Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 V 546



130 V 546

80. Arrêt dans la cause Mutuel Assurances contre M. et Tribunal
administratif de la République et canton de Genève

    K 158/03 du 21 septembre 2004

Regeste

    Art. 67 und 72 KVG; Art. 21 ATSG: Kürzung von Leistungen wegen
Grobfahrlässigkeit im Bereich der freiwilligen Taggeldversicherung.

    Mangels besonderer Bestimmungen im KVG ist Art. 21 ATSG auch im
Bereich der Taggeldversicherung nach Art. 67 ff. KVG anwendbar (Erw. 3).

    Im Hinblick auf BGE 119 V 171 und die neuere gesetzgeberische Tendenz
konnte die Kürzung von Leistungen wegen Grobfahrlässigkeit im Jahre 2002
nicht (mehr) als allgemeiner Grundsatz des Sozialversicherungsrechts
betrachtet werden (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- M., né en 1946, exerce la profession d'expert-comptable
indépendant. Il est assuré auprès de la Mutuelle Valaisanne, Assurance
maladie et accident (dénommée entre-temps Mutuel Assurances), notamment
pour l'assurance obligatoire des soins et pour une indemnité journalière
de 50 fr., après un délai d'attente de 60 jours. Dès le 29 mai 2002,
il a été totalement incapable de travailler pour cause de maladie. Cette
incapacité de travail a été attestée par plusieurs certificats médicaux
qui ont été communiqués à la caisse par l'intéressé. Du 9 juillet 2002
au 29 juillet 2002, M. a été hospitalisé au Département de médecine
communautaire de l'Hôpital U. en raison d'une dépendance à l'alcool,
associée à un trouble dépressif récurrent. Après avoir pris connaissance du
rapport d'hospitalisation, ainsi que d'un rapport du docteur A., médecin
généraliste, du 4 septembre 2002, le médecin-conseil de la caisse a estimé
que l'alcoolisme était "le problème prédominant" chez le patient.

    Par décision du 7 octobre 2002, la Mutuelle Valaisanne a signifié
à l'assuré qu'elle réduisait de 20 pour cent son droit à l'indemnité
journalière en raison d'une négligence grave, avec effet au 29 mai 2002.
Elle a considéré qu'un assuré était en effet en mesure de comprendre à
temps, en disposant d'une instruction moyenne et en faisant preuve de la
prudence qu'on pouvait attendre de lui, que l'abus de boissons alcooliques
des années durant risquait de porter une atteinte à sa santé. Or,
dans le cas particulier, la caisse était de l'avis que l'alcoolisme de
l'intéressé avait pris naissance à un âge où il disposait d'une totale
faculté de discernement.

    Saisie d'une opposition de l'assuré, la Mutuelle Valaisanne l'a
rejetée par une nouvelle décision du 21 janvier 2003.

    B.- M. a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Genève (aujourd'hui en matière d'assurances sociales:
Tribunal cantonal des assurances sociales).

    Statuant le 4 novembre 2003, le tribunal administratif a admis le
recours. Il a annulé la décision précédente et renvoyé la cause à la
caisse pour nouvelle décision au sens des motifs. En bref, il a estimé
que seule une faute intentionnelle pouvait donner lieu à réduction
de l'assurance facultative d'indemnités journalières. Or, dans le
cas particulier, aucun élément au dossier ne permettait de conclure
à l'existence chez l'assuré d'une volonté délibérée et consciente de
s'adonner à l'alcool dans une mesure propre à provoquer un état maladif.

    C.- La Mutuelle Valaisanne interjette un recours de droit administratif
dans lequel elle conclut à l'annulation de ce jugement.

    M. n'a pas répondu au recours. Quant à l'autorité fédérale de
surveillance, elle ne s'est pas déterminée.

Auszug aus den Erwägungen:

                            Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.  Sous le titre "Réduction ou suppression du droit aux prestations",
l'art. 30 ch. 2 let. d des conditions générales de l'assurance obligatoire
des soins et de l'assurance facultative d'indemnités journalières de la
recourante (éd. décembre 2000) prévoit que les prestations peuvent être
réduites et, dans les cas particulièrement graves, refusées pour les
maladies imputables à une faute grave de l'assuré.

