans cette ville en 2000 et en 2002, respectivement auprès de 261
et 279 personnes. Les sondeurs ont présenté aux participants un tube de
"smarties" dont les inscriptions et illustrations étaient masquées. Le tube
utilisé en 2000 était pourvu d'un couvercle coloré tandis que celui de 2002
avait un couvercle fardé de blanc. 82 % des personnes interrogées en 2000
et 62 % de celles interrogées en 2002 ont reconnu d'emblée l'emballage des
"smarties". Le taux des réponses exactes s'est élevé, respectivement, à
90 % et 82 % après que les participants qui n'avaient pas reconnu le tube
eurent appris que celui-ci contenait des pastilles de chocolat enrobées
de sucre.

Erwägung 7

    7.  En dépit de ces faits, la juridiction cantonale retient divers
motifs de dénier à la forme litigieuse le caractère de marque imposée. Là
encore, son appréciation ne peut pas être suivie.

    7.1  L'un de ces motifs est tiré du fait que pendant les trente-cinq
années précédant le dépôt de la marque de forme en Suisse, l'emballage
utilisé par la défenderesse n'était pas un tube vierge et incolore;
il s'agissait au contraire d'un tube pourvu des signes "smarties" et
"Nestlé", et décoré d'une illustration montrant les pastilles multicolores.

    Cet argument méconnaît que la protection légale est requise uniquement
pour la forme de l'emballage. Le jugement indique les mensurations des
tubes de 40 et 150 g mais il n'en ressort pas qu'indépendamment de toute
inscription ou ornement, la forme enregistrée ne correspondrait pas à celle
effectivement utilisée. Il est vrai qu'un volume d'affaires important et
une publicité intense ne sont aptes à établir l'imposition d'un signe à
titre de marque que s'il n'existe pas d'interférence entre ce signe et
d'autres marques ou signes que l'entreprise aurait utilisés simultanément
et spécialement pour le même produit ou service. En l'occurrence, il
y avait interférence entre la forme du tube, qui est le signe à trois
dimensions présentement litigieux, et certains des signes verbaux ou
figuratifs apposés sur cet emballage. Les sondages ont cependant été
réalisés dans le but d'évaluer directement l'impact de la forme seule,
indépendamment de tout autre signe, dans le public et pour le produit
concerné. La demanderesse conteste la méthode adoptée à cette fin,
de sorte que les sondages ne sont, à son avis, pas représentatifs, et
les précédents juges ne se sont pas prononcés à ce sujet. Si la méthode
était appropriée et qu'une part importante des personnes interrogées ont
identifié la forme pure au produit de la défenderesse, on ne peut pas
dénier à celle-ci la protection légale au motif qu'elle n'utilise pas
la forme sans adjonction de signes supplémentaires. Pour autant que la
méthode soit adéquate, les sondages peuvent aboutir à des constatations
concluantes au sujet du produit éventuellement associé, dans le public,
à la forme du tube étroit; de ce point de vue, c'est à tort que la
juridiction cantonale ne prend pas ces enquêtes en considération.

    7.2  Celle-ci retient encore que des producteurs autres que la
défenderesse commercialisent eux aussi des confiseries, sucreries ou
produits au chocolat dans des emballages en forme de tube étroit. Ce
raisonnement ne correspond pas non plus aux critères du droit fédéral
concernant le caractère de marque imposée dans le commerce et il ne tient
pas compte des résultats obtenus par les sondages. Il faut déterminer si
la forme de tube étroit est perçue, dans le public, comme une référence
à l'entreprise de la défenderesse pour le produit concerné. A ce sujet,
le volume d'affaires important et la publicité intense réalisés par elle,
avec un emballage en forme de tube étroit, ne constituent qu'un simple
indice de la transformation de cette forme, à l'origine banale, en un
signe distinctif. L'utilisation de formes semblables pour des produits
semblables, par des concurrents de la défenderesse, peut sans doute
infirmer cet indice. Ce qui est toutefois décisif, c'est seulement
ce que les destinataires du produit associent réellement à la forme en
cause. Si un sondage concluant, par rapport aux personnes interrogées et
à la méthode employée, mène à constater que les destinataires assimilent
réellement la forme du tube étroit au produit de la défenderesse,
cette forme s'est imposée comme marque aux termes de l'art. 2 let. a
LPM. L'utilisation sporadique de signes semblables, par des concurrents,
est alors inapte à démentir cette constatation car celle-ci n'est pas
déduite du volume d'affaires important et de la publicité intense; elle
résulte au contraire d'une élucidation directe du sens reconnu par le
public à la forme en cause, en relation avec un produit déterminé.

    La demanderesse se réfère vainement à la jurisprudence selon laquelle
le caractère de marque imposée d'indications géographiques peut être
reconnu à la suite d'un usage exclusif et prolongé du signe concerné (ATF
92 II 270 consid. 2 p. 274 in medio; voir aussi ATF 117 II 321 consid. 3a
p. 324/325). Contrairement à l'argumentation présentée, cela ne signifie
pas que l'acquisition de la force distinctive, pour un signe appartenant
au domaine public, ne puisse jamais être reconnue qu'à la suite d'un
usage exclusif. En tant que la protection légale a été déniée au motif
que plusieurs concurrents avaient fait usage du signe concerné, cela ne
concernait que l'hypothèse où l'un d'eux, revendiquant cette protection,
prétendait établir le caractère de marque imposée sur la base d'indices
tels que le volume d'affaires important ou la publicité intense.

    7.3  Selon le jugement attaqué, les sondages effectués par l'Institut
MIS Trend SA, pour le compte de la défenderesse, sont inaptes à établir
que la forme litigieuse se soit imposée comme marque dans toute la
Suisse. Exécutés dans une seule des trois régions linguistiques du pays,
soit la Suisse romande, ils ne sont tenus pour concluants, le cas échéant,
que pour cette région exclusivement. Cette appréciation est fondée sur
un précédent qui concernait un signe verbal imposé comme marque seulement
dans le canton du Tessin (ATF 127 III 33 consid. 2 p. 35).

    Les signes verbaux sont fréquemment compris - et aussi énoncés -
de façon différente dans chacune des régions linguistiques du pays. En
revanche, les signes figuratifs et les formes ne sont pas perçus de façon
différente selon la langue des destinataires et les régions linguistiques
où on les exploite. Si le produit revêtu du signe figuratif concerné,
ou conditionné dans la forme constitutive du signe, est commercialisé de
la même manière et soutenu par une publicité équivalente dans toute la
Suisse, il n'est pas nécessaire que la force distinctive du signe soit
établie séparément dans chaque région linguistique.

    Il ne ressort pas du jugement que les 450 t de "smarties" écoulées
chaque année, en moyenne, soient vendues surtout en Suisse romande. Il
n'y est pas non plus constaté que la publicité faite pour ce produit
soit concentrée sur cette région en particulier. Dans ces conditions, la
juridiction cantonale applique incorrectement la notion de marque imposée
dans le commerce, en tant qu'elle assimile les signes à trois dimensions,
ou figuratifs, aux signes verbaux, et qu'elle tient la langue des
destinataires pour importante aussi afin d'élucider la force distinctive
des signes à trois dimensions ou figuratifs. Si les sondages ont été
effectués selon une méthode appropriée et qu'il n'existe pas de différences
importantes, selon les régions du pays, dans la commercialisation des
"smarties", ni dans l'effort publicitaire accompli pour ce produit, les
résultats des ces enquêtes doivent être reconnus comme pertinents aussi
à l'égard de la Suisse alémanique et de la Suisse italophone.

    7.4  Le signe litigieux est une forme géométrique banale. En
comparaison avec d'autres signes plus élaborés, celui qui prétend l'imposer
comme marque a plus de difficulté a obtenir que les destinataires
l'associent à son produit et gardent, ensuite, le souvenir de cette
association. Conformément à l'opinion des premiers juges, en raison de
l'extrême banalité de la forme en cause, il se justifie donc de soumettre
à des exigences élevées la preuve de son caractère de marque imposée dans
le commerce (ATF 130 III 328 consid. 3.4 p. 333).

    Lors des sondages, plus de 60 % des personnes interrogées ont reconnu
d'elles-mêmes, et sans qu'on leur fournît aucun indice, l'emballage des
"smarties" dans la forme neutre qui leur était présentée. Le taux excédait
70 % à la deuxième interrogation qui était accompagnée, elle, d'une aide
à la réponse. Au regard de ces résultats, nonobstant la banalité de la
forme cylindrique étroite, la juridiction cantonale retient à tort que
lesdits résultats devraient être jugés insuffisants même si les sondages
satisfaisaient aux exigences méthodologiques à respecter.

Erwägung 8

    8.  Savoir si ces exigences-ci ont été respectées est une question
décisive qu'il importe de résoudre. Le Tribunal cantonal l'ayant laissée
indécise, il s'impose d'annuler le jugement attaqué et de lui renvoyer
la cause. Il lui appartiendra d'examiner, au besoin après complètement
des constatations de fait, la validité des sondages du point de vue de
la méthode appliquée; il prononcera alors un nouveau jugement sur la
validité ou la nullité de la marque de forme n° 416'341. Lors de ce
nouveau jugement, il faudra garder à l'esprit qu'un sondage correctement
conçu et exécuté constitue le moyen le plus sûr d'élucider la perception
d'un signe dans le public visé. Il faudra cependant aussi tenir compte
des indices classiques à tirer du volume d'affaires et de la publicité
réalisés par la défenderesse avec le signe concerné. Enfin, on prendra
en considération que l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle,
par l'enregistrement de la marque avec la mention de "marque imposée",
a reconnu que la défenderesse avait rendu vraisemblable la situation de
fait correspondante (DAVID, commentaire de l'ATF 130 III 478, publié in
PJA 2004 p. 1429 ss, ch. 4 p. 1431).