    La recourante, à juste titre, ne prétend pas que l'intimé ait commis
une faute grave intentionnelle. En effet, dans les cas d'alcoolisme, une
faute intentionnelle eût pour le moins supposé chez l'intéressé l'existence
d'une volonté délibérée et consciente de s'adonner à l'alcool dans une
mesure propre à provoquer un état maladif (ATF 119 V 179 consid. 5). Dans
le cas particulier, on ne dispose pas du moindre indice en faveur d'une
telle volonté. Aussi bien la recourante fait-elle valoir que l'intimé a
commis une négligence grave, justifiant une réduction des prestations en
vertu de la disposition citée de ses conditions générales car il aurait
pu, selon elle, se rendre compte des dangers d'une consommation excessive
d'alcool et se comporter en conséquence.

Erwägung 2

    2.  La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000 est entrée en vigueur le 1er janvier 2003.

    Aux termes de l'art. 82 al. 1, première phrase, LPGA, les dispositions
matérielles de la présente loi ne sont pas applicables aux prestations en
cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur. Cette norme de
droit transitoire ne règle que de façon très fragmentaire les situations
de droit intertemporel. Elle se borne à écarter du champ d'application
matérielle de la loi les prestations en cours et les créances fixées avant
son entrée en vigueur. S'agissant plus précisément des prestations, il faut
entendre celles qui ont fait l'objet de décisions - en principe formelles
- entrées en force. On ne peut pas dire, en effet, que des prestations
sont "en cours" aussi longtemps qu'il n'a pas été définitivement statué
à leur sujet.

    Dans l'ATF 130 V 329 la Cour de céans a précisé la portée de l'art. 82
al. 1 LPGA. Elle a retenu qu'on ne peut pas déduire a contrario de cette
disposition que le moment où est prise la décision serait déterminant
pour l'application des dispositions matérielles de la nouvelle loi
en relation avec des prestations qui n'ont pas été fixées lors de son
entrée en vigueur; en dehors de l'hypothèse spécifique envisagée par la
disposition transitoire citée, il convient de se référer aux principes
généraux selon lesquels on applique, en cas de changement de règles
de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état
de fait qui doit être appréciée juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 130 V 332 sv. consid. 2.2 et 2.3 et les références).

    Au cas particulier, la décision sur opposition de la recourante, qui a
été rendue en 2003, n'est pas entrée en force. Par ailleurs, l'incapacité
de travail de l'intimé, qui fonde le droit aux indemnités journalières,
a débuté en 2002 et s'est prolongée sans discontinuer en 2003. Compte
tenu de ce qui vient d'être dit, l'examen du bien-fondé de la réduction
du droit aux indemnités journalières doit par conséquent intervenir à
l'aune des dispositions matérielles de la LPGA uniquement pour la période
postérieure au 31 décembre 2002, l'ancien droit demeurant applicable pour
la période antérieure.

Erwägung 3

    3.  Selon l'art. 21 al. 1 LPGA, si l'assuré a aggravé le risque assuré
ou en a provoqué la réalisation intentionnellement ou en commettant
intentionnellement un crime ou un délit, les prestations en espèces
peuvent être temporairement ou définitivement réduites ou, dans les cas
particulièrement graves, refusées.

    L'adverbe "intentionnellement" ne se rapporte pas directement à
l'aggravation du risque. Il faut pourtant admettre que, de manière
générale, c'est-à-dire également dans l'éventualité d'une aggravation
du risque, une réduction ou un refus de prestations d'assurance pour
faute grave non intentionnelle n'est pas admissible en vertu de l'art. 21
al. 1 LPGA. Cela ressort clairement des versions allemande et italienne
du texte: dans la première de ces versions, le mot "vorsätzlich" se
rapporte aussi bien à "herbeigeführt" qu'à "verschlimmert"; de même,
dans la seconde, l'adverbe "intenzionalmente" se rapporte autant à
"provocato" qu'à "aggravato" (voir également, et dans le même sens à
propos de ces différences de versions linguistiques: GABRIELLE STEFFEN,
Droit aux soins et rationnement; Approche d'une définition des soins
nécessaires, thèse Neuchâtel 2002, p. 174; DUC, Problèmes d'application
de la LPGA en rapport avec les lois spéciales, in: La partie générale
du droit des assurances sociales, Lausanne 2003, p. 120; cf. aussi UELI
KIESER, ATSG-Kommentar: Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen
Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003,
n. 13 et 14 ad art. 21). Cette interprétation est du reste la seule qui
corresponde à la volonté clairement exprimée du législateur (rapport du 26
mars 1999 de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et
de la santé [CSSS], FF 1999 4211 ss; cf. aussi STEFFEN, op. cit., p. 174,
note de bas de page 770). Il en résulte que l'art. 21 al. 1 LPGA exclut
de manière générale une réduction des prestations à raison d'une faute
grave non intentionnelle.

    A défaut de dispositions particulières dans la LAMal, l'art. 21
LPGA est applicable au domaine des indemnités journalières régies
par les art. 67 ss LAMal (voir aussi KIESER, op. cit., n. 85 ad
art. 21). Contrairement, à ce que soutient la recourante, il s'agit
d'une règle impérative qui ne laisse aucune place à une réglementation
dérogatoire dans les dispositions réglementaires ou statutaires
des assureurs-maladie (voir également GEBHARD EUGSTER, ATSG und
Krankenversicherung: Streifzug durch Art. 1-55 ATSG, in: RSAS 2003
p. 223). Pour les prestations depuis le 1er janvier 2003, la réduction
prononcée par la recourante n'est donc pas admissible.

Erwägung 4

    4.  Il reste à examiner si cette solution prévaut également sous
l'empire de l'ancien droit.

    4.1  La LAMal ne contient pas de disposition sur la réduction
des prestations en cas de faute grave. Avant l'entrée en vigueur de la
LPGA, le Tribunal fédéral des assurances a jugé qu'une caisse ne pouvait
réduire ses prestations pour soins et remboursement de frais (en l'espèce:
hospitalisation et transport en hélicoptère), lorsque seule une négligence
grave pouvait être reprochée à l'assuré (arrêt G. du 21 août 2001 [K
53/01]). Auparavant, il avait jugé que, depuis l'entrée en vigueur de la
LAMal, les caisses-maladie ne disposaient plus de l'autonomie nécessaire
pour prévoir, par voie statutaire, la réduction de leurs prestations en
matière d'assurance obligatoire des soins en cas d'entreprise téméraire,
dès lors que la nouvelle loi ne leur en donnait pas expressément la
compétence. On devait en effet considérer que, dans des domaines qu'il a
réglés en détail, le législateur a remplacé le principe d'autonomie qui
était alors réservé aux caisses-maladie du temps de la LAMA, par celui
de la légalité. Il en allait ainsi dans la réglementation de l'assurance
obligatoire des soins où l'assureur-maladie ne peut fixer de règles propres
que dans les domaines où la loi lui en donne la compétence. En revanche,
le point de savoir si en matière d'assurance facultative d'indemnités
journalières, la règle ci-dessus était applicable ou si l'autonomie
existant antérieurement a subsisté pouvait rester indécis dans le cas
particulier (ATF 124 V 356). De fait, le Tribunal fédéral des assurances
ne s'est, à ce jour, pas prononcé sur la question d'une réduction pour
négligence grave d'indemnités journalières selon la LAMal, autrement dit,
sur le point de savoir si, en ce domaine, les assureurs ont conservé
une autonomie suffisante qui leur permettait (avant le 1er janvier 2003)
de réduire les indemnités journalières pour ce motif. Selon une opinion
émise par DUC (avant l'entrée en vigueur de la LPGA), il conviendrait
en principe de réserver une réglementation interne des assureurs pour
le règlement de la question des conséquences de la faute grave. Cet
auteur se demande si, en définitive, la sanction de la faute grave ne
découle pas d'un principe qui devrait prévaloir aussi dans l'assurance
d'une indemnité journalière (DUC, Quelques imperfections de la LAMal,
in: RSAS 2000 p. 258; dans le même sens: EUGSTER, Krankenversicherung,
in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit,
ch. 231).

    4.2  La LAMA (en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995), pas plus que la
LAMal, ne prévoyait la possibilité de réduire des prestations en cas de
faute grave. Sous le régime de cette ancienne loi, le Tribunal fédéral des
assurances a jugé qu'il était conforme à une règle admise aussi bien par
l'assurance privée que par l'assurance sociale de réduire les prestations
assurées, lorsque le sinistre a été causé par une faute grave de l'ayant
droit. Cette règle valait aussi dans l'assurance-maladie, même lorsque les
statuts ou les conditions d'assurance ne la rappelaient pas (voir par ex.
ATF 107 V 228 consid. 2a, 106 V 23 consid. 1; FRANZ SCHÖN, Juristische
Aspekte der Kürzung von Krankenkassenleistungen bei Grobfahrlässigkeit,
in: Zeitschrift für öffentliche Fürsorge, 1990 p. 170 ss). Le Tribunal
fédéral des assurances considérait, en 1985 encore, que la réduction
pour négligence grave découlait d'un "principe fondamental" du droit des
assurances sociales (ATF 111 V 205 consid. 3).

    4.3  Dans un arrêt ultérieur, du 25 août 1993 (ATF 119 V 171),
le Tribunal fédéral des assurances est toutefois revenu sur cette
conception, tenant compte du développement du droit international de la
sécurité sociale qui limite la possibilité de prononcer des réductions
de prestations d'assurance. En particulier, il a jugé que les art. 68
let. f du Code européen de sécurité sociale [CESS] et 32 § 1 let. e de
la Convention OIT 128, en vertu desquelles les prestations ne peuvent
être réduites qu'en cas de faute intentionnelle, étaient directement
applicables. On ne peut donc plus dire, depuis l'arrêt précité, que les
réductions pour négligence grave relèvent d'un principe fondamental du
droit des assurances sociales (voir plus particulièrement ATF 119 V 178
sv. consid. 4c). Dans la mesure où, dans un arrêt isolé du 30 octobre 1995
(RDAT 1996 I p. 54), la Cour de céans l'a encore affirmé sous l'empire de
la LAMA en se référant à la jurisprudence fédérale, on doit s'en distancer.

    Il y a par ailleurs lieu de constater que les réductions pour
négligence grave dans l'assurance sociale vont à l'encontre de la tendance
législative qui s'est dégagée depuis plus d'une dizaine d'années en ce
domaine. La loi sur l'assurance militaire du 19 juin 1992, entrée en
vigueur le 1er janvier 1994, a supprimé la réduction pour négligence
grave (art. 65 aLAM; JÜRG MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die
Militärversicherung [MVG] vom 19. Juni 1992, Berne 2000, n. 5 et 8 ad
art. 65; FRANZ SCHLAURI, Die Militärversicherung, in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 226). En outre,
déjà dans le projet de loi sur la partie générale du droit des assurances
sociales adopté par le Conseil des Etats au cours de sa session d'automne
1991 (BO 1991 CE 773 ss), il était prévu - en accord d'ailleurs avec le
droit international - de limiter le refus ou la réduction des prestations
aux cas provoqués intentionnellement ou par un comportement délictueux
(art. 27; FF 1991 II 188). Enfin, dans le domaine de l'assurance-accidents,
le système de réduction des prestations pour négligence grave demeure
sous forme de dérogation à la LPGA (art. 37 al. 2 LAA). Cette dérogation
exprime la décision du Parlement, consécutive à l'initiative parlementaire
Suter et qui a modifié la LAA parallèlement aux travaux législatifs de
la LPGA (Rapport du 26 mars 1999 de la Commission du Conseil national de
la sécurité sociale et de la santé, FF 1999 4214).

    C'est dire que d'un principe général et fondamental du droit des
assurances sociales, on est passé, dans le droit fil de la jurisprudence
inaugurée aux ATF 119 V 171 et de l'évolution législative du droit interne
jusqu'à ce jour, à un régime d'exception. On peut en déduire qu'en tout
cas en 2002 déjà - et donc avant l'entrée de la LPGA - une réduction
des prestations pour négligence grave ne pouvait plus reposer sur un
principe général, mais qu'elle nécessitait une base légale explicite;
l'absence de toute réglementation, s'agissant comme en l'occurrence d'une
loi récente, apparaît plus comme un silence qualifié du législateur que
comme une lacune qui découlerait d'un oubli de celui-ci (voir dans ce sens
RUDOLF LUGINBÜHL, Der Regress des Krankenversicherers, in: Haftpflicht-
und Versicherungsrechtstagung 1999, Saint-Gall 1999, p. 55 sv.).

    4.4  Dès lors, même si, en matière d'indemnités journalières
selon la LAMal, il est indéniable que la loi laisse aux assureurs le
pouvoir de régler dans leurs conditions générales d'assurance certaines
questions qui relèvent essentiellement des prescriptions d'ordre (ATF
129 V 53 consid. 1.1 et les références), ce pouvoir ne saurait conduire
à une limitation du régime des prestations fixé aux art. 72 ss LAMal
(cf. EUGSTER, Zum Leistungsrecht der Taggeldversicherung nach KVG, in:
LAMal-KVG: Recueil de travaux en l'honneur de la Société suisse de droit
des assurances, Lausanne 1997, p. 552). Or la réduction des prestations
pour négligence grave constitue une telle limitation qui, en l'absence
de base légale, devait déjà être considérée en 2002 comme une restriction
inadmissible.

    4.5  En conclusion, la réduction prononcée par la recourante, tant
sous l'angle de la LPGA que sous l'ancien droit, n'était pas justifiée. Il
s'ensuit que le recours est mal fondé.